Bermúdez Hernández Luz del Rocio
Janvier 1994, l’armée Zapatiste de Libération Nationale (Ejército Zapatista de Liberación Nacional : EZLN) se soulève. Quelques mois après, l’expression « los coletos » se répand pour représenter les exploiteurs et dominateurs de la population indienne du Chiapas (État qui durant l’époque coloniale appartenait à la Capitainerie de Guatemala et seulement à partir de 1824 à la nation mexicaine). Le présent article propose de questionner la signification actuelle, à la fois généralisatrice et réductrice, du terme de coleto. Allant au-delà du simple synonyme de l’Espagnol (ou ’le blanc’), les conditions historiques ont modelé cette identité collective de manière complexe et multiple. Nous verrons que le processus social en cours au Chiapas, bien que restreint aux impératifs nationaux mexicains, partage néanmoins avec d’autres pays de l’Amérique Centrale les anciens défis de la polarisation ’Indiens’/’non Indiens’.
Mots-clés : Chiapas, identités intermédiaires, modèle social, commerce, antagonisme ethnique.
The coletos of Chiapas. Convened Identity, dissimulated processes in South-East Mexico.
In January 1994 upraised the Zapatist Army of National Liberation (Ejército Zapatista de Liberación Nacional : EZLN). A few months later it was also diffused the expression “los coletos” to represent the subjugators and exploiters of the indigenous populations in Chiapas (a province that during colonial period was part of the Captainship of Guatemala and just since 1824 became part of the Mexican nation). In the following work we question the generalizing an over-simplistic signification of coleto nowadays. Far of considering it just as a synonym of the Spanish (or ‘white’) man, we look forward some historical conditions that shaped this collective identity in complex and multiple ways. We will see that the present social processes in Chiapas, even though restricted by the Mexican national imperatives, still share with other Central American countries some ancient challenges derived from the polarization ‘Indians’/‘non Indians’.
Keywords : Chiapas, intermediary identities, social models, commerce, ethnic interface.
Le terme coleto désigne les habitants de San Cristóbal de Las Casas, ancien siège politico-religieux du Chiapas, fondé en 1528 (voir l’Illustration 1). On croit communément que ce mot a pour origine la natte (coleta) des premiers soldats espagnols, et avant le soulèvement de l’EZLN il s’agissait d’un simple surnom régional (certes, utilisé péjorativement par exemple dans la ville capitale du Chiapas, Tuxtla Gutiérrez). Depuis 1994, alors que les profondes inégalités sociales de cet État du Sud-est du Mexique se diffusaient au reste du pays et à l’étranger, l’usage de coleto se répand jusqu’à devenir un mot symbolisant le racisme et l’exploitation. Dès la fin du XXe siècle le mot devient un marqueur de la domination.
Nous verrons ici, à travers d’autres usages plus anciens du terme, que la connotation négative de coleto ne fait pas nécessairement référence à celui qui est au pouvoir (’l’homme blanc’), mais également au dominé ou au pauvre (généralement ’l’Indien’). Il s’agit donc d’un phénomène de discrimination plus large et complexe qui semble avoir pris les aspects d’une identité fictive, voire d’une identification sociale irréelle ou au moins simplifiée, dont la perspective historique peut mettre en valeur les enjeux concernés. Lorsque coleto a désigné à différents moments historiques ces individus qui d’une manière ou d’une autre se sont interposés de deux côtés, nous le considérons davantage comme une identité intermédiaire ; c’est-à-dire une construction identitaire dont les différents sens démontrent la pluralité sociale qui, en effet, a existé et existe encore à San Cristóbal de Las Casas.
Nul ne connaît l’origine exacte du terme coleto, qui n’apparaît par écrit que depuis quelques romans du milieu du XIXe siècle. Avant de revenir sur ces détails, il nous semble essentiel d’exprimer contre toute apparence - aujourd’hui particulièrement – que le terme de coleto ne renvoie pas stricto sensu à une catégorie ethnique. En effet ce terme exprime une identité complexe, car si c’est bien ainsi que se nomment les habitants de San Cristobal, ces derniers ne se définissent pas par rapport à une appartenance commune, ou par rapport à des valeurs ou habitudes partagées de manière homogène. Coleto n’est pas un toponymique comme sacateco (utilisé à la fin du XIXe siècle) ou encore joveleño (usage actuel) [1]. Il n’a pas de référence linguistique comme caxlán (celui qui parle « castilla » ou castillan), ou encore comme le mot ladino venu de l’Espagne médiévale (dérivé du latin). Il ne fait pas même allusion à une question ’raciale’, bien qu’il fasse référence à une supposée coiffure du conquistador espagnol. Cependant, par cette dernière relation et à la suite de la problématique sociale de la fin du XXe siècle, actuellement les habitants de la ville se différencient notamment entre coletos et sancristobalenses (dérivé du saint patron).
