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Raynaud Tecla

« C’est trop beau ! » : un émerveillement entre spontanéité et compétence professionnelle chez les artistes plasticiens-intervenants

 




 Résumé

Cet article porte sur les pratiques d’artistes plasticiens dans des projets artistiques participatifs. Les projets participatifs, impliquant la rencontre d’artistes et de non-artistes pour la création d’objet(s) en commun, sont des lieux de déploiement de compétences professionnelles acquises dans le cadre de formations et de façon autodidacte par les artistes. À rebours d’une conception traditionnelle le définissant comme une émotion spontanée, cet article soutient que l’émerveillement peut être mobilisé et mis en scène, s’inscrivant en cela dans une stratégie professionnelle. Il peut ainsi être envisagé comme une compétence professionnelle, revêtant des objectifs sociaux, esthétiques et politiques visant la production d’un espace où faire communauté créative.

Mots clefs : Art participatif, arts plastiques, travail artistique, co-création, artification

 Abstract

’It’s so beautiful !’ : amazement, between spontaneity and professional strategy of visual participatory artists

This article offers an analysis of visual artists’ practices in participatory art projects. Participatory projects, involving artists and non-artists working together to create common object(s), are settings where artists deploy their self-taught or trained professional skills. Contrary to the traditional definition of amazement as a spontaneous emotion, this article argues that being amazed can be mobilized and staged, as part of a professional strategy. It can thus be seen as a professional skill, with social, aesthetic and political objectives aimed at producing a space for creative community.

Keywords : Participatory art, artistic work, collaborative art, artification, community-based art

 Introduction

Depuis les années 1990 se développent, au sein des mondes de l’art (Becker, 2010) et sous l’impulsion des pouvoirs publics, des dispositifs dits participatifs. En France, des passerelles sont mises en place entre le ministère de la Culture et d’autres ministères, institutionnalisant le « rôle social des acteurs culturels  » (Arnaud, 2021). Le déploiement de l’injonction participative, dans et en-dehors du domaine culturel, s’inscrit dans un tournant relativement récent de l’action publique, consistant en une injonction à « faire participer » (Carrel, 2013) les citoyens à travers « des initiatives visant à ranimer ’d’en haut’ le public ensommeillé ’d’en bas’  » (Eliasoph, 2013). Ce « tournant participatif » (Mazeaud, Nonjon, 2018), dans le secteur culturel, consiste en une prolifération d’appels à projets et dispositifs enjoignant les artistes à sortir de leurs ateliers. Si les pratiques artistiques participatives préexistaient à ce tournant (Zhong Mengual, 2015), les mondes des arts visuels assistent à leur relative intégration. L’usage de plus en plus répandu de la notion de droits culturels et de démocratie culturelle, jusque dans la dénomination de services déconcentrés du ministère de la Culture [1], constitue un des marqueurs de l’infusion de modalités participatives (réelles ou fictives) dans les politiques culturelles.

Le terme « participatif » utilisé dans cet article vise à englober la diversité des pratiques au sein des arts visuels. Cette catégorie est employée par certains acteurs des arts visuels et contemporains menant ce type de projets et par des artistes, historiens et commissaires d’exposition travaillant sur ce sujet, en France comme à l’international (voir notamment Preston et al., 2019 ; Helguera, 2011 ; Bishop, 2012). Les intentions liées à ces pratiques, les médiums employés, la durée des projets, la rémunération des artistes (voire, rarement, des participants), le type de financements et de partenaires, les acteurs sociaux et culturels impliqués varient largement. Cependant, ce sont toujours des pratiques dans lesquelles un ou des artistes travaillent avec des non-artistes pour partager un temps de création amenant, le plus souvent, à la création d’une ou des œuvre(s).

Le « rôle social » (Quercia, 2018) que les artistes adoptent avec les pratiques participatives est, pour certains, envisagé comme une extension de leur travail. Cette fusion entre pratiques de création solitaire (ou entre professionnels) et pratiques participatives soulève la question de la compétence des artistes. En effet, traditionnellement leurs compétences relèvent du domaine de la création, mais le fonctionnement par projet et l’injonction participative modifient leur « faisceaux de tâches » (Hugues, 1997). Les artistes doivent donc développer des pratiques multiples et souvent en tension, croisant compétences de création, compétences « politiques » (liées aux relations avec des financeurs variés) et « socio-relationnelles » (Quercia, 2018). Nous nous intéresserons plutôt, dans cet article, aux compétences socio-relationnelles, décrites par Quercia comme un « ensemble de savoirs et savoir-faire permettant aux intervenants de théâtre d’entretenir des relations avec les participants aux projets », comprenant la capacité à « atteindre un public spécifique défini par les pouvoirs publics sur la base de son éloignement de la culture légitime ou de ses difficultés sociales », la mise en place d’une confiance nécessaire à la fidélisation des participants, et la « légitimation » de leur rôle (Quercia, 2018 : 321-324).

Les « vertus thérapeutiques de l’art » (Le Ferrand, 2023 : 12) sont largement plébiscitées pour justifier l’injonction participative, les artistes étant « valorisés en tant que vecteurs d’insertion sociale et économique  » capables de « ’mettre au travail’ les potentialités créatives des individus et des groupes » (Arnaud, 2015 : 55). Il s’agit aussi pour les artistes de proposer aux participants « d’autres manières de voir leur environnement », d’injecter dans le quotidien « un peu de poésie » [2]. Autrement dit, ces pratiques permettraient de susciter des formes d’émerveillement, et d’accompagner le développement de la capacité d’émerveillement des participants (Netter, 2019), entre surprise et joie fugace (Edwards, 2008). Au-delà de l’émotion spontanée partagée entre artistes et participants, l’émerveillement peut être mis en scène par les artistes, comme forme d’encouragement et de « valorisation » [3] du travail fourni par les participants. À ce titre, il peut se cultiver, les artistes pouvant investir cette émotion pour sa fonction sociale, l’instituant ainsi comme une compétence émotionnelle et professionnelle (Lafranchise et al., 2014) ou « socio-relationnelle » (Quercia, 2018), comme la colère, la joie ou le rire [4]. Ces émotions peuvent apparaître comme des « distances au rôle » (Goffman, 2002), moments de relâchements pour les artistes indiquant une relative confiance dans le groupe pour laisser libre cours à l’expression d’un ressenti. Cependant, pour certains artistes travaillant en participatif, elles sont situées dans une tension entre la distance au rôle et le maintien de celui-ci. Autrement dit, des émotions semblant spontanées, « fugaces » et « volatiles », peuvent également être déployées dans des stratégies sociales plus ou moins conscientisées (Flandrin, 2021). Il ne s’agit alors pas ici de considérer l’émerveillement comme une pure stratégie professionnelle, mais d’envisager comment les artistes cultivent cette émotion dans les pratiques participatives et en cela de « renverser la perspective et d’examiner dans quelle mesure l’acteur lui-même croit en l’impression de réalité qu’il essaie de créer chez ceux qui l’entourent. » (Goffman, 1973 : 25).

