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Noris Elina

La « médiation sensible » au musée est-elle une source d’émerveillement ? Vers une approche sensible de la réception

 




 Résumé

Cet article traite des différentes dimensions de l’émerveillement dans le contexte muséal, en particulier du potentiel de l’émerveillement au musée pour créer des liens sociaux et redéfinir la médiation. Les musées sont des contextes spécifiques d’émerveillement qui offrent des expériences uniques qui nous connectent au monde. L’analyse, centrée sur les musées de beaux-arts, vise à identifier les conditions favorisant l’émerveillement au musée et à observer l’intégration du corps et des émotions dans la médiation muséale ainsi que l’impact de l’espace muséal sur les visiteurs. En mettant en lumière ces aspects, l’article discute des critiques formulées à l’égard de l’approche expérientielle et explore le potentiel des médiations sensibles pour instaurer de nouveaux rituels muséaux centrés sur le bien-être.

Mots-clés : médiation culturelle, expérience, émotions, musée, care

 Abstract

Is sensory mediation in Museums a source of wonder ? Toward a sensory approach to reception

This article discusses the different dimensions of wonder in the museum context, in particular the potential of wonder in the museum to create social bonds and redefine mediation. Museums are specific contexts of delight, offering unique experiences that connect us to the world. The analysis, focused on art museums, aims to identify the conditions that foster wonder in the museum, and to observe the integration of the body and emotions in museum mediation, as well as the museum’s impact on visitors. By highlighting these aspects, the article discusses the criticisms levelled at the experiential approach and explores the potential of sensitive mediations to establish new museum rituals centred on well-being.

Keywords : cultural mediation, experience, emotions, museum, care

 Introduction

Depuis leurs origines, notamment à travers les cabinets de curiosités apparus à la Renaissance, les musées ont été associés à une expérience d’émotion esthétique et de fascination (Varutti, 2020). Cette tradition s’est particulièrement développée dans les musées des beaux-arts, qui invitent à la contemplation et à l’admiration des œuvres, dans une posture marquée par l’idée d’élévation du goût et de formation du regard. (Dehail, 2019) Les institutions muséales sont conçues pour présenter des collections qui peuvent susciter l’admiration des visiteurs. Toutefois, aujourd’hui, l’expérience muséale va au-delà de la simple contemplation, elle cherche à immerger le visiteur dans une expérience sensorielle et émotionnelle profonde (Lebat, 2022). Dans cette quête d’émerveillement, les musées deviennent des espaces de rencontre où l’on tisse des liens avec l’œuvre, avec soi-même et avec les autres. Mais quelles sont les conditions qui favorisent l’émerveillement au musée ? Comment la médiation muséale intègre-t-elle les émotions dans ses actions ?

Les émotions jouent un rôle central dans la visite d’une exposition : la compréhension et la construction de sens au musée s’accompagneraient d’émotions positives (Schmitt, 2022). Parmi les modes d’adresse au public de la médiation muséale, l’approche affective invite à l’identification ou à la projection dans une situation mettant l’émotion au centre de la visite (Chaumier, Mairesse, 2023 : 291). Dans cette dynamique, la « médiation sensible » (ICOM-CECA, 2022) émerge, cherchant à stimuler les sens et à créer des expériences émotionnelles pour les visiteurs. Les médiations dites sensibles constituent ainsi de nouveaux ’rituels’ du musée, cherchant parfois à faire vivre une expérience singulière, y compris dans une volonté de « bien-être au musée » (Mindful Art Experience, s.d. ; Guirec, Musée Camille Claudel, 2024). Pourtant, l’engouement pour l’expérientiel au musée n’est pas exempt de critiques.

Cet article s’inscrit dans une démarche exploratoire, il vise à interroger les effets potentiels de certaines formes de médiation dites « sensibles » sur l’expérience des publics, en particulier sur l’émergence de l’émerveillement lors de la visite muséale. L’objectif est de proposer des pistes de compréhension et d’analyse des conditions dans lesquelles les médiations sensibles peuvent possiblement susciter des formes d’émerveillement.

Il s’appuie sur deux corpus complémentaires : un état de la littérature consacrée aux médiations sensibles, aux expositions, aux émotions et aux sens au sein des musées, permettant de construire un cadre théorique pour appréhender les différentes dimensions du sujet, d’une part ; les résultats d’une « recherche-action » (Liu, 2021) menée dans le cadre d’un stage de trois mois (septembre à novembre 2023) au sein du Pôle muséal de Mons (Belgique), et plus particulièrement au Musée des Beaux-Arts de Mons (BAM), d’autre part. Cette expérience professionnelle, a permis de développer une ’boîte à outils’ de médiation sensible pour l’exposition « Auguste Rodin. Une renaissance moderne » (13 avril au 18 août 2024) au BAM.

Dans un premier temps, nous reviendrons sur les apports théoriques et conceptuels relatif à la notion d’émerveillement dans le contexte muséal, afin d’en comprendre les conditions d’émergence. Cette partie permettra également de situer la médiation sensible comme une modalité spécifique d’interaction avec les publics. Dans un second temps, nous analyserons comment les médiations sensibles, à travers différents dispositifs et postures professionnelles, peuvent contribuer à susciter l’émerveillement.

 Approche de l’émerveillement dans les musées : apports théoriques et pistes d’observation

Cette première partie a pour objectif de poser les repères conceptuels relatifs à la notion d’émerveillement dans le contexte muséal, en s’appuyant sur une revue de la littérature mobilisant notamment les champs de la muséologie. Elle s’enrichit également de premières analyses issues de retours d’expériences et d’observations, qui permettent d’éclairer certaines dimensions sensibles de la visite au musée.

