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Sénécail Alain, Quarello Saskia, Ordonez-Pichetti Oriana, Cohen-Azria Cora, Picard Marion, Wobmann Léa, Kloetzer Laure

Une approche didactique de l’émerveillement : ces “presque riens” qui disent beaucoup

 




 Résumé

La notion d’émerveillement est largement mobilisée afin de décrire les situations de rencontre entre les publics et les sciences dans les espaces de médiation scientifique tels que les musées, les jardins botaniques, les parcs naturels, etc. Toutefois, bien que l’émerveillement structure les discours des professionnels de la médiation, les recherches en didactique ou sciences de l’éducation sur ces lieux ne s’emparent que peu de cette notion. Cet article explore d’abord les quelques conceptualisations existantes puis propose une analyse de situations didactiques filmées afin d’identifier les contours, “ces presque riens”, d’un premier positionnement autour de l’émerveillement en didactique.

Mots-clés : émotions  ; multimodalité  ; rapport à  ; visite scolaire  ; jardin botanique

 Abstract

A Didactic Approach to Wonder : These ’Almost Nothings’ That Say So Much

The notion of wonder is widely used to describe the situations in which the public encounters science in science mediation spaces such as museums, botanical gardens, parks, etc. However, even though a sense of wonder structures the discourse of mediation professionals, research in didactics or educational sciences on these places has rarely taken up this notion. This article first explores the few existing conceptualisations and then proposes an analysis of filmed didactic situations to identify the contours, these ‘almost nothings’, of an initial positioning around wonder in didactics.

Keywords : didactics ; emotions ; multimodality ; relation to ; school visits ; botanical gardens

 Introduction

L’émerveillement apparait comme un paradoxe lorsqu’on étudie les lieux de formation informelle tels que les jardins botaniques, les zoos, les musées… En effet, au sein de ces espaces, ce terme est mobilisé de façon importante, tant sur les sites internet, les réseaux sociaux, les fiches pédagogiques ou de vulgarisation que sur les cartes de vœux adressées aux partenaires et visiteurs (Sénécail, 2023). Alors même que ce terme d’émerveillement structure de façon forte ces nombreux types de discours, les recherches en didactique et en sciences de l’éducation construites sur ces espaces peinent à s’emparer de cette notion.

Dans cet article, nous tentons d’abord de comprendre les raisons de cette absence de conceptualisation de l’émerveillement et explorons les rares travaux existants. Puis nous analysons des situations didactiques déployées lors de visites scolaires dans des jardins, des musées et des espaces naturels afin d’identifier les moments possibles d’émerveillement tels qu’ils pourraient être appréhendés en didactique. En somme, cette étude exploratoire vise à mettre en place un cadre méthodologique permettant d’intégrer l’émerveillement dans nos analyses, en interrogeant les dynamiques et les modalités de sa reconstruction et de son appréhension dans des contextes situés.

 Émerveillement entre manifestation et absence : en quête de définition

Nos travaux s’ancrent dans l’analyse scientifique d’espaces de mise en scène de la nature, en particulier les musées d’histoire naturelle et les jardins botaniques. En plus de leurs objectifs en matière de recherche et de conservation, ces espaces assument des missions d’éducation du grand public comme de publics scolaires lors de visites et d’ateliers. Cet article résulte d’un double constat : d’une part, nos précédents travaux ont montré que le terme « émerveillement » apparaît fréquemment dans les discours des professionnels de ces lieux d’éducation scientifique, l’émerveillement étant un objectif déclaré des visites scolaires. Ainsi, les expériences en ces lieux sont décrites, envisagées, conçues comme des moments hors du commun durant lesquels les publics sont amenés à vivre des situations différentes de l’ordinaire. De même, au sein du monde scolaire, à côté d’objectifs en lien avec les contenus scientifiques, les enseignants envisagent la sortie scolaire comme un temps culturel pouvant offrir du plaisir face à des choses étonnantes, belles, extraordinaires (Sénécail, 2024). L’émerveillement est donc au cœur des discours sur les sorties scolaires.

D’autre part, l’émerveillement est peu conceptualisé dans les recherches en didactique et en sciences de l’éducation qui étudient ces sorties scolaires. La didactique (en particulier la didactique des sciences) s’est emparée de ces situations de sorties depuis les années 1980. Pourtant, la notion d’émerveillement n’y a pas été définie sur le plan théorique, ni même véritablement étudiée. C’est comme si elle était uniquement envisagée comme l’objet de déclarations et non comme le résultat d’une expérience. Ce constat résulte peut-être d’une difficulté méthodologique : son observation et son objectivation peuvent se révéler problématiques. Comment alors prendre la mesure de l’émerveillement ? Si les didactiques n’ont jusqu’à présent pas relevé le défi de cette mesure, nous constatons en revanche que cette notion (et celles qui lui sont proches) a pu davantage être mobilisée dans d’autres disciplines. 

L’émerveillement en éducation : quelques apports de différentes disciplines

Dans le champ de la psychologie, la notion d’émerveillement est abordée selon diverses approches. Elle fait d’ailleurs l’objet de définitions très contrastées (Jiroult, Klarh, 2012) et elle est très souvent intriquée à d’autres notions, comme celle de curiosité (Silverman, 1989  ; Bjerknes, Whilhelmsen, Foyn-Bruun, 2024). Dans ses travaux, Glăveanu (2019, 2021) décrit l’émerveillement comme élément consubstantiel de la créativité et de l’imagination dans tous les domaines, particulièrement en éducation. Il précise que « l’émerveillement et le fait de s’émerveiller définissent un type particulier d’expérience dans lequel une personne prend conscience (plus ou moins soudainement) d’un champ élargi de possibilités pour la pensée et/ou l’action, et s’engage (plus ou moins activement) dans l’exploration de ce champ. Cette expérience s’accompagne généralement d’émotions stimulantes (sans que toutes soient nécessairement positives) [1] » (Glăveanu, 2019 : 2). En cela, l’émerveillement revêt différentes facettes et s’inscrit dans des dynamiques complexes de transformation des sujets. Parsons (1969 : 85) ne diffère pas lorsqu’il décrit l’émerveillement comme une « étincelle d’excitation qui franchit l’écart entre l’homme et le monde [2]. » Cette diversité de perspectives reflète la complexité intrinsèque de cette notion en tant que phénomène psychologique et émotionnel avec lequel les disciplines de recherches ne savent pas toutes composer. 

Dans les recherches sur l’enseignement des sciences, l’émerveillement est souvent décrit comme un élément important pour entrer dans les apprentissages. Ainsi, des chercheurs tels que Egan, Cant et Judson (2013) ou encore Lipman et Sharp (1986) considèrent l’émerveillement comme un « outil pédagogique précieux » favorisant le questionnement chez les élèves et contribuant significativement aux apprentissages. De même, Hadzigeorgiou et Garganourakis (2010) soutiennent que l’émerveillement constitue un prérequis essentiel à l’apprentissage de notions scientifiques. Ainsi, la fonction de tremplin, associée au sentiment d’émerveillement ou de plaisir qui amènerait ou faciliterait les apprentissages est souvent mobilisée, mais comment l’appréhender scientifiquement ?

