Comité de rédaction

Préface

 




N°19. Implication et réflexivité (II). Tenir une double posture

Numéro coordonné par Agnès Vandevelde-Rougale

Le questionnement engagé dans le dix-huitième numéro d’¿ Interrogations ? « Implication et réflexivité (I). Entre composante de recherche et injonction statutaire », mis en ligne en juin 2014, se poursuit dans ce nouveau numéro consacré à la question délicate de conjuguer postures et démarches d’implication et de réflexivité dans un même cadre organisationnel, – qu’il soit public ou privé, économique ou militant –, ou dans un même corps, celui du chercheur-praticien ou praticien-chercheur. Le thème « tenir une double posture » est étudié selon deux axes déclinés successivement dans la partie thématique du présent numéro.

La réflexivité impliquée comme pratique professionnelle et organisationnelle est abordée, dans la première section, sous plusieurs angles complémentaires, tant en termes d’approches disciplinaires que de terrains. Dans un premier temps, Jeanne Demoulin et Silvère Tribout, chercheurs en aménagement de l’espace et urbanisme, mobilisent leurs expériences respectives de recherche doctorale, associant temps de participation à l’activité organisationnelle et temps de recherche hors de l’organisation, pour questionner l’influence du dispositif CIFRE (Convention Industrielle de Formation par la Recherche). Ils apportent une réflexion sur leur propre place et sur l’encouragement d’une démarche réflexive chez des professionnels de l’urbain. Puis Max Masse, professionnel de la formation et chercheur en sciences de l’éducation, s’intéresse à la complémentarité de la double posture du praticien-chercheur pour caractériser la professionnalisation, enjeu central des dispositifs de formation d’adultes. La réflexion autour de la professionnalisation se poursuit avec la contribution de Jean-Louis Le Goff, chercheur en sociologie des organisations et du travail, qui s’intéresse à l’émergence du paradigme de « l’accompagnement réflexif » confrontant les professionnels de l’accompagnement dans le travail social à une activité réflexive ambiguë. Enfin, la contribution d’Anne Lancien, chercheure en sciences politiques, qui analyse l’apport de la réflexivité à l’implication militante dans la sphère sociopolitique, à travers l’exemple de la Ligue de l’enseignement, permet de considérer un autre paradigme récent, celui de « l’expertise militante » au sein des associations.

Si la première section de la partie thématique considère la double-posture engendrée par la dialectique entre implication et réflexivité avant tout à partir de l’apport de la réflexivité à l’implication dans l’action, qu’elle soit militante, de formation ou d’aménagement urbain, la deuxième section s’intéresse davantage à l’implication professionnelle et militante comme support de réflexivité. À partir de son travail de recherche doctorale en sciences politiques, Anaïs Theviot montre que l’observation participante “engageante” [1] (aussi participation “observante”), qui peut être nécessaire pour accéder à un terrain donné, fait peser des contraintes spécifiques sur la démarche d’objectivation. Les deux contributions suivantes poursuivent la réflexion sur la position du chercheur qui mobilise différentes facettes identitaires sur son terrain de recherche. Salariées, militantes syndicales et chercheures, Nada Chaar et Irène Pereira montrent l’enrichissement mutuel de l’implication et de la réflexivité dans l’enquête sociologique, tant pour l’émancipation des acteurs que pour la compréhension des déterminations macro-sociales. Puis, à partir de leurs expériences de professionnelles dans des secteurs d’activité différents et concomitamment doctorantes en sciences de l’éducation, Anne Pilotti, Claire de Saint-Martin et Silvia Valentim montrent les enjeux d’un déséquilibre des postures du doctorant-praticien-chercheur pour la recherche académique mais aussi pour leur propre construction identitaire. La question identitaire traverse également la contribution d’Emmanuelle Savignac, qui questionne la posture du chercheur en sciences sociales intervenant dans les médias et la transformation des connaissances circulant des espaces de la recherche aux espaces médiatiques.

Proposant plusieurs articles en co-écriture ou retraçant des expériences collectives qui mobilisent les apports de plusieurs disciplines en sciences humaines et sociales, ce dix-neuvième numéro de la revue ¿ Interrogations ? souligne l’importance des échanges pour penser les pratiques, autrement dit, pour soutenir le mouvement entre implication et réflexivité dans et sur l’action. Il montre, avec le numéro précédent, la possibilité et l’intérêt de conjuguer ces deux mouvements tout en ouvrant des pistes quant aux modalités de cette conjugaison.

