Matton Nicole, Guay Huguette, Quintin Jacques
Le phénomène de l’émerveillement apparait tantôt comme un surgissement intérieur, tantôt comme une attitude pouvant être cultivée. Nous décrivons ici l’expérience de groupes d’implication et de recherche (GIR) en sociologie clinique menée au Québec autour de l’émerveillement et partageons nos observations sur sa possibilité de prise sociale. Devenir le sujet de son histoire, qui est la visée émancipatrice des GIR, est-il un apport à l’émerveillement ou est-ce l’émerveillement qui contribue au devenir sujet de son histoire ? Notre démarche consiste à décrire une expérience qui, au départ, n’était pas conçue dans le cadre d’un projet de recherche. Nous concluons à la réversibilité entre les deux dynamiques comme production du devenir soi à travers l’émerveillement. Ainsi, lorsque le sujet accède à la conscience du rapport qu’il entretient face à l’émerveillement et à sa construction, le geste social prend forme.
Mots clés : émerveillement, enchantement, sociologie clinique, social, spiritualité
Becoming the agent of her own story : a contribution to and of wonder
The phenomenon of wonder sometimes appears as an inner emergence, sometimes as an attitude that can be cultivated. Here, we describe the experience of clinical sociology involvement and research groups (GIR) in Quebec, focusing on wonder, and we share our observations on its potential for social empowerment. Is becoming the subject of one’s own history, which is the emancipatory aim of the GIR, a contribution to wonder, or is wonder contributing to one becoming the subject of one’s history ? Our approach consists in describing an experience that was not initially conceived as part of a research project. We conclude that the two dynamics are reversible, and that wonder is the means by which one becomes oneself. Thus, when the subject becomes aware of his or her relationship to wonder and its construction, the social gesture takes shape.
Keywords : wonder, enchantment, clinical sociology, social, spirituality.
Comment mieux aborder l’émerveillement qu’en partageant une expérience qui met à l’honneur la nature, l’effervescence collective et la beauté, une expérience perceptuelle qui donne un accès à la vastitude et qui nécessite un certain ajustement mental pour ‘revenir sur terre’ ?
Il s’agit de l’événement astronomique de l’éclipse solaire totale vécue le 8 avril 2024 qui a mobilisé des milliers de personnes en Amérique du Nord. Un événement qui a été commenté par les journalistes québécois avec des mots qui faisaient état de l’émerveillement, du recueillement, de l’élévation. « C’est un phénomène passionnant sur le plan humain, le plan spirituel, philosophique et sur le plan scientifique aussi » (Tisseyre, 2024).
Toutefois, plusieurs penseurs (Goetz, 2018 ; Lenoir, Anvar, 2016 ; Vergely, 2010) s’entendent pour dire qu’on peut vivre l’émerveillement dans la quotidienneté. Cela ne requiert pas nécessairement d’événement extraordinaire. À ce propos, l’essayiste Belinda Cannone (2017 : 18) affirme qu’« on accède à l’émerveillement non en raison de la nature merveilleuse du spectacle mais grâce à un état d’être favorable ». Michael Edwards (2008 : 7) soutient pour sa part que « l’émerveillement n’est pas une simple émotion, mais une capacité de l’être ; qu’il nous ouvre au monde ». Alors, qu’en est-il de l’accès à l’émerveillement dans l’hypermodernité (Aubert, 2006) qui somme l’individu de se dépasser sans cesse, entraînant une hyper-réactivité ? Y-a-t-il un danger de souscrire à un autre type d’injonction de performance ? Ou n’est-ce pas le temps de transcender ces craintes pour s’ouvrir à l’expérience de l’émerveillement au quotidien, pour « oser l’émerveillement » (Lenoir, Anvar, 2016) ? Y aurait-il des moyens concrets, des conditions sociales propices, des héritages particuliers pour y accéder ? Ou, au contraire, l’émerveillement serait-il une expérience sui generis, spontanée ?
Nous souhaitons explorer ces questions en partageant nos observations sur de récentes expériences menées autour de la thématique de l’émerveillement en sociologie clinique. Nous insistons d’entrée de jeu sur le mot « autour », car dans l’élaboration du projet de groupe d’implication et de recherche (GIR) sur cette thématique jusqu’alors inexploitée, il est apparu porteur d’explorer l’émerveillement avec une série de synonymes, auxquels les penseurs l’associent, afin de susciter des résonances dans le vécu des participants. Les termes « émerveillement » et « enchantement » ont donc été indifféremment utilisés ou amalgamés dans le cadrage thématique. Tout au long de la description qui sera faite du GIR, le vocable « émerveillement » sera donc privilégié parmi les équivalences qui ont été proposées pour le « pôle enchantement » durant l’expérimentation. Il s’agissait de cerner l’émerveillement dans son étendue, à travers les parcours de vie en mobilisant l’individu à partir de son intimité afin de contribuer à libérer la capacité d’émerveillement, dans la visée émancipatrice de « devenir sujet de son histoire » (Gaulejac, 2009) [1]. Autrement dit « ‘tout ce qu’un individu fait de ce que la société fait de lui’, selon la belle expression de Jean-Paul Sartre » (Roche, 2019 : 628).
