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Patte Yves

Une production de l’actualité sans visée productrice. Le cas du débat sur la prostitution et la traite des êtres humains en Belgique

 




 Résumé

Qui produit l’actualité ? Le débat sur la prostitution et la traite des êtres humains en Belgique nous permet de reposer cette question dans un double mouvement par lequel tout producteur potentiel de l’actualité perçoit également l’actualité comme quelque chose qui lui est imposé. Au-delà des relations linéaires d’influence entre agenda médiatique et agenda politique, dans un sens comme dans l’autre, cet article vise à faire le point sur l’ensemble des relations entre champs relativement autonomes qui participent à cette construction de l’actualité.

 Summary

Who produces the current events and affairs ? The debate on prostitution and trafficking in human beings in Belgium enables us to bring up again this question in a double movement in which any potential producer of the current events also perceives these events as something that is imposed to him. Beyond the linear relations of influence between media and political agendas, in a way as in the other, this article aims at evaluating all the relations between relatively autonomous fields that take part in this construction of the current events.

 Introduction

« L’actualité nous force à nous pencher sur un problème » (Journaliste)

Cet article s’inscrit dans le cadre d’une recherche sur la médiatisation du débat sur la traite des êtres humains et la prostitution en Belgique. C’est dans le travail de terrain [1] relatif à cette recherche, auprès de journalistes, d’acteurs politiques, de membres d’associations, etc., en somme de tous les protagonistes de ce débat, qu’un fait intéressant est apparu : autant les journalistes que les acteurs politiques ou les responsables de lieux de débats nous ont dit « répondre » à l’actualité, et donc s’y soumettre. En partant de cette observation, nous montrerons que tout se passe comme si une problématique – ici en l’occurrence la prostitution et la traite des êtres humains – pouvait d’autant mieux s’imposer dans l’actualité qu’elle pouvait être perçue comme « fortuite », « accidentelle », « contingente », c’est-à-dire indépendante d’un travail stratégique d’imposition des sources potentielles, indépendante d’une visée productrice. Autrement dit, il nous semble qu’une actualité s’impose d’autant mieux qu’elle semble s’imposer d’elle-même  : qu’elle n’est précisément pas imposée.

Pour rester dans le cadre des théories de l’agenda [2], nous nous limiterons principalement à deux groupes d’acteurs, les journalistes et les acteurs politiques, abordés ici en tant que champs spécifiques et relativement autonomes. S’intéresser à ces deux champs, producteurs de discours sur le monde social, permet effectivement de mettre l’accent sur le processus de transformation phénoménale (au sens philosophique) d’une situation latente, continue, connue des milieux spécialisés, en une « actualité », un phénomène visible, explicité, objectivé.

C’est sur ce processus que nous aimerions mettre l’accent, à partir premièrement de l’émergence du débat dans l’espace public belge en 1992, puis deuxièmement du traitement routinier de cette problématique.

 1990-1992 : L’émergence du débat

En 1990, Chris de Stoop, journaliste d’investigation à l’hebdomadaire néerlandais « Knack  », interpellé par une annonce pour un « catalogue de jeunes femmes exotiques », publie une série d’articles sur des réseaux de traite des êtres humains, principalement originaires des Philippines, et à destination de la Belgique. Ces articles, publiés en avril 1990, font la une de l’hebdomadaire et ont probablement – mais il est difficile de le vérifier aujourd’hui – un certain impact émotionnel sur les lecteurs, sans pour autant que les autres médias relaient l’information ou que des initiatives politiques soient lancées. Néanmoins, le Roi Baudouin est personnellement touché par ces articles et la réalité qu’ils décrivent. Le Palais contacte alors Chris de Stoop et lui demande de poursuivre son enquête afin de réaliser un rapport au profit de la Fondation Roi Baudouin, ce qu’il fit durant l’année 1991. En décembre 1991, la Fondation Roi Baudouin publie son dossier « Prostitution et Exploitation sexuelle  », de plus ou moins 500 pages, sous forme de quatre rapports (deux en Français et deux en Néerlandais).

Ces rapports font, d’une part, état du phénomène de la traite des êtres humains, et visent d’autre part, à noncer, très explicitement :

« - les obstacles à la réinsertion rencontrés par les personnes qui décident de quitter le milieu de la prostitution, et

  • l’exploitation sexuelle dont sont victimes des jeunes femmes étrangères ainsi que des mineurs d’âge. » [3]

La Fondation Roi Baudouin se donne comme objectif, « d’attirer l’attention de l’opinion et des pouvoirs publics sur les personnes victimes de la prostitution ou de l’exploitation sexuelle  ». Pourtant, ces rapports restent confidentiels au regard du peu de mentions dans la presse belge et du peu d’initiatives politiques immédiates. Il faut en fait attendre septembre 1992 et la publication du livre « Ze zijn zo lief, Meneer  !  » [4], écrit par Chris de Stoop à la suite de son enquête. Très vite, le livre émeut l’opinion publique néerlandophone : dès ce mois de septembre, le livre fait la une de l’hebdomadaire « Knack  » et se place directement en quatrième position des ventes en Flandre (dans la catégorie non- fictionnelle). La deuxième semaine du mois d’octobre, le livre est premier au classement des ventes et inspire une proposition de loi « visant à instituer une commission d’enquête parlementaire chargée d’élaborer une politique structurelle en vue de lutter contre les réseaux internationaux de traite des femmes  » [5]. Très explicitement, cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité de l’ouvrage :

« Il y a quelques jours est paru l’ouvrage intitulé « Ze zijn zo lief, Meneer  !  », publié par Chris de Stoop, journaliste au Knack.