La fonction de l’émerveillement comme une compétence permettant un partage d’émotion et comme un outil de mobilisation des participants aux projets artistiques, fera l’objet de cet article. Un premier axe permettra de préciser la notion de compétence, d’abord dans son opposition à la notion de qualification, puis dans le travail artistique, interrogeant la tension entre, d’un côté, la professionnalisation des artistes et la formalisation de leurs compétences et, de l’autre, leur « déprofessionnalisation » (Moulin, 1983). Un deuxième axe s’attachera à saisir le rôle de l’expérience dans la construction professionnelle des artistes et celui de l’incertitude comme élément essentiel des projets artistiques participatifs. Un troisième axe analysera l’émerveillement comme compétence professionnelle des artistes, dont l’objectif est de créer les conditions d’une participation à partir de la mobilisation de critères esthétiques. Pour finir, l’émerveillement sera envisagé comme un opérateur discursif d’« artification » (Heinich, Shapiro, 2012) mobilisé par les artistes [5].

Cet article s’appuie sur une enquête menée en France dans le cadre d’une thèse en sociologie débutée en 2020 au moyen de l’observation participante de sept artistes-plasticiens, complétée de soixante-cinq entretiens semi-directifs avec cinquante-deux artistes [6]. Trois éléments de cadrage ont guidé la sélection de ces artistes plasticiens : se définir comme tels, avoir une pratique qui relève des arts visuels et contemporains (les critères disciplinaires étant cependant poreux), et avoir mené au moins une fois des ateliers participatifs dans le cadre de résidences, de rencontres plus ou moins régulières, répétées ou non, avec des structures partenaires (écoles, centres sociaux, maisons d’arrêt, centres de formation, lieux de soin, musées, etc). Une grande majorité de ces artistes s’inscrit dans des dispositifs financés par les pouvoirs publics, des institutions culturelles ou sociales. Tous les artistes évoqués, les dispositifs au sein desquels leurs projets se déroulent ainsi que leurs lieux d’activités sont anonymisés.

 La compétence, au cœur du travail artistique ?

La notion de compétence a été un instrument de modification du rapport salarial à des fins d’adaptation aux exigences nouvelles du marché (Reynaud, 2001 ; Oiry, D’Iribarne, 2001), elle est aussi représentative des mutations du travail au tournant du XXIème siècle (Paradeise, Lichtenberger, 2001), dont le travail artistique peut constituer un exemple paroxystique (Menger, 2002). Les marqueurs contemporains du travail, en réseau et par projet (Boltanski, Chiapello, 2011), l’adaptabilité, la prise en compte du « savoir-être », la variabilité des rémunérations, l’engagement et l’individualisation des trajectoires professionnelles rejoignent les caractéristiques traditionnelles du travail artistique. En effet, la capacité et la nécessité de jongler entre différents projets, l’autodidaxie [7], l’engagement et l’autonomie dans le travail, la flexibilité, le travail gratuit, l’acceptation de faibles rémunérations en vertu de rétributions symboliques (Loriol, Leroux 2015) et les logiques concurrentielles constituent des éléments saillants des trajectoires professionnelles des artistes. La notion de compétence pour les artistes qualifie ainsi le « travailleur-entrepreneur » artiste hyper-flexible (Menger, 2002) bien mieux que des termes mobilisés pour décrire des activités salariées dans un régime tayloriste.

La notion de compétence s’inscrit par ailleurs en contradiction avec l’entreprise de déprofessionnalisation entamée par les artistes indépendants de la fin du XIXème siècle et poursuivie dans les avant-gardes du XXème, rejetant la « composante artisanale du métier d’artiste » (Moulin, 1983 : 393). Si les arts visuels à notre époque s’inscrivent dans un processus de déprofessionnalisation plus nuancé, convoquant la vocation comme argument tout en la conjuguant avec des formations supérieures en art et des attitudes plus ou moins entrepreneuriales (Menger, 2002), la professionnalisation est circonscrite à la création. En effet, l’acquisition de compétences socio-relationnelles est nécessaire pour mener des projets artistiques avec des non-professionnels, cependant leur formalisation en tant que telles est complexe pour les artistes des arts visuels. En effet, contrairement aux metteurs en scène français étudiés par Quercia (2018), pour lesquels la professionnalisation implique la délégation d’une large partie de l’action culturelle à d’autres comédiens pour se concentrer sur « la création » (professionnelle), les artistes de notre enquête doivent mener eux-mêmes des projets participatifs qui, pour certains, sont constitutifs de leurs pratiques de création ou le deviennent au fur et à mesure de l’avancée dans la carrière. Et puisqu’il s’agit pour ces artistes de rester artistes et de produire des œuvres, y compris dans le cadre de pratiques participatives, la question de l’intervention comme compétence disparait au profit d’enjeux liés à la création, fût-elle collective. Autrement dit, si certains artistes développent des discours sur l’art comme « prétexte à la rencontre » [8], la question de la création et de l’œuvre occupe une place prépondérante dans les pratiques. Rares sont les artistes à avoir suivi des formations à l’intervention artistique [9], et le manque de compétences pour intervenir auprès de non-artistes n’est jamais présenté comme un élément dissuasif, l’intervention étant davantage envisagée comme un apprentissage de terrain. On retrouve un rapport analogue aux compétences pédagogiques dans le domaine de l’enseignement artistique supérieur, l’emploi comme enseignant en école d’art formant « en quelque sorte la preuve qu’ils [les artistes] possèdent des savoirs à transmettre […] plus qu’il ne repose sur leur capacité présumée à transmettre ces savoirs » (Patureau, Sinigaglia, 2020 : 167). Dans un domaine professionnel héritier d’une conception vocationnelle du travail (Buscatto, 2019), les compétences d’intervention sont souvent décrites sur le registre du sensible et de l’expérience. Ainsi l’ensemble des compétences mobilisées dans les projets participatifs sont souvent présentées comme intuitives par les artistes, dans une logique de distinction vis-à-vis des méthodes pédagogiques.

