Le secteur du nettoyage s’est réellement développé depuis les années 80, avec la sous-traitance, la tertiarisation de l’emploi, sa féminisation et sa précarisation. Ses salariés, majoritairement des femmes non qualifiées, vivent avec le temps partiel, le multi-emploi, la pauvreté salariale et effectuent, souvent dans des conditions pénibles, un travail extrêmement dévalorisé. Perçu, en effet, comme indigne et honteux, le nettoyage s’inscrit dans une relation de service périlleuse, dont l’équité est difficile à maintenir. Isolés, interchangeables, invisibles ou transparents, ’apatrides’ ces ’nouveaux’ salariés figurent ainsi une partie de l’évolution de la condition salariale, de plus en plus floue, dont les contours semblent se dissoudre dans la nécessité, la sous-traitance et le multi-emploi.
Mots clefs : nettoyage, précarité, condition salariale, conditions de travail.
The cleaning sector has really developed since the 1980s crisis, owing to the development of outsourcing, the expansion of the service sector, its feminization and casualization. The employees, predominantly unskilled women, experience part-time, multi-employment, low wages and often do an extremely demeaning job in hard working conditions. This type of work is indeed perceived as (disgraceful and) shameful and cleaning is a perilous service, whose equity is hard to maintain. Isolated, interchangeable, invisible, transparent and stateless, these “new” employees thus partly represent the evolution of the employees’ position in society. The latter is more and more blurred and the very rights of the salaried employees seem to dissolve in necessity, outsourcing and multi-employment.
Key words : cleaning, precariousness, employees’ position in society, working conditions
Secteur jeune et en plein essor, le nettoyage est emblématique d’une certaine modernité salariale. Il s’est largement développé depuis les années 80 en profitant des contours économiques et sociaux dessinés par la crise, le développement de la sous-traitance et des services, la féminisation et la précarisation du salariat. Plus globalement, le nettoyage a contribué, comme d’autres secteurs (la maintenance, la sécurité, la grande distribution, le commerce…), à l’évolution de la condition salariale par rapport à une époque où elle n’était peut être pas moins précaire, mais où son accès pouvait sembler un espoir légitime et collectif de progrès social.
Dans ces nouveaux secteurs, en plus d’être précaires, les types d’emplois créés sont venus contredire l’idée d’une société salariale en col blanc, plus qualifiée, aux contenus de travail plus attractifs. Les emplois y sont souvent peu qualifiés, faiblement rémunérés et très peu évolutifs. La sous-traitance, l’individualisation des situations de travail, la féminisation de la main d’œuvre ont contribué à en fragiliser les salariés. Enfin, ces emplois n’ont pas échappé au phénomène d’intensification du travail et de la productivité, principal facteur de la dégradation des conditions de travail depuis les années 1990 en France(1).
C’est à travers cette problématique des conditions de travail que nous nous sommes intéressés au nettoyage, secteur ingrat, peu connu et difficilement ’saisissable’ du fait même de la dispersion de ses salariés. En partant des atteintes à la santé repérées, nous avons été amenés à nous interroger conjointement sur le fonctionnement de ce secteur, la pénibilité du travail et son absence de considération sociale(2). Quelles conditions d’emploi pour les salariés du nettoyage ? Quelles conditions de travail, quelles représentations, quel sens donné à ce travail ? Aucun de ces éléments ne suffit à lui seul pour décrire le quotidien des salariés du nettoyage mais tous se conjuguent pour constituer ’le travail’ dans le nettoyage. Au-delà donc du problème d’un travail indigne, les salariés du nettoyage nous emmènent vers l’analyse plus globale d’une partie de la condition salariale actuelle, une condition salariale qui englobe et articule les conditions d’emploi, les conditions physiques et mentales d’exercice du travail et les représentations sociales qui lui sont associées.
Le secteur du nettoyage est jeune et a connu ces dernières décennies une expansion spectaculaire. Il est né de la tertiarisation de l’économie, ’services’ par excellence, croissant avec le développement des politiques de sous-traitance adoptées par des entreprises allégées et modernisées, soucieuses de compétitivité.
En près de 20 ans, le nombre d’entreprises du nettoyage a crû de 62%, les effectifs de 55% pour atteindre plus de 400 000 salariés(3). Les grands groupes internationaux côtoient les petites (voire très petites) entreprises(4) dans un secteur souvent qualifié de bipolaire. Le poids des grandes entreprises reste cependant déterminant : elles conservent l’essentiel du marché et des emplois du secteur(5).
Leurs salariés sont ces travailleurs du dehors, de l’extérieur, travailleurs loués, prêtés pour toutes ces tâches qui ne sont pas ’le cœur du métier’ et que l’on peut externaliser, sur lesquelles on veut également économiser. Ils sont ces « intérimaires permanents », ce « précariat » notamment théorisé par Robert Castel(6) à qui il manque au moins une des conditions sécurisantes du salariat traditionnel, c’est-à-dire en CDI et à temps plein.