Au-delà des savoirs scientifiques, Schinkel (2018) souligne que promouvoir l’émerveillement dans l’éducation pourrait favoriser l’empathie, l’imagination et l’amour pour la nature. Il s’agit là d’une perspective très partagée. Par exemple, Carson (1965) considère que l’émerveillement participerait à l’éveil d’une conscience écologique chez les enfants. Pour d’autres comme Sinai, Caffery et Cosby (2022), il s’agit d’une émotion suscitant l’admiration et la curiosité. Certains vont encore plus loin, c’est le cas de Schinkel (2018 : 34) pour qui l’émerveillement peut être considéré comme un « mode de conscience dans lequel nous faisons l’expérience de ce que nous percevons ou contemplons comme étrange, au-delà de nos capacités de compréhension, mais qui, en soi, est digne de notre attention [3] ». 

Toutefois en didactique, l’émerveillement n’est pas encore construit comme objet d’étude. En effet, comme le souligne Hadzigeorgiou (2016 : 143), « dans le contexte de l’enseignement des sciences à l’école, l’émerveillement fait partie de ces notions qui sont soit considérées comme allant de soi – nous savons tous qu’elles sont importantes, il n’est donc pas nécessaire d’en parler – soit simplement associées à la dimension émotionnelle de la connaissance scientifique, qui n’est pas la “vraie matière” de la science [4] ». Le sujet épistémique, dans ses rapports à des savoirs constitués, qui est historiquement l’objet d’étude de la didactique, ne permet sans doute pas d’appréhender pleinement le rôle des émotions dans l’apprentissage, maintenant largement documenté en sciences de l’éducation. La didactique admet ainsi que l’émotion peut constituer une entrave ou, au contraire, une aide à l’acquisition de connaissances (Cuq, 2003). En effet, les émotions, dont l’émerveillement (Valdesolo et al., 2017), constituent des processus intrinsèques à l’apprentissage, elles signalent à l’individu la nature de sa relation à la situation (Cuisinier, Pons, 2011  ; Sinatra et al., 2014). Bien que les émotions fassent partie intégrante des processus d’apprentissage, elles ne sont pas exclusivement rattachées à des contenus disciplinaires. Or, ce sont ces contenus qui sont au centre des analyses en didactique (Reuter, 2021).

Les réflexions sur la construction de certaines émotions comme « faits didactiques » (Audigier, 2004  ; Reuter, 2016), dignes d’étude, ont été initiées. Elles ont mis en évidence l’importance des inhibitions chez les élèves, suscitées notamment par des sentiments négatifs comme des peurs, des hontes ou des dégoûts. On note également une part très restreinte des discours des élèves sur des émotions positives comme « les joies, les émerveillements ou les plaisirs à apprendre de nouveaux contenus » (Lahanier-Reuter, 2021 : 18).

Pourtant, les recherches suggèrent que l’émerveillement permet aux élèves de questionner les évidences (Opdal, 2001), tout en favorisant leur engagement cognitif et émotionnel dans les disciplines scolaires (Hadzigeorgiou, Stivaktakis, 2008) et particulièrement dans des « disciplines complexes » telles que les sciences naturelles (Sinatra et al., 2014). Gilbert et Byers (2017) ajoutent que l’émerveillement permettrait également de désamorcer la vision négative souvent associée aux sciences, car il contribue à instaurer des situations plus engageantes, où les enseignants se centrent davantage sur les émotions des élèves que sur leurs connaissances préalables.

Hadzigeorgiou (2012, 2016) et L’Ecuyer (2014) précisent encore que cette dimension est d’autant plus importante chez les jeunes élèves qu’elle facilite leur engouement envers des objets du quotidien qui peuvent alors devenir objets d’investigation. Hadzigeorgiou (2018 : 290) précise encore que l’émerveillement peut avoir lieu dans des situations tout à fait ordinaires et indique : « L’émerveillement […] ne ’survient pas automatiquement’  ; il doit ’émerger’, c’est-à-dire être suscité par des questions, des expressions linguistiques, des images ou des expériences. Cela ne signifie cependant pas qu’il n’existe pas de cas où l’émerveillement ’survient automatiquement’, c’est-à-dire lorsque l’émerveillement ’frappe’ spontanément. Mais dans les situations où nous faisons référence à des objets et phénomènes très familiers et quotidiens (par exemple, un verre d’eau, un arbre, la pluie, la trajectoire d’un caillou ou d’un ballon de football), le sens de l’émerveillement doit être éveillé. [5] »

En fait, l’idée soulevée est que l’émerveillement doit être suscité et explicite. Masschelein et Simons (2008) approfondissent cette idée en suggérant que l’émerveillement, associé à une posture réflexive, offre aux élèves l’opportunité de reconsidérer leurs apprentissages de manière critique. Dans cette veine, Hadzigeorgiou (2012) a également montré que, lorsque les enseignants suscitent intentionnellement l’émerveillement en début de séquence, les élèves démontrent une meilleure assimilation et compréhension des contenus scientifiques comparé à un groupe témoin. Ces constats mettent en lumière le rôle de levier de l’émerveillement dans les apprentissages, ce qui en fait un sujet à interroger nécessairement en didactique et en sciences de l’éducation.

Penser les émotions et l’émerveillement en situation didactique

Dans cet article, nous choisissons de distinguer affects et émotions de la façon suivante : les affects résultent de la capacité du sujet à être touché, affecté (par son environnement, par les autres, etc.). Les émotions résultent de l’expression socialisée de ces affects : en tant que formes d’expression, elles sont donc toujours au moins partiellement adressées. Elles donnent sens aux affects dans l’échange social et ce sens est susceptible d’être reconnu, validé ou contesté dans cet échange, ce qui peut amener à un développement ou à une requalification des affects. La limace, de « dégoûtante », peut devenir « fascinante », si elle est appréhendée comme un animal décomposeur dans le discours des médiateurs culturels, par exemple. Nous rejoignons ainsi Rimé (2005 : 110), qui considère l’émotion dans une « propension à traduire cette expérience en paroles et à la partager socialement ».

Dans les contextes auxquels nous nous intéressons ici, il peut être question d’émotions configurées par les positions sociales des sujets, qui ressentent et identifient les émotions des autres. L’espace social dans lequel se situent les sujets influe sur les sens, les moments, les reconnaissances de ces émotions (Lahanier-Reuter, 2021  ; Sinatra et al., 2014). Cette position a de l’importance dans un contexte d’apprentissage où l’individuel et le collectif se rencontrent. Dans ce cadre, l’émotion est donc étudiée comme ayant deux faces indissociables, une composante individuelle (l’élève vit une expérience intérieure, il est affecté, éprouve un affect), mais aussi sociale : l’émotion est exprimée, destinée et visible par autrui (Audrin, 2020). Sur le plan méthodologique, l’expression de l’émotion des élèves et leur recherche de partage de cette émotion, dont nos vidéos gardent fidèlement trace, constituent un des premiers indicateurs qu’il se passe quelque chose que les didactiques gagneraient à analyser.