Le lieu muséal comme un espace extraordinaire

Le musée peut être un lieu qui encourage au calme et à la contemplation. François Mairesse (2014 : 14) le compare même à un temple, l’expérience de visite peut alors être rapprochée de celle de la méditation. Cette atmosphère favorise la sensibilité du visiteur, l’aidant à se reconnecter à ses sensations et pensées. Le lieu encourage l’introspection et explore l’interaction entre l’environnement et la vie intérieure (Idema, 2015).

Le musée peut avoir un aspect sécuritaire, par la présence des agents d’accueil, et sécurisant : on entre alors dans une atmosphère protégée et protectrice, liée à la conservation des objets. Cela peut permettre d’adopter une attitude relâchée qui autorise des expériences différentes (Labbé, 2021 : 42), mais aussi rendre le lieu intimidant pour le visiteur, qui peut ressentir une surveillance constante de ses faits et gestes.

Ce caractère intimidant peut être associé au white-cube, un grand espace d’exposition blanc neutre. Cette blancheur détache les œuvres de leur contexte originel et contribue à donner l’impression d’un espace-temps particulier. Elle peut aussi donner une impression de pureté, associée à un lieu d’isolement stérile, tel que les salles blanches industrielles ou pharmaceutiques. Ce white-cube contribue alors à générer un comportement vis-à-vis de l’art et n’incite pas le visiteur à entrer en contact avec les œuvres (Idema, 2015).

En outre, les musées peuvent constituer des atmosphères extraordinaires par leurs architectures, certains réhabilitent d’anciens monuments historiques ou sites industriels tandis que d’autres sont situés dans des bâtiments spécifiquement construits dans le but d’être des musées. Ces espaces singuliers peuvent offrir une expérience dépaysante aux visiteurs, leur permettant de sortir de leur quotidien (Labbé, 2021 : 15). En tant que lieu d’altérité, le musée peut notamment abriter et favoriser l’imaginaire en exposant des représentations d’autres cultures et territoires (Mairesse, 2022 : 303).

Le musée, espace hors de la vie ordinaire, et hétérotopie au sens de Michel Foucault (2004), invite le visiteur à ralentir et à s’immerger dans une temporalité et une spatialité distinctes du quotidien. Cette rupture est matérialisée par le « seuil muséal  » (Schall, 2015), à la fois physique et symbolique, qui joue un rôle clé dans cette transition. Le lieu muséal influence l’engagement corporel des visiteurs (Lebat, 2022) : en entrant dans un musée, le visiteur adopte généralement un comportement codé ; il est silencieux ou baisse la voix, il ralentit le pas, il adopte un regard contemplatif (Labbé, 2021). La naissance des musées est indissociable d’un travail sur les corps et d’une volonté de réformer les mœurs : déambuler dans de vastes galeries où sa propre conduite est surveillée par les gardiens et exposée aux regards des autres visiteurs. Cela engendre des comportements fondés sur le contrôle des sens, voire une négation de ceux-ci à l’exception de la vue (Dehail, 2019).

La visite-conférence s’adresse avant tout au cerveau, parce que l’art est d’abord une chose mentale témoignant de la suprématie de l’esprit sur le corps (Antoine-Andersen, 2021). Véronique Antoine-Andersen (2021) propose d’intégrer le corps du visiteur dans l’expérience artistique, en mettant l’accent sur le développement des capacités d’attention pour revitaliser leur relation à l’art. Ainsi, le corps, en interaction avec l’esprit, joue un rôle actif dans la perception esthétique, influençant la réceptivité artistique et contribuant à la compréhension du monde et de l’art.

Quelles sont les conditions de l’émerveillement au musée ?

Si l’émotion au musée fait l’objet d’un nombre croissant de recherches dans les champs de la muséologie (Varutti, 2020), l’émerveillement, en tant qu’émotion spécifique, demeure peu théorisé dans la littérature scientifique. Il apparaît parfois de manière ponctuelle dans certains travaux cités ci-dessous, sans toutefois faire l’objet d’une définition stabilisée ou d’un traitement conceptuel approfondi. La présente réflexion se propose ainsi de contribuer à combler cette lacune en articulant cette notion avec celle de médiation sensible.

Dans cet article, le terme « émerveillement » est employé pour désigner une émotion caractérisée par un sentiment d’étonnement, d’admiration et de curiosité qui émerge lors de la rencontre avec les œuvres, les objets ou l’environnement muséal. Cet état d’émerveillement dans le contexte muséal survient lorsque le visiteur est plongé dans une expérience corporelle (Lebat, 2022), émotionnelle et cognitive (Frogett, Hacking, Poursanidou, Sagan, 2011 dans Labbé, 2021 : 30) extraordinaire en raison du caractère remarquable d’un lieu, d’un objet, d’une exposition.

Si l’on suit une lecture interprétative des musées d’art, on peut formuler l’hypothèse que l’émerveillement esthétique y est convoqué à travers une rencontre avec la beauté, censée susciter une admiration quasi universelle (Pomian, 1988). Cette conception guide certains dispositifs, où la contemplation d’œuvres aurait pour fonction de développer une éducation du goût (ibid.). Cependant, cette vision élitiste du musée d’art a été largement remise en question dès la publication de La Distinction par Pierre Bourdieu en 1979. Il critique l’idée d’une appréciation universelle du beau, soulignant que les musées, en tant qu’institutions, participent à la reproduction des inégalités culturelles en valorisant un idéal esthétique. Cette critique pousse à repenser le rôle des musées des beaux-arts et à reconnaître que l’émerveillement peut émerger de diverses émotions et expériences.