L’idée d’une méthode participative théorisée est ainsi peu valorisée, au profit d’une singularisation des pratiques, d’un vocabulaire centré sur la maîtrise de la création d’un côté, la spontanéité dans la relation de l’autre, et d’un lien entre les compétences d’intervention et la « personnalité » [10] des artistes, apprenant en faisant. Ce rejet de l’intervention participative comme compétence s’inscrit également dans un discours autour de la rencontre, de la considération des participants dans leur individualité, où l’enchantement de la pratique passe par une singularisation de l’expérience ainsi contextualisée. Par ailleurs, parler de l’intervention comme d’une compétence artistique professionnelle reviendrait à entériner la participation comme une modalité de création à part, alors que, pour nombre d’artistes, la reconnaissance de leur travail en participatif passe par la catégorisation des productions qui en sont issues comme de l’art et de la méthode de création participative comme une méthode de création légitime [11], pour se distinguer des « ateliers » et, par extension, de « l’animation socio-culturelle » (Proust, 2009). Enfin, l’horizontalité est une notion centrale des discours des artistes, reconnaissant des formes d’expertises (d’usage, expérientielles, théoriques, pratiques) chez les participants. Certains artistes vont jusqu’à revendiquer l’incertitude commune avec les participants quant à la création comme une condition de cette horizontalité. Cependant, les méthodes des artistes transparaissent dans leurs discours et ce malgré le rejet ou la non-conscientisation dont elles peuvent faire l’objet. Dans les entretiens, les artistes évoquent ainsi leurs « outils », leurs habitudes et leurs apprentissages.

Autrement dit, les artistes de cette enquête cherchent à revendiquer l’art comme un travail [12], revendication qui implique une logique de professionnalisation passant nécessairement par un travail de reconnaissance des compétences requises et acquises dans leurs pratiques en participatif. Cependant, cette professionnalisation implique le désenchantement de leurs pratiques et risque par-là de détruire ce qui, précisément, est censé être le cœur de leur travail et participe de leur légitimation, à savoir la singularité de leurs créations et des rencontres. Les pratiques participatives engageraient donc les artistes dans une professionnalisation menaçant paradoxalement de les discréditer auprès de leurs pairs.

 Découvertes et expériences des artistes dans les projets artistiques participatifs

La centralité de l’expérience comme vecteur d’apprentissage

Le travail d’artiste en participatif implique la maîtrise de différents types de compétences (créatives, artisanales, juridico-administratives, rédactionnelles, gestionnaires, émotionnelles) mobilisant des apprentissages issus d’une socialisation primaire, de l’enseignement supérieur en écoles d’art, mais aussi d’apprentissages « sur le tas » (Patureau, Sinigaglia, 2020 : 120), avec des pairs et/ou des proches. S’ajoute à cela un ensemble de compétences propres au travail avec des non-artistes [13], les artistes devant alors déployer des pratiques alternatives au travail en solitaire ou entre professionnels. Les compétences d’intervention ou socio-relationnelles sont rarement décrites par les artistes comme le fruit d’un apprentissage dans le cadre d’une formation. La rareté des artistes formés à l’intervention, malgré le déploiement de formations dédiées depuis une vingtaine d’années, éclaire la forte tendance à la minimisation des compétences d’intervention. Les artistes de cette enquête interviennent donc avec des outils développés dans l’action et peu pensés en tant que compétences. Cette tendance est fortement liée à l’héritage romantique du XIXème siècle, persistant à façonner la mythologie dominante du talent inné au sein des professions artistiques (Heinich, 1993), terreau fertile pour le mythe de l’autodidaxie, malgré l’augmentation du nombre d’artistes passés par l’enseignement supérieur (Cardinal, 2013). La peur du « stigmate » de l’animateur socio-culturel (Proust, 2009), y compris dans d’autres domaines que les arts visuels, peut par ailleurs expliquer la distanciation avec toute formation excédant les frontières de la création entendue comme pratique solitaire et/ou professionnelle. En outre, la possibilité d’obtenir des revenus étant un des arguments les plus courants dans les discours des artistes au sujet des pratiques participatives dans un contexte de ressources financières maigres et de concurrence entre le temps de création et les autres activités afférentes au métier d’artiste (Patureau, Sinigaglia, 2020), le suivi d’une formation pour développer des compétences d’intervention pour une activité souvent jugée temporaire ou « accessoire » [14] peut ne pas être envisagé comme une priorité. Enfin, une large partie des compétences non-créatives (y compris juridico-administratives, gestionnaires) ayant été apprises par le faire (Patureau, Sinigaglia, 2020), les artistes peuvent arguer d’un apprentissage de l’intervention par l’action. Les compétences mobilisées par les artistes pendant leurs interventions peuvent également être le fruit d’une imitation de certaines pratiques de leurs propres enseignants, d’acteurs partenaires présents pendant les moments d’intervention (enseignants, éducateurs spécialisés, travailleurs sociaux, infirmières, formateurs, etc), voire de leurs parents. Ariane, une artiste de 25 ans sortant tout juste d’une école d’art publique, raconte son premier projet participatif dans le cadre d’une résidence au sein d’une école primaire. Elle met en valeur le recours à l’autorité, pour un (re)cadrage d’enfant lors d’un atelier, et la mobilisation de méthodes parentales : « pour la première fois dû dire ’stop, ça, tu ne fais pas, je ne suis pas d’accord’ [à un enfant-participant], et là (rire) j’ai dû dire… en fait, les premiers trucs qui me sont revenus sont des trucs que mes parents faisaient, d’autorité (rire) ’tu me regardes dans les yeux !’, et là ils cherchent tout de suite, ’non, je te regarde pas’, ’tu me regardes, j’ai dit non, c’est non !’ »