Les interactions très nombreuses et intenses entre les élèves et les éléments présents dans les divers environnements nous permettent de penser l’émerveillement comme central dans les situations didactiques, en particulier lors des sorties scolaires au contact d’éléments de nature (Chang, 2020). Cependant, comment l’appréhender en tant que notion mesurable, qualifiable ? Les éléments de définitions évoqués plus haut nous donnent certes à penser, mais ne s’avèrent pas pour autant directement opérationnels.

À ce stade de notre réflexion, nous ne pouvons pas proposer de définition à cette notion. D’ailleurs le voulons-nous ? Toutefois, nous pouvons proposer des éléments qui orientent notre regard, nos questionnements autour de ce que nous pouvons appeler des traces d’émerveillement en actes. Nous optons pour cette approche heuristique, car nous considérons qu’elle peut être plus pertinente à ce stade initial de questionnement.

Comment l’émerveillement, souvent évoqué mais rarement analysé de manière systématique en didactique des sciences, peut-il se manifester et contribuer à la construction du rapport à la nature [6], chez les élèves, dans le cadre des sorties scolaires dans des espaces naturels et muséaux ?

Nous proposons de construire notre analyse à partir de trois notions structurantes : les contextes, les objets et les sujets didactiques. Nous considérons que les contextes pèsent sur les situations didactiques. Ainsi, si celles-ci se déploient dans ou hors des murs de l’école, dans un musée ou en forêt, menées par un ou une enseignante, un ou une guide, la situation didactique et les éléments qui la constituent varient (Cohen-Azria, 2016). Les objets de savoirs et les contenus sont toujours contextualisés et ce contexte est fondamental pour notre analyse. « Les contextes composent ou recomposent, pour le chercheur, un cadre d’accueil des contenus rendus cohérents après leurs transformations, leurs modelages spécifiques et leurs mises en scène, en espace et/ou en texte particulières. Ainsi, ils abritent les contenus et les organisent » (Cohen-Azria, 2016, :124). Les sujets didactiques dans leurs pluralités sont soumis aux contextes et aux objets de savoir en jeu et à ce qu’ils en reconstruisent. S’ils sont pensés ici comme pluriels, c’est que leurs statuts varient entre enfants, élèves, élèves en sciences, visiteurs, élèves en balade… et c’est le chercheur qui reconstruit, au sein de ces dimensions, le sujet didactique. 

Après la présentation de la méthodologie et du corpus, nous proposerons des pistes d’analyse en didactique au prisme de la notion d’émerveillement. 

 Émerveillement : en quête de traces

L’émerveillement est souvent identifié par les professionnels impliqués (enseignants, guides, responsables pédagogiques…) comme l’un des aspects centraux des sorties en nature et des visites dans les lieux informels d’éducation scientifique (Zwang et al., 2022  ; Chang, 2020  ; Sénécail, 2024). En effet, les visites scolaires s’organisent souvent en séquences pédagogiques qui favorisent à la fois les apprentissages et des formes de relations affectives avec les autres vivants (émerveillement, empathie, soin…), ce qui pourrait contribuer à la construction d’un rapport positif avec la nature. Nous proposons d’examiner ces manifestations au sein des situations didactiques. Pour cela, nous nous appuyons sur des observations de visites de groupes scolaires que nous analysons dans une perspective multimodale. 

Approche multimodale et traces d’émerveillement multiples

En considérant la parole associée aux ressources non verbales, nous nous ancrons dans une approche multimodale (De Stefani, Mondada, 2007  ; De Stefani, 2010). En effet, la visite scolaire peut être envisagée « comme un flux d’échanges entre les participants qui utilisent toutes les ressources de la communication humaine » (Dufiet, 2012 : 7). L’analyse multimodale permet alors d’appréhender « la diversité des ressources à la fois audibles et visibles, langagières et corporelles, mobilisées par les participants : grammaire, lexique et prosodie, mais aussi gestes, regards, mouvements de la tête, expressions faciales, postures corporelles, mouvements du corps  » (Mondada, 2014 : 158). Cette prise en considération de l’hétérogénéité des ressources rend alors possible l’enchevêtrement des registres sémiotiques. Cela permet d’agrandir la focale d’observation des situations didactiques. 

Nous avons procédé à différentes étapes d’analyse nous permettant de saisir cette diversité des ressources. Une étape importante a été de visionner les extraits vidéos sans le son : l’image muette nous a permis d’identifier des éléments qui nous avaient échappé lors de la première écoute (certains regroupements, des regards complices, des expressions faciales d’élèves qui n’interagissent pas verbalement…). La transcription nous a apporté une lecture complémentaire, car les propos de chaque élève y sont plus facilement identifiables et les intonations soulignées. La captation vidéo constitue ici un outil essentiel du travail d’analyse.

En plus de l’image, nous mobilisons des indices linguistiques. En effet, comme le souligne Crapanzano (1994), il existe une large variété de procédés linguistiques qui assurent la mise en discours des émotions. Ainsi, dans ces différents aspects du langage, il est possible d’identifier et de reconstruire des traces d’émerveillement (Frunză, Precup, Frunză, 2018).

La dimension exploratoire assumée de notre article nous amène à interroger la notion d’émerveillement au sein des situations didactiques et non à l’aide d’une définition à priori. Tout d’abord, nous cherchons à identifier, dans les situations, les traces d’émerveillement afin d’avancer vers une définition de cette notion. Parallèlement, nous explorons les catégorisations possibles de ces traces pour mieux les comprendre et les structurer.

Corpus : des visites scolaires dans des contextes variés

Nous nous appuyons sur un corpus constitué par des données construites lors de six visites scolaires filmées, caméra au poing, entre 2020 et 2024, en France et en Suisse, par les deux équipes de recherche (l’une en didactique, l’autre en sciences de l’éducation) dont cet article reflète la collaboration en cours. Ces visites scolaires ont eu lieu dans différents contextes (musées, parcs naturels, jardins botaniques). Les analyses prennent appui sur des extraits pour lesquels nous décelons des émotions à travers le lexique et le gestuel. Nous faisons l’hypothèse que c’est au sein de ces séquences qu’il est possible de reconstruire des moments d’émerveillement. 

Le tableau suivant (Fig. 1) décrit les extraits qui constituent ce corpus. 