L’émerveillement dans le contexte muséal ne se limite pas à une réaction esthétique ou à une immersion passive dans un dispositif spectaculaire. Il s’agit d’un ressenti, où le visiteur, à travers ses propres dispositions et interprétations, établit une connexion singulière avec le contenu et l’espace muséal. Il peut découler d’une diversité d’émotions telles que la surprise, la joie, l’admiration, le questionnement, ou même la peur, qui peuvent être mobilisées au sein des expositions (Sander, Varone, 2011). Cette approche de l’émerveillement reflète une transformation profonde de la mission des musées, les éloignant de la seule contemplation esthétique pour en faire des lieux de découverte et d’engagement personnel.

Dans les musées contemporains, l’émerveillement ne résulte plus seulement de la contemplation esthétique, mais peut être déclenché par une stimulation sensorielle qui capte l’attention du visiteur. L’engagement des émotions et des sens dans les médiations sensibles est envisagé par les chargé·e·s de médiation rencontré·e·s (dans le cadre de ma recherche-action) comme une manière d’enrichir l’expérience muséale. Cette intention, récurrente dans les échanges informels et les documents préparatoires de l’exposition Rodin, traduit une volonté institutionnelle de proposer des dispositifs plus sensibles et accessibles, au-delà de la simple transmission d’informations.

La médiation sensible, telle qu’elle est abordée dans cet article, s’inscrit dans un ensemble de pratiques muséales qui ont évolué depuis les années 1990. Cette période marque un tournant dans la muséologie, avec une attention accrue portée à l’expérience sensorielle et émotionnelle (Crenn, Vilatte, 2020) des visiteurs. Noémie Drouguet (2005) met en lumière l’émergence de dispositifs où l’engagement des sens et l’immersion deviennent centraux. La muséographie d’ambiance ou d’immersion engage les sens et le corps des visiteurs par les sons, les odeurs et la lumière de façon émotionnelle et sensorielle (Ibid.). En intégrant différentes expériences sensorielles, les musées peuvent créer des environnements engageants qui permettent aux visiteurs d’explorer et d’apprécier les expositions. Cela peut contribuer à rendre l’expérience muséale plus mémorable et susciter l’émerveillement, l’enchantement ou la fascination [1] chez les visiteurs, en les invitant à s’impliquer de manière plus significative avec le contenu muséal (Chaumier, 2018 : 27‑54).

Les expositions interactives ou immersives adoptent souvent un langage similaire au monde du divertissement (Drouguet, 2005). Lorsqu’il est immergé, le visiteur ressent des émotions intenses, ce qui altère sa perception critique du contexte et transforme son rapport au temps (Casula, 2023). Mais contrairement à une immersion purement ludique ou à une suspension volontaire de l’incrédulité telle qu’elle caractérise la notion d’enchantement selon Yves Winkin (2002), l’émerveillement au musée peut reposer sur une dynamique active et réflexive. Il ne s’agit pas simplement de s’immerger dans un univers préconçu, mais bien de favoriser une expérience où les visiteurs interagissent avec l’espace muséal, les objets et leurs propres émotions.

Les acteurs de la médiation muséale, conscients des travers que peuvent présenter des approches immersives ou spectaculaires, cherchent à créer des conditions d’émerveillement qui engagent les sens tout en respectant la liberté interprétative des visiteurs, comme j’ai pu l’observer lors de plusieurs visites et échanges avec des professionnels dans le cadre de ma recherche-action [2]. À partir de ces critiques sur l’immersion, la médiation sensible s’est développée comme une réponse plus nuancée. Elle ne semble pas viser uniquement à séduire par l’immersion, mais à cultiver des expériences réflexives, où les visiteurs restent libres de construire leurs propres interprétations en mobilisant à la fois leurs sens et leur esprit.

 Méthodologie

L’analyse qui suit propose une articulation entre réflexion théorique et expérience située, en explorant comment les dispositifs sensibles observés peuvent (ou non) favoriser des expériences d’émerveillement. La méthodologie détaillée ci-dessous précise les étapes, les modalités de participation, ainsi que les outils mobilisés lors de cette démarche.

TempsCadre institutionnelMéthodologieMatériaux collectés et sourcesApports à la recherche
Atelier « Tapas une idée… pour vivre l’art au musée autrement ? »(juin 2023) Musée L, Louvain-la-Neuve Observation participante Notes de terrain, échanges informel Introduction aux médiations sensibles, rencontre de professionnels, inspiration pour boîte à outils
Stage (septembre à novembre 2023) Pôle muséal de Mons Recherche-action Entretiensinformels, retours d’équipe,recherches Élaboration de la boîte à outils et mise enœuvre demédiations sensibles, échanges de réflexionsavec des professionnels
Analyse de pratiques dans d’autres institutions(depuis septembre 2023) Musées en Wallonie : Musée L, Musée royal de Mariemont, Musée d’Ixelles, … Visites libres et guidées, entretiens informels Notes d’observation, documentation institutionnelle Identification de tendances et de la diversité des dispositifs sensibles
Veille et participation à des événements(depuis septembre 2023) Caring Museum Cafés par Mindfull Art Observation non participante Comptes rendus, supports partagés et publications scientifiques Actualisation des connaissances et veille sur les pratiques
Forum de la médiation culturelle 2024
Festival de la Muséologie 2024

Le Pôle muséal de Mons englobe douze musées et lieux d’expositions gérés par la Ville de Mons, dont le Musée des Beaux-Arts qui y a développé une offre de visites dites sensibles entre mai et juin 2024 à l’occasion de l’exposition dédiée à Rodin. Celle-ci revient sur le passage de l’artiste en Belgique entre 1871 et 1877 ; elle se focalise sur l’exploration de l’inspiration de l’artiste pour la Renaissance.