Secteur « presque caricatural à force de concentrer les précarités »(7), le nettoyage fait appel à une main d’œuvre très largement féminine (66% de ses salariés, 76 % même si l’on s’en tient aux seuls agents d’entretien) et non qualifiée à 86%. Les problématiques liées au travail féminin s’y retrouvent de façon parfois outrancière : précarisation, temps partiel subi, misère salariale, absence de qualification et d’évolution professionnelle. Elles se cumulent avec celles liées à l’immigration : analphabétisme, clandestinité… Selon la FEP (Fédération des Entreprises de Propreté), 30 % des salariés du nettoyage ne sont pas de nationalité française, un pourcentage qui semble être bien plus élevé en région parisienne et dans les grandes villes de province(8). Plus globalement, et malgré les efforts de communication de sa fédération autour d’un secteur ’propreté’ modernisé et assaini, le secteur du nettoyage a bien du mal à dissiper une mauvaise réputation construite autour des pratiques douteuses de certaines entreprises : travail au noir, exploitation des sans-papiers, conditions de travail et rémunérations indignes…
Errements passés pour le secteur du nettoyage qui revendique aujourd’hui une fonction sociale d’insertion, « véritable soupape sociale » nous dira l’un de nos interlocuteurs à la FEP, et insiste sur les efforts consentis en matière de formation, d’alphabétisation et sur les parcours professionnels exemplaires permis par le dynamisme du secteur(9).
Mais comme le soulignent les études menées par la DARES (Direction de l’Animation et de la Recherche des Études Statistiques) et le CAS (Centre d’Analyse Stratégique), notamment le rapport sur Les métiers en 2015(10), les métiers du nettoyage contribuent à enfermer les femmes peu diplômées sur des segments de marché du travail où la reconnaissance des compétences professionnelles est faible. Des éléments qui, dans le secteur du nettoyage, sont confirmés par le faible pourcentage d’agents qualifiés (14%) et de personnel d’encadrement (7%)(11).
Avec près de 84% de CDI, ce n’est pas tant le statut des salariés du nettoyage qui pose problème que leur temps de travail et les niveaux de rémunération induits.
74% des salariés du secteur en effet sont à temps partiel : de 13h par mois à 32h par semaine (pour ceux que nous avons rencontrés) en passant par toute la gamme des temps partiels améliorés d’heures complémentaires, de remplacements… Les salariés du nettoyage cumulent souvent plusieurs emplois (« ils prennent des heures ») chez plusieurs employeurs pour arriver à travailler suffisamment(12).
Le travail à temps partiel et le cumul d’emplois ou de remplacements impromptus qu’il entraîne transforment ainsi le salarié du nettoyage en un ’organisateur permanent’, obligé de constamment compter les heures faites et à faire, d’ajuster en fonction du salaire espéré, de jongler et se débrouiller pour faire coïncider ses différentes missions ou emplois, ses différents horaires, ses congés… A lui également d’assumer les transports et leur coût.
Dans le même temps, comble du paradoxe, ce multi-emploi est perçu par les salariés comme une forme de ’ protection’ face aux aléas d’un marché de l’emploi hyper précarisé.
Avec un salaire mensuel avoisinant les 750 euros (657 euros si on isole les femmes), le secteur du nettoyage est au cœur de la problématique des travailleurs pauvres. La faiblesse des rémunérations s’explique évidemment par le taux horaire pratiqué (proche du SMIC) et l’usage du temps partiel, mais également par l’organisation du travail et toute la politique salariale menée.
La cooptation est très répandue dans le nettoyage : tous nos interviewés ont ainsi commencé à travailler dans le nettoyage sur la recommandation d’un proche.
Signe agaçant d’immaturité et d’un certain archaïsme pour la fédération (« c’est un peu un mal du métier, ce n’est pas vraiment du recrutement »), le recrutement par cooptation a de bonnes raisons d’être. En premier lieu, il répond aux situations d’urgence d’un secteur qui connaît un taux d’absentéisme très élevé et où l’on doit souvent gérer des absences impromptues. Il correspond également à l’idée encore très répandue (notamment dans l’encadrement de proximité) que ce type de fonction ne nécessite guère de ’vraie’ campagne de recrutement, ni de ’vraies’ compétences mais demande certaines ’qualités’ comportementales (régularité, ponctualité, honnêteté, sérieux…). Les salariés, en effet, travaillent le plus souvent en toute autonomie et en relations directes avec le client. Leur travail les conduit à assumer certaines responsabilités : détention de clefs, accès aux alarmes, au matériel informatique, aux documents…
Ces ’compétences’ ou ’savoir être’ (un ’ bon agent’ non qualifié doit ainsi être courageux, ponctuel, honnête, sérieux, responsable, discret, mobile, autonome… Il doit savoir s’organiser, se débrouiller, comprendre et mémoriser vite l’organisation d’un site, être logique, s’adapter, gérer les relations aux clients, aux usagers…) classiques du travail dans les services sont toujours aussi peu formalisées, reconnues et rémunérées. Quant aux savoirs professionnels, ils empruntent pour partie tout au moins au travail domestique, notamment féminin, qui se caractérise lui par une totale absence de valeur sociale(13). Ces compétences ménagères incorporées par des années de pratique (sens du propre et du sale, regard, évaluation, capacité à s’organiser, à procéder logiquement, connaissance intime des gestes….) sont peu valorisantes pour les salariés et encombrantes pour la fédération et les entreprises qui, dans un souci de ’ professionnalité’, cherchent à rompre avec cet héritage. Enfin, les compétences acquises ensuite avec l’expérience professionnelle et la pratique du métier ne sont guère reconnues non plus dans les politiques salariales menées : les perspectives de promotions sont limitées et l’ancienneté n’est que faiblement rémunérée, en marge du taux horaire, la prime d’ancienneté venant s’ajouter au salaire (2% après 4 ans d’ancienneté et 5% à son taux maximum après 10 ans), au grand dam des anciennes.