Ce livre présente une description très détaillée de la traite des femmes et de la prostitution forcée. Les récits qu’il contient décrivent de manière poignante ce que l’auteur considère comme une nouvelle forme de colonisation.

[…] l’auteur souligne les lacunes de la législation actuelle, […] L’auteur aborde ensuite les insuffisances de l’appareil judiciaire et des autorités de police […]

L’objectif de l’enquête doit être clair : il s’agira d’examiner les possibilités de mettre en œuvre une politique efficace de prévention et de répression permettant de faire cesser ces pratiques infamantes » [6].

Ce n’est qu’avec la création de cette commission d’enquête parlementaire, et avec une visite du Roi à l’association « Payoke  », un centre d’accueil « pour les prostituées et les femmes victimes de la traite des blanches  » [7], que la traite des êtres humains s’inscrit à l’agenda médiatique francophone, le livre n’étant pas encore, à ce moment, traduit en Français. En décembre de la même année, à l’occasion de son discours de Noël, le Roi Baudouin aborde le problème de la traite :

«  […] Mais les atteintes à la dignité de la personne, il n’y en a pas seulement à l’étranger. Dans notre pays aussi il en existe qui sont moins collectives et moins visibles. Il y a, par exemple, cette situation intolérable du commerce des femmes qui est entrée dans l’actualité parce que des personnes courageuses ont mis ce problème au grand jour en se dressant contre une véritable mafia internationale qui pratique une nouvelle forme d’esclavage et de racisme. Je me réjouis qu’une commission d’enquête parlementaire ait été créée pour s’attaquer à ce scandale  ».

Sans le citer, le Roi Baudouin rend ainsi hommage au journaliste Chris de Stoop et soutient explicitement la commission d’enquête parlementaire. Quelques mois plus tard, en août 1993, le Roi décède. Chris de Stoop, accompagné d’une prostituée originaire des Philippines témoignera lors de ses funérailles. Par cet événement qui unifia, au moins un moment, la Belgique, Chris de Stoop se fit connaître des deux côtés de la frontière linguistique, et la traite des êtres humains était alors pleinement dans l’actualité, politique comme médiatique, d’autant plus qu’elle était présentée comme l’un des derniers combats du Roi Baudouin, légitimité dont pourra profiter la commission d’enquête parlementaire. Le livre, quant à lui, est traduit en Français au cours de l’année 1993 et publié aux Editions Luc Pire qui pourront, plus tard, le présenter comme un de leurs best-sellers.

 Une double légitimité

Ce que nous aimerions montrer ici, c’est que si la traite des femmes et la prostitution se sont imposées dans l’actualité – qu’elles ont fait l’actualité à un moment donné, alors qu’elles constituaient pourtant des phénomènes latents en Belgique, connus des services spécialisés (police, système judiciaire, assistance sociale, etc.) –, c’est parce que la problématique a pu jouir d’une double légitimité : journalistique et symbolique.

L’hebdomadaire « Knack  » qui publia les premiers articles de Chris de Stoop est un magazine d’information relativement jeune ; pendant néerlandophone du « Vif/LExpress  » au niveau du lectorat (cadres, classes sociales supérieures, niveau scolaire élevé, etc.), il se fait particulièrement connaître pour ses enquêtes et ses scoops. Au sein de la rédaction depuis une dizaine d’années au moment de l’enquête, Chris de Stoop représente particulièrement bien cette figure du journalisme d’investigation, décrite par Marchetti, très présente à la même époque en France, dans l’affaire du sang contaminé. Ainsi, selon Marchetti, « la valorisation de l’ «  enquête  » dans les discours des professionnels est liée à l’émergence d’une nouvelle catégorie de journalistes qui doivent leur notorié aux affaires quils ont «  sorties  »  ». Toujours selon l’auteur, « un certain nombre d’entre eux publient régulrement des ouvrages sur les dossiers quils couvrent, ce qui leur vaut d’être invités dans des émissions de télévision [8] ». De Stoop gagne effectivement en notoriété, non seulement au sein du débat sur la traite des êtres humains et la prostitution, puisqu’il témoignera entre autres à la commission d’enquête parlementaire, d’ailleurs inspirée par la publication de son ouvrage, mais également au sein du champ journalistique : dans les années qui suivirent, il réalisera plusieurs enquêtes qui feront grand bruit, sur le commerce des clandestins [9], le trafic de stupéfiants [10], ou encore sur un petit village de Flandre-Orientale qui risque d’être rayé de la carte par l’extension du port d’Anvers [11]. L’ouvrage « Ze zijn zo lief, Meneer  » est, de plus, à la base d’un reportage diffusé sur le BBC et fut l’objet de nombreuses reprises dans la presse internationale dont « Time Magazine  », « Le Monde  », etc.

Enquête après enquête, Chris de Stoop s’impose donc dans le champ médiatique dans cette nouvelle figure du journaliste d’investigation, « justicier  » s’opposant aux plus hautes instances judiciaires et politiques, défenseur du « peuple » contre « l’intelligentsia » [12] :

«  [Chris de Stoop] n’est partisan que dans sa solidari avec le paria il plonge dans son sujet avec une authentique empathie pour ces innombrables cas d’atteinte aux droits de l’homme. Et pourtant, à grand renfort de preuves et de faits précis, il garde toujours à sa relation son objectivité. Le public a manifestement une grande soif d’investigations objectives mais passionnées [13]  ».