Cette édition comprend également, dans la rubrique Des Travaux et des Jours, un article d’Imaine Sahed dans lequel celle-ci s’interroge sur la possibilité de détourner la fiche Ageven de son usage ordinaire. Mise au point pour recueillir des données biographiques sur l’entrée dans la vie professionnelle, l’entrée en maternité, le calendrier de fécondité, etc., dans des enquêtes démographiques, cette fiche semble en effet en mesure de produire des effets positifs dans la lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme et la toxicomanie par l’anamnèse et la réflexivité qu’elle produit, relativement à leur parcours existentiel, chez des jeunes présentant ou susceptibles de développer des comportements à risque. C’est du moins ce que semble indiquer une enquête menée auprès d’un public de lycéens de la région parisienne, dont Imaine Sahed expose ici les premiers résultats.

La rubrique Fiches techniques propose une présentation, réalisée par Alain Bihr, des théories développées par Norbert Elias à propos de la Civilisation des Mœurs. L’ouvrage du célèbre auteur fait l’objet d’une analyse en trois grandes parties, visant à déconstruire et examiner les processus de pacification. Cette Fiche technique devrait permettre à tout lecteur de mieux saisir la portée des écrits d’Elias quant à cette question, mais aussi ses limites, habilement démontrées.

La rubrique Varia accueille un article de Jean-Pierre Tabin et Anne Periard. Ils interrogent les effets de « l’âge », entendu comme un rapport social et non comme une catégorie, sur l’exemple des politiques publiques à destination des « jeunes » sans emploi et sans formation, les « NEET (Not in Education, Employment or Training) ». En procédant à une déconstruction de cette catégorie, les auteurs montrent que loin d’être une simple variable objective et indépendante, l’âge « sert à établir le rapport social de domination d’un groupe sur les autres  », à poser un diagnostic qui reconnaît une spécificité à un public, en l’occurrence, les NEET, et à mettre au point et légitimer les politiques dont cette population est la cible ; ce qui a pour effet de faire disparaître bien d’autres éléments.

Enfin, ce numéro comprend trois notes de lecture, présentant les ouvrages suivants :

• Burgi Noëlle (dir.) (2014), La Grande Régression. La Grèce et l’avenir de l’Europe, par Alain Bihr ;

• Kimber Buell Denise (2012), Pourquoi cette race nouvelle ? Le raisonnement ethnique dans le christianisme des premiers siècles, par Marie-Claire Willems  ;

• Odden Gunhild (2013), Migrants dans la ville. Une étude socio-anthropologique des mobilités migrantes en Espagne, par Bruno Laffort.

Que soient ici remerciés les chercheurs, enseignants, enseignants-chercheurs, membres ou non du comité de lecture, qui ont pris le temps de mener les expertises qui leur étaient confiées et ont ainsi permis la mise en ligne de ce nouveau numéro de la revue :

Marie-Emmanuelle Amara, Martina Avanza, Michèle Baumann, Anne-Gaëlle Bilhaut, Boris Boller, Vincent Caradec, Pierre Cours-Salies, Elisabeth Cunin, Jean Foucart, Matthieu Gateau, Bertrand Geais, Sébastien Genvo, Catherine Guillaumin, Danièle Kergoat, Catherine de Lavergne, Rémi Lefebvre, Hervé Marchal, Béatrice Maurines, Oscar Mazzoleni, Charlotte Pézeril, Emmanuel Quenson, Eric Sabourin, Monique Sélim, Christine Servais, Michel Sonntag, Jean-Yves Trépos, Georges Ubbiali, Laurent Vidal, Jacques Walter.

Le Comité de rédaction

Notes

[1] Notons que la question de l’engagement a fait l’objet du neuvième numéro thématique de la revue, coordonné par Sébastien Haissat et publié en décembre 2009.


Pour citer l'article :

Comité de rédaction, « Préface », dans revue ¿ Interrogations ?, N°19. Implication et réflexivité – II. Tenir une double posture, décembre 2014 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/Preface,435 (Consulté le 28 mars 2024).



ISSN électronique : 1778-3747

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