« Une gamine qui va venir me remplacer, elle sera payée pareil que moi. Elle aura le même salaire que moi… Je suis encore en bas de l’échelle alors que j’ai fait mes preuves. Alors je dis « je travaille quand même je fais quand même pas mal de choses »… Non il faut rien avoir pour dire je vais faire du nettoyage parce qu’on n’évolue pas, c’est clair on n’évolue pas ». Colette agent d’entretien, 55 ans.
Enfin de multiples tâches sont couramment effectuées par les agents (recrutement, planning, coordination, entretien du matériel, formation, contrôle, relation client…) sans être reconnues, déléguées de façon individuelle et tacite. Elles expliquent d’ailleurs comment arrive à fonctionner ce secteur avec le très faible taux d’encadrement qui est le sien mais avec une pression constante et accrue sur les salariés.
80% de l’activité du secteur est constituée par le nettoyage dans les entreprises (bureaux, locaux professionnels, magasins, grands magasins) et les cages d’escalier. Les horaires sont plus difficiles dans le nettoyage des entreprises puisque le travail s’effectue souvent tôt le matin, et/ou tard le soir, entraînant de lourdes conséquences en termes d’atteintes à la santé, à la vie familiale et sociale. Ils pèsent sur le sommeil et sa qualité, induisent une fatigue permanente et posent des problèmes de transport et de sécurité, les salariés se retrouvant souvent isolés dans des locaux désertés de leurs occupants(14).
Par ailleurs, les règles de la récupération, pourtant claires sur le papier, sont bien plus floues dans les discours recueillis. L’obligation légale des 11 heures de coupure entre deux prestations semble souvent battue en brèche par la nécessité de travailler davantage, le flou des horaires, les remplacements impromptus et la multiplicité des employeurs.
Ces horaires conduisent également les salariées à mettre au point des stratégies complexes et épuisantes pour pouvoir les concilier ou les cumuler entre eux et avec le travail domestique et les obligations familiales. Ils sont une des causes principales d’absentéisme et d’abandon dans le secteur : quand leurs stratégies s‘écroulent, les salariés ne peuvent plus faire face. Ces horaires de travail atypiques contribuent ainsi largement à la précarisation des salariés, à leur isolement et à leur pauvreté.
La question des atteintes à la santé chez les salariés du nettoyage, et notamment la sur-représentation des troubles musculo-squelettiques (TMS), a été à l’origine de ce travail(15). Elle s’est ensuite trouvée au centre de nos rencontres et échanges avec les médecins du travail et les professionnels de la santé au travail, notre recherche venant à son tour nourrir leurs réflexions et actions de prévention(16). Elle a été évidemment largement abordée avec les salariés rencontrés.
Dans le travail de nettoyage, la liste est longue, en effet, des tâches pénibles, des postures inconfortables et sans cesse recommencées : manutentions lourdes et répétées avec les poubelles, des corbeilles à papier aux énormes conteneurs des résidences, manutention du matériel, aspirateur, seau, balai… On se baisse beaucoup pour nettoyer, pour ramasser, pour pousser petits meubles, placards et autres objets. On frotte en appuyant sur les poignets, les bras, les épaules. On tient les bras levés pour nettoyer les vitres, on monte et on descend sans cesse des escaliers, on parcourt des kilomètres carrés de surface à nettoyer… Bref le travail dans le nettoyage sollicite les corps, les use parfois prématurément et conduit à des apprentissages et à des ajustements incessants.
« Quand j’ai commencé ici, le soir je rentrais, j’avais mal partout, je hurlais… ». Anissa, agent d’entretien, 46 ans
Les atteintes à la santé évoquées(17) par les salariés sont ainsi multiples mais concernent surtout le dos, les articulations et les mains. Le secteur du nettoyage conserve un taux de fréquence d’accidents bien plus élevé que la moyenne nationale (37,5 contre 25,7) et les quelques progrès statistiques enregistrés sur le long terme s’accompagnent d’une augmentation du nombre d’accidents graves entraînant une incapacité(18).