Pourtant, cette forme journalistique émergente n’explique pas à elle seule la mise à l’actualité de la problématique de la traite des êtres humains et de la prostitution. Même si le journalisme d’investigation jouit d’une nouvelle légitimité, et si le champ politique est relativement marqué par un affaiblissement des oppositions traditionnelles gauche/droite et par une importance accrue des arguments éthiques et moraux – le rendant d’autant plus perméable aux révélations du journalisme d’investigation [14] –, l’enquête de Chris de Stoop n’aurait probablement pas eu le même effet politique sans l’intervention du Roi Baudouin.

Sans rentrer dans la question de la fonction royale en Belgique et des rôles (légaux et symboliques) du Souverain, nous pouvons simplement souligner l’importance de l’intervention royale, donnant aux énonciations et dénonciations du journaliste une objectivité que seule une parole autorisée, publique, officielle, « qui s’énonce au nom de tous et à la face de tous  » comme le dit Bourdieu [15] à propos du verdict du juge, peut conférer aux choses sociales. Le Roi est effectivement au-dessus du jeu politique et de ses enjeux proprement partisans et électoralistes : point de vue souverain (du latin, super  : au-dessus), neutre et désintéressé, agissant ex officio en tant que détenteur d’un officium (publicum), le Souverain énonce, avec toute l’autorité charismatique et reconnue de sa fonction, ce qu’est en véri le commerce des femmes : « une nouvelle forme d’esclavage  ». Et dans ce constat performatif universellement reconnu, le Roi exerce ce pouvoir de faire exister ce phénomène comme un « scandale  » par le simple fait de le décrire solennellement (s’adressant à la Nation) comme tel, de le sortir de sa latence pour l’actualiser, et de l’extraire de la compétition proprement politique entre problèmes publics (et des luttes symboliques entre agents particuliers et intéressés), pour l’imposer au sommet de l’agenda, non pas seulement du champ politique, mais de l’ensemble des champs sociaux susceptibles de prendre en charge cette problématique.

Plus encore, en rendant hommage au travail de Chris de Stoop, le Roi, en tant que chef de l’Etat, cette « banque de capital symbolique  » pour reprendre l’expression de Bourdieu, confère au journaliste, et peut-être plus largement à cette figure du journaliste d’investigation, un capital symbolique dont celui-ci pourra jouir bien au-delà de son champ propre d’activité.

La problématique de la traite des êtres humains étant mise à l’agenda politique, en l’occurrence ici à l’agenda de la Chambre des Représentants, à partir de fin 1992, il restait encore à maintenir une attention publique constante sur le sujet, au moins jusqu’à ce que la commission d’enquête termine ses travaux. Comme le soulignent Bosk et Hilgartner [16], chaque arène publique a une capacité d’adoption qui limite le nombre de problèmes sociaux pouvant être admis durant une période donnée, et cette capacité d’adoption est beaucoup trop petite pour recevoir tous les problèmes sociaux potentiels. Autrement dit, les problèmes sociaux doivent rivaliser (ou plus justement les porteurs de ces problèmes sociaux) pour l’espace dans ces arènes. De plus, il convient d’intégrer ce modèle des « arènes publiques  » au sein d’un champ spécifique, à savoir le champ politique, pour comprendre les logiques de compétition propres à ces arènes et aux agents qui y participent.

Ainsi, pour qu’une question reste à l’agenda politique, les acteurs politiques porteurs de cette question ont tout intérêt à maintenir une attention médiatique, et par là plus généralement publique, permanente. Sans celle-ci, le contingent de participants aux réunions, assemblées, etc., risque effectivement de s’étioler rapidement au profit de problématiques davantage dans l’actualité, et éventuellement perçues comme davantage porteuses électoralement.

Parlementaire, libérale catholique : « [...] parce que l’agenda de la Chambre est très chargé, et plus personne – c’est toujours le problème d’une commission d’enquête plus personne nétait pour s’en occuper réellement, sauf deux trois qui essayaient… mais bon, à travers l’agenda de la Chambre, c’était plus compliqué.  »

Mais cette attention médiatique sur une problématique spécifique met alors aux avants des scènes politique et médiatique les acteurs propres à cette problématique, au détriment d’autres acteurs du même champ, ces derniers ayant par conséquent tout intérêt à stopper le plus rapidement possible la « carrière politique » de cette problématique, comme l’explique, pour le cas de la commission d’enquête parlementaire, l’une des actrices du débat politique sur la traite des êtres humains et la prostitution :

« […] dès que ça devient très médiatique, que des parlementaires sont mis en avant, ça gêne d’autres parlementaires, donc il y a parfois des tensions internes, ce qui fait qu’[on entend] «  maintenant, ça suffit, rendez votre rapport  ! C’est bon comme ça, il ne faut pas continuer  » - ce qu’on a vu aussi après dans la commission Dutroux, hein.  »

Néanmoins, dans le cas présent, tout comme pour l’émergence du problème dans le champ politique, l’attention du Palais royal sur cette question a permis de maintenir la pression politique et médiatique tout au long des travaux de la commission d’enquête.

