Tout au long de l’histoire, la contemplation des étoiles a émerveillé maints curieux du ciel, dont le philosophe et sociologue Hartmut Rosa. Que peut justement nous dire sa « théorie de la résonance » sur l’émerveillement rencontré lors de soirées d’observation publiques, organisées à Paris par une association d’astronomie amateure ? Après une réflexion introductive sur les termes ‘sidération’, ‘fascination’ et ‘enchantement’, l’article examine le déroulement d’une soirée à travers les notions d’« atteignabilité » et d’« indisponibilité », proposées par Rosa dans son ouvrage Rendre le monde indisponible (2023 [2018]). En effet, la merveillosité d’un ciel socialisé tient plus qu’on ne pourrait le penser à l’(in)disponibilité des objets.
Mots-clés : merveilleux, astronomie publique, Rosa, indisponibilité
The public stargazing evening : a social space where astronomical wonders can resonate
Throughout history, stargazing has amazed many people curious about the sky, such as the philosopher and sociologist Hartmut Rosa. What can his “Resonance theory” tell us about ‘wonderfulness’ during the public stargazing evenings organized in Paris by an amateur astronomy association ? After an introductory meditation about the terms ‘sideration’, ‘fascination’ and ‘enchantment’, this article examines how a stargazing evening unfolds, through the concepts of ‘reachability’ and ‘unavailability’ borrowed from Rosa’s The Uncontrollability of the World (2020 [2018]). Indeed, the marvellousness of a socialised sky has more to do with the (un)availability of objects than one might think.
Keywords : wonderfulness, public stargazing, Rosa, unavailability
En conclusion de Pédagogie de la résonance, le philosophe et politologue Hartmut Rosa (2022 [2016] : 175-177) reconnaissait que sa pratique de l’astronomie observationnelle avait pu avoir « un effet » sur l’élaboration de sa sociologie de la relation au monde. Pratique entamée grâce à un camarade de lycée qui lui avait fait découvrir au télescope la galaxie d’Andromède : « c’était tellement incroyable, j’étais si fasciné et saisi. Pour moi, ce fut une sorte de déclencheur, presque une expérience mystique » (Rosa, 2022 : 177). Des termes dont l’emphase manifeste – au-delà de la résonance théorisée par l’intellectuel allemand – une forme d’émerveillement. Rien de bien surprenant puisque, de tous temps, la contemplation de la voûte étoilée a éveillé chez certain·es des moments d’émerveillement comme d’effroi. C’est donc vers l’analyse sémiotique et socio-ethnographique d’une expérience de découverte astronomique in praesentia que nous souhaitons nous tourner [1]. Plus précisément, vers les expériences d’enchantement et d’émerveillement célestes rencontrées lors de soirées d’observation publiques organisées par l’Association Française d’Astronomie. En effet, l’étude de cet objet semble pouvoir répondre au projet du présent numéro, mais d’une manière symétrique puisque ce type de soirées incarne le désir de provoquer et/ou vivre une émotion individuelle inspirante à travers une activité socialisée, de surcroit enrichie de savoirs scientifiques. Ce faisant, on tentera de percevoir en quoi la théorie de la résonance – qui a la prétention d’étudier les conditions sociales par lesquelles nous nous entretenons avec le monde ou lui restons indifférents (Rosa, 2021 [2016]) – pourrait être redevable d’une expérience astronomique émerveillante, en vérifiant notamment l’opérativité de deux concepts – « atteignabilité » et « indisponibilité » (Rosa, 2023 [2018]) – sur le terrain concret d’une soirée astronomique à visée à la fois éducative et contemplative.
Déontologiquement, l’auteur ne peut cacher analyser son terrain à partir de préjugés favorables. Non seulement parce qu’il pratique lui-même l’astronomie observationnelle, mais aussi parce qu’il est engagé de longue date dans le dispositif décrit et partage de fait des intérêts avec les personnes impliquées. D’où des frontières très poreuses chez l’auteur entre le participant et le chercheur. Néanmoins, les propositions conceptuelles d’Hartmut Rosa permettent d’entrer en résonance avec l’objet ‘émerveillement astronomique’ de manière suffisamment factuelle pour comprendre davantage ce qui peut le susciter et pourquoi, dans le cadre strict de ces soirées. Dans cette perspective, le régime d’investigation reposant sur la proximité constitue moins un risque qu’une opportunité, l’objectif étant de produire un « savoir situé » (Hamel, 2015, d’après Haraway, 1988), c’est-à-dire élaboré à partir d’une posture épistémique où l’on devient chercheur parce que l’on est directement concerné.
Pour Hartmut Rosa, héritier de la tradition critique de l’École de Francfort, l’actuelle modernité tardive se caractérise – outre l’accélération structurelle et simultanée des techniques, des rythmes de vie individuels et des transformations sociales (Rosa, 2014 [2010]) – par la volonté de rendre chaque aspect du monde intégralement « disponible », c’est-à-dire non seulement « atteignable » et « compréhensible », mais aussi « maîtrisable » et « exploitable » (Rosa, 2023 : 25-29). Le paradoxe est que ce processus de rationalisation et d’appropriation met moins le monde à notre portée qu’il ne nous l’aliène (au sens de nous le rendre de plus en plus étranger), tout en nous aliénant nous-mêmes (au sens de devenir étrangers à nous-même puisque le ‘nous’ n’a de sens que par rapport au monde avec lequel il se construit). Cette double aliénation peut alors se concevoir comme une « relation sans relation » (Rosa, 2021 : 277). Pour dépasser ce mutisme, le politologue oppose à l’aliénation la « résonance » (Rosa, 2021 : 222-297), c’est-à-dire un mode d’être-au-monde où, parce que nous lui restons ouverts, le monde nous interpelle et nous lui répondons sous forme d’émotions et d’actions qui opèrent une transformation mutuelle, dans les limites de nos possibilités à le manipuler. Pour s’opérer, toute résonance a cependant besoin d’« espaces ou sphères de résonance » (Rosa, 2021 : 301-310), c’est-à-dire de milieux, d’espaces-temps, de structures sociales, de formes symboliques capables d’accueillir les différentes « vibrations » avec assez de liberté pour qu’elles puissent éventuellement s’accorder en gardant leur individualité (exemple : l’école qui peut ouvrir l’élève à des matières qui l’intéressent). Mais aussi d’une part d’« indisponibilité » (Rosa, 2023). Cette caractéristique est fondamentale. En effet, cette « semi-disponibilité » (renommée (in)disponibilité [2] dans le présent article) fait qu’une résonance n’est jamais systématique et ne se maîtrise jamais entièrement (on y reviendra). Selon Rosa, l’aspect métaphorique de cette théorie et les concepts qu’elle porte peuvent autant permettre les réflexions normatives dans l’optique de viser ‘une vie bonne’ que servir de cadre d’analyse à des études interrelationnelles [3].