Au regard de l’émerveillement, la visée consistait à amener l’individu à sortir de cette émotion liée à l’intime pour aller vers le social. Nous nous appuierons sur deux expériences de groupe d’implication et de recherche (GIR) en sociologie clinique menées au Québec en 2023. Après avoir exposé le chemin préparatoire qui a conduit au développement d’un GIR inédit autour de ce thème, nous esquisserons les réflexions que ce phénomène de l’émerveillement suscite comme apport au « devenir sujet de son histoire » [2] et comme perspective pour élargir cette expérience intime sur le plan social.
Notre proposition se limite à décrire une expérience qui, au départ, n’était pas conçue dans le cadre d’un projet de recherche avec une collecte de données structurée et avec un cadre de référence spécifique, sinon celui de la sociologie clinique. Nous commençons par une revue de la littérature où se dévoile la tension entre le surgissement inopiné de l’émerveillement et sa production potentielle à l’aide de moyens concrets. Dans la littérature, il est aussi apparu que l’émerveillement est lié à une dimension temporelle. L’expérience de deux GIR nous amène à conclure à la réversibilité de l’expérience spontanée et celle de l’expérience produite à l’aide de moyens ou d’attitudes délibérées.
L’émerveillement est un phénomène à plusieurs facettes qui mobilise la réflexion de philosophes, de théologiens, de psychologues, de sociologues, ainsi que celle d’écrivains et d’historiens de l’art. Cela explique sans doute pourquoi ces penseurs l’associent à de nombreux vocables tels que l’étonnement, l’admiration, l’enchantement, le ravissement, le surgissement, la stupeur, la stupéfaction, la béatitude, le mystère, le kairos, le sublime et, a contrario, la crainte ou la menace. Autant de façons d’exprimer ce qui advient de façon inopinée dans cette expérience.
Ce n’est pas d’hier qu’on s’interroge sur l’émerveillement, sur l’origine de son appellation, sur sa signification, sur sa façon d’émerger et sur son impact. Benoit Goetz (2018) et Jacques Goimard (1999) relient l’origine de ce concept à celui de l’étonnement, thaumazein, ce pathos dont parlait Socrate et Aristote il y a plus de 2 500 ans. Au fil du temps, ce terme a été traduit en latin par mirabile ou mirabilia. Selon le « Dictionnaire historique de la langue française, ce terme vient à la fois du mot signifiant ‘miracle’ et du mot signifiant ‘admirer’ » (Vergely, 2010 : 16). Jean Onimus (1994 : 128) fait pour sa part référence au mirari et situe l’émerveillement comme un « étonnement développé en conscience ».
Le mot « émerveiller » signifie « frapper d’étonnement et d’admiration » (Le petit Robert, 2001). Du côté de la traduction anglaise, les mots wonder et awe sont les deux termes les plus usités pour la recherche sur le thème de l’émerveillement. Du côté de la psychologie, Dacher Keltner et Jonathan Haidt (2003) ont construit une définition pour distinguer cette émotion, souvent identifiée à la joie, à la béatitude, à l’extase et à l’illumination. Ainsi, Keltner (2023 : 7) propose la définition suivante : « Awe is the feeling of being in the presence of something vast that transcends your current understanding of the world » [3]. Du côté de la littérature, le concept du merveilleux est habité par « quatre genres […] : le conte, la légende [et l’épopée qui en est issue], le mythe et le roman. [Ces récits] mettent de l’avant un monde où l’émerveillement, la magie, le surnaturel et les miracles sont à l’honneur » (Anonyme, s.d.). Pour l’historien de la science-fiction Goimard (1999 : 14), « la modernité en libérant l’homme, a ouvert à un enchantement plus authentique ; [il réfère] aux multiples formes du merveilleux contemporain, qu’il investisse le nouveau (les villes de Baudelaire), réinvestisse l’archaïque (le cycle arthurien chez Gracq) ou dépouille les archives imaginaires (Tolkien, Praz, Borges) ». Goimard (1999 : 7) évoque l’émerveillement comme étant un « double mouvement de surprise (impliquant la prise de conscience d’une distance) et l’admiration (entraînant la réduction de cette distance par la révélation d’une proximité ou même d’une fusion) ». Pour Chantal Leroy (2006), il s’agit d’un sentiment de présence intense et de ravissement qui décrit cette communion avec une œuvre d’art. La puissance d’évocation d’une œuvre, pour quiconque est présent et ouvert à l’émotion, peut susciter l’émerveillement, ce qui suppose une sorte de réciprocité et de circularité dans l’expérience. L’émerveillement correspond donc pour certains auteurs au concept du « numineux [4] » de Rudolf Otto (2015). On peut également établir certains liens entre l’émerveillement et le sentiment du sublime d’Edmund Burke (1995) qui, selon Philippe Lacoue-Labarthe (1999 : 10), « [est] à la fois constitué de terreur (ou d’horreur) et de délice (‘delight’, que Burke distingue de ‘pleasure’) : c’est la ‘delightfull horror’ ».
Le phénomène expérientiel de l’émerveillement est considéré comme une coupure, une interruption (Goetz, 2018), provoquée par cet étonnement mêlé d’admiration. Un parallèle peut être établi avec les propos du théologien Blommestjin qui affirme : « As soon as we become surprised by life, we enter into the realm of spirituality. […that] may be intensified if life causes surprise in us and fills us anew with the wonder each day » [5] (in Bouwer, 2010 : 31). L’expérience intérieure de l’émerveillement pourrait donc être qualifiée de spirituelle et être vue comme surgissant et agissant indépendamment de la volonté de l’individu.