Parlementaire, libérale catholique : « Mais comme il y avait à l’époque, et ça, ça a joué très fortement, une attention très forte du Palais, du Roi Baudouin, à cette problématique, ça, ça a é certainement un élément qui a maintenu la pression et nous a aidé dans notre travail de la commission. Parce qu’à un moment donné, bon… à lintérieur du Parlement, il y avait un petit peu  :

«  Bon, maintenant, ils ont assez travaillé là-dessus, hein  ! On en a ras-le-bol, quoi  !  ».

Le Palais n’agit pourtant pas directement sur les politiques puisque c’est bien par les médias que l’attention du Palais quant à cette problématique s’est exprimée. D’autant plus que la mort du Roi Baudouin, en août 1993, c’est-à-dire entre les débuts de la commission et la publication de son rapport, fut – on l’imagine bien – un fait qui monopolisa abondamment l’actualité, qui toucha énormément la population, et qui permit de mettre au devant de la scène les travaux de cette commission que le Roi avait lui-même encouragée.

Parlementaire, femme, libérale catholique : « Ca a agi sur la classe politique, sûrement, puisque… comme ça agit sur les dias, que ça agit donc sur la population, par ricochet, ça agit sur les politiques.

[…]

Le fait que le Roi tienne une espèce de conscience morale qui agissait derrière ça, a joué pour qu’on puisse terminer le travail et que, disons, la pression diatique reste forte là-dessus.  »

Journaliste à « La Libre Belgique  » : « Le fait que lors de sa mort, il y ait eu une lecture d’une réfugiée politique, qui avait un petit peu raconté son parcours, victime de la traite, je vais dire, ça, c’était un des éléments qui a donné l’impulsion. Si demain, évidemment, le Roi fait un discours sur, je sais pas, moi, j’ai pas d’idées comme ça, mais là, c’est vrai que c’était un des éléments qui faisaient que le dossier a été mis en avant…  »

 Le maintien de la pression.

Comme on l’a vu, il importait, pour celles et ceux qui avaient un intérêt éthique, personnel ou politique à maintenir la problématique de la traite à l’agenda politique, de garder une attention médiatique vive sur la question. C’est ici une autre forme de journalisme que le journalisme d’investigation qui est impliquée, et donc également d’autres journalistes [17]. Le scandale des révélations de Chris de Stoop s’estompant, la traite des êtres humains devient davantage un sujet « politique » et prend par conséquent place dans les pages « Politique  » ou « Société  » des journaux les plus enclins à traiter de l’actualité institutionnelle et parlementaire. Dans la presse francophone, c’est plus particulièrement « Le Soir  », « La Libre Belgique  » et « Le Vif/LExpress  » qui occupent cette position, hautement légitime dans le champ médiatique, de presse attentive aux faits politiques institutionnels : presse dite « de qualité  », cette presse jouit également du lectorat au capital scolaire, économique et professionnel le plus élevé.

Le processus de maintien de la pression, c’est-à-dire de maintien à l’actualité, se fait dans un double mouvement qui, nous semble-t-il, est particulièrement intéressant pour comprendre la question de l’ « actualité ». Pour qu’une problématique ou qu’une question politique reste potentiellement à l’actualité, il faut qu’il y ait un certain nombre de journalistes qui « suivent le dossier », le garde dans leur « agenda potentiel » pour reprendre l’expression de Charron [18]. Mais pour que des journalistes puissent suivre le dossier, et qu’ils puissent aborder cette question dans les pages de leur quotidien, il faut que la question soit déjà à l’actualité, qu’elle soit à la mode. Ainsi l’actualité se reproduit dans un double mouvement par lequel un sujet sera d’autant plus médiatisé qu’ils sera perçu par les professionnels du champ journalistique comme étant à la mode – des journalistes de rédactions différentes (mais assez proches dans l’espace du champ pour qu’une compétition et une « circulation circulaire de l’information » puisse exister) suivront le dossier, assisteront aux séances parlementaires et aux conférences de presse, liront les rapports, etc., et une place sera garantie dans les pages du journal pour leurs articles – et, inversement, plus ce sujet sera médiatisé, plus il sera et restera à la mode, ou plus précisément à l’agenda d’un champ particulier, comme ici le champ politique.

Journaliste au « Soir » : « Moi, j’avais assisté à toutes les réunions, toutes les discussions. Et pour ce sujet-là, comme pour le reste, il faut convaincre son service et convaincre la rédaction que c’est quand même important. Et donc, entre guillemets, de « bien vendre le sujet ». Et alors, il faut effectivement que le reste suive, je veux dire, si la rédaction n’est absolument pas intéressée, on peut effectivement négocier tant qu’on veut, ça ne passera pas. Donc, il y avait effectivement, à ce moment-là, dans la rédaction, un intérêt pour cette problématique. Je dirais que dans les journaux, il y a souvent des effets de mode : il y a des sujets qui, à un moment donné, sont considérés comme extrêmement importants et donc, dès que vous en parlez, il aura la place, la couverture, un espace et parfois la « une » pour le faire. Et puis, à certain moment pas. Et à quoi ça tient ? C’est ce qu’on appelle être dans l’ère du temps ou pas. »