Dans le cadre de ce projet, j’ai été chargée de construire une ’boîte à outils’ de médiations sensibles avec du contenu pour la formation des guides prestataires de l’exposition Rodin. Cette boîte à outils devait permettre une adaptation constante dans la construction du projet, agissant comme une aide à la décision pour améliorer les actions menées par l’équipe de médiation.

De manière concrète dans cette boîte à outils ont été recensées des pratiques de médiation sensible mises en œuvre dans différents musées et un état de l’art sur le sujet a été réalisé. Ensuite, ont été proposé une série d’exercices de médiation sensible inspirés par des écrits sur la méditation de Steven Laureys (2019, 2022) et Christophe André (2011) ainsi que par des outils pédagogiques de médiation muséale (Baltieri, 2021 ; Rasseaux, Roisin, 2019).

La conception de cette boîte à outils a été alimentée par une diversité de lectures couvrant la muséologie, l’esthétique, des initiatives culturelles menées dans d’autres institutions, des pratiques spécifiques, ainsi que des ouvrages sur les sens et les sensorialités (Pichet, Kluge, 2023), entre autres. Le processus de conception a été documenté systématiquement, incluant un journal de bord et la prise en compte des retours des participants.

Le contenu de cette boîte à outils a servi à l’institution pour appuyer les projets de médiation sensible des expositions à venir et le contenu du prochain plan quinquennal dans le cadre du renouvellement de la subvention du Pôle muséal en 2025. Une perspective d’avenir de la Cellule de médiation est le développement des visites sensibles au Musée des Beaux-Arts et dans d’autres musées qui s’y prêtent.

Au préalable du stage, l’atelier « Tapas une idée… pour vivre l’art au musée autrement ?  » au Musée L, musée universitaire de Louvain-La-Neuve (UCLouvain), organisé par l’association Musée et Société en Wallonie, a permis de se former sur la question. Lors de cette journée, j’ai eu l’occasion d’expérimenter une visite sensorielle menée par Muriel Damien (historienne de l’art à l’UCLouvain et chargée de missions au Musée L) à l’initiative du projet « Art en Corps ».

Les exemples présentés sont enrichis par des observations réalisées lors de visites sur le terrain, incluant des formations professionnelles, des entretiens informels, la participation à des visites guidées et des conférences ou webinaires [3] majoritairement sur le territoire wallon de la Belgique francophone.

 La médiation sensible comme vecteur d’émerveillement

Un discours de l’expérientiel émerge au sein de la mission éducative des musées au travers de la médiation sensible qui intègre de nouvelles pratiques dans le secteur muséal. Ces initiatives accompagnent une émulation dans les pratiques et dans la recherche muséale (Mindful Art Experience, s.d.). Les médiations sensibles, qui suscitent un intérêt croissant dans la conception des dispositifs de médiation, peuvent constituer un levier prometteur pour susciter l’émerveillement des visiteurs au-delà de la seule dimension esthétique.

Définir la médiation sensible : origines et enjeux

La médiation sensible appartient aux nouvelles pratiques de médiation actuelle en Belgique et ailleurs. Il s’agit d’aller vers d’autres supports que les supports classiques de visite (textes, audioguides, visites guidées traditionnelles,…) (Masuy, Van Genechten, 2021 : 59). La démarche remet en cause la visite guidée monologuée traditionnelle qui vise la transmission d’informations purement théoriques (Chaumier, Mairesse, 2023 : 282‑283). Cette sollicitation des publics s’inscrit dans une évolution des pratiques muséales (Guirec, 2024) amorcée dès les années 1990 et renforcée dans les années 2010 avec des initiatives comme Museomix, qui ont introduit des formes de médiation participatives et collaboratives (Molinier, 2020). Ces événements, impliquant des participants aux profils variés, visent à repenser les dispositifs muséaux et à favoriser une réappropriation du patrimoine. Comme l’observe Muriel Molinier (2020), les dispositifs de médiation tendent vers le ludique, le spectaculaire, le numérique, l’immersif et le participatif pour développer les publics. Au fil de mes recherches, visites et rencontres avec le personnel des musées wallons, j’ai constaté une véritable émulation autour de ces pratiques.

La médiation sensible se réfère à une approche muséale axée sur l’expérience sensorielle et émotionnelle des visiteurs (Deramond, Pianezza, 2020). Plutôt que de se concentrer uniquement sur la transmission d’informations par des panneaux explicatifs ou des commentaires, la médiation sensible vise à stimuler les sens et à créer une expérience immersive et émotionnelle (Grassin, 2022). La médiation sensible constitue un outil pour repenser les relations entre les visiteurs, les institutions et les objets exposés, en tenant compte des différences et des besoins spécifiques de chacun (Lebat, 2018). Les initiatives de médiation sensible prennent différentes formes avec différents degrés d’implication du visiteur. Il peut s’agir d’intégrer les sensorialités (cinq sens et synesthésie) dans la muséographie d’une exposition, de créer un espace calme dédié à la détente tel que le MoMA [4], de proposer des Slow Visits [5] comme au Fond régional d’art contemporain de Besançon (Antoine-Andersen, 2021), de faire de la muséothérapie (Labbé, 2021) et dans cette optique, penser le musée comme lieu de soin conformément au concept de « caring museum » (Guirec, 2023). En mobilisant les sens dans la médiation, les musées permettent de réveiller des souvenirs et des émotions profondes, favorisant une connexion plus intime avec les œuvres et les espaces. Julie Deramond et Nolwenn Pianezza (2020) illustrent cet aspect dans leur analyse des visites guidées qui intègrent l’odorat, montrant comment les éléments sensoriels peuvent enrichir et personnaliser l’expérience du visiteur.