De son côté, Goimard (2013 : 2) associe l’émerveillement à « une qualité de présence de l’homme au monde et du monde à l’homme ». Une attitude de présence qu’évoquent plusieurs auteurs (Goetz, 2018 ; Lenoir, Anvar, 2016). Bertrand Vergely (2010) reconnaît en l’émerveillement cette expérience intérieure du mystère, mais l’aborde surtout comme la posture au monde volontaire d’un adulte qui lui permet de combattre la désespérance, la révolte, le désenchantement. Il associe l’émerveillement à la raison, au logos et le désigne comme un « acte de résistance qui débouche sur une dynamique du miracle » (Vergely, 2010 : 22). Goetz (2018 : 3) considère l’émerveillement comme « manières d’habiter le monde […] sans habitude ». Cela va dans le sens de Vergely (2010) qui parle de se garder en ouverture, de préserver le sentiment de la vie, d’avoir un regard sans cesse renouvelé. Ce qui rejoint Leili Anvar (2016 : 9) qui définit l’émerveillement comme « une disposition intérieure, une manière de porter son regard sur les choses et de désirer l’infini ». Avec Frédéric Lenoir, elle préconise de cultiver le changement intérieur par lequel on semble pouvoir accéder à l’émerveillement (Lenoir, Anvar, 2016).
Mais au-delà du surgissement inopiné ou de l’attitude cultivée et délibérée, y-a-t-il des moyens concrets pour accéder à cet émerveillement ? Selon les témoignages recueillis auprès de plusieurs penseurs par Lenoir et Anvar (2016), cette expérience est vécue chez le philosophe Alexandre Jollien à travers le dépouillement de soi ; chez l’écrivaine Christiane Rancé, elle passe par l’extase que procure la prière ; pour le chirurgien et psychothérapeute Thierry Janssen, c’est par l’intermédiaire des sens et pour le philosophe Giuliani elle est attisée par la béatitude philosophique.
Pour éclairer davantage le phénomène de l’émerveillement, les chercheurs en psychologie Keltner et Haidt (2003) ont exploré une « approche prototypique » de l’émerveillement qu’ils qualifient d’émotion morale, spirituelle et esthétique. Pour bien distinguer cette expérience, ils y ont associé trois attributs : l’admiration, l’étonnement et la beauté ou la grandeur, pouvant, selon le cas, être agréable ou terrifiante. Ces chercheurs ont ciblé des facteurs susceptibles d’induire l’expérience de l’émerveillement, des situations potentielles engendrant des émotions de l’ordre de l’élévation, de la communion avec l’altérité ou le plus grand, la gratitude, la reconnaissance, la puissance, l’ébranlement et allant jusqu’à la peur. Ils avancent également que les individus issus de classes sociales supérieures seraient possiblement moins susceptibles d’accéder à l’émerveillement que ceux issus de niveaux inférieurs (Keltner, Haidt, 2003). Aussi, l’accès à l’émerveillement serait davantage susceptible de survenir chez les individus au début de leur développement ou lors de changements sociaux majeurs, voire extraordinaires. Enfin, ils considèrent que l’accès à l’émerveillement est une des façons les plus rapides et efficaces pour la transformation et l’épanouissement de l’individu.
Mais en regard de toutes ces situations et ces facteurs qui peuvent donner un accès à l’émerveillement, nous pouvons nous demander s’ils ne s’inscrivent pas aussi dans un certain rapport au temps. N’y a-t-il pas une rupture, une éclipse temporelle avec l’expérience de l’émerveillement ? Qu’en est-il de l’accès à l’émerveillement dans le contexte social occidental où domine le temps linéaire, à l’encontre du temps vécu (Heidegger, 1986) ? Pineau (2019 : §8) s’interroge sur les autorégulations possibles chez les individus et suggère des voies pour une « conquête personnelle de ses temporalités » (Pineau, 2019 : 176) associées à des « instants pivots transitionnels à saisir » (ibid. : 177). Il s’agit de moments « qui ouvrent les voies de la résonance dans une relation de réciprocité intime avec le monde » (Rosa, 2013 ; Galvani et al., 2011 ; Hess, 2009, cités dans Pineau, 2019 : 177).
Éric Fiat (2013 : §62) renvoie à la notion de skholè des Grecs anciens qui peut « être traduite soit par loisir, soit par disponibilité ». Le temps de la skholè, qui est un moment de suspension du travail et de détachement du monde (Kolly, Go, 2019) offrirait-il un rapport au temps susceptible de favoriser l’accès à l’émerveillement, s’apparentant au kairos ? Fiat (2013 : §73) affirme que les personnes âgées se trouveraient à une étape de leur vie favorable à cette « disponibilité à l’essentiel, [à condition] que leur richesse personnelle, affective, morale et spirituelle [les prémunissent] des affres de l’attente […et] de l’ennui ». Doit-on comprendre qu’il y aurait des conditions sociales qui favorisent davantage les individus à s’offrir une telle disponibilité temporelle prédisposant vraisemblablement à l’émerveillement, au kairos ?