Autrement dit, l’actualité est un construit qui s’impose autant au journaliste que le journaliste contribue lui-même à l’imposer dans d’autres champs sociaux. Le maintien d’une pression médiatique a donc permis à la commission de terminer ses travaux et que ceux-ci soient suivis de mesures spécifiques. Ainsi, le Centre pour lEgali des Chances et la Lutte contre le Racisme, élaboré parallèlement à la commission d’enquête et créé au début de l’année 1993, se voit chargé, en juin 1995, de s’occuper de la traite des êtres humains et de produire, chaque année, un rapport soumis au gouvernement sur la question [19]. Le problème de la traite des êtres humains ré-émerge donc annuellement dans le champ politique, sur le modèle de l’ « activation automatique » : dans ces « cas où, en l’absence d’une volonté de saisie du champ politique par ceux qui sont confrontés à un problème, celui-ci n’y pénètre pas moins du fait d’un mécanisme autonome de transmission  » [20]. Et chaque année, ce rapport sur la traite des êtres humains, et les réactions politiques qui y sont liées (réactions aux critiques exprimées et aux mesures proposées par le Centre) font l’objet également d’un traitement médiatique, par les journalistes suivant le dossier.

Autrement dit, un intérêt médiatique – et plus généralement de l’ « opinion publique » avec tous les guillemets qu’il convient de mettre autour de cette notion – pour cette question a contribué à la création de structures spécifiques à la traite des êtres humains. Et ces structures contribuent à ré-activer, relativement régulièrement, un intérêt pour cette question et sa présence dans l’actualité.

 L’actualité comme « prétexte »

Plus généralement, ce double mouvement, par lequel l’actualité s’impose à différents agents qui eux-mêmes contribuent à produire l’actualité, se retrouve de multiples façons dans un tel débat public, portant sur un phénomène latent, renvoyant à des situations présentes quotidiennement mais qui ne font l’actualité que sporadiquement.

En règle générale, il faut effectivement un « prétexte » au journaliste pour aborder la question de la traite des êtres humains ou de la prostitution ; prétexte variant selon les rédactions et la « ligne éditoriale » du journal : faits divers (arrestations, rafles, etc.), faits institutionnels (rapports parlementaires, propositions de loi, etc.) ou faits associatifs (journées d’étude, colloques, etc.). Ainsi, un journal comme « La Dernière Heure/Les Sports  », qualifié de plus « populaire  » dans le champ de la presse belge, sera davantage sensible aux faits divers liés à cette problématique. Le journaliste de cette rédaction se rend au Palais de Justice tous les matins, et sélectionne les « affaires » selon des critères définis par sa rédaction :

Journaliste indépendant à « La Dernière Heure/Les Sports  », rubrique « Faits divers » : « L’idée de départ, c’est que tous les matins, je vais au palais de justice et je passe dans toutes les salles d’audience qui m’intéressent et je regarde les affaires qui peuvent éventuellement intéresser le journal. […] Pour «  La DH  », évidemment, la sélection, c’est… si on arrive dans les jugements, là, c’est la hauteur de la peine qui entre en ligne de compte. La seule exception, c’est l’histoire vraiment rocambolesque ou tout à fait insolite, alors, là, on prend quand même. Et quand ce nest pas encore le jugement, mais simplement […] les plaidoiries, alors là, c’est uniquement lintérêt de l’affaire, quoi, donc pour la prostitution, il est logique que les critères soient le nombre de victimes, si c’est réseau, si ce n’est pas réseau, sil y a eu maltraitance ou violence, ou torture… tout cela rentre en ligne de compte, comme on peut se l’imaginer. »

Au « Soir  » et à « La Libre Belgique  », c’est davantage le fait institutionnel qui servira de prétexte pour un article de fond ou un dossier sur la prostitution. Un fait divers peut également servir de prétexte, mais seulement dans la mesure où il pourra être « élevé » à un niveau plus général, le sujet passant alors de la rubrique « Faits divers » aux rubriques « Société » ou « Politique » :

Journaliste au « Soir  », rubrique « Société » : « Au départ, c’est effectivement plutôt les gens qui travaillent dans le service «  société/faits divers  »  : cest le secteur. Cest à partir des faits divers qu’on en arrive à parler de ce type de sujet. C’est assez important à savoir, parce que les types qui travaillaient dans le service «  politique  », proprement dit, ne s’intéressaient pas à ce genre de sujet. C’est comme pour la toxicomanie, d’ailleurs, cest toujours dabord au départ avec la rubrique «  faits divers  » quon s’intéressera à ce type de sujet.  »

Si ce n’est pas un fait divers, c’est directement l’agenda politique qui sert de prétexte, d’occasion, pour parler de prostitution et de traite des êtres humains :

Journaliste au « Soir  », rubrique « Société » [commentant le dossier publié en « une » et dans les pages « Société », le 20 août 2001] : « Ce jour-là… c’était quand même un travail un peu plus de fond-là, parce qu’on avait quand même été rencontrer les interlocuteurs sociaux, politiques, moignages de femmes, etc., donc… je pense que là, c’était l’agenda institutionnel, la priorité. Il y avait deux propositions de loi qui s’affrontaient, qui étaient sur le scène, on s’est dit à un moment donné  : tiens, est-ce que ce n’est pas l’occasion de faire un vrai dossier là-dessus, et de remettre un petit peu en perspective…  ?  »

Journaliste à « La Libre Belgique  », rubrique « Société » : « […] surtout quand il y a des initiatives parlementaires ou d’un ministre, là, c’est vrai qu’on suit.  »

Autrement dit, dans la perception qu’il a de son travail, le journaliste ne produit pas l’actualité, mais y répond, ou mieux, la rapporte.