Les propositions de médiations sensibles sont mises en place depuis les années 1990 avec l’intégration de maquettes tactiles, de sculptures, de moulages dans les expositions. Dès les années 2000, les musées élargissent l’accessibilité en proposant des ateliers avec des manipulations tactiles à destination du public en situation de handicap (Grassin, 2022). Depuis les années 2010, les musées expérimentent des médiations multisensorielles (Howes, 2010). Si au début les dispositifs sensoriels étaient destinés à des publics spécifiques, aujourd’hui, la médiation sensible vise à inclure une diversité de publics (Grassin, 2022). Par exemple, l’exposition intitulée « L’Art et la Matière, prière de toucher  » a été construite par cinq musées des beaux-arts français (Lyon, Nantes, Lille, Rouen, Bordeaux) qui ont mis en commun des reproductions d’œuvres de leurs collections. Ces fac-similés offrent la possibilité d’une contemplation tactile de chefs-d’œuvre de l’Antiquité au XXe siècle [6] (Musée des Beaux-Arts de Rouen, 2022).

La médiation sensible peut jouer un rôle dans la création d’expériences muséales qui suscitent l’émerveillement chez les visiteurs. Elle invite à créer une expérience qualitative et émotionnelle particulière en profitant de l’environnement muséal. L’hétérotopie du musée y est favorisée en profitant de la rupture avec la réalité quotidienne (Schall, 2015).

Une médiation engageant le sensible et les émotions

Les médiations sensibles ne sont pas dénuées d’engagement face aux enjeux de société. Au sein des musées, elles ne se limitent pas à une approche purement esthétique ou sensorielle, elles répondent à la crise de l’attention qui caractérise notre époque, où la surcharge d’informations et les distractions constantes rendent difficile la focalisation sur des expériences profondes et significatives (Antoine-Andersen, 2021). Cette évolution s’inscrit dans le tournant émotionnel de la muséologie, comme le soulignent Gaëlle Crenn et Jean-Christophe Vilatte (2020), pour qui les émotions constituent désormais un vecteur essentiel d’interprétation dans les expositions, en connectant les visiteurs aux problématiques culturelles, sociales et politiques abordées.

Cette crise s’inscrit dans le cadre plus large de « l’accélération technique », concept théorisé par Hartmut Rosa (2012), qui désigne l’augmentation continue de la vitesse et de la productivité dans la modernité. Cette accélération, qui permet initialement un gain de temps, n’est plus perçue comme une force libératrice, mais comme une pression, générant une aliénation marquée par une déconnexion et une absence de relation authentique au monde. En réponse à cette aliénation, Hartmut Rosa développe le concept de « résonance », qui est une forme de relation et une façon de s’inscrire dans le monde avec une posture d’écoute et de réceptivité active (Rosa, 2021).

Dans cette perspective, les médiations sensibles peuvent être interprétées comme une réponse à l’accélération contemporaine. Elles peuvent favoriser des expériences de « résonance », où le visiteur est encouragé à établir une relation profonde et attentive avec le contenu muséal [7] (Tasiaux, 2024 : 74-76). Cette idée trouve un écho dans des situations observées sur le terrain, notamment lors des « visites sensorielles et intuitives » réalisé durant l’exposition Rodin au Musée des Beaux-Ars de Mons. Ces dispositifs cherchent à contrer la tendance à la distraction en créant des espaces propices à l’écoute, à la réappropriation du temps et de l’attention. En encourageant les visiteurs à ralentir, à observer attentivement et à se connecter avec leurs sens, les médiations sensibles favorisent une forme d’attention soutenue et intentionnelle (Antoine-Andersen, 2021). Elles permettent aux individus de se détourner momentanément de l’agitation extérieure pour se concentrer sur l’expérience sensorielle qui leur est proposée au sein du musée.

Les projets de médiation sensible partent du constat de la crise de la sensibilité à l’art suite au constat de réduction du temps passé devant une œuvre au musée d’art, mais également de la crise de la sensibilité envers le vivant (Antoine-Andersen, 2021). Le but de la médiation sensible est de réduire l’incompréhension face à l’œuvre d’art. Cette insensibilité s’apparente à la « non-rencontre » ou la « fausse rencontre » esthétique face à l’art contemporain (Morizot, Zhong Mengual, 2018 : 75). L’approche sensorielle met l’accent sur la relation entre une œuvre et un individu, ce qui correspond à « l’esthétique de la rencontre » (Morizot, Zhong Mengual, 2018 : 81) ou « l’esthétique relationnelle » (Bourriaud, 2001). Ces propositions viennent enrichir une pluralité des relations à l’art grâce à l’expérience sensorielle. Elles permettent aussi de comprendre tout ce qui est mobilisé dans la perception d’une œuvre d’art : la sensation, le cognitif, la mémoire, les expériences vécues, l’attention esthétique (Antoine-Andersen, 2021).

Certaines approches tentent de renouer avec l’émotion esthétique au sens premier de l’empathie esthétique. Celle-ci désigne la relation qu’un sujet (visiteur) peut entretenir avec un objet, une œuvre d’art, le monde environnant (Caliandro, 2004). Dans l’expérience, c’est le rapport à l’œuvre qui importe et non pas l’œuvre elle-même (Chaumier, 2018 : 52).