Ariane explique qu’elle s’interrogeait, en amont de cette résidence, sur sa capacité à ne pas « perdre la main » sur le groupe d’enfants, ce qui peut s’expliquer par son manque d’expérience. Afin de pallier à ce problème, elle raconte qu’elle s’est aussi appuyée sur un autre artiste intervenant dans le cadre de sa résidence, à qui elle a demandé des conseils et qu’elle a regardé travailler. Le tableau qu’elle dresse de la compétence d’intervention de cet artiste s’appuie sur deux idées : d’abord, il « avait complètement l’habitude de ça [les interventions en milieu scolaire] » ; ensuite, « il avait la personnalité, il avait un truc très leader ». Donc selon Ariane, la compétence de cet autre artiste s’est à la fois construite dans l’expérience, tout en s’appuyant sur un socle comportemental déjà existant (« sa personnalité »), un « savoir-être  » propre à l’émergence de la notion de compétence (Menger, 2002). C’est aussi ce qui se joue quand elle explique avoir mobilisé des pratiques d’autorité héritées de ses parents : elle convoque non pas une compétence en train de se faire, mais bien un élément de son histoire personnelle. Cette conception de l’intervention rejoint ce qu’Ariane raconte d’une journée de rencontres professionnelles organisées par l’institution finançant sa résidence :

« il y avait eu une intervention d’une artiste qui intervenait pas mal dans des cadres scolaires comme ça. […] Elle disait, ’mais en fait, si vous êtes n’importe qui d’autre que vous-même, ça va pas fonctionner. […] on n’a pas besoin de parler de questions de pédagogie. Vous venez en tant que vous-même avec vos questionnements et vos façons d’être. Et c’est tout, quoi’. Et… Et en fait, c’est vrai. Parce que moi, il y a que comme ça où tu vois ces fameuses filles au départ qui… qui étaient hyper réticentes. C’est comme ça que… je pense qu’on a réussi à s’entendre. C’est que… quand je leur demande pas de faire des choses, ça m’intéresse aussi de savoir des choses de la vie, quoi (rire). […] Il y en a qui descendent pendant la récré. Donc, t’as 15 minutes avec un ou deux enfants avec toi. Et tu vas discuter comme si t’étais avec n’importe qui. ».

Être soi-même et être simplement artiste serait ainsi la condition pour que « ça fonctionne ». La pédagogie et les compétences afférentes à celle-ci sont ici repoussées loin du travail artistique (Filiod, 2008), comme une forme d’entrave à la rencontre et à la création collective. La discussion est décrite comme un intérêt d’Ariane pour les enfants, quelque chose de naturel entre Ariane et ces derniers, et non comme un prérequis ou une stratégie professionnelle. Paradoxalement, elle explique que ce sont ces discussions qui ont permis de mobiliser des élèves initialement réticentes mais, dans son discours, c’est sa « personnalité » qui a permis de débloquer la situation. Elle reconnaît ainsi malgré tout l’expérience comme un moyen d’apprendre à mener des pratiques en participatif, tout en la subordonnant à sa « personnalité ».

Il est possible de faire l’hypothèse que cette conception de l’intervention comme travail artistique mobilisant sa « personnalité » plutôt que des compétences socio-relationnelles vient de la situation professionnelle d’Ariane : elle est résidente d’un atelier visant à la professionnalisation des jeunes artistes et très insérée dans le monde de l’art contemporain institutionnel ; elle expose rapidement à sa sortie d’école dans des lieux identifié proches du « pôle pur » (Bourdieu, 1992) de l’art contemporain et est proche de la figure du « professionnel intégré  » (Becker, 2010). À ce titre, le travail créatif est présenté comme central au sein de sa pratique, davantage que le reste des compétences nécessaires au travail artistique.

Certains artistes mettent ainsi en scène (Goffman, 1973) à la fois la spontanéité de leurs interventions et des compétences acquises par l’expérience. Diane, artiste de 33 ans, a un profil plus mixte qu’Ariane, menant beaucoup de pratiques participatives, en particulier avec des jeunes enfants, et oscillant entre financements publics, privés et travail sur commande. Elle met en valeur l’expérience comme moyen d’apprentissage, tant pour la préparation de la mise en œuvre des projets que pour l’organisation de son emploi du temps et l’obtention des rémunérations nécessaires :

« il y a même un an, un an et demi on m’aurait dit, ‘combien d’enfants, combien de temps ?’, j’aurais pas trop su répondre, là maintenant je sais exactement […] ça dépend quel projet, mais maintenant je sais limiter le nombre d’enfants, je sais peut-être mieux m’adresser à eux ». Je lui demande d’où elle tient cela, elle répond : « Ah bah c’est l’expérience, là clairement des expériences où parfois tu te sens complètement dépassée… […] après des projets comme ça, tu te dis, t’y vois plus clair… Et puis t’y mets quand même beaucoup d’énergie quoi, donc après il faut aussi… en fait sur le coup ça va, t’es quand même un peu fatiguée après, il y a tous ces trucs là qu’il faut quand même prendre en compte, que… par exemple un atelier de 3 heures c’est pas juste un atelier de 3 heures quoi, c’est la journée en fait ».

La compétence à la fois socio-relationnelle et technique que constitue la capacité à créer un projet ou un ’atelier’ et à en poser le cadre sont ainsi reconnues, par certains artistes, comme des compétences acquises par la pratique, tout en s’appuyant sur des expériences vécues. L’expérience est ainsi valorisée, dans leurs discours, comme un moyen de mieux préparer les ateliers, dans un apprentissage professionnel autodidacte.

Cependant, si les artistes peuvent reconnaître la maîtrise de certaines conditions matérielles, les relations se jouant dans ces projets relèvent toujours de l’inconnu et impliquent une part essentielle d’incertitude. Et plus les discours des artistes se concentrent sur les participants, plus un vocabulaire propre à l’émotion et à la relation se déploie.