Journaliste au « Soir  », pages « régionales » : « il faut une actualité. Il faut un événement qui soit un déclencheur… On peut toujours lancer des débats… des débats sur la prostitution, ça marche toujours bien, mais bon, il y a un côté voyeur… Mais je pense qu’il faut partir d’un événement, d’un incident plus généralement un incident qu’un événement et là, alors, c’est une bonne occasion de se pencher, et puis pour nous de suivre un petit peu… parce qu’il y a quand même pas mal de choses, c’est très varié et on n’a pas le temps de suivre. Donc, quelque part, l’actualité nous force à nous pencher sur un problème et de le suivre et de voir son évolution.  »

Journaliste à « La Libre Belgique  », rubrique « Société » : « […] je pense que ce genre de débat permet surtout d’informer. Il faut arrêter de croire que les… ce qui est énervant, souvent, c’est que beaucoup de journalistes se prennent pour les acteurs du système et pas comme des observateurs. Moi, je vois mon le comme dabord journaliste d’un média, donc qui se met entre le public et les faits quil rapporte, pour essayer dexpliquer.  »

Journaliste au « Soir  », pages « régionales » : « Un journaliste est quelqu’un qui rapporte quelque chose.  »

Et le journaliste rapporte d’autant plus l’actualité que celle-ci s’impose d’elle-même, ou autrement dit qu’elle n’est pas imposée par des agents extérieurs et intéressés. Par conséquent, si l’organisation de « journées d’étude » est un bon moyen pour les acteurs, entre autres associatifs, de mettre une problématique à l’agenda médiatique, les journalistes ne sont pas dupes de la stratégie et préservent une liberté de jugement (relative néanmoins à leur position dans la rédaction) :

Journaliste au « Soir  », rubrique « Société » : « Si ce qu’elles [les associations] disent à ce moment-là est intéressant, je prends. Si c’est pas intéressant, je ne le prends pas. […] Moi, je suis parfaitement consciente que tant au niveau politique qu’au niveau association, il y a un rapport d’instrumentalisation. Le tout est de voir… c’est moi qui peux me permettre de dire en dernière instance  : je publie ou je publie pas.  »

Journaliste à « La Libre Belgique  », rubrique « Société » : « Parfois, on sait à l’avance les propos qui vont être tenus et on n’apprendra pas grand-chose sur le fond du sujet. C’est clair que si c’est plutôt un colloque de combat, si j’ose dire, cest un peu pénible, quoi. Par contre, si cest vraiment avec des apports d’acteurs de terrain, on est sûr quon va apprendre quelque chose, bien sûr.  »

Mais la prostitution et la traite des êtres humains en tant que sujet d’actualité ne s’imposent pas qu’aux journalistes, elles s’imposent également aux acteurs des différentes arènes publiques susceptibles d’aborder ces problématiques. Ainsi, si l’on prend l’exemple du Centre gional du Libre Examen de Bruxelles, une association organisant régulièrement des débats, colloques et conférences, les critères de sélection des sujets à traiter sont finalement similaires aux critères journalistiques : à savoir principalement la présence de la problématique dans l’actualité :

Membre du Centre régional du Libre Examen de Bruxelles, responsable de projets : « Le choix des thèmes dépend beaucoup de l’actuali. […] Par exemple, pour la prostitution, c’était juste en plein dans lactualité, donc il nous semblait normal d’en discuter dans notre planning pour annuler d’autres activités qu’on a remplacées par une qui était plus dans l’air du temps.  »

Même logique dans le champ politique où une actualité médiatique peut s’imposer dans l’agenda politique, comme nous l’avons vu avec la publication des articles et du livre de Chris de Stoop et comme ce pourrait être le cas si d’autres livres similaires apparaissaient, faisant apparaître une nouvelle « actualité » :

Parlementaire socialiste : « Mais effectivement, il y a un jeu, hein, toujours, entre le Parlement, la presse… et la mise à l’ordre du jour... Si demain il y a un livre qui sort sur les ateliers clandestins, comme il y en a beaucoup apparemment, il y aura je pense qu’on va se retourner plus sur la traite et l’exploitation économique, plus que l’exploitation sexuelle, […] là, si demain il y a un livre aussi poignant qui sort sur l’exploitation économique, il y aura une commission aussi sur lexploitation économique, ça c’est clair, hein  ! C’est clair, il y a toujours des allers-retours entre la presse et l’agenda politique.  »

Tout comme pour le journaliste, le fait qu’une problématique soit dans l’actualité constitue une occasion, un prétexte, pour l’acteur politique de s’engager sur cette problématique, que ce soit parce qu’il y voit un « créneau » intéressant, ou parce qu’il est personnellement et préalablement touché par cette problématique mais qu’aucune occasion de s’engager concrètement n’était apparue auparavant. Dans un cas comme dans l’autre, l’actualité s’impose de l’extérieur du champ politique et sera retraduite au sein des logiques propres à ce champ : les médias, perçus dans le champ politique comme un reflet approximatif de la société, indiquent, par l’actualité, quelles sont les problématiques qui touchent, à un moment donné, la population, et, parfois même, l’opportunité de prendre telle ou telle décision [21].