Nous rencontrons ainsi Khadija, 48 ans, sans emploi depuis qu’elle a été déclarée inapte au travail et licenciée par son ancien employeur. Entre colère et dépression, elle évoque les tendinites dont elle souffre, la douleur constante au niveau des mains, des bras et des épaules, dues selon elle au maniement journalier des conteneurs à ordures de la résidence où elle a fait le ménage plusieurs années. Elle nous explique comment sur les pentes abruptes des sous-sols, ce sont « les poubelles qui vous promènent quand elles sont pleines ».
Le cas de Khadija nous montre également que les salariés les plus fragiles ou les plus abîmés sont très vite rejetés d’un travail qui nécessite une énergie considérable et où il est parfois fait bien peu de cas de la législation.
« Moi je sais que les nanas, elles veulent pas balancer mais je sais qu’elles ont pas eu de visites médicales, aucune », nous dit Khadija. Ce que confirme Samantha : « En trois ans moi, avec cette boîte, j’ai jamais eu de visite médicale »(19).
Observée de près depuis les années 1990, l’apparition plus fréquente des TMS chez les salariés ne correspondrait pas tant à un changement dans la nature des tâches exécutées qu’à l’intensification du rythme auquel elles le sont(20).
Dans le nettoyage, les salariés mettent effectivement en relation la fatigue ressentie et une pression constante sur le rythme de travail, pression qui n’est pas démentie par les cadres et dirigeants rencontrés.
« Donc les coûts, c’est le nombre de personnes, le nombre d’heures, la productivité. Là ça c’est fortement dégradé quand même, il faut être de plus en plus compétitif. Donc les cadences de travail, il faut le reconnaître ont été accentuées par rapport à il y a 15 ans. On est sur des cadences aujourd’hui très élevées ». Cadre, entreprise de nettoyage.
Concurrence, dureté des marchés, politique du moins-disant(21) et accroissement des marges conduisent les entreprises à baisser constamment les coûts et donc le temps accordé aux agents pour faire leur travail. Entre 1995 et 2007, comme le montre le tableau ci-dessous, le nombre des entreprises du secteur a progressé de 62%, le chiffres d’affaires de 106% quand le nombre de salariés augmentait de … 55%.
Evolution du nombre d’entreprises, du chiffre d’affaires et des effectifs du secteur nettoyage entre 1995 et 2007.
C’est donc en partie sur les conditions d’emploi et de travail des salariés que le secteur a développé sa productivité.
« On est déjà moins de personnes et il faut toujours aller plus vite ». Aline, agent d’entretien, 53 ans.
« C’est de l’esclavage, je le dis franchement… J’arrivais, je faisais 5h00 – 8h15, j’étais toute seule, vous vous imaginez la totalité des locaux ! En 3h15, il fallait faire tout ça… Donc après j’ai démissionné, ils ont donné le poste à quelqu’un d’autre et ils ont baissé ses heures, la personne, elle se retrouvait avec 2h30 pour faire tous les locaux que vous voyez ici ! C’est pas possible ! ». Samantha, agent d’entretien, 33 ans.
Les conséquences sont évidentes en termes de rythme, de pression et d’usure physique mais également de dépassement d’horaires, de « sur travail » impayé. Le sentiment d’exploitation ressenti n’est pas anodin, les salariés doivent souvent prendre sur leur temps impayé pour pouvoir finir, quelques minutes, quelques dizaines de minutes qui se multiplient…
« Vous dépassez et vous n’êtes pas payée. Ben oui, si vous voulez vraiment finir, fermer les portes, rien oublier, tout vérifier… ». Khadija, agent d’entretien, 48 ans.
D’autres pathologies sont également évoquées par les salariés et les médecins du travail rencontrés comme les problèmes circulatoires liés aux piétinements, alimentaires (manque de temps), dermatologiques (réactions aux produits utilisés) et urinaires, causés eux par l’absence de sanitaires sur le lieu de travail. Certains environnements de travail peuvent être ainsi dégradés, sans confort (ni vestiaire, ni toilettes), les salariés y disposant d’un matériel rudimentaire, ’oubliés’ de leur entreprise. Ailleurs, ce sont les relations à l’environnement, parfois brutales, qui renvoient à ces salariés une image tout aussi dégradée, une image dans laquelle il est bien difficile de démêler ce qui tient des représentations sociales, des conditions d’emploi ou de la nature du travail fait et des conditions dans lesquelles il se fait…
« C’est vrai que le nettoyage, je n’arrive pas à comprendre, je me suis posé la question plusieurs fois, pourquoi on est mal vu comme ça ? » Michel agent d’entretien, 39 ans.
La problématique du « sale boulot » (dirty work) dont parle E.C Hugues(22) s’applique à toutes les activités qui confrontent à la souillure dans une société qui n’en veut rien voir. Dominique Lhuillier(23) mais aussi François Dubet ont montré comment les travailleurs du nettoyage semblent comme contaminés par leur contact permanent avec le sale, « l’infamie de son travail débordant sur le travailleur lui-même »(24).