Découvertes mutuelles et incertitude vectrice d’égalité

Dans le cadre de pratiques participatives demandant aux artistes le déploiement d’une « pédagogie de la découverte » (Filiod, 2018), un principe d’adaptation permanente aux participants et aux contextes d’interventions innerve les discours des artistes. La découverte, traditionnellement envisagée dans une logique de démocratisation culturelle (transmission des artistes vers les participants), circule entre participants et artistes. La surprise et la capacité à faire avec l’incertitude ressortent des discours des artistes sur ces projets, et deux types d’inattendus émergent dans leurs récits. Les inattendus matériels, dont les jeunes artistes font l’expérience, concernent l’organisation, la « gestion de groupe », la méthodologie participative, l’autorité, les modes de participation plus ou moins consentie. Certains inattendus matériels disparaissent quand les artistes ont plus de pratique, l’expérience amenant à être par exemple conscient qu’un atelier de peinture sur soie ne peut pas se faire avec un groupe de trente personnes, a fortiori si ce sont des enfants. Le second type d’inattendus est plutôt d’ordre esthétique, esthésique [15] et relationnel. Il concerne les surprises devant les participants, leur créativité, leurs positionnements, avec la revendication d’une place pour l’incertitude et l’adaptation au contexte comme parti pris méthodologique. Diane explique ainsi : « Dans cette réalisation, il y a aussi des moments de surprise où on a laissé des endroits beaucoup plus libres. Et… toujours avec des règles… mais c’est vrai que parfois, il y a des soi-disant ratés qui donnent en fait des résultats… encore mieux que ce qu’on avait prévu  ». Elle évoque ici un élément essentiel des pratiques artistiques participatives, la surprise esthétique, qui peut être d’autant plus forte en écho aux moments de lancement des projets, souvent flottants. Les participants peuvent en effet être réfractaires à la thématique proposée, aux médiums, au travail en solitaire ou au contraire en groupe, à la méthode employée, engendrant des prises de contact parfois abruptes. Antoine, un artiste chevronné dont le travail bénéficie d’une notoriété dans le domaine du graphisme et de l’illustration et dans des milieux militants de gauche, évoque un workshop mené avec des étudiants, et les surprises qu’un projet avec des participants inconnus implique :

« Je suis arrivé avec ce même sujet que j’avais fait deux fois déjà. […] un moment où t’as ressenti une violence politique, la première fois que toi tu t’es sentie femme, ou blanche, ou… ou pauvre… enfin, que t’as compris que ta situation relevait du politique […] et ensuite de retourner un peu le stigmate et trouver, en partant d’un sujet qui est violent, qui est dur, qui est négatif, comment le retourner et amener de la joie […] il y a une ou deux personnes qui n’ont pas voulu participer à l’écriture. J’ai pas forcé du tout. J’arrivais, ne connaissant pas les personnes, je ne savais pas ce qui pouvait être l’origine du refus, si c’était une gêne, si c’était un… quel pouvait être le problème quoi. Par contre, chaque fin de journée, on faisait un petit bilan. Et c’est là qu’il y en a une qui a pris la parole et qui a exprimé le fait qu’elle avait trouvé ça assez déplacé et violent de… que j’amène cette demande-là […] Moi j’arrive en plus, les sujets ne sont pas annoncés à l’avance, tu ne peux pas trop t’y préparer. On fait un petit tour de table pour se présenter et direct j’ai amené ça quoi […] Je sais pas si c’est pas un goût de la surprise, mais… en fait, j’avais pas envie que les gens aillent chercher ces témoignages en projetant derrière déjà des choses en termes de réalisation […] au moment du bilan, t’avais plusieurs groupes qui étaient en mode ’on comprend rien’ à ce qu’il faut faire’ […] ils se sont aussi braqués sur l’idée que moi, j’amène la contrainte de travailler en groupe, entre 3 à 4 personnes, en général… des plus grands groupes, c’est pas terrible, parce que ça met des gens un peu sur le côté, il y a des gens qui vont être suiveurs, suiveuses. […] là, j’avais une demande assez claire de la plupart des jeunes qui était, ’ah mais nous, on veut tous travailler ensemble, on n’a jamais l’occasion’, parce que là ils étaient en plus en années mélangées, en situation post-covid, où pendant des mois aussi, ils se sont retrouvés en dehors de l’école, à ne pas faire des choses ensemble. Là, elles et eux, ils voulaient vraiment bosser ensemble. Du coup, j’ai lâché là-dessus (rire), aussi, en mode, ’bon, ben, ça vient de vous’. […] Et alors derrière, les 4 jours qui ont suivi, c’était trop bien, parce qu’ils étaient toutes et tous à fond. Ça a super bien marché, quoi. […] ils m’ont retourné, ces étudiants et étudiantes, c’était trop bien. »

Les projets observés pour cette enquête sont toujours à l’initiative des artistes [16], qui ont des idées spécifiques en termes de formes, de thématiques et, pour Antoine, de positionnement politique. Cet extrait d’entretien permet de mettre à jour la tension entre la volonté de liberté dans les pratiques et le cadre que les artistes posent. Il permet de comprendre les ajustements permanents nécessaires pour tenir cette tension : arriver avec un projet pensé en amont de la rencontre avec les participants et s’adapter aux demandes avec souplesse, jaugeant de la contingence de certaines contraintes, allant jusqu’à construire les projets en sachant et souhaitant que les trajectoires en soient déviées par la rencontre avec les participants. Ce double positionnement, qui pose un cadre tout en restant ouvert à sa subversion, suscite des surprises du côté d’Antoine, à la fois concernant le rapport à sa méthode et au cadre posé (les personnes refusant de s’impliquer au début, la demande de travailler tous ensemble) et l’engagement des participants dans le projet (« ils étaient toutes et tous à fond ») qui le surprend. On comprend que son émerveillement vis-à-vis de ce projet est largement conditionné aux comportements des participants, à leur implication, leur plaisir et leur façon de négocier le cadre pour s’y inscrire. Par ailleurs, la politisation d’Antoine, sa recherche d’horizontalité, défendant un positionnement professionnel de « maître ignorant  » (Rancière, 2004) qu’il convoque pendant l’entretien en expliquant ne pas vouloir « incarner quelque chose de l’ordre du sachant omnipotent, sûr de lui, qui sait parfaitement ce qu’il faut faire, comment il faut le faire », participe à produire cet espace propice à l’expérimentation, a minima dans son discours. Quand je l’interroge sur ce parti pris méthodologique de l’incertitude, du faire avec le contexte et les propositions qui émanent des participants, il explique : « je crois que j’y tiens un peu. Alors c’est sûr que c’est un peu déboussolant aussi pour moi (rire) parce que, tu vois, c’est un peu flippant, mais ce côté de mise en danger, j’y tiens, en fait, au sens où… tu vois, de me mettre un peu en fragilité et d’être pas le sachant ». À ce titre, l’incertitude jouerait un rôle proche de l’« artefact d’égalité » (Carrel, 2013 : 136-139), modalité d’« organisation de l’espace, du temps et de la parole » (ibid. : 209) permettant « de tordre temporairement la réalité sociale pour produire des effets d’émancipation et de reconnaissance des citoyens » (Carrel, 2011 : 12). Dans des contextes participatifs produisant nécessairement des hiérarchies entre artistes et participants, les artefacts d’égalité visent à permettre aux individus de s’émanciper, au moins temporairement, des formes de dominations multiples entravant leur implication. Par la remise en cause d’une maîtrise totale du projet, le positionnement d’Antoine se situe à l’intersection de la compétence, puisque cette capacité à accepter le dissensus et à intégrer les remarques des participants joue un rôle intégrateur et mobilisateur, et du positionnement politique, visant à produire un espace aussi égalitaire que possible.