Titre de l’extraitThématiqueEffectifLieuDuréeÂge
Le lézard Atelier sur la thématique des abeilles sauvages 18 Jardin botanique de Neuchâtel, Suisse. 2’30” 6-8 ans
Hôtel à insectes Jardin botanique de Neuchâtel, Suisse. 50” 6-8 ans
La graine Ateliers sur la thématique de l’organogenèse 16 Jardin botanique de Neuchâtel, Suisse. 7 ’ 21” 6-8 ans
Le tilleul Ateliers sur la thématique dessens 18 Jardin botanique de Neuchâtel, Suisse. 3 ’ 50” 6-8 ans
Exploration 1 Jardin botanique de Neuchâtel, Suisse. 2’36” 6-8 ans
Exploration 2 Jardin botanique de Neuchâtel, Suisse. 2’ 6-8 ans
La limace Jardin botanique de Neuchâtel, Suisse. 1’40’’ 6-8 ans
L’améthyste Visite guidée sur la thématique des ovipares 25 Musée d’histoire naturelle de Lille, France. 1 ’ 30” 9-10 ans
L’arbre mon ami Visite guidée sur la thématique des arbres 25 Les près du Hem (parc), France. 15’22’’ 4-5 ans
Punaises assassines Visite guidée sur la thématique du squelette 22 Musée d’histoire naturelle de Lille, France. 1’ 20” 7-8 ans

Figure 1 : Constitution du corpus

À la suite de l’observation filmée, toutes les séances sont transcrites selon les modalités de transcriptions décrites ci-après. 

NI : non identifié

P : professeure 

G : guide 

C : chercheur·e

E : élève seul·e / Ex (E1, E2, E3…) : élève seul·e et identifié·e 

EEE : plusieurs élèves (sans distinction)

↑ intonation montante

↓ intonation descendante

/ auto-interruption

// hétéro-interruption

Souligné : chevauchement des paroles

(…) pause dans le discours

 :, ::, :: : allongement syllabique (plus ou moins long)

En gras  : les éléments saillants sur lesquels nous nous appuyons pour l’analyse

Analyses – Émerveillements lors de visites scolaires et rapports à la nature

Dans les parties suivantes, nous proposons une catégorisation basée sur les traces d’émerveillement en relation avec la notion de contexte, particulièrement dans des situations impliquant le rapport à la nature. Cette catégorisation se développe en deux grands axes : premièrement, les traces discursives (verbales et gestuelles) et deuxièmement, la scénarisation et ses ruptures. En centrant notre analyse sur les traces laissées par les expériences d’émerveillement, nous visons à mieux comprendre comment ces moments se manifestent et se structurent dans des contextes éducatifs. 

Les lieux informels d’éducation scientifique comme les jardins botaniques, les musées et les parcs offrent des cadres diversifiés où les élèves peuvent interagir directement avec des éléments naturels et des objets scientifiques. Les musées (musée d’histoire naturelle de Lille) et les jardins botaniques (Neuchâtel) proposent une scénarisation explicite d’éléments de nature, morts ou vivants. Les parcs (Près du Hem) sont également scénarisés pour l’agrément citadin tout en présentant une variété de plantes et d’écosystèmes dans leur état ’naturel’. Ces contextes permettent aux élèves des rencontres avec les éléments de nature qu’ils soient vivants (animaux, plantes…), non-vivants (éléments géologiques…), morts (squelettes…) ou qu’ils soient des artéfacts de ces éléments de nature (modèles en plâtre ou animaux naturalisés par exemple). Dans tous les cas, ces contextes permettent aussi de faire des découvertes spontanées.

Toutefois, considérer que l’émerveillement serait systématique dans de tels contextes ne serait pas juste, même si cela est souvent revendiqué dans les documents pédagogiques. Dans ces situations ’hors du commun’ que nous analysons comme des situations didactiques, nous observons et étudions les dires et les faires des sujets, afin de saisir les possibles traces d’émerveillement. 

Bien que de nombreux autres moments des visites observées puissent correspondre aux catégories que nous présentons, pour des raisons de clarté et de lisibilité, nous avons choisi d’illustrer chaque section de l’analyse avec quelques extraits particulièrement éclairants au regard de notre questionnement.

 Les traces discursives

L’expression explicite de l’émerveillement

L’une des premières manifestations de l’émerveillement au sein des discours se traduit par des formes de verbalisations explicites. Ces verbalisations sont alors en lien direct avec la rencontre d’éléments de nature. 

L’extrait suivant [7] (Fig. 2) concerne une visite sur la thématique des ovipares et plus précisément un moment de transition entre deux vitrines. Les élèves passent devant une améthyste. Quelques élèves s’arrêtent et interpellent l’enseignante. 

Propos Illustrations
E1 Waouh↑ c’est trop beau
E2 Ouais t’as vu↑ c’est comme un diamant↑ 
E3 Un cristal↑
E1 Maitresse regarde (…) vu que tu aimes le violet
E4 C’est de l’améthyste↑
E1 Ça se fait comment 
P Ça s’est formé dans la poche (…) parce qu’il y a certains minéraux qui sont présents (…) une pression (…) une température et du coup ça transforme comme ça en améthyste

Figure 2 : Transcription partielle de l’extrait Améthyste – expression explicite

Ainsi, les interactions directes avec les éléments de nature peuvent susciter des émotions fortes et provoquer des réactions enthousiastes. Ces moments sont souvent accompagnés de gestes et de commentaires enjoués, révélant l’importance des interactions sociales autour de ces découvertes pour les élèves. Interpellés par la beauté et la richesse du monde naturel (ici, géologique), les élèves s’engagent dans des dynamiques interpersonnelles fortes dénotant une volonté de partager son ressenti (« Maitresse regarde (…) vu que tu aimes le violet »). Le goût de l’enseignante (pour le violet) vient renforcer l’attirance de l’enfant pour l’améthyste et contribue à lui donner un sens dans une situation sociale (comme quelque chose qui peut faire plaisir à la maitresse).

Dans cet exemple, l’expérience concrète incite les élèves à poser des questions sur un phénomène scientifique qui dépasse le cadre prévu de la visite scolaire. Dans ce cadre, l’émerveillement se constitue comme précurseur potentiel d’un questionnement chez les élèves : la formation des cristaux. La curiosité étant l’une des vertus épistémiques propres aux sciences (Charbonnier, 2015  ; Hadzigeorgiou, 2016), une forme de savoir-être-en-sciences s’instaure. 

Si elles sont éclairantes, ces verbalisations explicites restent rares et ne représentent qu’une petite fraction de l’expression émotionnelle. Cela rejoint les résultats de Reuter (2016) qui soulignent qu’une part très restreinte des discours des élèves porte sur des émotions. Cependant, l’émerveillement est également reconstructible à travers d’autres éléments accompagnant l’expression explicite des émotions.

Les onomatopées et les intonations

L’émerveillement coïncide avec des marqueurs d’intensité dans le discours oral par le biais d’ « interjections onomatopiques » (Fraisse, Paroubek, 2015), comme l’illustrent les passages en gras dans l’extrait suivant (Fig. 3). Nous identifions ce type de traces dans tout le corpus.