Le secteur du nettoyage a bien tenté de rompre avec cet univers du sale : tout un vocabulaire s’est ainsi diffusé qui évoque l’hygiène, l’environnement, la propreté… Une langue « épurée », écrit Dominique Lhuillier, dont l’arsenal complet montre que les défenses mises en œuvre sont « à la hauteur de la menace ressentie »(25).
Du coup, il n’y a plus de femmes de ménage mais des ’techniciens de surfaces’, des ’agents de propreté’ et des salariés doublement méprisés : une première fois dans ce travail si peu reconnu, une deuxième fois dans des organisations qui les nient et leur renvoient l’indignité de leur activité, si indigne qu’on ne peut l’appeler par son nom. « Euphémismes insultants », écrit Karine Vasselin(26) qui enlèvent tout espoir de reconnaissance.
L’humiliation ressentie provient également d’atteintes faites à la dignité des salariés dans le non respect du travail fait, travail non respecté (non respectable ?). On retrouve ici les aspects les plus difficiles du travail, ingratitude des tâches et des lieux, des postures et des gestes, travail invisible sans cesse à refaire, nié par le simple usage.
« Des fois, c’est pas spécialement marrant, vous faites des toilettes, vous passez derrière les gens… Je veux dire … il y en a quelques uns qui sont un peu méchants qui disent « t’es là pour le faire »… Même si on l’a fait et qu’il redéfait ». Aline, agent d’entretien, 53 ans.
Les agents de nettoyage se sentent souvent mal considérés, regardés de haut par les populations qu’ils côtoient que ce soit les usagers ou les salariés des entreprises. Traités comme des « chiens », comme de la « merde », comme des « sous-hommes », c’est effectivement « leur humanité même » qui est menacée(27).
« Peut-être le regard des gens… que les autres ont sur nous … donc tout de suite l’aspect péjoratif dans le sens : c’est du nettoyage, bon ils sont pas trop évolués, c’est du style, c’est un peu des sous métiers…C’est pas limite on va vous parler comme à un chien mais c’est un peu comme ça quoi ». Yann, agent d’entretien, 37 ans.
Esclavage, exploitation, beaucoup de salariés rencontrés nous expliquent leur lutte quotidienne pour résister dans leurs relations à l’entreprise mais aussi aux usagers ou salariés des entreprises ’nettoyées’ dont ils ne sont pas les ’domestiques’. Karine Vasselin(28) rappelle comment le domestique incarne pendant tout le XIXème siècle, et aujourd’hui encore, dans l’imaginaire collectif la figure de l’inférieur, dépossédé de lui-même (le maître ne peut-il pas modifier jusqu’à son identité s’il le désire ?), exclu de certains droits politiques et sociaux, méprisé par la classe ouvrière.
Aujourd’hui, dans le travail de service, bien des salariés sont confrontés aux risques de la servitude ou de l’asservissement, tant la relation engendrée peut sembler inégalitaire et en contradiction avec nos aspirations démocratiques(29). Le service engendre finalement une relation extrêmement fragile qui menace sans cesse de glisser vers la servitude(30). Constamment sur le fil, les salariés du nettoyage luttent ainsi au quotidien pour affirmer leur égalité de condition, avec les autres salariés ou les usagers. Ainsi dans les bureaux, la désinvolture réelle ou supposée à leur endroit, les tasses souillées laissées (« comme si c’était à moi de faire la vaisselle ! »), les papiers lancés à côté de la poubelle (« est-ce qu’ils font ça chez eux ? ») et laissés par terre (« ne sont elles pas là pour ramasser ? »), tous ces gestes sont vécus comme autant de marques de mépris et d’insultes à leur dignité, le rappel d’une condition indigne, esclave ou domestique parfois teintée de relents sexistes ou racistes. La lutte est permanente, parfois brutale pour se faire respecter.
« Des fois le personnel de nettoyage, il est un peu considéré comme le bas de gamme, mais bon souvent je me fâche, enfin je leur dis qu’on est là pour faire le ménage mais on n’est pas des bonnes… ». Aline, agent d’entretien, 53 ans.
Dans un article paru en 1993, Alain Lelaube évoquait la capacité historique du mouvement ouvrier à magnifier son exploitation à travers ses figures emblématiques (le mineur, l’OS de chez Renault, le métallo), capacité qui lui semblait alors refusée aux services, entre servitude et transparence(31)…
Double négation, en effet, pour ces « travailleurs de l’ombre »(32) qui va bien au-delà de l’allusion à la composition ethnique de la population et à son éventuelle clandestinité(33). Dans l’organisation même de l’activité de nettoyage, ils sont ceux qu’on ne voit pas, qui n’existent pas, leur travail n’est pas vu donc pas considéré. C’est cette « face cachée » dont parle Hélène Bretin qui agit à plusieurs niveaux : activité sous-traitée, indigne de figurer au cœur des activités de l’entreprise, activité jamais montrée, effectuée par des salariés « mobiles », « élastiques » « fluides », glissant d’un lieu à l’autre, d’un chantier à un autre, d’une entreprise à une autre(34). Leurs horaires contribuent à rendre invisibles des salariés qui ne font souvent que croiser les usagers des locaux nettoyés.