Quant à l’émerveillement, il sera pensé dans cet article à la fois comme émotion et comme procédé. En tant qu’émotion, on le caractérisera comme un processus interne et externe à l’individu, conjuguant étonnement, évaluation et contemplation, consécutif ou concomitant à des modifications perceptives et/ou cognitives. L’une des modifications les plus significatives est l’impression d’immensité (et symétriquement, celle de petitesse), provoquant une réadaptation qui oscille entre admiration et crainte (Keltner, Haidt, 2003). Cette forme d’émerveillement est – on s’en doute et on le verra – fortement présente en astronomie. Si l’émerveillement peut être vécu comme un état fortuit, circonstanciel, il peut aussi se concevoir comme l’aboutissement d’une démarche qui aspire à produire sciemment du ‘merveilleux’. Dans cet esprit, notre contribution épistémique vise à proposer une distinction entre ‘émerveillement’ et ‘enchantement’, en passant brièvement par la ‘sidération’ et la ‘fascination’.
Étymologiquement liée à l’influence néfaste des étoiles, la sidération se comprend comme un blocage autant physique que symbolique face à un fait mondain. C’est une rupture de l’être-soi comme de l’être-au-monde, une extinction brutale de relation (Crocq, 2018 : 108 ; Ravit, 2019 : 140-141) que nous ne saurions donc associer à l’émerveillement entendu comme processus relationnel. À la différence de la fascination, sorte d’attraction vers l’autre ou le monde dans une dissolution progressive de soi. Cette mise au diapason aliène cette fois la résonance, au sens où la fascination ne permet plus de faire entendre sa propre voix intérieure (Ravit, 2019). Ce qui la distingue donc de l’émerveillement, que l’auteur se risquera à définir – à la manière de Rosa – comme un appel marquant du monde en soi qui manifeste positivement l’être-soi en tant qu’il est partie du monde, expérience d’ailleurs souvent manifestée dans un rappel de soi au monde par des modalités euphoriques. Notre bref passage par la fascination permet opportunément de rappeler que celle-ci peut être vécue passivement comme elle peut être (auto)entretenue. Une action volontaire qui n’est pas absente de l’émerveillement. Or justement, l’enchantement désigne à l’origine une opération par laquelle un être tente d’exercer un pouvoir sur un être ou une chose par la magie d’un chant ou d’une formule incantatoire (Copenhaver, 2015 : 156-161, 363). Bien que « la notion d’enchantement se prête aujourd’hui en sciences humaines et sociales à une grande diversité d’usage » (Brahy et al., 2023 : 5) sans être toujours distinguée de l’émerveillement, l’enchantement désignera donc dans la présente étude des tentatives intentionnelles de mise en résonance, cherchant à exercer sur soi ou sur d’autres une sorte de pouvoir enthousiasmant qui mobilise parfois des formes reconnues socialement comme merveilleuses. Au risque d’aliéner, parce qu’emprisonnante, fascinante (le latin fascinum désigne d’ailleurs l’enchantement, le charme). On distinguera alors plus spécifiquement l’émerveillement comme un ensemble de résonances plus contingentes qui participent de l’émergence de ce sentiment émerveillé. Car, comme on le verra par la suite, l’émerveillement astronomique tient plus qu’on ne pourrait le penser à l’(in)disponibilité des objets.
Association d’éducation populaire, l’Association Française d’Astronomie (AFA) a pour vocation de soutenir la pratique astronomique de loisirs et de sensibiliser aux sciences du ciel grâce – entre autres – à des activités de médiation [5] qui l’inscrivent dans le champ de ‘l’action culturelle scientifique’, ensemble d’acteur·ices et d’initiatives non scolaires partageant savoirs et pratiques scientifiques avec le plus large public (Las Vergnas, 2011). Profitant de l’ouverture estivale nocturne de certains espaces verts parisiens, l’AFA propose donc depuis 2018 des soirées d’observation d’accès libre et gratuit, chaque soir de week-end dans un parc différent. Près de 7 000 personnes profitent ainsi chaque été de l’événement « Paris sous les étoiles » (AFA, 2024). Les groupes varient, selon les dates et lieux, de quelques dizaines à plusieurs centaines de participant·es. De tous âges, sexes, origines culturelles ou sociales, iels se répartissent entre : 1) les visiteur·euses d’un soir qui font spécialement le déplacement après avoir été informé·es par leur mairie de quartier, les supports d’affichage du parc, les médias locaux, le bouche-à-oreille ou les réseaux sociaux ; 2) des habitué·es ayant participé à de précédentes soirées ou déjà astronomes amateur·ices ; 3) des personnes de passage, saisissant l’opportunité offerte. Qu’il s’agisse des un·es ou des autres, leur choix de participer – ne serait-ce que quelques instants – manifeste en tout cas une curiosité, un désir plus ou moins conscient de se laisser toucher par le monde. Attitude loin d’être indifférente qui constitue un préalable pour entrer en résonance (Rosa, 2021 : 286). On peut supposer ces publics animés d’une envie de savoir, d’une volonté de découverte et/ou du simple désir de partager un moment convivial. Des horizons d’attentes dont l’objet d’attention – les étoiles – peut aussi engager très fortement chacun·e à espérer être émerveillé·e, en raison d’une merveillosité sidérale déjà bien ancrée dans l’imaginaire collectif et les productions culturelles. Évidemment, n’oublions pas les montreur·euses de ciel, figures incontournables du dispositif. Étudiant·es ou doctorant·es en sciences, animateur·ices soioculturel·les, salarié·es de l’industrie ou des services, intermittent·es du spectacle, retraité·es, iels pratiquent l’astronomie ou l’astrophotographie essentiellement pour leur propre plaisir. De quatre à plus d’une dizaine par soirée, iels sont impliqué·es sur la base du volontariat et sont en majorité rémunéré·es, étant entendu que les bénévoles d’un soir deviendront les vacataires d’un autre, et inversement.
