Pour citer l'article :
Numéro coordonné par Rosana Contreras-Gama, Aurora Fragonara, Nathalie Gerber, Benjamin Kelm et Pauline Thévenot
Pour cette livraison du numéro 24, la revue ¿ Interrogations ? a le plaisir d’accueillir les actes du 4e Colloque international de l’Association des jeunes chercheurs du Centre de recherche sur les médiations (AJC Crem), intitulé Public(s), non-public(s) : questions de méthodologie, qui s’est déroulé les 22 et 23 mai 2014, à l’Université de Lorraine, sur le site de Metz.
Le projet de ce colloque partait de deux constats. Le premier est que la notion de « Public », qui avait été choisie comme thème du contrat quinquennal du Centre de recherche sur les médiations, n’allait pas de soi dans toutes les disciplines. Le choix de cette thématique dans une équipe d’accueil pluridisciplinaire suscitait de nombreuses discussions quant aux manières de l’aborder, d’autant plus que cette notion entrait en concurrence avec d’autres, plus ancrées dans certaines disciplines, telles que « audiences », « usagers », « spectateurs », « clients », « consommateurs », « récepteurs ». Le choix de traiter des publics visait ainsi à mieux comprendre les principes liés à cette notion et à saisir ses apports heuristiques. De plus, sur l’impulsion d’un des membres de l’association – et suite aux travaux menés au sein du Centre de recherche sur les médiations [1]–, se posait la question des individus et des acteurs sociaux que ces catégories ne permettaient pas d’inclure, car ils ne participaient pas directement des phénomènes et des activités étudiées, ce qui rendait leur étude difficile. Cette caractérisation par la négative, qui prend ici la désignation de « non-public » (Rouet, 2001), nécessitait d’être explorée plus avant elle aussi, afin d’éclairer ce qui pouvait, sinon, être interprété comme un “angle mort” dans les analyses.
Un second constat, plus pragmatique, prenait acte d’un questionnement récurrent au sein de l’association. Les doctorants qui commençaient leurs recherches manifestaient un intérêt particulier pour les questions méthodologiques qui permettaient de mieux définir et circonscrire leurs objets et leurs approches. Mais loin de se limiter à des cercles de jeunes chercheurs ou à des domaines disciplinaires bien circonscrits, l’appel à contribution a connu un écho favorable assez large, comme le montrent les propositions retenues pour le programme du colloque [2] et celles qui ont fait leur chemin jusqu’au présent numéro.
Cet événement a alors permis de mener une réflexion à la fois pluridisciplinaire et associant doctorants et chercheurs confirmés, qui résonne avec l’approche promue par la revue ¿ Interrogations ?. Rappelons que celle-ci accueille aussi bien des jeunes chercheurs que des Maîtres de conférences ou Professeurs des universités dans son comité de rédaction, et ce depuis ses débuts. Ainsi, parce que l’esprit dans lequel le colloque a été pensé rejoint sa ligne éditoriale, la revue a souhaité participer à la publication et à la mise à disposition de ces actes pour la communauté scientifique. L’ensemble des textes a bénéficié du processus habituel de double expertise à l’aveugle. C’est avec grand plaisir qu’¿ Interrogations ? propose à ses lecteurs de découvrir la richesse d’une réflexion portant sur la notion de « Public ».
Sans entrer dans une présentation détaillée des contributions, qui seront introduites par deux coordinatrices du projet, Nathalie Gerber et Pauline Thévenot, le lecteur pourra aisément constater que la thématique choisie a permis aux contributeurs d’aborder des objets et terrains d’études variés : les expositions, les institutions publiques, les festivals littéraires, les musées, les scènes musicales locales, le cirque, les discours politiques et médiatiques, ou encore différentes plate-formes des réseaux socio-numériques. Les méthodes varient elles aussi, allant de l’enquête de terrain ethnographique, participante ou non, aux études discursives, en passant par les entretiens et les analyses de contenus qui doivent s’adapter aux différentes formes de supports médiatiques. Ainsi, loin d’aboutir à une unanimité ou, pire, à une uniformité de pensée, la variété et la complexité des phénomènes étudiés dans les articles retenus montrent la fécondité des recherches actuelles sur ces thématiques. Celles-ci enrichissent alors considérablement les réflexions sur les processus de catégorisation des acteurs sociaux en pointant la multiplicité des niveaux d’analyse de ces phénomènes, pour l’étude desquels il faut alors considérer les bénéfices d’un croisement des regards disciplinaires.