La valorisation de l’autodidaxie demeure centrale dans le discours des artistes sur leurs pratiques participatives, l’expérience étant formulée, par certains, comme essentielle pour la préparation et la maitrise d’un cadre matériel dans les projets. En revanche, l’incertitude impliquée par des projets participatifs, majoritairement menés avec des participants inconnus, est à la fois avancée comme une justification de l’autodidaxie (voire de l’inexpérience) et comme condition de surprise et découverte. Autrement dit, s’il s’agit de travailler avec des inconnus, la formation serait inutile, seule la ’personnalité’ et l’expérience compteraient. L’émerveillement engendré par un projet prenant forme, une participante réfractaire s’impliquant finalement, ou une relation de confiance et d’égalité se nouant, innervent les discours des artistes. Cependant, si ces réactions semblent spontanées, les artistes peuvent également apprendre à mobiliser et mettre en scène l’émerveillement.

 Un émerveillement performatif : mobiliser le registre du beau

Le registre du beau dans les pratiques artistiques participatives

L’art contemporain bouscule, depuis son émergence, les critères d’appréciation des œuvres d’art, renvoyant le beau à une catégorie comme une autre, l’enjeu des œuvres ne portant plus sur la valeur de l’objet (bon ou pas, beau ou pas) mais sur sa nature (art ou pas art) (Heinich, 1998). Cependant le registre du beau, s’il est devenu secondaire dans les arts visuels contemporains, surgit comme un marqueur d’appréciation de la part des participants et de certains artistes de cette enquête, demeurant un critère de jugement pour qualifier les objets créés en étant mobilisé par certains participants comme une composante intrinsèque du travail artistique. Lors d’un projet au sein d’une école primaire, l’artiste propose, pour commencer l’atelier, de définir collectivement ce qu’est un artiste. Un enfant répond qu’un artiste, « c’est quelqu’un qui peut faire des beaux dessins », un autre que l’art doit être « beau ». Ce critère du beau est mobilisé à différents titres et par différents acteurs, dont les partenaires présents pendant les projets (enseignants, éducateurs, formateurs, etc.). Une enseignante explique par exemple, au sujet d’un projet mené par une artiste avec ses élèves : « Il y avait quelque chose de l’ordre de la beauté aussi qu’elle ramenait. Voilà, ça fait appel à leur [ses élèves] sensibilité.  ».

Le critère du beau peut être mobilisé par les artistes pour qualifier la qualité et le soin apporté au travail réalisé, qui jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement des participants sur la réalisation plastique. Diane explique ainsi : « pour qu’il y ait quand même un beau résultat à la fin, moi, je passais toute l’après-midi, ou la matinée, à peaufiner le travail, refaire les aplats, les contours (rire), pour pas que ça déborde de partout ». La notion de beau prend ici une dimension artisanale, visant à qualifier un ’beau travail’ au sens d’un travail bien fait, plus qu’une expérience esthétique forte. Le beau n’est ici pas mobilisé nécessairement sur le registre de l’émerveillement, mais peut constituer pour les artistes un marqueur discursif concernant la qualité du travail produit, en mettant plus ou moins en scène l’appréciation formulée devant les participants.

Les artistes jouent un rôle essentiel dans l’emploi de ce qualificatif esthétique. Et si certains n’emploient pas ce terme pour juger des créations lors de leurs pratiques participatives, le registre du beau est mobilisé, par d’autres, sur le mode de l’émerveillement stratégique.

Le rôle des artistes : émerveillement stratégique et artification

Dans un contexte de travail avec des participants n’ayant souvent pas de pratique artistique propre, donc souvent peu à l’aise de prime abord avec les médiums proposés, le geste créatif implique une prise de risque. Dans ces conditions, l’émerveillement des artistes peut jouer un rôle de facilitateur de création, la valorisation des participants permettant de débloquer ou mettre en valeur les plus prompts à l’auto-dévalorisation. Dani, une artiste de 57 ans travaillant essentiellement en participatif depuis une vingtaine d’années, mène un projet avec des habitants d’un quartier populaire, pour la création d’un objet artistique qui sera exposé dans l’espace public. À la fin d’un atelier, elle propose aux participants de venir voir l’ensemble des créations, et leur dit « c’est trop beau ! » avec enthousiasme. L’un d’entre eux rétorque « c’est trop moche » [17], elle répète « c’est trop beau ». Lors d’un autre atelier, la mère d’un participant se joint au groupe, les ateliers étant ouverts à tous. Ce participant est un enfant d’une dizaine d’années, dyspraxique, et sa mère l’accompagne dans sa création :

« Sa mère est à côté de lui et le houspille un peu, dit qu’il ne fait pas les choses correctement. En effet, en passant le voir, je constate qu’il a des difficultés pour manier la colle et les outils, la colle déborde partout. Pourtant à plusieurs reprises, Dani passe les voir en disant ’c’est très beau !’, ’c’est super !’, avec enthousiasme. Petit à petit, sa mère reprend ces mots, dit aussi que ’c’est super beau’. Elle répète à plusieurs reprises, sans les participants, que les créations sont bellesJ’interroge par la suite Dani à ce sujet, elle explique : ’c’est beau’, ’c’est intéressant’, ’c’est précieux’, ça, si tu le dis, ça pose quelque chose, les gens du coup ils se mettent dans le soleil […] ça change le regard que les gens ont sur eux.  » (Extrait de journal de terrain et entretien).