Précisons que la description qui va suivre est un patchwork recomposé à partir de nombreuses soirées tenues entre 2020 et 2023. Sa vérité empirique ne tient donc pas en ce que toutes les situations décrites se seraient effectivement passées telles quelles à une même date, mais réside dans la réalité d’un déroulé assez habituel et de situations, gestes ou propos récurrents qu’il s’est agi d’agréger pour redonner une cohérence temporelle à des tranches de vie. L’auteur saurait gré à la lectrice, au lecteur de bien vouloir lui accorder sa confiance quant à la portée heuristique de cette mise en forme narrative, visant à restituer autant que possible une ‘atmosphère’ qui participe aussi du merveilleux de ces soirées, analysé par la suite.
Mais comment reconnaître l’émerveillement puisqu’aucun questionnaire ou « boite à moments spéciaux » (Necker, Rémon, Magnat, 2022) n’ont été proposés ? La soirée étant gratuite et chacun·e pouvant partir à son gré, on pourra déjà considérer que le public restant n’est captif que de son intérêt, en dépit de la fatigue, du rafraichissement nocturne, de la réduction de la fréquence des transports en commun, de contraintes extrascolaires ou professionnelles postérieures, etc. Un intérêt qui se manifeste d’abord par une écoute active (expressions par le visage et la posture : l’attention, la joie, l’ennui…), puis par des interactions langagières et gestuelles qui peuvent se montrer pleines d’emphases. Formes euphoriques ou dysphoriques qui constituent des extériorisations possibles d’émerveillement ou de désagrément, conjointement aux « yeux qui brillent » – « fenêtres de résonance des êtres humains » selon Rosa (2022 : 188) – et aux yeux crispés, paramètres singuliers qui constituent une voie d’accès aux formes d’émerveillement non verbalisées ou gestualisées.
Montés et réglés dans la fin d’après-midi, plusieurs lunettes et télescopes se répartissent sur un coin de pelouse à l’horizon le plus dégagé possible. Les instruments suscitent la curiosité des badaud·es qui approchent avec prudence pour interroger les binômes de montreur·euses de ciel, à propos de leur fonctionnement. Les enfants, regards écarquillés devant des engins plus grands qu’eux, gardent pour certains leur distance. Les autres inspectent ou touchent partout avec précipitation. C’est l’occasion de jeter quelques coups d’œil sur des cibles terrestres, qui permettent d’apprécier les grossissements. D’autres animateur·ices distribuent des cartes du ciel, disques mobiles où figurent dates et heures qu’il s’agit de mettre en correspondance. Dans le disque, des points sont liés par des traits et des noms prononcés avec enthousiasme : la Grande Ourse, Orion, Pégase, le Lion… Après l’explication du fonctionnement de la carte, les questions fusent : « c’est quoi les constellations ? Pourquoi il y a les signes du zodiaque ? » [6]. Les un·es répondent. Les autres désignent un bout de prairie où, sur un pied d’éclairage photo, est fixé un parapluie dont l’intérieur est tapissé d’étoiles éclairables par une lumière rouge. À ses côtés, un animateur est coiffé d’un chapeau pointu bleu et constellé. Des enfants se pressent, suivis d’adultes, parents ou non. Les enfants sont déçus de ne pas voir de tour de magie, mais l’animateur promet des histoires fantastiques au sujet des étoiles, histoires issues de nombreuses cultures : Grecs, Égyptiens, Mayas, aborigènes d’Australie, Chinois, etc. En désignant sur le parapluie une étoile, il entame son récit qui attire progressivement d’autres participant·es. D’abord debout, iels profitent ensuite des couvertures réparties sur le sol pour s’y assoir ou s’allonger. Le ciel s’assombrit, l’air se rafraichit, l’humidité commence à monter depuis le sol. Les un·es et les autres, quoiqu’iels ne se connaissent pas, se serrent un peu plus pour écouter et regarder. D’autres s’éclipsent pour guetter le ciel de leur côté ou découvrir les instruments.
Non loin du parapluie, un enfant crie en pointant du doigt le ciel à l’ouest : « ça y est, j’en vois une ! ». Tout le monde se dresse, regardant la direction désignée, au-dessus de la cime des arbres. « C’est Arcturus » commente l’animateur. Commence alors une découverte à l’œil nu, l’animateur désignant successivement les astres avec un stylo-laser. Outre leur nom, la constellation d’appartenance, l’animateur attire l’attention sur la brillance mais aussi sur la couleur des étoiles, virant du blanc-orange au blanc-bleu. Cette diversité permet à l’animateur de reconstituer la vie d’une étoile en en montrant in situ différents stades, manifestés par tel ou tel point lumineux. L’exploration se poursuit pour certain.es avec l’animateur, d’autres entreprennent une découverte individuelle ou en famille, avec ou sans carte.
En parallèle, des lumignons rouges ont été allumés au pied des lunettes et télescopes. Des groupes, puis des files d’attente se constituent autour de chaque instrument, encadré par un couple d’animateur·ices. Au bout de l’une de ces files, une jeune femme, X (20-25 ans), s’approche de l’animatrice qui indique du doigt l’astre très brillant vers lequel pointe le télescope : « Là-bas, c’est Jupiter qui se lève. Elle est située à 5 fois la distance Terre-soleil ». X bat des mains en sautillant : « Je n’ai jamais vu Jupiter autrement qu’en photo ! ». Après avoir reçu quelques conseils, elle jette un œil dans l’oculaire mais s’étonne de ne rien voir. L’animatrice s’excuse de devoir « faire une manip’ ». Elle prend la molette contrôlant le mouvement équatorial du télescope, tout en expliquant que la Terre ayant tournée sur elle-même, Jupiter est sortie du champ de l’oculaire : « Il faut donc compenser le mouvement angulaire de la Terre pour revoir apparaître la planète ». Elle demande le concours de X. Retournant vers l’oculaire, cette dernière pousse un « stop ! » énergique, ce qui la fait rire, à l’instar de quelques membres de la file d’attente. Cette fois, elle voit le point lumineux sous la forme d’une boule grisâtre, pas plus grosse qu’une tête d’épingle. Après quelques secondes, la réaction est mitigée entre la satisfaction de voir la planète « de ses propres yeux » et la frustration de ne pas en voir davantage. Elle pose la question quasi rituelle de la valeur du grossissement. L’animatrice répond, tout en ajoutant que l’important n’est pas le grossissement mais la qualité de l’image produite en fonction de l’instrument. Puis elle invite X à regarder de nouveau la planète avec plus d’attention, notamment ses environs. X s’étonne de voir effectivement quatre points minuscules alignés de part et d’autre de la boule grisâtre. L’animatrice explique : « Ce sont les quatre plus grosses lunes de Jupiter, et la plus grosse fait presque la moitié de la taille de la Terre ». X se redresse en écarquillant les yeux : « Jupiter est énorme ! Ça veut dire qu’on vit sur un point aussi petit ? Ç’est dingue tout de même qu’on arrive à voir à une telle distance ! ». Elle replonge vers l’oculaire pour quelques instants, avant que l’animatrice ne la prie de céder sa place aux suivant·es. Après avoir remercié l’animatrice, un large sourire aux lèvres, X rejoint le petit groupe qui discute de Jupiter autour de l’autre animateur. Monsieur Y suit avec un très jeune garçon, que l’animatrice invite à monter sur un tabouret. Le garçon s’accroche à l’oculaire. L’animatrice lui demande de le lâcher pour ne pas risquer de perdre l’astre. Tenu par son père, il dit justement ne rien voir. Le papa regarde à son tour mais l’astre est bien là : « On ne peut pas grossir davantage ? ». L’animatrice indique qu’elle ne le fera pas, car cela produirait une image floue et accélérerait la sortie de la planète du champ de vision. Le papa fait remonter l’enfant qui dit toujours ne rien voir. Y part en tirant son garçon par la main, pestant d’avoir passé autant de temps à attendre pour si peu.