Les ouvrages et les articles consultés, qui explorent l’émerveillement sous divers angles et dans différentes disciplines, nous amènent à quelques constats. Sur le plan de sa signification contemporaine, l’émerveillement est défini à la fois d’une façon contradictoire et complémentaire. Il s’agit à la fois d’une action non provocable qui advient sans préméditation, hors du contrôle de l’individu et sur laquelle il ne semble avoir aucune prise. Mais l’émerveillement est aussi considéré comme une action de résistance volontaire exercée en cultivant une attitude animée par un regard perpétuellement neuf (Vergely, 2010 ; Lenoir, Anvar, 2023). Il s’agit d’une posture au monde que l’on pourrait qualifier de politique et qui résulte en un élan de vie qui ne peut qu’influencer les actions individuelles (Vergely, 2010). Cette seconde perspective de l’émerveillement concerne l’individu inscrit dans une société qui oppose un frein à la désespérance et au désenchantement par un regard mobilisateur. Selon les travaux de Keltner et Haidt (2003, 2023), il apparait possible pour les individus de choisir de se placer dans des situations qui soient propices à l’émerveillement et dans une « autorégulation temporelle » (Pineau, 2019) favorable à l’émergence du kairos. Le kairos entraîne cette même qualité de présence, parfois d’étonnement et de ravissement propre à l’émerveillement. Tout cela ouvre la possibilité pour l’individu d’opter consciemment pour l’émerveillement en cultivant une disposition intérieure.
Il y a un intérêt à aborder la thématique de l’émerveillement en cette ère de désenchantement marquée, comme l’énonçait « Max Weber (1919), [par] le recul des croyances religieuses ou magiques comme explications des phénomènes sociaux » (Harlé, 2019 : 196). Cela menant à ce que Marcel Gauchet (1985) a appelé « le désenchantement du monde ».
Le rapport à l’émerveillement semblait offrir un terreau fertile à explorer sous l’angle socioclinique. Ainsi, en guise d’épreuve finale de sa formation comme praticienne en sociologie clinique [6], une des auteures de l’article a choisi de développer et de coanimer, avec une formatrice montréalaise du Réseau international de sociologie clinique (RISC, s.d.), un groupe d’implication et de recherche (GIR) sur le thème de l’émerveillement. Il sera d’abord question de la démarche d’élaboration qui a conduit à une proposition thématique de GIR, à l’aide de ses propres supports méthodologiques, puis de son expérimentation et des constats et questionnements qui en découlent.
Les GIR travaillent dans une dynamique d’implication personnelle et de recherche à partir des matériaux de l’histoire de vie centrés sur une thématique. Il s’agit d’un va-et-vient constant entre le « souci de comprendre pour soi [à travers son histoire, son patrimoine] et celui de généraliser l’explication à d’autres situations, d’autres contextes, de mettre au jour des processus » (Gaulejac, Legrand, 2008 : 23). Cette démarche clinique de l’historicité, qui se situe au plus près du vécu de l’individu, vise à accompagner les personnes pour explorer les contradictions du passé et comprendre en quoi elles sont agissantes dans le présent. « Il s’agit de travailler sur nos histoires de vie en combinant plusieurs lectures afin de comprendre l’interaction des déterminants sociaux, des déterminants familiaux et des déterminants inconscients » (Gaulejac, 2016 : 57). L’hypothèse centrale de la sociologie clinique est que « l’individu est le produit d’une histoire dont il cherche à devenir le sujet » (Gaulejac, 2020 : 11).
Les GIR [7] sont structurés selon une formule intensive de trois journées consécutives. Ils sont offerts en coanimation par deux praticiens en sociologie clinique, détenant une habilitation à l’animation de RISC Formations [8]. Les GIR s’adressent à toutes personnes désireuses d’explorer et de dénouer des problématiques existentielles. Si l’on se base sur les GIR proposés à Montréal, les groupes comptent entre six à quinze personnes [9].
L’élaboration du GIR sur le thème de l’émerveillement a été réalisée dans le cadre de la formation du RISC-Montréal en 2022. Revisiter les trajectoires personnelles des individus en lien avec les déterminismes sociaux ayant façonné ou entravé, mais aussi animé et nourri leur rapport à l’émerveillement semblait riche et porteur. La proposition initiale du GIR déposée pour discussion au sein de la cohorte en formation a fait l’objet de nombreux échanges, de plusieurs rencontres et d’un long processus de réflexion, demandant des ajustements constants et importants avec le concours des formateurs. Il fallait établir la problématique de façon claire et définir les enjeux concernés tout en restant en cohérence avec la sociologie clinique.
L’émerveillement était-il véritablement un antidote au désenchantement (Humbeeck, 2024) ? Y avait-il correspondance entre émerveillement et idéalité ? Fallait-il nous dépouiller de cette vision idéaliste associée à l’émerveillement et de la vision négative associée au désenchantement pour saisir adéquatement la thématique ? L’émerveillement n’est-il pas aussi nécessaire que le désenchantement pour « tourner le dos aux déterminismes » (Pleau, 2023 : 121), pour sortir d’un rôle, d’une identité assignée, sortir de l’assujettissement ? L’émerveillement pouvait-il être envisagé comme un des déterminismes sociaux du passé toujours agissant dans le présent ? Autant de questions qui ont été discutées dans les échanges préparatoires au GIR et pour lesquels il y a eu positionnement sur le plan socioclinique. Il ressortait des échanges que l’émerveillement était suscité par des facteurs quasiment asociaux, tandis que la thématique de l’enchantement-désenchantement suscitait des facteurs sociaux.