Ici, l’artiste convoque le registre du beau avec émerveillement, lui donnant une fonction plurielle. D’abord, il vise à valoriser les créations réalisées, non pas dans une perspective artisanale de beau travail, puisque cet enfant rencontre de réelles difficultés à ce que son travail soit propre, mais pour qualifier esthétiquement la création, sur un registre d’appréciation commun, la qualité esthétique ne dépendant pas uniquement de la qualité de réalisation de la production. Ensuite, l’émerveillement devant la beauté de la création de cet enfant vise aussi à compenser les remarques négatives de sa mère. Dans ce cadre, l’émerveillement croise la spontanéité et la stratégie. La réaction de l’artiste face aux progrès et à la création de cet enfant est une compétence professionnelle, l’expérience ayant amené Dani à constater que valoriser les participants permet de les impliquer, de faciliter la mise au travail et la régularité de la participation. La vocalisation de l’émerveillement remplit ici à la fois une fonction de réassurance nécessaire à l’engagement dans la création, s’inscrivant par-là dans une stratégie professionnelle, ainsi qu’une fonction politique visant à « valoriser » un enfant dyspraxique habitant un quartier populaire et dont la mère semblait peu encourageante sur le plan créatif. Afin de comprendre comment ces deux éléments s’imbriquent, précisons que Dani mène des pratiques participatives depuis le début des années 2000 et revendique une dimension politique du faire ensemble, de l’horizontalité, de la nécessité de récits pluriels dans et hors des mondes de l’art. Elle se situe plutôt dans des milieux de l’art dits alternatifs, expose majoritairement des pratiques en participatif au sein de lieux non-dédiés, et fonctionne avec des financements croisés (culture et social). Elle convoque des influences éclectiques dans son travail, y compris celle, très présente, de l’art brut et du do-it-yourself. Malgré ses années d’expérience, elle dit ne pas avoir de méthode, la méthode étant, dans son discours, du côté de l’ordre et de la pédagogie top down.

L’observation du terrain de Dani invite à considérer que si l’émerveillement ne se commande pas, il peut néanmoins se cultiver. Il prend alors une fonction performative, les artistes participant largement de la reconnaissance des objets réalisés comme beaux et comme art. En effet dire « c’est beau » quand on est artiste permet de contribuer à rendre l’objet beau, par le regard que l’on porte dessus, depuis une position d’expertise, y compris si celle-ci n’est pas revendiquée. Certains participants peuvent être en désaccord avec le jugement de l’artiste, mais le collectif fait peu à peu équipe en « coopérant à la mise en scène » (Goffman, 1973 : 80), cette coopération des participants jouant le jeu de la reconnaissance de l’artiste comme expert étant essentielle à la production d’un sens esthétique commun minimal nécessaire à la création collective. Cette reconnaissance a une fonction sans doute d’autant plus importante pour les artistes qu’elle participe à les sanctionner comme tels, y compris quand les mondes de l’art les plus « purs » (Bourdieu, 1992) ne sont pas très accueillants avec eux. Toutefois, l’importance de la reconnaissance par les participants du statut d’artiste ne joue pas comme un faire-valoir par défaut, et s’inscrit aussi dans la demande d’une partie des artistes de considération des pratiques participatives au même titre que d’autres pratiques contemporaines [18], ouvrant ainsi le statut de créateur à tous et sanctionnant l’intérêt de la création collective. L’émerveillement de Dani ne relève ainsi pas seulement de la stratégie et de la compétence, sa culture artistique étant nourrie de pratiques amateures.

Les catégories normatives « beau » et « art » ne sont cependant pas équivalentes et n’impliquent pas les mêmes enjeux pour les acteurs impliqués. Si le registre du beau est mobilisé par tous les acteurs de ces projets comme un critère d’appréciation, celui de l’art est plus complexe. D’abord, la reconnaissance des créations participatives comme objets artistiques fait débat (Bishop, 2012) [19], ces pratiques s’inscrivant dans une reconnaissance qu’on pourrait qualifier d’« artification in progress » (Heinich, Shapiro, 2012) ou en demi-teinte. Dans ce contexte, un des enjeux des pratiques participatives, pour les artistes, est celui de la qualification des objets comme œuvres. Ils jouent un rôle central pour que les objets créés collectivement deviennent des œuvres, par les méthodes proposées, le regard porté, l’univers de référence mobilisé, les réflexions autour de la création et, plus largement, la simple considération de ces objets artistiques comme tels, depuis leur place d’artiste. L’émerveillement joue là aussi un rôle, puisqu’il peut contribuer non seulement à définir l’objet réalisé comme beau, mais aussi comme art. Théo, artiste de 36 ans travaillant beaucoup en participatif, mène un projet de création collaboratif avec une équipe de professionnelles de l’éducation, dont l’objet est la réalisation d’une œuvre à vocation pédagogique. Il passe entre les tables, pendant que chacune travaille, et émet des commentaires : « C’est beau ! », « ça fonctionne très bien, c’est chouette ! » (Extrait de journal de terrain, juin 2023). Ne pas s’en tenir à un registre d’appréciation esthétique duel (beau – laid) constitue aussi une marque d’appréciation, un dessin qui « fonctionne très bien » implique une composition, un agencement, qui permet qu’il « fonctionne » comme symbole et par là comme objet artistique (Goodman, 1992). Ainsi les procédés créatifs, d’archivage (prendre en photo les créations) et discursifs jouent comme opérateurs d’artification et, parmi ces procédés, l’émerveillement constitue un moyen central accompagnant l’activité de création et les objets finis.