Propos Éléments non verbaux
E4 T’as vu la taille de l’arbre↑ L’élève pointe avec son index l’arbre face à lui.
E5 Waouh :: : L’élève est bouche bée
[…]
E18 Oh mais regarde c’est un millepatte L’élève touche le myriapode.
E4 Il est gros L’élève touche les pattes du myriapode. Rires.

Figure 3 : Transcription partielle de l’extrait Arbre Mon Ami – Onomatopées

Les onomatopées, en lien notamment avec des intonations montantes et des allongements syllabiques, constituent ici des traces particulièrement prégnantes de l’engagement émotionnel des élèves dans la tâche. Elles ont la particularité de constituer des indices linguistiques d’une émotion, soulignant l’orientation affective du locuteur et témoignant de son attitude subjective. En effet, comme le soulignent Tesnière (1959) et Kleiber (2006), les « interjections onomatopiques » relèvent d’interjections primaires émotives. Dans l’exemple précédent, les élèves utilisent des onomatopées relevant d’un registre manifestement positif. Cela nous amène alors à considérer ces évènements comme des moments possibles d’émerveillement. Dans ce cadre, c’est l’expérience (en tant qu’évènement) que représente la rencontre avec des êtres vivants qui est à l’origine de l’émerveillement. En touchant et en observant les organismes, les élèves entrent en interaction avec les éléments naturels dont ils font une expérience tangible, ce qui est un aspect clé de l’acculturation (Dewey, 2013 [1916]) et de la construction d’un rapport positif au vivant (Coquidé-Cantor, 2000).

L’analyse proxémique de l’émerveillement : la corporéité du discours

Dans certains cas, l’émerveillement est signifié par une réaction corporelle en réponse à une stimulation externe : visuelle, auditive, olfactive ou bien tactile.

Propos Éléments non verbaux Illustrations
E2 L’élève caresse la mousse de l’arbre.
E12 Ah c’est doux ça L’élève caresse à son tour la mousse de l’arbre
E14 E16 E18 Les trois élèves viennent également caresser la mousse.
G Oui la mousse est toute douce
E18 C’est doux waouh

Figure 4 : Transcription partielle de l’extrait Arbre Mon Ami – Corporéité

Cet exemple (Fig. 4) illustre une activité dans laquelle une « échoïsation » ou « synchronie corporelle » (Cosnier, Vaysse, 1992) opère entre les partenaires de l’interaction. Il y aurait ainsi « par le biais d’une échoïsation corporelle, parfois visible, mais souvent subliminaire, une facilitation à la perception des affects d’autrui » (idem : 14). Ainsi, situé dans un contexte interactionnel en lien avec la prise en compte de l’environnement, l’émerveillement peut se manifester par une réaction corporelle qui se reflète par la suite sur d’autres sujets en présence. L’émerveillement s’incorpore dans le toucher tout en se dédoublant dans les paroles. Il s’élabore à travers une réorganisation des relations interactionnelles entre les sujets.

À l’instar de Munier et Letonturier (2016), nous portons notre regard sur l’émerveillement au prisme des corporéités. Il s’agit d’interroger la manière dont « le corps de l’expérience » peut se concevoir en tant que « caisse de résonance » de cette expérience (Berger, 2005 : 52). Les extraits analysés nous amènent ainsi à interroger la manière dont l’émerveillement est intriqué aux dimensions sensorielles qui « prennent la mesure de l’environnement » (Cerclet, 2008 : 177).

Ainsi, cette conception de l’émerveillement comme une émotion corporelle (Bottineau, 2013) implique également une mobilisation des cinq sens. Il s’agit alors d’identifier les traces de cette implication des sens dans l’expression de l’émerveillement.

Le rôle des sens

Que ce soit par la vue, l’ouïe, le toucher ou le goût, les expériences sensorielles jouent un rôle crucial dans la manière dont les élèves perçoivent et réagissent au monde qui nous entoure. Ces sensations déclenchent des réactions émotionnelles, parfois fortes, qui participent de l’expérience et de l’engagement.

Le toucher

Dans l’illustration suivante (Fig. 5), tout comme dans l’exemple précédent, on retrouve l’implication du toucher : ici, la guide montre une feuille pour évoquer les dentelures. Les élèves, par mimétisme, se mettent à lever les mains pour toucher les feuilles. 

Figure 5 : Illustration du toucher - Extrait Arbre Mon Ami

Ces expériences sensorielles, qui apparaissent comme étant marquantes pour les élèves, participent notamment à certains apprentissages (Hadzigeorgiou, 2016). Plus largement, ces expériences pourraient permettre d’ancrer les apprentissages dans le réel et favoriser le sentiment d’appartenance des élèves au monde qui les entoure, cultivant ainsi une sensibilité écologique et un désir de conservation (Schinkel, 2018).

Le goût

L’analyse des verbatims montre comment les élèves peuvent réagir de manière spontanée et expressive lorsqu’ils goûtent des éléments naturels, révélant ainsi une gamme de réponses sensorielles qui peuvent contribuer à leur émerveillement. C’est ce que montre l’extrait suivant (Fig.6) où les élèves goûtent une feuille de tilleul.

Propos Éléments non verbaux Illustrations
E3 Oh↑ Mordille et goûte la feuille, fait une mimique de dégoût
E5 Pour moi c’est comme une glace Goûte la feuille, en la léchant
M Essaye de la croquer, de la manger  
E3  beurk↑ Croque la feuille en regardant E4
E4 beurk↑ Croque la feuille en regardant E3 et fait une mimique de dégoût, tire la langue
E3  Beurk↑ Ah :: ↑ Croque la feuille en regardant E4 et fait une mimique de dégoût, tire la langue, recrache 
E4 Beurk↑  Tire la langue
E3 Ah ouais↑ Beurk↑ Regarde E4 et l’imite 
E4 Beurk↑ Pff↑ Euh Regarde E3 et l’imite 
E6 Mmh : Mord plusieurs fois et sourit
E5   Goûte et fait une mimique de dégoût, recrache 
E6 C’est vraiment bon↑ dit↑  E6 reprend un morceau, E5 acquiesce et continue de mâcher en grimaçant

Figure 6 : Transcription partielle de l’extrait Tilleul – Le goût

Dans cet extrait, les réactions des élèves face au goût des feuilles illustrent comment l’émerveillement se décline en expressions de dégoût, de surprise, comme de plaisir. Ou plutôt, pourrions-nous avancer, en un jeu autour du dégoût, qui provoque lui-même du plaisir. Ainsi, E3 et E4 montrent des signes clairs de dégoût en croquant les feuilles, exprimant des « beurk » et tirant la langue, tout en se regardant mutuellement pour partager et comparer leurs réactions et en continuant à goûter les feuilles. Cette dynamique d’imitation et de comparaison renforce l’expérience sensorielle et l’émerveillement collectif de pouvoir manger des feuilles.