On avait beau réfléchir en co-construction, le phénomène de l’émerveillement semblait être plutôt immanent à l’individu. Il apparaissait difficile d’associer la thématique à une prise sociale. Comme mentionné en début d’article, plutôt que de traiter l’émerveillement de façon frontale, il a donc été convenu de cadrer théoriquement la thématique à l’aide d’une série de synonymes pour présenter l’étendue de ce qu’on aller explorer avec les participants du GIR. Nous avons aussi opté pour une perspective dialectique, en abordant le « pôle enchantement » cadré par les équivalences – émerveillement, ravissement, enthousiasme, passion, extase, etc. –, et le « pôle désenchantement » et ses équivalences : désolation, désillusion, accablement, désespoir, etc. Nous adoptions ainsi les vocables auxquels les penseurs associent l’émerveillement et leurs antonymes. De là, le choix du titre du GIR : « Le sujet face à l’enchantement et au désenchantement ». La clé résidait dans l’exploration des équivalences de ces deux opposés : les facteurs producteurs d’enchantement-émerveillement-ravissement-enthousiasme, etc. et ceux producteurs de désenchantement-désolation, désillusion-accablement, etc. Étaient recherchés les moments de bascule d’un pôle à l’autre. Les ruptures provoquant des remises en question dans les différentes situations de la trajectoire personnelle et sociale du sujet. Rappelons que les termes « émerveillement » et « enchantement » étaient utilisés par les animatrices, selon le vocable qui était privilégié par le participant et souvent amalgamés pour une meilleure compréhension, car plusieurs participants ont dit être davantage interpelés par le terme « émerveillement » qui avait davantage de résonance dans leur histoire de vie.
Abordons maintenant l’expérimentation des GIR avec deux groupes distincts de sept personnes qui a pris place au sein d’un organisme d’éducation populaire de Montréal, en février et en novembre 2023. Dans l’introduction du GIR, outre la présentation d’un cadre théorique, un tableau de termes équivalents reliés aux deux pôles de la dialectique était exposé aux personnes participantes. Ainsi, nous allions réfléchir au rapport individuel aux deux pôles et voir quel processus social était à l’œuvre.
La mise au travail des groupes s’est faite à partir de supports méthodologiques de sociologie clinique adaptés pour ce GIR thématique. Ces supports ont été proposés dans un ordre précis favorisant la gradation dans l’implication et la recherche. Les supports visaient à recueillir des données sur des registres diversifiés : imaginaire, cognitif, affectif, corporel, social, idéologique en lien avec leur trajectoire personnelle, familiale et sociale, situant leur rapport aux deux pôles. Le travail effectué dans le GIR a été d’identifier ce qui dans la vie avait été facteurs d’émerveillement, d’enchantement, d’espoir et de désenchantement. De façon individuelle et en groupe a été explorée l’articulation entre les dimensions sociale, culturelle et les dimensions propres à l’histoire de chaque personne pour mettre en lumière comment s’était construit puis transformé le rapport à l’émerveillement au cours de leur existence.
La posture non-verbale, faisant appel au corps, a été utilisée pour exprimer leur ressenti face à aux deux pôles thématiques. La généalogie a été explorée en puisant dans les réminiscences, l’héritage reçu des parents et des grands-parents à travers leur rapport respectif à l’émerveillement et au désenchantement. La mise sur papier de leur trajectoire sociale individuelle, doublée de la trajectoire des deux pôles qui se déclinait sur une ligne de temps permettait d’exposer les moments clés marquants des histoires de vie. Cela mettait en perspective les moments de rupture et les oscillations entre les deux pôles thématiques. Nous avons également utilisé le support du sociodrame [10] pour mettre collectivement en jeu une scène d’une situation conflictuelle en rapport avec l’émerveillement et le désenchantement. Enfin, des moments spécifiques pour les résurgences étaient prévus pour l’expression des ressentis et des nouvelles compréhensions. Autant d’exercices et de supports balisés par des consignes qui ont permis de mettre les personnes au travail avec les matériaux de leurs histoires de vie. Cela a permis d’exposer en groupe ces fragments biographiques et de les analyser en co-construction pour mettre en lumière les processus sociaux qui déterminent les histoires individuelles et collectives. Cette démarche permettait le jeu entre l’implication et la distanciation de son histoire ainsi qu’une résonance des histoires des autres faisant écho à son propre vécu.
D’abord, les participants au GIR ont signalé l’aspect novateur de cette réflexion thématique « Où avait-on eu l’occasion de réfléchir à son rapport à l’émerveillement-désenchantement ailleurs peut-être que dans le cadre de la religion ? », faisait remarquer une dame. Les participants réalisaient que le simple fait de réfléchir à leur rapport à l’émerveillement les plaçaient d’entrée de jeu en mode d’autonomisation. Il y avait là une occasion et une permission offerte à chacun de se positionner autrement par rapport aux déterminismes de leur histoire : « la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Tout au long de la vie, on ressent la présence de deux pôles. Tantôt la vie, tantôt la mort. Je travaille fort pour rester branchée dans la vie », témoignait une participante. La mise au travail proposée par le GIR orientait les participants dans la visée de « devenir sujet de leur histoire » face à ces états d’être qui colorent la vision du monde et la façon d’être au monde.