  Conclusion

Cet article était centré sur le travail d’artistes travaillant en participatif et les compétences que cette activité implique. La notion de compétence pose un problème majeur pour le travail artistique en le ramenant à une somme de savoir-faire et savoir-être « multiples d’ordre technique, social, relationnel, institutionnel, pédagogique, didactique » (Filiod, 2008 : 94), risquant ainsi l’impair majeur de le désenchanter. Cependant, les artistes évoqués dans cet article se trouvent pris entre la nécessité de faire reconnaître leur travail comme tel, dans une logique de professionnalisation, et celle de maintenir la mythologie autour du travail créateur. Le premier axe de cet article visait à analyser la place et la reconnaissance des compétences dans le travail artistique, tendu entre des mythologies d’autodidaxie, la place centrale de la création et la concurrence potentielle incarnée par les pratiques participatives. Dans ce contexte, les artistes ont des difficultés à reconnaître leurs compétences mobilisées pour le travail participatif, en tension entre singularisation de la relation et de l’expérience et nécessité de rappeler que leur compétence première est celle de la création. À ce titre, l’émerveillement se situerait pour les artistes entre la compétence artistique et la compétence « socio-relationnelle » (Quercia, 2018), entre création et rencontre. Le deuxième axe visait à saisir le rôle de l’expérience dans la construction professionnelle de ces artistes, puis le rôle de l’incertitude comme possible « artefact d’égalité » (Carrel, 2013) entre artistes et participants, à minima théorique. Le troisième axe de l’article était centré sur l’émerveillement comme compétence professionnelle des artistes travaillant en participatif. Émerveillement qui, dans le cadre de projets participatifs, se matérialise dans la mobilisation d’un registre esthétique commun, passant par le qualificatif normatif « beau », s’inscrivant ainsi comme une compétence professionnelle impliquant une stratégie, des objectifs sociaux, politiques et esthétiques visant à la production d’une communauté créative. Croisant ainsi réaction spontanée et compétence stratégique, l’émerveillement est mis en scène de façon sincère (Goffman, 1973), contribuant à produire un engagement dans le processus créatif, autrement dit à ’faire participer’, ainsi qu’à la production d’objets artistiques créés collectivement, y compris par le discours. À ce titre, ces discours constituent des vecteurs d’« artification » (Heinich, Shapiro, 2012) dans lesquels l’émerveillement peut se déployer et contribuer à transformer les objets réalisés collectivement en œuvres.

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Notes

[1] Création en janvier 2021 d’une Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle.

[2] Paroles d’un artiste lors d’une journée d’étude sur les pratiques artistiques participatives au sein d’une école d’art française.

[3] Enjeu et terme récurrents dans les discours des artistes de cette enquête.

[4] Le rire est un élément central dans les pratiques participatives, les artistes pouvant le déployer de façon à créer des rapprochements avec les participants, ou au contraire sanctionner des sorties de cadre jugées inopportunes (sur les fonctions sociales du rire, voir Flandrin, 2021).

[5] Je remercie vivement Sophie Necker, Joséphine Remon et Agnès Vandevelde-Rougale ainsi que les auteurs des expertises pour leur accompagnement dans l’écriture de cet article.

[6] Les artistes suivis en observation font partie de ces 52 artistes.

[7] Le « mythe de l’autodidaxie » relevé par Moulin (1983) perd cependant en force chez les jeunes artistes dans un contexte de structuration des mondes des arts visuels (Bouvard, 2012).

[8] Discussion avec Bérénice, artiste.

[9] Sur les 52 artistes de cette enquête, 5 sont passés par des Centres de Formation de Plasticiens Intervenants (CFPI). Les CFPI, apparus en 1999 sur le modèle des CFMI (Centres de formation des Musiciens Intervenants), sont situés aujourd’hui à Marseille (Beaux-Arts), Strasbourg (Haute École des Arts du Rhin), Dunkerque-Tourcoing (École Supérieure d’Art) et Bourges (École Nationale Supérieure d’Art). Les universités de Lille et Bordeaux développent également des parcours dédiés.

[10] Entretien avec Ariane, artiste citée plus bas.

[11] L’hypothèse de Zhong Mengual (2015 : 81) sur les compétences de l’artiste participatif pourrait rejoindre cette revendication : « l’artiste participatif fait montre de compétences proprement artistiques, lors de la création d’un projet », dans sa capacité à identifier « dans des matières sans longue tradition artistique » des « formes implicites ouvrant des chemins de création favorables à ses ambitions. ».

[12] Revendication largement médiatisée par le travail du collectif La Buse.

[13] Le terme « non-artistes » est employé au même titre que « participants », afin d’opérer une distinction entre artistes et participants, l’artiste étant là en vertu de ses compétences supposées, sanctionnées par un financement, tandis que les participants n’ont pas de pratique artistique professionnelle (ou de pratique artistique tout court), et mobilisent ainsi d’autres ressources.

[14] C’est ainsi qu’elles doivent être déclarées à l’URSSAF (Union de Recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) pour les artistes-auteurs.

[15] Du grec aisthêsis, « sensation, perception » (Rey, 2016). Voir Filiod, 2011.

[16] Zhong Mengual (2015) parle de démarche « artist-led ».

[17] Si le laid est une catégorie artistique légitime (Naivin, 2023), elle est très rarement mobilisée par les artistes pendant mes observations, les artistes corrigeant plutôt des participants jugeant leurs créations comme laides.

[18] C’est l’hypothèse d’Estelle Zhong Mengual (2015 : 443-444) : l’art participatif pourrait constituer « une révolution du point de vue des matériaux, des médiums et des formes que cela fait entrer dans le champ de la création artistique et de l’histoire de l’art […] au même titre que les ready-made ou la performance ». Précisons ici qu’elle exclut une majeure partie des pratiques participatives françaises de son enquête, décrivant l’art participatif comme s’étant « très peu développé en France » (contrairement au monde anglo-saxon) à cause d’un rejet de ces pratiques hors des frontières de l’art, en « réserv[ant] l’art participatif à des initiatives socio-culturelles, c’est-à-dire de résolution de problèmes sociaux par le biais d’activités culturelles. » (ibid. : 83).

[19] Si certains artistes arguent d’une reconnaissance de ces pratiques par les institutions culturelles, d’autres en constatent toujours le rejet.

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Pour citer l'article


Raynaud Tecla, « « C’est trop beau ! » : un émerveillement entre spontanéité et compétence professionnelle chez les artistes plasticiens-intervenants », dans revue ¿ Interrogations ?, N°40. L’émerveillement : de l’émotion individuelle au geste social, juin 2025 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/C-est-trop-beau-un-emerveillement (Consulté le 12 juin 2025).



ISSN électronique : 1778-3747

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