La conclusion du descriptif précédent rappelle que l’émerveillement procuré par une expérience astronomique ne saurait être systématique, ni se commander. Toutefois, on peut être tenté de le susciter. Chapeau pointu constellé, parapluie figurant quelques astérismes célèbres et légendes contées au crépuscule peuvent ainsi être rangés dans la catégorie ‘enchantement’ : il s’agit de gestes volontaires qui visent à mobiliser des formes déjà reconnues socialement comme porteuses de merveilleux. Une merveillosité incarnée par une variante stéréotypique du mage – prêtre mésopotamien réputé capable de divination via l’observation des étoiles (Copenhaver, 2015 : 28-30) – et la dimension fantastique des histoires de constellations.
Celles-ci renvoient à un passé mythique autant qu’historique, au sens où ces récits sont souvent liés aux communautés qui les ont produits pour répondre à des usages sociaux – repérage des cycles agricoles, de chasse et de pêche, transmission de valeurs morales (Kelley, Milone, 2011) – dépassant le simple divertissement nocturne. Malgré ce contraste culturel qui en étonne plus d’un·e, une résonance s’opère entre vécu des Anciens et publics contemporains. D’une part, en raison de l’exercice ancestral du récit narré au coin du feu (rouge électrique pour le cas de la lampe astronomique). D’autre part, en raison du partage sensoriel d’une même dispersion d’étoiles, puisque l’évolution de leurs distances à la Terre et entre elles n’est perceptible qu’à l’aune de milliers de générations [7]. Ainsi, par la communion d’un même ciel, l’ancienne magie des récits prémodernes semble remédier provisoirement au « désenchantement du monde » provoquée par les sciences (Weber, 2003 [1917] : 83) [8].
D’autant qu’au prétexte d’une découverte multiculturelle initiale sont progressivement introduits des savoirs astrophysiques qui – malgré l’évacuation apparente du surnaturel –gagnent en merveillosité. En effet, l’auditeur.ice se trouve embarqué·e dans un voyage spatial démiurgique, où l’animateur refabrique verbalement des objets gigantesques (étoiles, galaxies…) dans une posture de surplomb. Sur-naturelle donc. En raison de la continuité de l’expérience narrative passant du cosmogonique au cosmologique, continuité confortée par la présence persistante du chapeau magique, l’exposé de « la vie et la mort des étoiles » en leur présence, suivi du « grand récit de l’univers » (Serres, 2014), acquiert alors une dimension charnelle et mythique à laquelle les publics ne se montrent pas insensibles. Le travail de métaphorisation joue d’ailleurs un rôle décisif. Ainsi, si le « monstrueux » trou noir peut faire rire lorsqu’il est comparé à un « aspirateur de matière et de lumière », l’analyse spectrographique – qui permet de connaître la composition des astres – prend, elle, un tour alchimique archaïsant lorsque les astrophysiciens sont finalement dépeints en « fabricants d’arc-en-ciel d’étoiles ». Grâce à ce discours vulgarisateur, les sciences ne paraissent plus se substituer à la pensée magique. Au contraire, elles la réinvestissent et la prolongent. Un réenchantement des sciences par la vulgarisation qui – comme l’a montré Baudouin Jurdant (2009) – tente aussi de conforter plus ou moins consciemment la prévalence sociétale des sciences en mettant justement en exergue, de manière compréhensible et attrayante, des objets et dispositifs ordinairement inaccessibles au commun des mortels.
En tout cas, toutes ces résonances narratives entre mythe, ethno-astronomie et astrophysique cristallisent les espace-temps célestes et humains en une même expérience sensible. Passé et avenir y sont coprésents. L’axe des relations englobantes (l’univers, l’art, la science, l’histoire…) appelé « vertical » par Rosa (2021 : 311-347 ; 400-474) résonne avec l’axe des relations aux autres, dit « horizontal » : constitution d’un groupe éphémère partageant cartes du ciel, bouts de couverture, paroles, écoute et contemplation ; effervescence collective devant les phénomènes observés ; connexion avec les représentations et usages célestes encore vivaces d’autres cultures. Très appréciée, cette volonté d’ouvrir l’accès au firmament sur des registres socialement reconnus comme merveilleux (récits constellaires notoirement fabuleux, allusions discursives et formelles à la magie) peut cependant – malgré les interactions – éteindre la voix propre de participant·es, fasciné·es par l’enchantement de récits qui n’assurent nullement l’entrée en résonance de chacun·e avec le ciel. Lequel garde sa part d’(in)disponibilité.
Pour Rosa (2023 : 85), la résonance – et a fortiori l’émerveillement – a besoin pour s’instaurer « d’un monde atteignable, pas d’un monde disponible (sans limite) ». Cela veut dire que la possible prise de contact doit être actualisée par quelque moyen – atteignabilité –, sans que cela n’assure l’effectivité de cette rencontre : le monde peut en effet nous échapper matériellement et/ou nous rester muet symboliquement. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la ‘semi-disponibilité’ ou (in)disponibilité. Or, en astronomie, les (in)disponibilités sont nombreuses. Pour certaines, les causes – à défaut d’être maîtrisées – peuvent être anticipées ou gérées. Pour d’autres, non. Dans un cas comme dans l’autre, cela crée des effets qui peuvent résonner en chacun·e jusqu’à émerveiller. On en donnera ci-dessous quelques exemples.