L’usage de coleto et son opposition avec celui de indio se renforcèrent avec la vague de mexicanisation qui submerge la ville depuis au moins deux décennies. Cette évolution comporte trois aspects : 1) l’adaptation urbaine en fonction du tourisme (le Typical Mexican Town). 2) la réduction d’un profond problème social à un simple conflit local sans répercussion nationale. 3) L’oubli des enjeux liés au passé colonial du Chiapas comme ancienne province de la Capitainerie Générale du Guatemala. Cette dernière relation a modelé durant presque trois siècles les relations et antagonismes de la société chiapaneca, en particulier en ce qui concerne les catégories essentialistes de ’Indiens’ et ’non-Indiens’ ; une problématique partagée avec d’autres pays centraméricains. Ce n’est donc pas accidentel lorsqu’au Chiapas se juxtaposent le ladino guatémaltèque et le mestizo mexicain ; ou qu’entre eux deux aujourd’hui s’insère anormalement coleto comme quasi synonyme (celui-ci, bien entendu, dans le contexte exclusif du Chiapas et particulièrement à San Cristóbal de Las Casas).
Dans ce travail je chercherai à mettre en lumière des anciens liens historiques (spécialement de XVIe et XVIIe siècles) qui apparaissent à présent sans importance. Les caractéristiques et processus donnés par cette perspective enrichiront et à la fois rendront plus complexe le sens actuel de coleto.
En tant qu’identité intermédiaire dirigée vers l’autre, coleto serait une catégorie sociale d’altérité qui correspondrait à une vision duelle de San Cristóbal de Las Casas : ville-espace au sein de laquelle se sont confrontés historiquement ’l’Espagnol’ et ’l’Indien’ [2].
Avec le conflit de 1994, la marginalité du Chiapas s’est fait connaître au-delà de ses frontières. Les publications en tout genre proliférèrent, certaines au contenu douteux et peu objectif. Les revendications de justice sociale s’élevèrent au niveau national et international, en mettant en évidence les anomalies du gouvernement du Chiapas et l’incongruité du système politique mexicain. En mars de cette même année surgirent les protestations des « représentants » de la communauté de San Cristóbal qui se auto-baptisèrent « les coletos, les authentiques sancristobalenses tant par naissance que par résidence » [3]. Ceux-ci réclamaient entre autres la fin des invasions indiennes, l’expulsion des étrangers « pernicieux » ainsi que le départ de l’évêque Samuel Ruiz et de ses catéchistes. En s’appropriant et en revendiquant l’usage de coleto, ce groupe (connu comme « les coletos » ou, plutôt, « les authentiques ») concentra les récriminations qui finirent par réduire la dimension fédérale du conflit en un problème ’régional’. San Cristóbal de Las Casas a alors accaparé l’attention médiatique, oblitérant presque ce qui se déroulait dans le reste du Chiapas. Pendant ce temps, l’antagonisme dominant-dominé se radicalisait et se simplifiait. Par la suite, les connotations colonialistes du coleto se renforcèrent et celui-ci devint « l’héritier des conquistadors blancs » [4].
Les clichés anthropologiques qui avaient auparavant construit l’idée de l’isolement culturel de l’Indien du Chiapas firent du coleto un personnage manichéen aussi immuable qu’anachronique. Au sein des coletos, on pouvait retrouver des éleveurs de bétails, des producteurs de café ou des ex-gouverneurs du Chiapas opposés au néo-Zapatisme, même si ceux-là ne sont pas nés ou ne résident pas dans la ville [5]. Si traditionnellement le mot désignait des expressions de tradition et folklore, ou le ’commun’ des habitants de San Cristóbal, ces dernières années coleto prévalut comme une dénomination faisant partie de l’oligarchie chiapaneca, ou comme une pratique de forte exclusion vers l’Indien. Coleto devint ainsi l’indicateur d’une provenance ethnique et socioéconomique de privilège, ou encore un trait historico-culturel symbolisant décadence et immobilisme. La profusion subite de coleto ne suscita pas pour autant de grand intérêt comme sujet d’étude.