Ainsi, les participants ont réfléchi à la place qu’ils avaient allouée à l’émerveillement dans leur histoire de vie, comment cela avait tourné au désenchantement selon les circonstances et comment cela se transformait au fil de leur trajectoire personnelle et sociale. Ils ont mis en lumière les jugements moraux qu’ils associaient aux deux pôles. Cela a fait ressortir des interdits et des injonctions liés à leur héritage familial et aux valeurs qui y étaient rattachées. Ainsi, une participante faisait le lien entre son héritage de la tradition protestante et des interdits qu’elle avait intériorisés relativement à l’émerveillement : « Je me suis cantonnée toute ma vie dans des rôles professionnels ‘utilitaires’, plutôt que de déployer mon potentiel artistique ». Une autre participante témoignait aussi de la répression de son potentiel artistique qui la coupait de ses élans d’émerveillement, mais pour des motifs de performance et de rentabilité : « dans ma famille, il faut faire de l’argent et l’art c’était futile, seulement bon pour les loisirs », disait-elle. Au fil du travail d’exploration ont été mises en lumière des influences marquantes. Tous les participants ont reconnu des influences et ont pu décrire la nature de ces influences malgré la distance des années. Des liens ont été faits entre le climat familial de l’enfance et l’influence de personnes significatives.
Une participante a relaté un premier constat de cette capacité d’émerveillement qu’elle a développée à travers un événement qui lui est arrivé à l’âge de dix-sept ans : « J’étais sortie du contexte de mon milieu familial et vivait en Ontario. À la table de la famille où je vivais, j’ai fait une observation autour de la beauté du reflet du soleil dans nos verres. La mère de la famille m’a dit ‘How sensitive you are !’ [11]. Cette phrase m’a marquée à vie. Les mots de cette dame m’ont fait sentir vivante. Pour la première fois, on me reconnaissait. Sans avoir les mots pour le dire à ce moment, ma parole était reconnue dans l’expression de ma capacité d’émerveillement. J’avais cela !!! Je sais qu’à partir de là dans ma vie, je me suis sentie validée de m’ouvrir à la beauté ».
À partir d’hypothèses cliniques avec cette participante, en explorant les « habitus » (Bourdieu, Passeron, 1970) et les rapports interpersonnels de son milieu familial comparés à cette famille ontarienne, il est ressorti qu’il y avait une différence de classes sociales, où les émotions, les ressentis, l’accès à l’émerveillement ne sont pas exprimés, ni même reçus de la même façon.
La question du « Qui me désenchante ? » faisait prendre conscience de l’emprise de modèles difficiles à déloger. Une participante racontait l’envie dont elle avait fait l’objet au sein de sa fratrie et qui l’avait coupée de l’expression de ses élans d’émerveillement. Certaines personnes nommaient le travail à effectuer pour se dégager du poids de l’influence du désenchantement : « ‘Qu’est-ce que ça donne ?’, répétait ma mère à propos de tous mes projets », disait une participante. D’autres mesuraient la chance d’avoir eu des modèles les ayant inspirés, voire éduqués à l’émerveillement. « En toutes circonstances, mon père disait ‘il va faire beau’ », se remémorait en riant un des participants. Plusieurs étaient surpris de constater à quel point ils avaient été façonnés par l’héritage de la posture au monde émerveillée ou désenchantée de leurs parents et grands-parents. Aussi, selon les hypothèses formulées par les participants, on identifiait des moments de rupture et des dégagements par rapport aux déterminismes psychosociaux dans les parcours de vie partagés. « À tel moment, à telle étape j’ai décidé de changer, de m’éloigner, j’ai choisi autrement ». Certains exprimaient leur satisfaction de prendre conscience de leur parcours et de ce qu’ils étaient devenus grâce aux influences d’émerveillement, ou malgré les influences de désenchantement dont ils avaient réussi à s’affranchir.
Des participants ont mis en lumière des événements importants de leur histoire. Une dame évoquait ses étés d’enfance passés chez sa tante artiste vivant à la campagne, où elle se retrouvait avec ses cousins et cousines à vivre en espace de liberté et de créativité. Des souvenirs d’émerveillement qui la mobilisaient et contribuaient à la mouvoir encore quelques cinquante ans plus tard. D’autres réminiscences des participants ravivaient leur émerveillement en évoquant la grâce dont ils avaient bénéficié à vivre ceci ou cela. La distanciation de leur histoire donnait aussi l’occasion aux participants d’identifier des moments charnières de leur trajectoire, des événements de rupture ayant donné lieu à des transitions de vie en lien avec l’émerveillement et le désenchantement. « Dans ma trajectoire personnelle, il y a eu un point de rupture à l’adolescence, un paradis perdu et maintenant je dois faire ré-exister ce paradis plutôt que d’attendre après l’autre, les circonstances. Comme sujet, j’apporte maintenant mes ingrédients d’enchantement », affirmait une participante.
Le travail autour de la posture physique a permis d’établir certains liens entre l’attitude corporelle et les dispositions liées aux deux pôles thématiques. Une attitude corporelle détendue, ouverte était associée aux moments d’émerveillement. Inversement, la crispation ou le peu de fluidité ou le recroquevillement était liés au désenchantement. Les participants témoins des postures non verbales des autres nommaient spontanément leurs impressions : « béatitude, émerveillement, énergie, joie, abondance [ou alors] effondrement, découragement, abattement, désappointement, renoncement ».
Ont également été soulevés les dangers possibles d’idéalisme et de ’jovialisme’ liés à l’émerveillement et qui pouvaient aussi enfermer l’individu dans un autre type d’injonction aliénante. Les participants ont aussi pris conscience de l’importance de se positionner face au désenchantement, de s’en servir comme levier pour rompre avec une situation, pour s’affranchir d’un déterminisme du passé. Comme l’exprime Vincent de Gaulejac (2012 : 17) : « La singularité du sujet se construit dans les réponses qu’il invente devant les multiples conflits qu’il doit affronter ».