Mais leur invisibilité est également inscrite dans la nature même du travail de nettoyage qui a pour caractéristique de ne pas se voir : c’est son absence que l’on remarque. Labeur invisible auquel on ne pense que quand il n’est pas ou pas bien fait(35).
Invisibilité des tâches qui pour beaucoup appartiennent également à ce qu’on ne dit pas… Comme si leur indignité (ou leur inconsistance) se répercutait sur les personnes. Difficile par exemple de faire énumérer les tâches faites, de faire parler du nettoyage des sanitaires, des serpillières…etc. Toujours l’idée que ça n’est pas la peine, que ça ne vaut pas la peine d’en parler que « ça se fait sans se dire », tâches honteuses qui ne méritent pas d’être énoncées. Enfin, travail qui n’existe pas non plus puisqu’il est constamment défait, sans cesse à refaire(36). Le produit du travail est en creux dans l’absence (de traces, de poussière, de saleté) très vite comblé, ’piétiné’ par l’usage quotidien.
Invisibilité, inexistence que viennent également traduire les pratiques des entreprises employeuses et utilisatrices. Du recrutement qui peut être très expéditif, à l’absence de reconnaissance professionnelle jusqu’à la situation sur le lieu de travail où les salariés officient souvent en toute autonomie. Et ce qui est apprécié comme un avantage par beaucoup (« dans le fond, on est quand même tranquille, on n’a personne sur le dos hein ») peut vite s’apparenter à une situation de solitude (« quand t’es toute seule avec ton balai et ta serpillière et que t’as pas le moral… ») voire d’abandon, et une vraie détresse quand le salarié est seul, en difficultés pour être approvisionné en produits et sans contact avec l’entreprise.
Cette difficulté à exister des salariés du nettoyage dans leur travail est largement induite et renforcée par l’organisation même de l’activité en sous-traitance. Salariés loués, vendus, prêtés, détachés… Leur identité est ambiguë : la plupart d’entre eux sont salariés d’une ou plusieurs entreprises dans lesquelles ils ne se rendent quasiment jamais et ils vont travailler tous les jours, parfois depuis des années, dans des entreprises dont ils ne sont pas les salariés. Cette confusion est accentuée par les conséquences de la fameuse annexe 7 de la convention collective du nettoyage(37) qui stipule que les salariés d’une entreprise de nettoyage ayant perdu un marché doivent être conservés sur ce marché par la société l’ayant emporté à partir du moment où ils présentent certaines caractéristiques en terme d’ancienneté et de temps de travail sur le site concerné.
Cette disposition, édictée pour protéger les salariés et stabiliser leur emploi(38), alimente évidemment rumeurs et inquiétudes (les entreprises n’ont pas toutes la même réputation) mais suscite également un sentiment plus trouble, lié à cette étrange transmission sur laquelle ils n’ont aucune prise. Elle contribue ainsi de façon saisissante à ’réifier’ des salariés qui peuvent être ballottés d’une entreprise à l’autre, salariés ’attachés’ au marché comme les esclaves à la plantation ou les âmes à la terre. D’emblée, certains se disent salariés du site sur lequel ils travaillent, troublés jusque dans leur identité au travail par cette confusion.
« Beaucoup d’agents ne se sont pas appropriés… ne pensent pas faire partie d’une entreprise de nettoyage. Ils sont sur le site, pour eux « je travaille sur tel site ». Et pas pour l’entreprise de nettoyage. Parce qu’une personne, ça fait 10 ans qu’elle est sur le site, elle a vu facilement 2 ou 3 boîtes de nettoyage, c’est tout le temps l’entreprise de nettoyage qui change, pas elle… ». Agent de maîtrise, entreprise de nettoyage.
En même temps, si des salariés ’confondent’ ainsi lieu de travail et employeur, la plupart savent bien qu’ils ne font pas non plus partie des salariés de l’entreprise dans laquelle ils nettoient. Ils y ont une place à part, ni d’ici ni d’ailleurs. Ils sont les ’extérieurs’comme les gens de la sécurité ou de la maintenance et sont traités avec plus ou moins de ménagement, ’quasis’ salariés, salariés par procuration, salariés dont personne ne sait très bien les prérogatives et qui récupèrent parfois les miettes des vrais salariés(39)…
« On est assez appréciés sur S, la petite équipe qu’il y a, je veux dire même pour leur CE souvent on nous dit « bon il y a de la place dans les bus, si vous voulez vous pouvez venir les extérieurs » donc on nous demande à nous l’équipe de nettoyage ». Aline, agent d’entretien, 53 ans.