Les projets de médiation sensible, intégrant les sens dans la muséographie pour réduire l’incompréhension de l’art, font partie de la muséologie des émotions. Cette approche explore comment les musées peuvent susciter des réponses émotionnelles et concevoir des expositions pour créer des expériences significatives, en établissant une connexion émotionnelle entre les œuvres et les visiteurs, et en soulignant l’importance des émotions pour l’apprentissage et l’engagement (Varutti, 2020).

Certaines propositions, comme le slow looking ou slow art, visent à prolonger la contemplation d’une œuvre. Véronique Antoine-Andersen (2019) a développé la « Cérémonie du regard », une visite-performance guidée centrée sur deux à trois œuvres, où les visiteurs participent à des exercices visuels et dialoguent avec les œuvres. Ce protocole, axé sur le ralentissement, offre aux participants une expérience holistique et immersive en interaction avec les œuvres [8] (MAC VAL, 2023).

Un grand nombre d’institutions ont introduit des séances de méditation en présence d’œuvres d’art dans les musées, une pratique qui a émergé principalement durant le confinement de 2020. Les vidéos, publiées pendant cette période, visaient à répondre au besoin accru de soutien au bien-être mental du public. Par exemple, la National Gallery a mis en ligne des méditations guidées, tandis que Marjan Abadie (psychothérapeute fondatrice de l’Institut Mindfulness et de la méthode Mindful Art Experience) a proposé des expériences d’art en pleine conscience. Les séances invitent à se concentrer sur la respiration puis à guider son regard sur une œuvre. C’est l’œuvre qui est véritablement au centre de l’attention : Marjan Abadie propose aux participants d’imaginer le sentiment de tel ou tel personnage, la texture d’une étoffe, etc. Cela permet à chacun de s’approprier l’œuvre et se projeter : c’est l’empathie esthétique. Le musée est alors envisagé comme espace de ressourcement et de disponibilité pour l’émotion (Abadie, 2023).

La médiation sensible favorise l’apprentissage expérientiel en incitant les visiteurs à tirer des conclusions et à faire des connexions personnelles. Plutôt que de simplement transmettre des informations, elle les encourage à explorer, expérimenter et découvrir. Si l’un des objectifs de ces dispositifs peut être de favoriser l’émerveillement, notamment en suscitant des découvertes personnelles significatives, il convient toutefois de distinguer cette intentionnalité de ce qui est effectivement vécu par les publics. L’émerveillement, en tant qu’expérience subjective, ne peut être présumé ; il doit être documenté à partir de la réception elle-même, par exemple à travers des récits de visite, des observations de terrain ou des retours verbalisés.

Les médiations passant par le corps intègrent les médiations sensibles mais elles ne s’y réduisent pas. L’attention portée au corps invite les musées à travailler avec des partenaires spécialistes comme des danseurs, artistes de la performance, professeurs de yoga. Dans cet ordre d’idées, un partenariat est né entre l’association Mouvance et le service de médiation du Musée royal de Mariemont (Belgique). Après plusieurs stages de recherche-action avec des enfants de 3 à 5 ans, il a abouti à un outil de médiation édité : « Ricochet, pour que les enfants et les adultes qui les accompagnent s’approprient le musée  » (Rasseaux, Roisin, 2019). Il s’agit d’une quarantaine de cartes qui proposent des activités dites « impulsions créatives », en passant par le corps lors de visites muséales. C’est une façon d’envisager le musée comme un lieu d’exploration pour les jeunes enfants mais pas exclusivement.

Les exemples mobilisés témoignent de l’importance du musée en tant qu’institution culturelle qui crée également des espaces où les usagers peuvent se rassembler, s’inspirer et se soutenir mutuellement. Cela intègre la conception du musée inclusif du XXIe siècle proposée comme une maison commune définie comme un lieu de partage, où l’on se sent ’comme chez soi’ (Eidelman, 2017 : 122‑125). Il s’agit également de penser le musée comme un lieu de débat ainsi qu’un lieu citoyen qui permet de développer un rapport privilégié au territoire où la convivialité, le respect et le bien-être sont des valeurs centrales (ibid.). Cette approche du musée comme maison commune est développée au Musée d’Ixelles, qui mène une politique participative, illustrée par le projet « Musée comme chez soi », permettant à dix voisins du musée d’exposer des œuvres des collections chez eux le temps d’un week-end (Masuy, 2024 ; Musée d’Ixelles, 2023).

Critiques et limites de la médiation sensible

L’une des dérives potentielles de la médiation sensible réside dans la quête incessante d’innovation et l’attrait d’un public toujours plus large, au détriment de la qualité de l’expérience muséale. Or, ces médiations peuvent se distinguer par leurs qualités. De plus, elles ont souvent lieu avec un nombre réduit de participants.

La médiation sensible appartient à « l’ère de l’expérientiel » décrite par Serge Chaumier (2018 : 27). En effet, comme le décrit l’auteur, les visites sensibles ne s’adressent pas exclusivement à l’intellect du visiteur, elles cherchent à faire sentir, à écouter et à toucher. L’expérientiel fait référence à une approche muséale axée sur l’expérience vécue par le visiteur. Dans ce contexte, l’expérientiel s’oppose à une approche plus traditionnelle des musées, où l’accent est souvent mis sur la transmission unidirectionnelle du savoir. Serge Chaumier (2018) remet en question les pratiques muséales traditionnelles et souligne la nécessité de repenser le rôle des musées dans la société contemporaine. Il invite à une réflexion critique sur les musées comme acteurs engagés et responsables. Il montre que l’approche expérientielle, loin d’être nouvelle, s’inscrit dans une évolution historique, amenant à interroger l’innovation muséale.