Au fil du travail, les participants devenaient habiles à identifier dans leur trajectoire de vie des tensions ou « nœuds sociopsychiques » (Gaulejac, 2020) [12]. Placer en lien les dimensions psychique et sociale devenait une façon nouvelle et une approche mobilisatrice pour aborder et comprendre leur trajectoire de vie. Certains participants devenaient ainsi à même d’identifier des nœuds qui les figeaient dans un immobilisme, dans l’incapacité de choisir et d’agir. Des nœuds qui les enfermaient dans un désenchantement. Les propos des participants suggéraient que les nœuds sociopsychiques influent sur la disposition d’ouverture à l’émerveillement.
À travers leur trajectoire personnelle et leur trajectoire des deux pôles, plusieurs participants témoignaient de leur satisfaction et de leur surprise de constater un bilan de vie où l’émerveillement prédominait. D’autres exprimaient le fait qu’ils sont appelés à vivre avec cette tension constante entre les deux pôles selon les moments de leur vie. Au terme du GIR, certains se sont dits mieux outillés pour faire face aux contraintes les isolant dans le désenchantement et pour nourrir leur disponibilité à l’émerveillement. Ainsi, les nœuds sociopsychiques semblaient favoriser un climat de désenchantement pouvant perdurer au fil des années, comme l’ont illustré des participants à partir de leur trajectoire de vie. Le pouvoir associé au travail sur son histoire amène à dépasser les influences psychiques et sociales qui nous ont façonnés, en nous maintenant dans une non-disponibilité à l’émerveillement, pour graduellement s’en libérer. Au-delà de l’expression sur le plan affectif, les personnes ont pu mettre des mots sur le poids des conditionnements sociaux qui ont trop souvent freiné leur élan d’émerveillement ou accentué leur propension au désenchantement. Un participant dit : « Je réalise que je ne porte plus la responsabilité de mon mal être existentiel, mais que ça provient de mon héritage familial, de ce que j’ai pu incorporer. Ça me déleste ». La co-construction a eu pour effet de créer une stimulation à une présence plus grande à l’émerveillement dans sa vie.
Enfin, certains participants ont exprimé le désir de donner à leurs enfants ou petits-enfants l’ouverture à la beauté du monde. Concernant la transmission, un participant s’exprime ainsi : « il y a l’idéal, c’est-à-dire la capacité de m’émerveiller vécue comme un enfant. Il y a le vécu, l’hérité, le reçu. Il me faut éviter la reproduction. Il y a la responsabilité de la transmission de l’émerveillement qui m’interpelle ». Réfléchir à la transmission, c’est méditer sur le pouvoir de la reproduction sociale permettant ainsi le passage de l’intime au social.
Les observations faites et les témoignages recueillis dans le cadre du GIR (non conçu dans le cadre d’un projet de recherche) indiquent que l’émerveillement est une disposition sur laquelle il serait possible d’œuvrer en travaillant à défaire les nœuds sociopsychiques et en permettant à l’individu de se dégager des déterminismes qui le maintiennent dans la reproduction. Tel semble être le prix pour cultiver cette disposition intérieure propice à l’émerveillement. Une disposition qui est nécessaire si l’on désire la transmission par l’exemple vivant et à travers le geste social.
Mobiliser l’individu à partir de son intimité afin de contribuer à libérer la capacité d’émerveillement est en quelque sorte l’exercice qui a été mené dans le cadre des deux groupes d’implication et de recherche en sociologie clinique sur la thématique élargie de l’émerveillement et du désenchantement. Il apparait donc que libérer cette capacité ou plutôt la posture féconde à l’émerveillement passe par la voie de « devenir sujet de son histoire ». L’émerveillement qui est porteur en matière d’élan de vie constitue un apport au « devenir sujet de son histoire ». Toutefois, l’inverse : « devenir sujet de son histoire : un apport à l’émerveillement » apparait tout aussi juste. On pourrait ici parler de réversibilité, permettant de formuler la question en titre de cet article de façon affirmative : « Devenir sujet de son histoire : un apport à l’émerveillement et de l’émerveillement ». Autrement dit, il semble possible d’avoir une certaine prise ou une influence sur notre disposition intérieure pour parvenir à une plus grande ouverture aux expériences d’émerveillement. Ceci nous apparaît être le geste social lié à l’émerveillement.
Les expériences du travail effectuées avec les deux groupes en sociologie clinique que nous avons décrites ici ouvrent grande la porte du geste social lié à l’émerveillement. Au-delà d’un geste intime, hors des influences de la société, existe ce geste social possible. Il prend d’abord forme en donnant accès à la conscience du rapport entretenu face à l’émerveillement et en éclairant la construction sociale de ce rapport. Déjà le geste social est pleinement présent. Ce geste prend aussi forme par le rayonnement de l’être au monde, en favorisant la transmission de dispositions favorables à cette expérience, contribuant à sortir l’émerveillement de l’intime par l’actualisation de gestes conscients et délibérés.
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[1] « Être sujet, c’est reconsidérer son surmoi, redéfinir son propre système de sens, de croyances, de valeurs, afin d’être moins soumis aux exigences de l’idéal du moi, aux normes de son milieu, de son entourage, de sa culture » (Gaulejac, 2009 : 19).
[2] « Il n’y a […] de sujet qu’assujetti, assigné à une place ; mis sous ou soumis, en état de sujétion comme l’indique l’étymologie (subjectus). Et nous devons ici engager des recherches qui visent à dégager les processus sociaux qui contribuent à cet assujettissement et/ou à rendre compte des ressorts subjectifs de son acceptation » (Roche, 2019 : 627).