Du fait de la rotation de la Terre sur elle-même et de sa révolution autour du soleil, toutes les étoiles perceptibles sur une même latitude géographique ne sont pas visibles en permanence. Outre l’alternance jour/nuit, la date et l’heure conditionnent les possibilités d’observation. Cartes du ciel et animateur·ices ayant consulté les éphémérides constituent alors pour les publics des ressources pour savoir que et quand voir. Ce qui peut créer de la frustration quand la date ou l’heure ne sont pas appropriées, mais aussi de l’impatience et du désir dans l’attente prévue du lever d’astres possédant déjà une notoriété : en particulier les planètes, mais aussi les étoiles et constellations aux noms emblématiques. Si l’attente joue un rôle important individuellement, elle le devient plus encore au sein d’une expérience collectivisée. La quête de l’apparition des étoiles se socialise ludiquement, au sens où bon nombre se ravissent de guetter le ciel, espérant signaler la survenue des premiers points lumineux avant les autres.
Cette surveillance mutualisée permet à l’occasion la détection d’étoiles filantes, petits corps qui se vaporisent dans l’atmosphère en y laissant une trainée éphémère plus ou moins impressionnante. Le passage estival de la Terre dans des essaims météoritiques rend leur observation envisageable. Mais leur apparition/disparition reste un événement fortuit, toujours objet de surexcitation, et généralement suivi de l’appel traditionnel à faire un vœu. D’autres objets éphémères peuvent également apparaître dans le ciel : des clignotements d’avion qui amusent, mais aussi de nombreux petits points lumineux qui intriguent par leur mouvement linéaire rapide, à savoir les satellites artificiels dont les panneaux solaires réfléchissent la lumière à l’instar de la Station Spatiale Internationale (ISS), point très brillant dont les animateur·ices anticipent parfois l’apparition et le trajet grâce à des applications dédiées. Qu’il soit anticipé ou non, ce passage occasionnel de l’ISS est toujours vécu dans le ravissement mais aussi dans l’incrédulité de pouvoir voir sans instrument un objet artificiel qui « n’orbite qu’à 400 km d’altitude, la proche banlieue ». Propos vulgarisateur qui exacerbe au passage le contraste entre proximité à taille humaine et à échelle de l’univers.
Mais le spectacle peut être occulté par les conditions météorologiques. Un ciel parfaitement dégagé a bien sûr de quoi réjouir. Les pluies et horizons bouchés forcent à annuler les soirées, source de déception. Toutefois, en raison de la dimension programmatique de « Paris sous les étoiles », l’AFA fait habituellement acte de présence malgré des prévisions peu engageantes. Les émotions sont alors beaucoup plus intenses, lorsqu’apparaissent entre les nuages des étoiles qu’aucun·e participant·e n’espérait voir, y compris en analysant les projections radar locales fournies en temps réel par certains services météos. Enfin, les nuages ne constituent plus l’unique obstacle physique entre les yeux et les étoiles. En effet, « l’histoire du rapport moderne au monde [se confond avec] la domination de la nuit par la lumière » (Rosa, 2022 : 27). Ce qui se traduit par une nouvelle forme de nuisance : la pollution lumineuse des zones urbaines.
L’exigence de limiter les éclairages pour accéder à des astres de moins en moins visibles incite les organisateur·ices à demander l’extinction provisoire des lampadaires mitoyens, ce qui est parfois accordé par les agent·es municipaux, redonnant un semblant de nuit noire désormais impossible dans la ville-lumière. Afin de faciliter les manipulations dans l’obscurité, localiser la présence des instruments et permettre aux participant·es de se voir a minima pendant leurs échanges, des éclairages rouges de faible puissance sont néanmoins installés. En effet, cette teinte présente l’avantage de ménager autant que possible la vision nocturne. Or si l’emploi individuel d’une telle lampe est d’ordre utilitaire, leur usage collectif crée un paysage irréel où la prairie qui accueille les télescopes se transforme en un champ de « coquelicots lumineux » (Langin, 2021), que certains publics croient sciemment mis en scène pour leur plus grand enchantement. Être détrompé·e n’entame en rien la puissance onirique de ce contraste inhabituel entre le rouge du sol et le noir du ciel, lequel se renforce avec la montée nocturne de l’humidité, formant parfois un tapis nébuleux.
En dépit de ces lumignons écarlates et de l’extinction exceptionnelle des lampadaires, la pollution lumineuse reste une réalité incontournable dont s’affligent les astronomes. Néanmoins, les randonneur·euses célestes débutant·es sont assez surpris·es d’expérimenter combien ces conditions a priori défavorables peuvent constituer à leurs yeux un avantage puisqu’elles offrent l’opportunité de masquer la multitude d’astres peu luisants, ce qui fait ressortir les formes des constellations dont seules les étoiles les plus brillantes figurent justement sur les cartes. La mise à disposition de ces dernières par les animateur·ices est donc accueillie avec bonheur par les membres d’un même cercle familial ou amical puisque répondant au devoir implicite de reconnaitre ludiquement les étoiles. Sans garantie pour autant de succès. Non seulement parce qu’elles ne sont pas toujours visibles, mais aussi parce que le doigt pointé vers le ciel ne suffit généralement pas à les désigner ou à dessiner la forme des astérismes. Ce qui, à force d’entêtement agacé, peut se révéler désenchanteur voire aliénant. Raison pour laquelle des animateur·ices emploient des pointeurs lasers [9] dont le rayon vert – teinte correspondant cette fois au pic de sensibilité de l’œil – permet de « toucher » plus facilement les étoiles (certain·es n’hésitent d’ailleurs pas à exacerber la fausse relation de contiguïté et/ou causalité, en parlant de « télécommande à étoiles »). Surnommés par les jeunes publics « épées-laser » – en référence à StarWars, la « magique » et « mythique » saga cinématographique (Henderson Mary (1998 [1997]) –, ces pointeurs laser font l’objet de questions sur leur portée et leur fonctionnement. Les réponses deviennent alors prétextes à introduire par la même occasion les principes physiques qui sous-tendent la pollution lumineuse : une dispersion des rayonnements provoquée par la traversée de gaz ou la rencontre de poussières. L’invitation à regarder ces dernières lors de leur passage au rayon laser permet à chacun·e d’admirer de captivants clignotements lumineux.
Enfin, si la pollution lumineuse fait toujours l’objet de déplorations sur ses impacts environnementaux et sanitaires néfastes, elle offre l’opportunité pour certain·es participant·es de partager le souvenir de soirées en France ou à l’étranger, sur des sites au « ciel extraordinaire » parce qu’épargnés voire protégés [10]. D’où des recommandations d’adresses, aussi astronomiques… que gastronomiques [11].