Judith Dehail (2019) fait la critique de l’innovation au musée et dans la médiation sensible. En effet, dans une recherche constante de fidéliser et d’attirer les publics, les institutions culturelles se trouvent dans une course constante à l’innovation. Depuis les années 1980, le recours au « marketing expérientiel » et au « marketing sensoriel » suscite un intérêt croissant. L’utilisation de « messages sensoriels » cherchant à solliciter tous les sens est perçue comme un moyen pour une marque de créer une impression mémorable dans l’esprit des consommateurs de manière subconsciente (Dehail, 2019). En effet, la pratique du caring museum peut également intégrer une logique commerciale et consumériste de l’expérience de visite au musée. Afin d’éviter ces écueils, il est essentiel que les propositions soient inclusives et surtout qu’elles soient en adéquation avec les besoins des usagers (Guirec, 2023). Le musée est appelé à se mettre en capacité de faire sentir en répondant à un besoin de la société pour témoigner de son rôle social (Castel, 2022).

L’accent mis sur l’expérience émotionnelle personnelle peut être vu comme une forme d’individualisme, permettant à chaque visiteur d’améliorer sa santé et son bien-être personnel. Il semble essentiel d’orienter les pratiques de bien-être dans une perspective de bien-commun (Brown, 2019). Le musée du care apporte une dimension précieuse d’émerveillement et de connexion personnelle qui peut permettre de ne pas perdre de vue l’importance des interactions collectives et des responsabilités sociales des musées. En trouvant un équilibre entre expériences individuelles et collectives, les institutions peuvent devenir des lieux où l’expérience personnelle enrichit la compréhension collective et vice versa.

Bien que les approches sensibles et participatives semblent répondre à des enjeux contemporains, elles s’inscrivent dans une réflexion plus ancienne sur le rôle social des musées. François Mairesse (2023) souligne que les débats sur la mission sociale des musées ne sont pas nouveaux, mais connaissent des cycles d’intensité au fil des crises économiques. Ainsi, les pratiques actuelles, mettant l’accent sur l’émotion et la sensorialité, s’inscrivent dans une évolution continue des responsabilités sociales des musées. Cette perspective historique rappelle que les musées ont toujours été des espaces d’éveil critique et de connexion sociale, adaptant leurs approches aux transformations de la société.

Devant ces pratiques, il devient nécessaire d’évaluer la réception des visiteurs pour comprendre plus en profondeur les effets des initiatives axées sur le bien-être dans les musées. Qui bénéficie de ces visites ? Ont-elles un effet sur le long terme ? Comment les équipes de médiation créent-elles une atmosphère bienveillante et propice à l’écoute ? Qu’est-ce qui en découle dans la perception du musée par le public ?

Une attention significative est accordée à l’écoute des publics dans les médiations sensibles. Les visites sensibles sont souvent suivies d’un temps d’échange (Audet, Renoux, 2017) avec les participants parfois autour d’un café. Cela permet à tout le monde de partager ses impressions sur l’expérience vécue, cela contribue à créer une atmosphère conviviale de confiance et d’écoute. Bien entendu, cela permet également d’évaluer l’action culturelle menée pour les organisateurs. Dans ces contextes, la fonction du médiateur ne se limite pas à la simple transmission des contenus, mais réside plutôt dans la mise en place d’une situation propice à l’écoute et aux partages, par le biais de compétences en animation et de la sollicitation active du public. Cela demande l’acquisition de compétences spécifiques pour assurer une prise en charge adéquate des publics (Guirec, 2023). Ces échanges donnent lieu à une logique relationnelle au musée, où le médiateur adopte la posture du facilitateur, il met en place une atmosphère bienveillante d’écoute favorisant la participation de tout un chacun. Cela témoigne d’une évolution des actions de médiation qui se résument de moins en moins à la transmission de contenu mais plutôt à la mise en relation (Chaumier, Mairesse, 2023).

 Conclusion et perspectives

Cette évolution du tournant sensible représente un effort pour impliquer davantage le visiteur et donner une importance aux sensorialités. Elle influence la vocation des espaces muséaux et entraîne des changements dans les pratiques, nécessitant une implication de l’ensemble de l’organisation muséale.

Ces initiatives contribuent à l’émergence de l’ère « post-médiation » (Eidelman, 2017), où la relation humaine est placée au centre de l’action culturelle, dépassant ainsi la simple transmission de connaissances. La démarche cherche à éveiller la sensibilité, les émotions, l’ouverture à soi-même et à l’altérité chez le visiteur (Eidelman, 2017 : 114‑119). Pour Jacqueline Eidelman, cette transition vers la post-médiation représente un changement fondamental pour l’institution. Le modèle traditionnel, où l’expert transmet le contenu à un public apprenant, évolue vers un modèle horizontal impliquant des changements dans l’organisation, la programmation, la structure et la gouvernance de l’institution. Cependant, bien que ce changement soit effectif dans certains projets de médiation spécifiques, il n’a pas encore touché l’ensemble de l’institution.

Les médiations dites sensibles sont conçues pour permettre aux visiteurs de s’extraire du quotidien et créer des conditions propices à une expérience de résonance. Il est possible de formuler l’hypothèse que l’émerveillement éprouvé au musée pourrait alors jouer un rôle dans la création de liens interpersonnels et dans le développement d’un sentiment d’appartenance. Lorsque les visiteurs sont touchés par ce qu’ils voient, cela pourrait, en théorie, favoriser des conversations, des échanges d’idées ou encore des partages d’émotions [9].