E6, confronté à la même expérience, montre une réaction positive en déclarant « C’est vraiment bon↑ » et en souriant, ce qui contraste avec les réactions négatives d’autres élèves, mais qui incite E5 à goûter de nouveau. Cette diversité de réponses met en lumière l’impact des expériences subjectives sur les réponses émotionnelles collectives et leur complexité. L’émerveillement, notamment par le plaisir de goûter des feuilles, peut se combiner à des évaluations contrastées de leur goût (appréciation, dégoût).

L’odorat

Lors de cette visite, il est proposé aux élèves de se déplacer dans un espace arboré pour chercher des plantes odorantes qu’ils déposent dans un petit contenant. Certains élèves se déplacent seuls en cueillant et froissant les feuilles pour les renifler, les sentir. D’autres élèves se regroupent spontanément pour partager leurs découvertes, et les émotions qu’elles suscitent, avec leurs camarades. Ces moments où les élèves réalisent des découvertes constituent l’une des dimensions qui participe à une vision positive des sciences (Ordonez-Pichetti, 2020). 

Propos Éléments non verbaux
E1 Ah : : : ↑ça sent le bonbon ça sent le bonbon↑  E1 montre son contenant avec les plantes ramassées et partage ce qu’elle sent (odeur) avec deux de ses camarades E2 et E3
E4 Regarde (…) ça sent  E4 montre son contenant avec les plantes ramassées à C 
C Waouh↑ Tu trouves que ça sent quoiÇa sent bon E4 part en courant
NI Oh : : : Waouh Ça sent vraiment bon En cueillant des plantes pour les sentir 
E2 Le mien sent vraiment le parfum↑ E2 renifle son contenant
    Nombreuses interactions entre les élèves (partagent les plantes et en cherchent d’autres, ensemble)
E1 Oh Regardez cette plante Oh Ce truc-là↑ Cueille la plante et l’approche de son nez
E3 Wha :: :: ↑ Moi je vais prendre ça↑  
E2 Et le mien ça sent vraiment le parfum E1, E2, et E3 portent leurs plantes vers le nez de deux autres pour leur permettre de les renifler
NI OhÇa sent super bon↑ Sens↑ Sens Ça sent super bon : :  

Figure 7 : Transcription partielle de l’extrait Exploration 1 – L’odorat

Dans cet extrait (Fig.7), les interjections, les nombreuses actions (recherche, cueillette, partage, identification…) et les interactions illustrent un engagement fort des élèves dans l’activité. « L’engagement verbal ou sensoriel des élèves aux activités ainsi que leur rôle actif à la construction de connaissances font preuve d’une participation active de la part de l’apprenant  » (Charalampopoulou, 2019 : 7).

Dans une grande partie des extraits relevés, ces interactions et les émotions qu’elles provoquent, donnent lieu à de nouvelles interactions entre les élèves. L’émerveillement n’est pas seulement une expérience individuelle, mais aussi une expérience sociale, c’est une rencontre avec les autres et avec la nature. « Les expressions émotionnelles peuvent être considérées comme un autre composant important des émotions. Ces expressions assurent une fonction clé de communication comme indices ou signes observables de l’état interne. » (Cuisinier, Pons, 2011 : 3). Les gestes de partage constituent ainsi également une trace potentielle de l’émerveillement.

 Les traces dans la scénarisation du discours

La mise en scène prévue par les guides pour susciter l’émerveillement

Les guides, en tant qu’expert·es, par des narrations immersives, déploient des stratégies planifiées pour attirer l’attention des visiteurs et visiteuses et susciter (ou, du moins, tenter de susciter) leur émerveillement face à la nature. C’est le cas, par exemple, dans l’extrait suivant (Fig.8) où la découverte de l’hôtel à insectes, proposée par la guide à l’ensemble des élèves, constitue un élément déclencheur de l’émerveillement :

Propos Éléments non verbaux
G Des bébés exactement↑ Donc il y a déjà des abeilles qui ont pondu leurs œufs, donné à manger, et puis là-dedans y a des (…) peut-être (…) des larves, qui sont en train de grignoter le pollen  
E1 Ah ouais là il y a une abeille qui est entrée↑  Pointant du doigt vers l’hôtel et interrompant la guide
EEE Oh↑ Ouais↑ Ah : ↑  
G Ah ouais Ah j’ai pas vu↑ mince  
EEE Par là↑ Là (…) Dans le […] Au milieu↑↑ C’est quoi ces // Ah↑ ça gratte↑ Plusieurs élèves pointent du doigt l’hôtel à insectes, d’autres le fixent en se mettant sur la pointe des pieds. 
E2 mais c’est quoi cette autre maison↑   
G Quelle autre maison↑ alors c’est aussi pour d’autres insectes… Les élèves suivent les mouvements d’un insecte près de l’hôtel à insectes. Certains se sont rapprochés physiquement. Soudain, ils s’exclament, interrompant les explications de G
EEE Ah : : : ↑ elle est entrée↑ elle est entrée :: :: là↑ elle est entrée↑↑  
G Là il y en a une  
NI j’ai vu une fourmi↑  
G oui il y a aussi des fourmis qui peuvent l’utiliser, il y a les… Les élèves restent devant l’hôtel à insectes, scrutant ce qui s’y passe. Soudain, plusieurs pointent énergiquement et les cris fusent, interrompant de nouveau les explications de G. 
EEE oh↑ il y a un insecte bleu↑↑ Oh↑↑  
G Les perce-oreilles aussi  
EEE Oh↑↑ Oh↑↑ Oh : : ↑↑ Ah : : ↑ Là il est entré↑↑Bougez plus, bougez plus↑  Les élèves suivent ce qui se passe dans l’hôtel à insectes avec grande excitation, beaucoup d’exclamations 

Figure 8 : Transcription partielle de l’extrait Hôtel à Insectes – Mise en scène

Nous avons identifié dans cet extrait, comme dans la très grande majorité des vidéos, que les discours médiatiques se structurent souvent autour du repérage spatial (« tu vois à gauche », « vous voyez en haut »), des injonctions impératives (« regardez ») et des énoncés déictiques (« là, ici, devant toi »). Ces directives visent à orienter le regard des visiteurs et à stimuler leur émerveillement d’une façon relativement indépendante de l’adulte. La découverte fait suite à la médiation de l’adulte, qui reste présente dans l’échange en communiquant elle-même ses propres émotions et des éléments de savoir guidés par l’intérêt manifesté par les enfants. Ainsi, l’utilisation des « verbes de perception » (Grossmann, 2014) et de gestes déictiques (cf. image ci-dessous. Fig. 9) de la guide contribue à provoquer des réactions chez les élèves.