Si le ciel peut se contempler à l’œil nu, l’une des premières (in)disponibilités matérielles est celle de l’accès aux instruments d’observation, puisque chacun·e est contraint·e de partager leur nombre limité avec les autres. Frustrant certains publics, leurs réglage et maniement sont réservés aux animateur·ices, moins pour s’épargner des erreurs de manipulation que pour fluidifier les temps d’observation sur les sites très fréquentés, comme la butte Montmartre ou le parc Montsouris (près d’un millier de personnes par soirée). Cette attente peut être vécue de manière individuelle ou socialisée entre membres de la même file, dans l’impatience comme dans l’ennui que tentent de parer des animateur·ices nomades.
Les (in)disponibilités qui suivent sont celles des images produites à l’oculaire, dont la qualité (luminosité, grossissement, piqué) dépend des transparences et turbulences atmosphériques ainsi que du diamètre et des focales de l’instrument. Une ‘belle image’ peut certes susciter l’émerveillement. Mais, avant cela, c’est l’atteignabilité périlleuse de l’astre qui peut émerveiller, car pour produire l’image, il faut viser juste puis rattraper de temps à autre l’objet rendu mobile par la rotation de la Terre, au risque d’une fuite hors de l’oculaire. Ce dont prend conscience madame X à travers son observation et l’explication de l’animatrice. Cette précarité n’a de cesse de rappeler la relation indiciaire ténue qui noue l’observateur·ice, l’objet et son image. Une relation à l’image certes contingente mais surtout « responsive » (Rosa, 2021 : 60) : si l’astre échappe à l’instrument de par son mouvement propre, on peut en effet renouer (ou pas) le lien avec lui, en usant des poignées de réglage. Même si la posture est passive puisque c’est l’animateur·ice qui opère ce rattrapage, l’observateur·ice peut se sentir directement impliqué·e dans la construction de l’image, ce qui donne sa réalité tant à l’objet qu’à l’expérience vécue. Au point d’en oublier momentanément – ce qui est paradoxal – le rôle médiateur du télescope, comme le montre la réaction de X, assez fréquente. La résonance avec l’outil, que Rosa (2021 : 348-399) appelle « axe diagonal », se manifeste ici dans une sorte de symbiose entre la personne et l’instrument. Comme l’a écrit Baudouin Jurdant (2009 : 137-138), dans ces moments-là, ce n’est effectivement plus l’observateur·ice qui voit, mais « quelque chose de nouveau, qui n’est pas de l’ordre du sens mais de l’existence : une sorte de ’télescopœilhumain’, […] un être surnaturel, un ’esprit’ au sens le plus archaïque du terme ».
Esprit certes, mais dont l’entrée en résonance avec le ciel peut impliquer une prise de conscience de la vulnérabilité de son propre corps. C’est d’ailleurs le cas pour madame X, dont l’« emmétamorphose » – c’est-à-dire la réassimilation cognitive de l’objet de telle sorte qu’elle métamorphe le sujet (Rosa, 2022 : 187) – consiste à relativiser la taille de la Terre, et par là sa propre place dans l’univers, à travers la conjonction quasi synchrone entre l’expérience sensorielle d’observation des satellites de Jupiter et l’information scientifique fournie par l’animatrice. Cette information – en l’occurrence un rapport de grandeur – participe pleinement de son émerveillement, comme l’avait déjà relaté Rosa (2022 : 175-177) envoûté par un télescope capable d’embrasser d’un coup d’œil les cent milliards d’étoiles d’Andromède situées à deux millions d’années-lumière de distance. Des chiffres astronomiques au sens propre, capables de donner le vertige.
Par sa surpuissance, le nouveau « télescopœilhumain » rend donc visible dans une certaine mesure ce qui ne l’est pas habituellement. Certes, la première découverte des anneaux de Saturne à la lunette constitue un spectacle très apprécié, souvent remémoré avec nostalgie (pour ne pas dire idéalisé) par les astronomes amateur·ices, mais il est aussi vite pondéré chez les publics par le souvenir des clichés agrandis et colorés des sondes Pioneer ou Cassini-Huygens, largement diffusés dans les médias. Saturne sans anneau visible (parce que vu par la tranche) ou la forme en croissant de Vénus, dans certaines phases de sa révolution solaire, ébahissent davantage (de manière négative pour Saturne, positive pour Vénus) car peu médiatisées, elles contrecarrent les habitudes de représentation, les préconceptions. L’émotion émerge ainsi de la violation des attentes, point de départ à une reconfiguration des représentations mentales pour redonner du sens à l’expérience vécue (Rimé, 2009 [2005] : 316). Ce, avec le concours des explications vulgarisatrices des animateur·ices, comme cela a été le cas avec les visions de l’ISS et des satellites de Jupiter.
Avant même l’image, il y a l’œil. Les publics peuvent certes rencontrer des difficultés physiologiques : dommages oculaires, nerveux ou cérébraux, myopie, glaucome, faible sensibilité rétinienne… Mais voir, ce n’est pas que recevoir des signaux lumineux, c’est aussi percevoir, c’est-à-dire avoir la capacité cognitive de distinguer les stimuli en leur donnant du sens. Cela implique de comprendre dans une certaine mesure ce que l’on voit, ce qui peut nécessiter des connaissances préalables (Habib, Lavergne, Caparos, 2018). Au-delà de la réelle difficulté pour toutes et tous à positionner correctement son œil devant l’oculaire, il arrive ainsi fréquemment que les enfants en bas âge – comme le fils de monsieur Y – ne ‘voient pas’ ce qui leur est montré. D’autres font mine de voir – empressement à regarder avec un sourire forcé –, probablement moins dans un souci de conformisme que pour éviter la perte d’enthousiasme de leurs parents, initialement habités par le devoir affectif d’enchanter le rapport au monde de leur progéniture. En tout cas, la relation reste « muette » (Rosa, 2021) si l’on ne prend pas le temps de (faire) décrire les formes visibles et tenter de les associer à des objets conceptuels. C’est de ce dialogue entre perception et connaissance qu’émerge entre autres la compréhension, source possible d’émerveillement.