[3] « L’émerveillement est le sentiment d’être en présence de quelque chose de vaste qui transcende notre compréhension habituelle du monde. » [notre traduction]
[4] Numineux : « un mot créé par le philosophe et historien des religions Rudolf Otto (1869-1937) lui-même tiré du latin Numen, puissance agissante de la divinité. Le sacré en tant qu’expérience sensible insaisissable par des moyens rationnels. Le numineux suscite à la fois terreur et fascination » (Dictionnaire de l’Académie française, s.d.)
[5] « Dès que vous devenez étonné par la vie, vous entrez dans le domaine de la spiritualité qui peut s’intensifier si la vie cause en vous l’étonnement et vous renouvelle chaque jour avec l’émerveillement. » [notre traduction ]
[6] « [La sociologie clinique] émerge dans la filiation de la psychosociologie autour de l’Association pour la recherche et l’intervention psychosociologique (A.R.I.P.) et du Laboratoire de changement social (L.C.S.) fondé par Max Pagès en 1970. En 1988, Robert Sévigny, Gilles Houle, Eugène Enriquez et Vincent de Gaulejac créent un groupe de travail au sein de l’Association internationale des sociologues de langue française (A.I.S.L.F.) qui reconnaîtra celui-ci en 1992 comme comité de recherche permanent. La même année, le premier colloque de sociologie clinique […] est organisé à l’Université Paris-VII-Diderot. […] La création en 2014 du Réseau international de sociologie clinique (RISC) concrétise l’existence de cette orientation dans le champ des sciences humaines et sociales » (Gaulejac, 2014 : §5). Au Québec, c’est à la suite d’un colloque de sociologie clinique organisé en 1990 par Robert Sévigny et Jacques Rhéaume, qu’un premier groupe d’implication et de recherche (GIR) est proposé. En 2018, le RISC-Montréal est instauré, sous la supervision de Diane Laroche, Vincent de Gaulejac et Christophe Niewiadomski » (Guay, 2023).
[7] La mise sur pied d’un GIR est prise en charge par les animateurs qui assurent le recrutement des participants et l’organisation des journées ou en partenariat avec des organismes communautaires, des regroupements ayant une mission éducative ou émancipatrice, des organismes de formation, d’éducation sociale ou d’éducation populaire. Ces partenaires assurent généralement la promotion auprès de leurs membres et dans leur réseau par le biais d’infolettres, de programmes d’activités, de leur site internet et de leur page Facebook. De plus, ils s’occupent de l’organisation technique des locaux ainsi que de la gestion des inscriptions (Guay, 2023).
[8] La formation à l’animation en sociologie clinique est destinée à des personnes souhaitant l’appliquer à leur pratique professionnelle comme un mode d’accompagnement socioclinique et/ou de se former à l’animation de groupes d’implication et de recherche. Les modalités d’inscription se font sur entretien, avec remise d’un curriculum vitae et d’une lettre de motivation. Il s’agit de se former à l’écoute complexe, à l’analyse des enjeux de transfert et de contre transfert, à la dynamique de groupe et d’acquérir la posture clinique qui permet d’articuler les registres sociaux, psychiques et émotionnels. Le dispositif propose six journées de formation, la participation à cinq GIR, la coanimation d’un GIR ainsi que la soutenance d’un mémoire d’implication et de recherche (Gaulejac, Niewiadomski, s. d.).
[9] Selon les données du Centre St-Pierre de Montréal, de janvier 2018 à avril 2025, où ont eu lieu 18 GIR durant cette période, on retrouve des personnes de 25 à 75 ans, mais la majorité se situe dans le groupe d’âge de 60 ans et plus. Les groupes sont majoritairement constitués de personnes s’identifiant comme femmes. Les participants ont tous une formation universitaire de premier ou deuxième cycle, certains du troisième cycle, dans le domaine des sciences humaines et sociales, quelques-uns en gestion. La majorité prend part au GIR pour des motifs personnels, certains pour intégrer des connaissances au plan professionnel.
[10] « Le sociodrame est une technique […] de jeu de rôle [qui] consiste à créer un espace scénique dans lequel le groupe va mettre en scène et jouer des situations conflictuelles vécues dans l’histoire des participants. L’objectif du sociodrame est d’aider la personne qui apporte la scène à mieux comprendre les processus d’incorporation de l’histoire vécu » (Guay, 2023 : 72).
[11] « Comme tu es sensible ! » [notre traduction]
[12] « Un nœud sociopsychique est un ensemble d’affects, d’émotions, de souvenirs, de fantasmes, de mécanismes de défense dans lequel les processus psychiques conscients et inconscients sont amalgamés à des situations sociales vécues porteuses de souffrance, de violence, d’humiliation, de maltraitance. L’idée de nœuds renvoie à l’impossibilité de dissocier les fantasmes de la réalité, l’interne de l’externe, le subjectif et l’objectif, la scène inconsciente et la scène sociale » (Gaulejac : 2020 : 11).
Matton Nicole, Guay Huguette, Quintin Jacques, « Devenir sujet de son histoire : un apport à et de l’émerveillement », dans revue ¿ Interrogations ?, N°40. L’émerveillement : de l’émotion individuelle au geste social, juin 2025 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/Devenir-sujet-de-son-histoire-un (Consulté le 12 juin 2025).