Figure 9 : Illustration d’un geste déictique – Extrait La Graine

Dans cette perspective, l’émerveillement n’est pas seulement considéré comme précurseur à l’apprentissage, mais aussi comme un objectif visé par les guides et enseignant·es. Les stratégies de spatialisation du discours médiatique, en lien avec la scénarisation du parcours, sont des traces potentielles permettant de reconstruire l’émerveillement. Ainsi, ces indications spatiales et directives verbales constituent des repères intéressants pour identifier les moments où l’émerveillement est intentionnellement suscité par les médiateurs.

Les ruptures dans la situation didactique : à l’échelle du groupe-classe 

L’atelier dont est extrait ce verbatim (Fig.10) porte sur les abeilles. À la suite d’une première partie basée sur la reproduction et pollinisation, les élèves ont été guidés pour observer les abeilles butineuses dans un hôtel à insectes. Cette deuxième partie de la séquence porte sur les mouvements et les comportements des insectes.

Propos Éléments non verbaux
NI Ah il y a un lézard là ↑ Cris enthousiastes
G Ah oui↑ Joli↑ Bonne observation↑   
NI il y a un lézard↑ Plusieurs élèves pointent vers l’hôtel à insectes
G Oui j’ai vu (…) ici En souriant, et en pointant le lézard
E1 Moi je n’ai pas vu de lézard ↓  
G Demande à tes camarades, elles vont te le montrer (…) il est en bas (…) sur l’étage du bas↓ Plusieurs élèves pointent énergiquement. Les élèves se rapprochent, en groupe serré, se poussant un peu les uns les autres, certains touchant la tête de leur camarade.Ils tentent d’indiquer aux camarades l’emplacement du lézard dans l’hôtel à insectes
EEE En bas là↑ Il y a des trous, là↑ Là↑ Je ne vois pas↓ Tu vois il y a un gros bloc et puis à côté il y a encore un bloc  
[…]
EEE Ah : ↑(Plusieurs cris) Wo : : : ↑ Arg↑ E2 élève se tient la tête entre les mains, E3 grimace, E4 pointe son doigt vers le lézard
E5 Là↑ Il est là↑ Regarde↑↑ j’ai vu sa queue Les élèves montrent de l’excitation ou la nervosité, ils s’interpellent, pointent, commentent et poussent des cris.
E6 Là↑ Il est là 
E4 Regarde sa tête↑ Il est trop mignon : : : Regarde (…) il est trop mignon : : : Plusieurs élèves pointent, poussent des cris, sautillent
G Alors je suis désolée de vous couper dans votre élan, mais est-ce que maintenant ça vous dirait, du coup, de construire des petits hôtels à insectes↑  
E7 Oh↑ Regarde↑ J’ai vu le dernier partir↑ là↑ Interrompant G

Figure 10 : Un exemple de rupture à l’échelle du groupe classe - Extrait Lézard

Lorsque le lézard fait irruption dans la situation didactique, cela crée un moment d’enthousiasme collectif. Les élèves se rassemblent rapidement autour de l’hôtel à insectes, pointant du doigt et s’interpelant mutuellement pour localiser le lézard. Des réactions vives des élèves, accompagnées de commentaires, tels que : « Ah il y a un lézard là↑ »  ; « Il est trop mignon↑ » témoignent de l’émerveillement spontané suscité par cette rencontre inattendue. Ces réactions ont été suivies des encouragements du guide, « Ah oui↑ joli↑ bonne observation↑ ». Cet évènement, ne participant pas à la scénarisation prévue, a provoqué autant de manifestations émotionnelles que le précédent, qui avait été envisagé par les médiatrices. Cette réaction collective démontre l’impact significatif de l’évènement sur le groupe et souligne la capacité des rencontres imprévues avec des éléments de nature à catalyser des moments d’émerveillement partagé. 

Ainsi, il s’agit de repérer dans les corpus les traces de ruptures dans le cours de la visite à l’échelle du groupe-classe. En effet, elles peuvent être un indice qu’il se passe quelque chose du point de vue émotionnel. Mais ces ruptures se retrouvent aussi à l’échelle des individus, en marge du déroulé général de la visite.

Les ruptures dans la situation didactique : à l’échelle des individus

Un exemple illustratif de ces ruptures est présenté dans l’extrait suivant (Fig.11). Alors que le groupe se concentrait sur l’observation d’un squelette d’éléphant décrit par le guide, des échanges passionnés sur les punaises assassines ont émergé entre certains élèves. Dans ce contexte, l’analyse des échanges ’illicites’ entre élèves, en dehors du cours principal de la visite, permet de déceler des traces intéressantes à considérer pour mieux comprendre les dynamiques individuelles et leurs implications sur le rapport des élèves aux éléments de nature.

Réseau discursif principal Réseau discursif secondaire
G Donc l’éléphant c’est un qua-dru-pède un quadrupède ont les omoplates donc des quadrupèdes mammifères comme nous ont les omoplates sur le côté + donc les bipèdes ont un bassin qui est large et les quadrupèdes ont un bassin qui est haut + nous c’est large comme ça eux c’est haut comme ça ok c’est l’inverse parce que tout simplement quand on est à quatre pattes qu’est-ce qu’il fait notre ventre↑ Montre avec ses mains E16 à E15 : regarde↑ elle va aller manger tous les grillons↑
Ex  He bah il pend  E15 à E16 : mon gars elle va les assassiner↑ (…) punaises assassines↑  Lit le cartel
G Il tombe en avant voilà il est attiré par la Terre  E16 : waouh↑ 
Ex  Pourquoi↑ E15 : c’est sa nourriture + c’est un insecte qui mange des insectes↑ 
G Bah c’est comme un aimant c’est la force d’attraction (…) non la gravité plutôt (…) la gravité donc eh bien pour tenir en fait ils ont des muscles comment ça s’appelle les muscles qu’on a là (…) qui maintiennent le ventre (…) on les fait travailler en sport Regarde C, souriante Indiquant son ventre E16 : mais on dirait un corspion [kɔʁ.spjɔ̃]↑

Figure 11 : Exemple de rupture à l’échelle des individus - Extrait Punaises Assassines

De même, dans l’exemple suivant (Fig.12), la limace, observée sur le chemin vers une activité prévue, illustre comment un élément inattendu peut captiver l’attention d’un élève et susciter des réponses émotionnelles. Alors que les autres continuent leur exploration, un élève (E9) s’est attardé autour de la limace, l’observant attentivement et cherchant à attirer l’attention d’autres élèves alors que l’enseignante presse le groupe sur le chemin du retour. 

Propos Éléments non verbaux
E8 Comment tu t’appelles déjà↑ Les élèves s’avancent deux par deux en se tenant la main sur un cheminE8 regarde la personne qui tient la caméra
C M**  
E9    Avance seul et s’immobilise en apercevant une limace sur le chemin, s’incline puis s’agenouille en la fixant
E8 Toi tu sais ce qu’il y a derrière là-bas↑ En pointant la végétation au bord du chemin
C Ah↑ Les pierres↑ Ouais il y a du bois mort, des pierres Les élèves se déplacent, discutent, crient et continuent de croquer les feuilles de tilleul. La caméra se déplace entre les différents binômes d’élèves.
    (La caméra est dirigée vers le chemin) On remarque que E9 est toujours immobile près de la limace et il a été rejoint par trois autres élèves qui se penchent et observent l’animal. La caméra se déplace.