Comme nous l’avons indiqué plus tôt, le nombre limité d’instruments d’observation génère des files d’attente, parfois très longues. Ce moment d’attente peut susciter et entretenir chez quelques-un·es espoirs et désir, qui se transforment couramment en enthousiasme avec la découverte des reliefs lunaires : certaines focales permettent en effet d’apprécier immédiatement les vertus qualitatives du grossissement sur notre lumineuse voisine, qui occupe alors tout le champ de l’oculaire avec sa myriade de cratères [12]. Pour les sphères et objets nébulaires plus éloignés, dont les formes imagées restent petites ou indistinctes, l’enthousiasme initial est – on l’a dit – vite relativisé, comme c’est le cas pour X, eu égard aux images astronomiques plus flatteuses circulant dans les médias. Pour que la magie du moment puisse éventuellement opérer, elle a besoin d’apprécier quantitativement la prouesse permise par la médiation technique du télescope. Dans une certaine mesure, sa résonance est tributaire du principe de performance. Pour d’autres – particulièrement les personnes de passage –, la résonance est assujettie au besoin de rentabilité que peut exacerber le temps d’attente. En effet, plus iels attendent (temps qu’iels s’autorisent eux·elles-mêmes), plus iels cherchent à se convaincre que cela en vaut la peine, et plus iels développent d’attentes. C’est précisément le cas de monsieur Y, pour qui la rencontre semble ne pas correspondre aux espoirs de merveilleux, de spectaculaire, que justifierait sa patience. Une absence de résonance fréquemment traduisible par une simple formule : voir plus loin, plus gros, plus vite.
On ne saurait cependant oublier que les publics peuvent aussi se sentir implicitement contraints à ‘devoir s’émerveiller’. À cause de l’aura fantasmatique du ciel – très installée culturellement comme on l’a déjà signalé – mais aussi en raison de la promesse explicite faites par les organisateur·ices, à savoir « émotion et émerveillement au programme de ces soirées » (AFA, 2024). Si les un.es – comme Y – peuvent légitimement exhiber leur déception, d’autres en revanche ‘voient’ parce que l’on doit voir (les enfants cités plus tôt, mais aussi les adultes qui font mine de reconnaître les constellations montrées par l’animateur·ice ou un·e membre de la famille), tout comme l’on s’enchante parce qu’il faudrait s’émerveiller (se pâmer, à l’instar des montreur·euses de ciel, devant de minuscules planètes ou nébuleuses alors qu’au fond, on ne ressent rien soi-même). Ces petits mensonges – « contre-dons » (Ferrié, 2018) à l’effort de partage – pacifient de la sorte les relations sociales en ménageant l’émerveillement commun.
Comme nous l’avions indiqué précédemment, pour Rosa (2023 : 85), la résonance a besoin pour s’instaurer « d’un monde atteignable, pas d’un monde disponible (sans limite) ». Or existe-t-il des situations où les étoiles sont totalement disponibles ? Il en est en effet qui en donnent du moins l’impression : les planétariums – espaces consacrés à la projection de simulations du ciel – et les logiciels de planétarium, tels Celestia, WinStars ou Stellarium. Ces dispositifs offrent en effet la possibilité de manipuler virtuellement sur écran le ciel de n’importe quel endroit du globe terrestre et à n’importe quel moment, avec accès à une multiplicité d’informations et à nombre d’images astrophotographiques, dépassant les capacités tant de l’œil que des live stacking, images capturées et compilées quasi immédiatement par les télescopes ‘intelligents’. Certes, la relation indiciaire persiste dans une certaine mesure puisque chacune des manipulations engendre une réorganisation picturale du ciel. L’apparition fortuite des étoiles filantes peut être simulée par une mathématisation aléatoire. Il est aussi possible d’(in)disponibiliser les étoiles en paramétrant arbitrairement l’atmosphère et les caractéristiques de l’oculaire virtuel. La relation au ciel n’est pas moins artéfactuelle – au sens de médiée par des objets techniques – qu’avec un télescope. Elle est surtout artificielle. Non parce qu’elle s’opposerait à la nature mais parce que l’on sait qu’elle la singe avec une forme d’excès (Angel-Perez, 2009) en garantissant la maîtrise totale sur un visible physiquement déconnecté d’une réalité céleste pourtant incoercible. Si l’on se doit de reconnaître que la dimension immersive (axe vertical de résonance) des planétariums publics peut émerveiller, ressentir la même émotion uniquement ‘collé’ sur son écran d’ordinateur ou de smartphone, semble – malgré les interactions avec l’interface – plus difficile. Et pour cause : selon Rosa, « un monde complétement sous contrôle devient muet, mort et ennuyeux » (Erner, Rosa, 2021). Ce qui laisse encore un grand avenir aux soirées d’observation astronomique, avec leur ciel imprévisible qu’à l’occasion, les applications smartphone peuvent enchanter. En effet, leur écran permet de superposer facilement aux astres réels (visibles ou masqués par divers obstacles) des étoiles virtuelles ainsi que leur constellation d’appartenance, figurée sous forme d’objet, de créature ou de personnage fabuleux. Le tout, rendu ludiquement responsif grâce au gyroscope des téléphones et aux technologies de géolocalisation.
Si l’on considère ‘l’émerveillement astronomique’ comme un processus conjonctif de micro-résonances (autrement dit, une accumulation intégrative de ‘petits événements’ qui permettent chaque fois d’éprouver un rapport original au monde), les observations et analyses ci-dessus laissent effectivement entrevoir une dialectique qui s’instaure entre mises en accessibilité et (in)disponibilités. Les télescopes, lampes rouges, cartes du ciel, lasers, animateur·ices ouvrent un accès aux astres pas toujours couronné de succès, ce qui fait de chaque soirée une véritable aventure, individuelle et collective, au sens où personne n’est vraiment sûr de ce qui adviendra. C’est cette fragilité, combinée à l’attente et au désir, qui suscite chez certains publics une impression de rareté, de préciosité du moment, laquelle contribue cette fois à un sentiment d’émerveillement [13]. Pour Rosa (2023 : 87), l’(in)disponibilité d’une résonance ne saurait effectivement se limiter à la seule contingence : elle doit « parler » à celle ou celui qui la vit, au point que le disponible puisse paraître à l’extrême non comme un dû, mais comme un don du monde. Cadeau ici d’autant plus perceptible que l’activité, déjà gratuite, est portée par des animateur·ices passionné·es, cherchant – au-delà des rétributions proposées par l’association – à vivre un bon moment, grâce au partage des connaissances et compétences acquises dans le cadre chronophage d’un « loisir sérieux » (Stebbins, 2022). Le tout, sous couvert d’une expérience sensible et savante. Au passage, le·a lecteur·ice aura peut-être remarqué que, dans le présent article, l’émerveillement a été essentiellement considéré du point de vue des publics. Est-ce à dire que les animateur·ices de ces soirées ne s’y émerveilleraient pas eux elles-mêmes ? Tant s’en faut car nombre des résonances semblent partagées : l’exceptionnalité d’un ciel clair, une observation inespérée, la réaction spontanée d’une personne euphorique, une question ouvrant des perspectives intellectuelles insoupçonnées, l’intimité d’un échange complice, la gratitude chaleureuse du public… et ces moments privilégiés où, pour reprendre une expression d’apparence galvaudée, on voit chacun·e repartir ‘des étoiles plein les yeux’.