Ces médiations sensibles semblent pouvoir tendre vers une vision « post-médiation », où la relation humaine est au cœur de l’action culturelle, ce qui ouvre de nouvelles voies pour le musée en tant qu’institution sociale. Il est essentiel de continuer à questionner et à repenser les pratiques muséales, afin de d’explorer leur potentiel à créer des liens, à promouvoir l’inclusion et à nourrir l’émerveillement chez tous les visiteurs. Dans cette perspective, le musée pourrait devenir bien plus qu’un lieu de conservation en se positionnant comme un véritable foyer de connexions, d’inspirations et de partages pour tous ceux qui franchissent ses portes.

La présente analyse, à l’instar de la littérature dédiée aux médiations sensibles, est centrée sur les musées des Beaux-Arts. Cependant, il convient de souligner que d’autres types de musées, tels que les musées historiques ou de société, mobilisent d’autres émotions ou stratégies de médiation en fonction de leurs objectifs spécifiques. Ces distinctions invitent à élargir la réflexion pour explorer la diversité des expériences proposées par les institutions muséales.

De nombreuses propositions de médiation sensible restent souvent exclusives au monde muséal de l’art avec un attachement à la beauté, à la contemplation, au jugement de goût. L’attitude esthétique est alors présentée comme le modèle idéal de délectation dans un musée d’art. Toutefois, cette prédominance est en grande partie le reflet des recherches qui se concentrent surtout sur les expériences menées dans les musées d’art (Audet, Renoux, 2017 ; Antoine-Andersen, 2021). Il sera nécessaire de mener de nouvelles recherches pour élargir l’analyse des médiations sensibles dans d’autres types de musées. En outre, l’esthétique ne se limite pas à la notion de beauté ; il s’agit également de comprendre pourquoi une œuvre peut susciter du déplaisir, afin de saisir les réactions émotionnelles et intellectuelles qu’elle provoque en nous. Cette démarche encourage une meilleure connaissance de soi et une compréhension approfondie du monde. Les formes de médiation sensible contribuent à renforcer l’autonomie des visiteurs en les incitant à explorer non seulement les œuvres d’art, mais également leur propre intériorité.

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Notes

[1] Ces effets peuvent se distinguer ainsi : L’émerveillement est historiquement lié aux origines des musées et cabinets de curiosités, visant à susciter la surprise et l’étonnement (Varuti, 2020). La fascination est un concept utilisé dans le cadre de la théorie des environnements restaurateurs (restorative environment) ; il s’agit d’une qualité de l’expérience qui maintient l’intérêt sans effort, favorisant le bien-être et la restauration cognitive (Labbé, 2021)

[2] Ce constat s’appuie sur les observations réalisées au cours de ma participation à différentes visites guidées, formations professionnelles et conférences, où les professionnels de la médiation exprimaient une volonté de proposer des expériences sensibles sans imposer une lecture des œuvres.

[3] Les webinaires « Caring Museum Café » par Mindfull Art Experience, le 8 avril 2024 avec Stéphanie Masuy du Musée d’Ixelles et le 6 mai 2024 avec Zéo Guirec, responsable du Service des public pour la Ville de Fougères ; la table-ronde « L’accélération muséale » au Festival de la Muséologie organisé par l’association Métis (24 et 25 mai 2024), Paris ; Forum de la médiation culturelle (26 juin 2024), « La médiation dans tous les sens », Liège.

[4] Voir sur MoMA (s. d.), Slow Looking | MoMA, [en ligne] https://www.moma.org/calendar/programs/207, (1 mai 2024).

[5] La démarche Slow looking est une manière de découvrir une œuvre d’art en lui accordant du temps afin de pouvoir s’en imprégner et créer une relation intime avec elle. La proposition invite à se mettre à l’abri du rythme effréné de la vie moderne et de prendre le temps Raskin Simone, Youtube : Slow looking  : ou l’art de regarder | Simone Raskin | TEDxBordeaux, [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=DGR5Ex_SbzY (28 septembre 2023).

[6] Voir Le sens de la visite, (2022), « Prière de toucher au Musée des Beaux-arts de Rouen », Saison 2 épisode 34, [en ligne] https://www.podcastics.com/podcast/episode/priere-de-toucher-au-musee-des-beaux-arts-de-rouen-132466/ (5 mai 2024). 

[7] Bien que cette interprétation des médiations sensibles ne soit pas explicitée par les praticiens ou les théoriciens, elle s’inscrit dans une réflexion plus large sur la manière dont ces actions peuvent offrir des contrepoids à l’aliénation moderne et d’autres formes d’actions culturelles.

[8] Cette initiative fait partie du programme culturel 2023-2024 du Musée d’art contemporain du Val-de-Marne (MAC VAL, 2023).

[9] À ce stade, ces affirmations relèvent d’un positionnement hypothétique construit à partir des intentions exprimées par les professionnel.le.s de la médiation rencontré.e.s et de quelques observations informelles. Une étape future consisterait à recueillir des données plus systématiques (verbatims, entretiens, observations prolongées) pour évaluer de manière empirique l’impact social des médiations sensibles sur les publics.

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-Critique esthétique et critique sociale dans la philosophie de John Dewey, par Lontrade Agnès

Pour citer l'article


Noris Elina, « La « médiation sensible » au musée est-elle une source d’émerveillement ? Vers une approche sensible de la réception », dans revue ¿ Interrogations ?, N°40. L’émerveillement : de l’émotion individuelle au geste social, juin 2025 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/La-mediation-sensible-au-musee-est (Consulté le 12 juin 2025).



ISSN électronique : 1778-3747

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