Figure 12 : Exemple de rupture à l’échelle des individus - Extrait Exploration 2

Les non-dits et les silences révèlent une forme de communication différente, en creux, qui mérite d’être explorée. En effet, ces instants offrent un aperçu du lien émotionnel qui s’établit entre les élèves et d’autres éléments de nature, participant ainsi à la construction de leurs rapports à l’environnement naturel. Dans ce dernier exemple, il y a une interruption qui crée un moment d’arrêt dans le flux de la visite pour l’élève E9. Et pourtant, il ne dit rien. Ici, l’émerveillement se manifeste par une période de calme et de contemplation. Ces moments de silence constituent ainsi des éléments essentiels, des traces, à repérer et à prendre en compte dans l’analyse de l’émerveillement en situation.

 Émerveillement et “presque riens” : Traces et indices

En définitive, dans le contexte des sorties scolaires en lien avec la nature, les « interstices pédagogiques » (Deshayes, 2024), ces moments éphémères à la marge, où il ne se passe pas grand-chose en apparence, revêtent une importance particulière pour saisir l’émerveillement. En effet, habituellement, en didactique, nous nous concentrons principalement sur ce qui est dit en relation avec le savoir et nous occultons souvent les expressions émotionnelles, surtout quand elles ne sont pas directement verbalisées. Or, elles sont constitutives de l’apprentissage (Cuisiner, Pons, 2011  ; Reuter, 2016) et de la construction d’un rapport à la nature (Zwang et al., 2022). Dès lors, comment en rendre compte ? Quelles en sont les traces ?

Dans cette étude, nous considérons que ces traces se situent dans ce que nous nommons des “presque riens” : les chuchotements, les onomatopées, les regards de connivence, la place du corps et les gestes décalés, les silences… Ces traces sont difficiles à repérer, car elles ne se manifestent pas toujours de manière verbale ou explicite. Il y a ce qui est dit, mais ce n’est pas là que c’est le plus visible. Ce sont ces “petites choses à côté” qui, bien que moins familières dans les analyses habituelles, sont déterminantes pour comprendre l’émerveillement.

Cette prise en compte nous permet ainsi de dire que les sorties au parc, au jardin ou au musée permettent potentiellement aux élèves de développer un rapport affectif avec la nature. En outre, dans les différents contextes étudiés, les savoirs s’élaborent dans la confrontation, souvent médiée par l’adulte, avec des éléments de nature en lien avec des objets de connaissance. Ces rencontres génèrent des émotions et s’accompagnent de régulations susceptibles d’orienter l’activité d’apprentissage. L’émerveillement, avec ses deux faces individuelle et sociale, apparaît ici comme un élément central des situations didactiques qu’il s’agit alors de prendre en compte dans l’analyse des processus d’enseignement et d’apprentissages.

Pour conclure en ouvrant la réflexion, il nous semble que l’émerveillement n’est pas seulement une expérience réservée aux acteurs impliqués dans les situations didactiques  ; les chercheurs et chercheuses en font également l’expérience. Des recherches en sociologie des sciences montrent que l’émerveillement est une composante importante dans l’activité scientifique, et ce bien qu’il fasse rarement l’objet d’une explicitation dans la diffusion de la recherche (par exemple, Root-Bernsein, 1996, 2002). En didactique, certains travaux définissent le chercheur comme un sujet didactique à part entière, aux prises avec les mêmes phénomènes que tout autre sujet, l’émerveillement ne peut alors en être exclu (Cohen-Azria, 2016). En psychologie socioculturelle, le « plaisir de penser » (Zittoun, 2024) articule l’affect et la construction de connaissances. Ainsi, en cultivant une attitude de curiosité et d’étonnement face aux sujets et aux objets de leurs recherches, les chercheurs et chercheuses peuvent renouveler leur regard, poser de nouvelles questions et explorer des angles d’analyse inédits. 

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Zwang Aurélie, Cottereau Dominique, Reynaud Christian, Perreau Agnès (2022), « La RAP “Grandir avec la nature” : vers un partenariat apprenant d’éducation et de recherche », Technologie et innovation, 7(4), [en ligne] https://doi.org/10.21494/ISTE.OP.2022.0875 (consulté le 31/03/25).

Notes

[1] Traduction personnelle de « Wonder and wondering define a particular type of experience whereby the person becomes (more or less suddenly) aware of an expanded field of possibility for thought and/or action and engages (more or less actively) in exploring this field. This experience is generally accompanied by uplifting emotions (without all of them being necessarily positive) » (Glăveanu, 2019 : 2).

[2] Traduction personnelle de « the spark of excitation leaping across the gap between man and the world » (Parsons, 1969 : 85).

[3] Traduction personnelle de « modes of consciousness in which we experience what we perceive or are contemplating as strange, beyond our powers of comprehension, yet worthy of our attention for its own sake » (Schinkel, 2018 : 34).

[4] Traduction personnelle de « Wonder, in the context of school science education, is one of those notions that is either taken for granted—we all know it is important, so we need not talk about it—or simply associated with the emotional dimension of scientific knowledge, which is not the ‘real stuff’ of science » (Hadzigeorgiou, 2016 : 143).

[5] Traduction personnelle de « wonder […] does not ‘happen automatically’, it has to ‘emerge’, that is, to be evoked through questions, linguistic expressions, images and experiments. This, however, does not mean that there are no cases in which the experience of wonder ‘happens automatically’, that is, when wonder ‘strikes’. But in cases in which we refer to very familiar and everyday objects and phenomena (e.g., a glass of water, a tree, the rain, the trajectory of a pebble or of a football) one’s sense of wonder has to be evoked ». (Hadzigeorgiou, 2018 : 290).

[6] Nous appréhendons ici le rapport à la nature à la fois sous l’angle de la psychologie sociale, comme rapport à soi, aux autres et à l’environnement (la notion de nature traversant ces trois pôles), mais aussi sous l’angle sociologique, qui pose un « rapport à » socialement structuré.

[7] Toutes les illustrations ont été transformées par l’équipe de recherche pour garantir l’anonymat.

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Pour citer l'article


Sénécail Alain, Quarello Saskia, Ordonez-Pichetti Oriana, Cohen-Azria Cora, Picard Marion, Wobmann Léa, Kloetzer Laure, « Une approche didactique de l’émerveillement : ces “presque riens” qui disent beaucoup », dans revue ¿ Interrogations ?, N°40. L’émerveillement : de l’émotion individuelle au geste social, juin 2025 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/Une-approche-didactique-de-l (Consulté le 12 juin 2025).



ISSN électronique : 1778-3747

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