« Nous on est … rattachés, on n’est pas Casia ou Sépa ni quoique ce soit mais… Ben on est là quoi…Et il y a des fois, on se dit qu’est ce qu’on fout là ? Parce qu’on est ignorés, ignorés…On vous fait bien comprendre que… Pour une chose ou une autre, si on est amené à discuter avec un chef, on peut vous foutre dans la figure « de toutes façons, tu n’as rien à foutre là, t’es pas Casia ». Valérie, agent d’entretien, 48 ans.
Certains des salariés rencontrés ne sont pas loin de se penser ainsi comme un sous salariat, ’apatride’, sans réel collectif de travail, sans connaissances précises de ses droits. Le secteur compte effectivement peu de syndiqués dans une population (des femmes, des immigrés, des non qualifiés) traditionnellement éloignée des organisations et que ses conditions de travail contribuent encore à isoler.
Comme Khadija, les salariés du nettoyage utilisent plutôt la voie du recours individuel aux prud’hommes quand ils estiment leurs droits bafoués(40). Des conflits sociaux existent malgré tout. Et même s’ils sont rares, ces « conflits de dignité », parfois médiatisés, ont contribué à diffuser l’image négative de la condition salariale dans le nettoyage(41).
Les grandes entreprises, à travers l’action et la parole de leur fédération, ont plaidé pour une « professionnalisation » du secteur qui permette, en développant notamment la formation et le travail à temps plein, de restaurer leur image tout en résolvant de sérieux problèmes de recrutement, d’attractivité et de vieillissement de la main d’œuvre. Mais depuis la crise est passée par là… Et semble avoir modifié les priorités en accentuant la concurrence alors même que davantage de salariés se retrouvaient ’disponibles’.
Au moment où l’on s’interroge sur la pénibilité du travail, l’exemple du nettoyage permet de relativiser les frontières parfois dressées : certes le travail est socialement dévalorisé et les salariés en souffrent mais le fonctionnement en sous-traitance, la précarité et l’isolement des situations de travail, la non reconnaissance et rémunération des compétences, l’absence d’évolution professionnelle ont un impact évident sur la souffrance physique et morale ressentie. Dans le secteur du nettoyage ainsi, chaque jour, avec une énergie considérable, des salariés jonglent avec le multi-emploi et la misère salariale associés au temps partiel, avec les pratiques plus ou moins légales et brutales des entreprises, sans guère de perspectives professionnelles, confrontés (souvent isolément) à un mépris social dévastateur pour un travail pénible, dont le contenu et les compétences sont dévalorisés ou ignorés et qui s’effectue dans une relation de ’service’ très périlleuse.
Enfin, et c’est en ce sens que nous poursuivons nos travaux, dans le nettoyage comme dans d’autres de ces secteurs modernes, la condition salariale est devenue opaque, floue pour bien des salariés dont les droits ne correspondent plus aux situations de travail rencontrées et ne peuvent plus être activés. Néo-salariés, mutants du salariat, sous-salariat, précariat, cette terminologie décrit en fait la façon dont ils travaillent aujourd’hui, dans une précarité d’autant plus indigne qu’elle heurte de plein fouet les valeurs de la justice sociale et du travail qui se sont développées… en même temps qu’elle.
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(1) P. Askenazy, Les désordres du travail, Paris, Le Seuil, La République des Idées (coll.), 2004.
M. Gollac, S. Volkoff, Les conditions de travail, Paris, La Découverte, Repères (coll.) 2000.
(2) En 2006, des médecins du travail du Cher constatent une sur-représentation des troubles musculo-squelettiques (TMS) chez les salariés du nettoyage vus en consultation. Une analyse plus détaillée fait apparaître des facteurs ergonomiques de pénibilité du travail mais également des problèmes liés aux représentations négatives et à l’absence de reconnaissance de leur travail. Ce constat va être à l’origine du partenariat noué entre notre équipe de l’Université d’Orléans et la Direction du Travail de la région Centre pour réaliser une recherche sociologique qualitative sur les conditions de travail dans le secteur du nettoyage. Cette recherche a été menée en 2009 autour d’entretiens avec des salariés (essentiellement des agents mais aussi quelques agents de maîtrises, cadres et dirigeants) et des acteurs institutionnels (représentants de la Fédération, donneurs d’ordre, médecins et inspecteurs du travail). L’ensemble de l’analyse constitue le rapport de recherche cité en bibliographie.
(3) Les chiffres de ce paragraphe sont tous issus des Chiffres clés, année 2007, Fédération des Entreprises de Propreté, édition 2009.
(4) La création d’entreprise dans le secteur est facilitée par le très faible investissement requis.
(5) 1% des entreprises (celles de + de 500 salariés) réalisent 47 % du chiffres d’affaires du secteur quand 78% (celles de moins de 10 salariés) n’en réalisent que 18%. Les premières concentrent 58% des effectifs, les secondes 7% (FEP 2009).
(6) R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995.