Pour élargir les perspectives ouvertes par ce numéro, nous signalons aux lecteurs désireux de poursuivre l’exploration de ces thématiques de recherche que le Centre de recherche sur les médiations a récemment mis en ligne son Publictionnaire : Dictionnaire encyclopédique et critiques des publics, dont les entrées sont entièrement disponibles en accès libre [3].
Outre ce dossier thématique, vous retrouverez dans ce numéro nos rubriques habituelles :
La rubrique Varia présente deux textes. Le premier, de Marion Kortam, porte sur les multiples influences du conflit syrien sur le Liban voisin. Le second, de Nadia Garnoussi, s’intéresse à la manière dont des individus appartenant à une classe moyenne intellectuelle vont mettre en mot leur « dépression ».
La rubrique Fiches pédagogiques, accueille, dans ses colonnes, un article de Valentine Prouvez qui nous invite à une relecture du texte de Sigmund Freud, « Deuil et Mélancolie », publié pour la première fois il y a tout juste cent ans. Elle montre l’actualité de l’analyse freudienne des troubles dépressifs et mélancoliques et en présente les enjeux et concepts essentiels. Ce faisant, elle permet aux lecteurs peu familiers de la psychanalyse d’en découvrir certaines notions clés et nourrit le questionnement d’une tendance à la pathologisation du deuil dans le champ de psychiatrie.
Cette édition comprend, dans la rubrique Des Travaux et des Jours, un article de Sylvain Bordiec dans lequel celui-ci se propose d’analyser la solitude dans le contexte de l’individualisme contemporain afin d’avancer sur la réflexion générale relative aux conditions actuelles de l’intégration sociale. Mettant à distance les usages médiatiques, commerciaux et artistiques des expériences de solitude, l’auteur souhaite en proposer une définition « renouvelée » en les abordant à travers une approche sociologique, plus précisément sous l’angle de la socialisation. Il note la diversité des processus de socialisation conduisant à des formes de retraits de la vie sociale, et évoque en retour leurs effets socialisateurs sur les individus qui les expérimentent.
Ce numéro comprend également deux Notes de lecture, présentant les ouvrages suivants :
Gerald J.S. Wilde (2012), Le risque cible. Une théorie de la santé et de la sécurité. Prises de risques au volant, au travail et ailleurs, par Benjamin Castets-Fontaine ;
Charlotte Bienaimé (2016), Féministes du monde arabe. Enquête sur une génération qui change le monde, par Bruno Laffort.
Enfin, nos lecteurs découvriront les résultats du concours d’illustration organisé à l’occasion des 10 ans de la revue.
Le Comité de rédaction de la revue ¿ Interrogations ? relaie les remerciements chaleureux des coordinateurs des actes du colloque, Rosana Contreras-Gama, Aurora Fragonara, Nathalie Gerber, Benjamin Kelm et Pauline Thévenot, aux nombreuses personnes et institutions qui, par leur soutien et leur implication, ont permis la tenue de cette manifestation ainsi que l’élaboration de ce numéro thématique :
Les membres du comité de rédaction remercient pour leur part les personnes qui ont contribué à la réalisation des différentes rubriques du numéro par leurs expertises : Hervé Breton, Gérard Collomb, Rémi Deslyper, Patrick Ernst, Tine Gade, Nadia Garnoussi, Fanny Georges, Stéphane Haber, Hélène Marche et François-Gabriel Roussel.
Kellner Catherine, Massou Luc, Morelli Pierre (2010), « (Re)penser le non-usage des tic », Questions de communication, 18, pp. 7-20.
Rouet François (2001), « Comment se pose la question des prix dans le domaine culturel ? », dans Olivier Donnat et Sylvie Octobre (dir.), Les Publics des équipements culturels, Paris, ministère de la Culture et de la Communication, pp. 141-142.
[1] Voir notamment le numéro thématique de la revue Questions de communication sur « Les non-usagers des TIC », dirigé par trois membres du Crem, Catherine Kellner, Luc Massou et Pierre Morelli (2010).
[2] http://ajc-crem.asso.univ-lorraine.fr/2014/04/24/publics-non-publics-questions-de-methodologie-programme/, consulté le 21/04/2017.
[3] http://publictionnaire.huma-num.fr/, contulté le 21/04/2017.
Pour citer l'article :
Comité de rédaction, « Préface au n° 24. Publics/non-publics : questions de méthodologie », dans revue ¿ Interrogations ?, N°24. Public, non-public : questions de méthodologie, juin 2017 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/Preface-au-no-24-Publics-non (Consulté le 11 octobre 2024).