Pour conclure, l’émerveillement astronomique est – malgré l’obscurité nocturne – assurément polychrome : teintes diffuses du ciel réel (orangé de la pollution lumineuse, bleues et orange de certaines étoiles), teintes saturées des mises en accessibilité (couleur rouge du terrain contrastant avec le vert du laser), teintes absentes mais présentéifiées par la parole ou la mémoire (les « arc-en-ciel d’étoiles », les couleurs astrophotographiques). C’est aussi une expérience polychrone, au sens où coexistent dans l’ici-et-maintenant de la conscience une diversité de représentations/expériences passées, peut-être actualisées, et de projections vers le futur créant un horizon d’attentes qui fait naitre le désir, soulignent les présences, les absences, les différences, lesquelles singularisent le moment, créent la surprise, suscitent la contemplation et ouvrent de nouvelles possibilités d’appréhension du monde. Selon cette perspective, l’émerveillement pourrait se concevoir – entre autres – comme la réponse euphorique à une « équation temporelle personnelle » (Grossin, 1996). Ce qui invite à explorer spécifiquement le rôle médiateur du temps.
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Remerciement à Elsa Poupardin (équipe Sciences & Médias, Université Paris Cité), participante d’une soirée et relectrice avisée, ainsi qu’aux expert·es et coordinatrices du numéro pour leur commentaires et suggestions.
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[1] La démarche socio-ethnographique (Bordes, 2015 : § 36) consiste à conjuguer cadres interprétatifs de la sociologie (ici, la théorie de la résonance) et méthodes ethnographiques (ici, participation observante répétée). La démarche sémiotique peircienne vise à analyser les signes et effets de sens produits à partir de qualités perceptibles, de contingences ou relations causales, et d’associations arbitraires ou conventionnelles (Deledalle, 1979), notamment dans les relations qu’entretiennent image-representamen, objet, discours interprétatif et observateur·ice, relations particulièrement importantes en astronomie observationnelle. Les catégories du « protocole mathématique » (Peirce, 1978 [1931-1953]) (priméité/secondéité/tiercéité) permettent d’affiner les descriptions socio-ethnographiques et analyses (cf. tableau en annexe).
[2] La graphie (in)disponibilité est ici préférée car semi-disponibilité pourrait n’être entendue que comme disponibilité partielle, alors que le concept désigne aussi les indisponibilités totales momentanées.
[3] L’auteur reconnait les vertus heuristiques et communicationnelles de la résonance, en tant que « métaphore constitutive d’une théorie » (Resche, 2022). Toutefois, à sa connaissance, peu de distance épistémologique a été formellement prise jusqu’ici par la communauté SHS vis-à-vis de la forme métaphorique choisie par Rosa. En effet, le terme ‘résonance’ est l’objet d’une très forte « polychésie », c’est-à-dire donnant lieu à de multiples usages réinterprétatifs qui varient en fonction des champs sociaux (Jeanneret, 2008 : 83-84). Rosa joue d’ailleurs beaucoup de la polysémie du terme, offrant un sens tantôt psychologisant (projection dans l’autre), tantôt mélomane (sympathie avec une œuvre), tantôt physico-acoustique (réduit parfois à l’écho dans sa dimension harmonique) etc. Ces déclinaisons peuvent aider à explorer de manière inédite les jeux interrelationnels à travers les différentes analogies qu’elles suggèrent, mais elles peuvent aussi créer des incompréhensions. En effet, pour conserver son efficacité, une métaphorisation conceptuelle doit si possible être en mesure d’assumer les différences entre objets comparés, au risque que l’on reporte indûment sur l’objet analysé toutes les qualités propres à l’objet métaphorisant (Utaker, 2002).
[4] Reproduction des huit photographies illustrant cet article autorisée par le directeur général de l’AFA (10 juillet 2024). Tous droits réservés.
[5] La notion de « médiation » renvoyant ici à une mise en lien expérientielle – corporelle, intellectuelle, émotionnelle – entre des individus et des objets de sens (Caune, 1999), la mobilisation de la théorie de la résonance, dépeinte par Hartmut Rosa comme une « sociologie de la relation au monde », est donc pour cette étude tout à fait indiquée.
[6] Les constellations sont à l’origine des groupements d’étoiles rassemblées arbitrairement par les sociétés humaines sous forme de figures représentant des objets, personnages et créatures. Elles varient donc en fonction des cultures.
[7] L’évolution formelle des constellations est extrêmement lente. Leur décalage au fil des saisons relève quant à lui d’un cycle de 25 600 ans.
[8] Le terme « désenchantement » se réfère ici à la thèse de la sécularisation des sociétés consécutive au renforcement de la place de la raison et des sciences, au détriment de la pensée magique et de la religion.
[9] Alors que l’emploi des lasers dans l’espace public est strictement règlementé, les animateur·ices justifient leur usage à partir d’une formulation juridique ambigüe qui autorise « toute utilisation scientifique pour l’enseignement » (décret n° 2012-1303 du 26 novembre 2012).
[10] Les combats astro-écologiques ont permis l’émergence d’espaces géographiques protégés appelés réserves de ciel étoilé.
[11] Les meilleurs ciels sont en zones rurales, fréquemment associées en France à leurs spécialités locales.
[12] Le.a lecteur.ice pourra s’en convaincre en découvrant aux renvois 297, 300 et 301 les merveilleuses lignes du Promontoire du Songe (Hugo, 2013 [1864]) accessibles à l’adresse https://fr.wikisource.org/wiki/Proses_philosophiques/Promontorium_somnii (consulté le 20 janvier 2025).
[13] Si les termes « émotion » et « sentiment » paraissent synonymes dans le langage courant, l’émotion est fréquemment considérée en psychologie comme une réaction spontanée face à un événement particulier. Le sentiment est décrit comme un état émotionnel plus complexe, durable et réflexif, qui peut se détacher des émotions initiales, ce qui facilite d’ailleurs sa mise en mots (Pasquier, 2021 ; Danon-Boileau, 2022).
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