Ainsi donc, l’actualité se construit collectivement [22] à travers différents champs de l’espace social, dans lesquels, par un même mouvement, l’actualité va s’imposer de l’extérieur, par certains agents qui peuvent y trouver un intérêt spécifique à leur position relative, être traduite selon les logiques, les enjeux et les luttes qui régissent ce champ, et s’imposer alors dans d’autres champs. Chacun de ces champs jouant un rôle d’objectivation, rendant « évident » que telle ou telle problématique est à l’actuali. Par là, se constituent des « pics », des effets de mode, c’est-à-dire des moments où une même problématique est dans l’actualité d’un certain nombre de champs :

Journaliste à « La Libre Belgique  », rubrique « Société » : « Mais à l’époque, c’était aussi un thème très à la mode, la traite des êtres humains  ! Je veux dire, en 1994. Maintenant, c’est beaucoup plus entré dans les urs, et c’est vrai qu’il y a des réactions beaucoup plus vives, par exemple les marchands de sommeil, il y a dix ans, je ne pense pas quon s’en préoccupait. Donc, là, c’est vrai que maintenant, c’est un sujet beaucoup plus «  à la mode  », entre guillemets.  »

Journaliste au « Soir  », rubrique « Société » : « Maintenant sur la prostitution, c’est vrai que c’est pas un sujet qui est revenu très souvent à la une de l’actualité, enfin je veux dire  : c’est par pics. Effectivement, quand il y a eu par exemple la France a été plus agitée là-dessus avec les lois Sarkozy, etc. Bon, il y a eu effectivement Lizin [23] qui s’est investie là-dedans...  »

 Conclusion

Cet article nous a permis, nous semble-t-il, de dégager au moins deux points, qui mériteraient bien entendu un traitement plus long mais que l’on peut néanmoins préciser.

Premièrement, il importe de dépasser un modèle en termes de relations linéaires d’influence entre « médias » et « politique », pour aborder l’émergence d’une problématique dans l’actualité au sein d’un ensemble structuré de relations entre acteurs issus de champs spécifiques. Cette manière de faire implique donc de différencier les acteurs de chacun de ces champs et d’observer l’ensemble des relations qui peuvent concourir à la mise à l’actualité d’une problématique.

Deuxièmement, il est intéressant de considérer la capacité d’objectivation de ces différents champs, c’est-à-dire leur capacité à faire exister le phénone et à l’extérioriser, pourrions-nous dire, dans l’espace social plus large. C’est par ce processus que la problématique s’impose dans d’autres champs comme quelque chose d’objectif, d’absolu, d’existant. L’objectivation est ici à considérer non seulement en terme de définition, mais également en terme de création de structures sociales (Commission, Centre pour l’Egalité des Chances, etc.). Par-là, la problématique s’impose alors, par un certain fétichisme pourrions- nous dire, indépendamment de ses conditions de production et des luttes propres à chacun de ces champs.

Une problématique émerge dans un champ spécifique, parce qu’ « elle est d’actualité  » dans un ou plusieurs autres champs (politique, médiatique, mais également associatif, universitaire, judiciaire, etc.). L’émergence d’une problématique dans un champ trouve alors ses raisons dans le rôle que se donnent les acteurs de ce champ par rapport à l’actualité : que ce soient les journalistes se donnant comme rôle de « rapporter » l’actualité, les politiques de répondre aux préoccupations de la population, les responsables de lieux de débats de proposer des thèmes d’actualité, etc. : tous ces acteurs ne poursuivent principalement que des intérêts propres à leur champ et ne se perçoivent que comme soumis à l’actualité. C’est en ce sens que nous parlons de production de lactualité sans visée productrice. Mais tous contribuent pourtant, d’une manière ou d’une autre, et dans une certaine mesure, à la construction de l’actualité dans l’espace social.

 Bibliographie

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  • Bourdieu P. « La force du droit. Eléments pour une sociologie du champ juridique », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 64, 1986, p. 3-19.
  • Chambre des Représentants de Belgique, « Proposition visant à instituer une commission d’enquête parlementaire chargée d’élaborer une politique structurelle en vue de lutter contre les réseaux internationaux de traite des femmes », 673/1 – 91/92 (S.E.), 1991.
  • Charron J., « Les médias et leurs sources. Les limites du modèle de l’agenda-setting », Hermès, n° 17-18, 1995, p. 73-92.
  • Cobb R., Ross J.-E., & Ross M.H., « Agenda Building as a Comparative Political Process  », American Political Science Review, vol. 70, n°1, 1976, p. 126-138.
  • De Stoop C., Elles sont si gentilles, Monsieur. Les trafiquants de femmes en Europe, Paris, Bruxelles, La Longue Vue, 1993.
  • De Stoop C., Vite, rentrez le linge, Arles, Actes Sud, 1996.
  • De Stoop C., Ik ben makelaar in hasj, Amsterdam, Bezige Bij, 1998.
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  • Favre P., « L’émergence des problèmes dans le champ politique », in P. Favre (ed.), Sida et politique. Les premiers affrontements (1981-1987), Paris, L’Harmattan, 1992, p. 5-37.
  • Fondation Roi Baudouin, Prostitution et exploitation sexuelle. Prostitution et réinsertion  : utopie ou alité  ? Bruxelles, Rapport de la Fondation Roi Baudouin, 1991.
  • Marchetti D., « Les révélations du ’journalisme d’investigation », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 131-132, 2000, p. 30-40.
  • Mc Combs M. E., &, Shaw D.L., « The agenda-setting function of mass media », Public Opinion Quaterly, n°36, 1972, p. 176-187.
  • Osstyn K., « Chris de Stoop : un journalisme d’investigation à visage humain », Septentrion, XXX, n° 3, 2001, p. 80-82.