Sanz a fait remarquer que l’État mexicain, en définissant qui est « l’indigène », contribua également à construire d’autres catégories identitaires « en prenant en compte le moment historique et l’idéologie en vigueur [qui] permet certaines identités et pas d’autres » [6]. Les moyens de communication et le travail intellectuel jouèrent également leur rôle dans la récente connotation de coleto. En 1967, Aguirre Beltrán expliqua que coleto provenait du « siècle passé [lorsque] les ladinos de Ciudad Las Casas firent de leur natte un signe ostentatoire de leur noble lignée bien qu’elle soit démodée » [7]. Dans les années 1980, certains auteurs le traitèrent parmi d’autres surnoms régionaux comme une curiosité de la ville ; une forme de « naturalisation » de ceux qui, venant d’ailleurs (fuereños), pouvaient pourtant se considérer « affectivement » comme des locaux. Or, le sens général de coleto resta celui donné para Aguirre Beltrán, sans tenir compte du fait que Ruz indiqua en 1982 que le mot provenait « du gilet de l’ancien costume des Espagnols » [8]. Plus tard, le mot fut expliqué seulement dans des ouvrages anglais, comme celui de O’Connel en 1995, dans lequel il est spécifié que coleto « est le [nom du] résident de la villa de Ciudad Real [et] dérivé de la petite queue de cheval [little pig tail] portée par les Espagnols, semblable à celle que portent de nous jours les toreros » [9]. Benjamin donna une explication similaire en 2000 [10].
Coleto fit donc référence à un aspect de l’Espagnol, bien que les auteurs divergent sur l’origine du mot : « au siècle passé [XIXe] » pour Aguirre Beltran ; « pendant l’époque coloniale » pour O’Connel ; « au XVIIIe siècle » pour Benjamin, et même aux débuts du XVIIe siècle pour Aubry [11]. De quelque manière que ce soit, la référence s’accompagne de la réputation despotique des autorités concentrées à San Cristóbal, à l’époque coloniale siège politique et religieux nommé Ciudad Real mais aussi – à titre informel – « Chiapa des Espagnols ». En 1985, Garcia de León fut le premier à ironiser sur les « notables coletos » du conseil municipal en 1804, qui rejetèrent les esclaves africains et admirent sans remords avoir « d’autres bras à utiliser » [12]. D’autres auteurs insérèrent coleto comme synonyme des groupes conservateurs associés au gouvernement municipal, au clergé ou à l’élite de San Cristóbal [13]. De par ce fait – l’attention fixée sur ces groupes de pouvoir – on vit disparaître le reste de la société qui habitait aussi la ville. Le dynamisme et la diversité des différents groupes sociaux furent ignorés. L’ancienne capitale du Chiapas demeura semblable à une ville utopique ; sans tensions ni contrastes internes.
A quelques exceptions près [14], à la fin du XXe siècle coleto fut accepté subitement en tant que catégorie théorique au Chiapas, comme indicateur invariable du ’blanc’ ou du dominant. Toutefois, en 1995, Pitarch publia un article sur le langage d’exclusion à San Cristóbal et dans les communautés limitrophes, et, curieusement, coleto n’apparaît pas [15]. Etant donné que c’était le moment d’une confrontation politique majeure entre les (authentiques) coletos et les zapatistes, nous ignorons si les personnes consultées pour l’article de Pitarch mentionnèrent le mot. Quoi qu’il en soit, ce travail renoua effectivement avec les observations anthropologiques réalisées plusieurs décennies plus tôt par Colby et Van der Berghe (1961), Pitt-Rivers (1973) et Wasserstrom (1983) [16]. Ces derniers firent référence à une expression que Pitarch ne mentionne pas non plus : le « ladino », voire la catégorie sociale traditionnellement opposée à « Indien ».