R. Castel, La montée des incertitudes, Paris, Le Seuil, 2009.
(7) J. M. Denis, « Dans le nettoyage, on ne fait pas du syndicalisme comme chez Renault », Politix, n°85, 2009, p 105-126.
(8) J.M. Denis (op. cit.) donne pour l’Ile de France le chiffre de 76% d’agents « d’origine étrangère ».
(9) Participer à l’insertion des personnes handicapées ou en difficultés « sociales » est aujourd’hui une pratique institutionnalisée dans le secteur, notamment pour l’octroi des marchés publics.
(10) O. Chardon, M. A. Estrade, Les métiers en 2015, Rapport du groupe « Prospectives des métiers et qualifications », Collection « Qualifications & Prospective », CAS DARES, Rapport et document n°6, 2007.
(11) FEP 2009
(12) Les promesses de CDI, de temps pleins (ou d’heures en plus) sont par ailleurs utilisées par l’encadrement intermédiaire pour motiver les salariés, de façon plus ou moins intègre.
(13) A. Dussuet, Logiques domestiques, Paris, L’Harmattan, Logiques Sociales (coll.), 1997.
Vasselin Karine, « Faire le ménage, de la condition domestique à la revendication d’une professionnalité » in Piotet Françoise, La révolution des métiers, Paris, PUF, Le Lien Social (coll.), 2002.
(14) H. Bretin, « Nettoyer dans la ville », Futur antérieur, 1995, p.159-177.
(15) Notamment l’étude de Julien Guglielmina et Alexandre Guyot, Prévenir les TMS dans l’activité de nettoyage, Rapport de recherche, AIPST18 – CTIP-Conseil, 2008.
(16) J. Albouy, A. Chalons, J. Gugliamina, G. Lerbut, « Du constat à l’action : prévention des TMS dans le secteur de la propreté », Congrès de médecine et santé au travail, Toulouse, juin 2010.
(17) Il ne s’agissait pas pour nous, qui ne sommes pas médecin, de rendre compte ici de problèmes médicaux mais bien d’entendre ce que les salariés pouvaient dire sur ce sujet.
(18) Chiffres FEP 2009
(19) Ce que nous confirmeront les inspecteurs du travail.
(20) P. Askenazy, 2004, op. cit.
(21) Cette politique consiste à octroyer le marché du nettoyage aux entreprises proposant les prix les plus bas, les marchés étant par ailleurs systématiquement renégociés à la baisse à chaque échéance.
(22) E. C. Hugues, Le regard sociologique, Essais choisis [1971], Paris, Editions de l’EHESS, 1996, p. 81.
(23) D. Lhuillier, « Le sale boulot », Travailler, n°14, 2005, p.73-98.
(24) F. Dubet et al., Injustices. L’expérience des inégalités au travail, Paris, Le Seuil, 2006, p. 39.
(25) D. Lhuillier, 2005, op. cit., p. 8.
(26) K. Vasselin, op. cit.
(27) F. Dubet, op. cit. p. 50.
(28) K. Vasselin, op. cit.
(29) F. Dubet, op. cit. p. 54.
(30) G. Fraisse, Services ou servitude. Essai sur les femmes toutes mains [1979], Paris, Le Bord de l’Eau, 2009.
(31) A. Lelaube, « Les fausses images des métiers », Le Monde, 19 mai 1993.
(32) M. Samson, « Travailleurs de l’ombre » in Beaud S., Confavreux J., Lindgaard J., La France Invisible, Paris, La Découverte, 2006, p. 429-442.
(33) J. M. Denis, op. cit.
(34) H. Bretin, « Nettoyer dans la ville », op. cit.
(35) Le rêve de bien des agents est ainsi que s’arrête totalement l’activité nettoyage pour que les gens « voient » ce qu’il en résulterait.
(36) J. P. Kaufmann, Le cœur à l’ouvrage, Paris, Nathan, 1997.
(37) Accord professionnel fixant les conditions d’une garantie d’emploi et la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, annexe 7 à la convention collective nationale, Convention Collective nationale des entreprises de propreté, mise à jour juillet 2007, p. 51-57.
(38) L’annexe 7 peut être utilisée, nous a t-on dit, pour permettre à une entreprise de se séparer d’un ou plusieurs salariés devenus encombrants : il suffit, en effet, de perdre le marché.
(39) Le rapport de recherche insiste sur le rôle que peuvent avoir les donneurs d’ordre dans une partie des conditions de travail des salariés et sa possible amélioration.
(40) J.M. Denis, op. cit.
(41) J.M. Denis évoque notamment le conflit Arcade en 2002 et les actions menées autour de la régularisation de travailleurs sans-papiers.
Barnier Frédérique, « Emploi précaire, travail indigne : condition salariale moderne dans le nettoyage », dans revue ¿ Interrogations ?, N°12 - Quoi de neuf dans le salariat ?, juin 2011 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/Emploi-precaire-travail-indigne (Consulté le 14 novembre 2024).