Notes

[1] Au cours de ce terrain, de nombreux entretiens non-directifs de journalistes, d’acteurs politiques et d’acteurs associatifs ont été réalisés. Plusieurs extraits seront reproduits dans cet article, afin d’illustrer nos propos. A côté de ce matériau qualitatif, notre méthode comprenait également un versant quantitatif, composé d’une analyse statistique du « champ » de la presse belge (Analyse des Correspondances Multiples) et d’un versant « analyse de contenu » composé d’analyses d’articles et d’émissions relatifs à la prostitution et à la traite des êtres humains.

[2] M. E. Mc Combs et D.L. Shaw, « The agenda-setting function of mass media », Public Opinion Quaterly, n°36, 1972, p. 176-187.

[3] Rapport de la Fondation Roi Baudouin, Prostitution et exploitation sexuelle. Prostitution et réinsertion : utopie ou réalité ?, Bruxelles, 1991.

[4] Cet ouvrage sera publié en Français, en 1993 : Elles sont si gentilles, Monsieur. Les trafiquants de femmes en Europe, Paris, Bruxelles, La Longue Vue.

[5] Chambre des Représentants de Belgique, « Proposition visant à instituer une commission d’enquête parlementaire chargée d’élaborer une politique structurelle en vue de lutter contre les réseaux internationaux de traite des femmes », 673/1 – 91/92 (S.E.).

[6] Ibid., p.1-2.

[7] « Anvers : Visite royale », La Dernière Heure/Les Sports, 29/10/1992, et « Traite des corps : il faut réagir », La Libre Belgique, 29/10/1992.

[8] D. Marchetti , « Les révélations du ’journalisme d’investigation », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 131-132, 2000, p. 30.

[9] C. De Stoop, Vite, rentrez le linge, Arles, Actes Sud, 1996. Ce livre lancera en Flandre le débat sur les politiques d’asile.

[10] C. De Stoop, Ik ben makelaar in hasj, Amsterdam, Bezige Bij, 1998.

[11] C. De Stoop, De Bres, Amsterdam, Bezige Bij, 2000.

[12] D. Marchetti, op. cit.

[13] K. Osstyn, « Chris de Stoop : un journalisme d’investigation à visage humain », Septentrion, XXX, n° 3, 2001, p. 81.

[14] D. Marchetti, op. cit.

[15] P. Bourdieu, « La force du droit. Eléments pour une sociologie du champ juridique », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 64, 1986, p. 13.

[16] C. L. Bosk et S. Hilgartner, « The Rise and Fall of Social Problems : A Public Arenas Model », American Journal of Sociology, 94, n° 1, 1988, p. 53-78.

[17] Chris de Stoop ne couvrira effectivement pas les travaux de la commission d’enquête dans le « Knack  ».

[18] J. Charron, « Les médias et leurs sources. Les limites du modèle de l’agenda-setting », Hermès, n° 17-18, 1995, p. 73-92.

[19] Arrêté royal du 16 mai 2004 relatif à la lutte contre le trafic et la traite des êtres humains.

[20] P. Favre, « L’émergence des problèmes dans le champ politique » in P. Favre (ed.), Sida et politique. Les premiers affrontements (1981-1987), Paris, L’Harmattan, 1992, p. 8.

[21] Ainsi, on pourrait citer cette parlementaire qui, à la lecture d’un sondage dans la presse disant que 52% de la population serait favorable à une interdiction de fumer dans les lieux publics, contacte immédiatement ses collaborateurs pour voir s’il serait possible de rédiger une proposition de loi, se disant qu’avec 52% de la population favorable, ça pourrait être un « créneau intéressant ».

[22] Nous nous plaçons donc moins du côté des théories de l’agenda-setting (M.E. Mac Combs et D.L. Shaw, « The agenda-setting function of mass media », Public Opinion Quaterly, n°36, 1972, p. 176-187.) postulant une relation causale entre l’importance que les médias accordent à un sujet et l’importance que les récepteurs de ces médias accordent à ce sujet (selon la célèbre formule disant que les médias ne disent pas ce quil faut penser mais à quoi il faut penser), que du côté des théories de l’agenda-building (R. Cobb, J-E. Ross et M.H. Ross, « Agenda Building as a Comparative Political Process », American Political Science Review, vol. 70, n°1, 1976, p. 126-138) désignant un processus collectif d’élaboration d’un agenda impliquant une certaine réciprocité entre les médias, les décideurs et le public (J. Charron, op. cit., p. 79).

[23] Anne-Marie Lizin, sénatrice socialiste, qui déposa une proposition de loi visant à punir les clients des prostituées.

Pour citer l'article


Patte Yves, « Une production de l’actualité sans visée productrice. Le cas du débat sur la prostitution et la traite des êtres humains en Belgique », dans revue ¿ Interrogations ?, N°1 - « L’actualité » : une problématique pour les sciences humaines et sociales ?, décembre 2005 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/Une-production-de-l-actualite-sans (Consulté le 19 mars 2024).



ISSN électronique : 1778-3747

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