Comme identité de pouvoir, coleto provient peut-être d’un passage aujourd’hui oublié, qui eut lieu à la fin de l’époque coloniale. À cette époque là on ne fit plus allusion à aucune natte de conquistadors espagnols mais – donnant raison à Ruz – à une casaque ou un gilet imposé par la municipalité comme uniforme officiel.
Le conseil municipal (cabildo) de Ciudad Real (nom colonial de San Cristóbal de Las Casas) avait été depuis 1528 un organe important de l’autorité de la province du Chiapas. Cependant, en 1570 la Couronne autorisa une instance supérieure au Chiapas : l’alcaldía mayor, sous la juridiction de l’alcalde mayor [17]. Désormais, le conseil municipal seulement peut couvrir les fonctions judicaires et exécutoires correspondant à toute l’alcaldía mayor lors de l’absence d’alcalde mayor. Cette rivalité s’intensifia et provoqua la disparition du conseil municipal à plusieurs reprises pendant le XVIIIe siècle [18]. Le motif majeur de dispute fut le contrôle du commerce, à travers un système coercitif connu sous le nom de repartimiento ou répartition de marchandises. Ce dernier consistait en la distribution de prêts monétaires et/ou la vente forcée de produits superflus aux Indiens, dans le but de s’approprier leur production d’artisanat et agricole. Sans le conseil municipal la figure d’alcalde mayor se renforça, tandis que le repartimiento fut constamment dénoncé mais, dans les faits, il s’est avéré en pièce fondamentale de l’économie coloniale. En justifiant une meilleure perception du tribut indien, en 1769 on divisa la grande juridiction de l’alcaldía de Chiapa, avec deux sièges respectifs à Ciudad Real et Tuxtla. Comme il fallait s’y attendre, les abus du système de répartition prirent de l’ampleur et furent dénoncés particulièrement par des membres du conseil municipal (quand il existait), ainsi que par l’évêque et le clergé du diocèse. Or, il ne s’agissait pas d’une protestation humaniste en faveur des Indiens, mais plutôt d’une démarche intéressée visant à réclamer des bénéfices économiques considérables, obtenus par le système de repartimiento.
En 1778, l’évêque du Chiapas critiqua à nouveau le système de « répartitions et commerces », laissant l’une des meilleures descriptions de son « art et machine » [19]. Bien sûr, l’Église intervenait dans le système de répartition en tant que société économique majeure de la province. Toutefois, face au manque de participation politique directe, l’évêque Polanco suggéra le rétablissement du conseil municipal de Ciudad Real pour faire contrepoids à l’alcalde mayor. Le prélat proposa alors que le conseil municipal soit rétabli « conformément aux lois de la monarchie », bien qu’il sache que la vente de fonction était de coutume. La contradiction survint en voyant que certains candidats ou « hommes de bien » conseillés par Polanco étaient des ex-fonctionnaires, grands commerçants et quelques particuliers accusés d’être dirigeants ou complices du système dénoncé. Comme il était déjà arrivé auparavant, le nouveau conseil municipal fut occupé par ceux qui payèrent les postes [20].
En 1784, l’Audience du Guatemala prohiba sans succès tout commerce aux alcaldes mayores. Puis, entre 1786-1789 fut créée l’Intendance du Chiapas qui réunit l’ancienne juridiction de la province (l’alcaldía mayor de Chiapa) et ajouta le gouvernement du Soconusco. Ce changement faisait partie de la politique royale de l’époque bourbonienne, qui cherchait à renforcer la centralisation administrative du royaume espagnol. Au niveau local, il était censé finir la prédominance des alcaldes mayores sur le commerce. Les membres du conseil municipal profitèrent alors du fait que l’ayuntamiento (mairie) de Ciudad Real fut le plus prestigieux de la province jusqu’en 1821, pour correspondre à la seule ville du Chiapas et donc pour être composé par des ’Espagnols’. Comme il était arrivé avant avec les alcaldes mayores, ceux de l’ayuntamiento continuèrent de se disputer avec les intendants le contrôle des revenus du Chiapas jusqu’à la fin de l’époque coloniale.
Au tournant du XIXe siècle, la mairie dut affronter les bouleversements venant de la captivité de Ferdinand VII, ainsi que les prémices de lutte pour l’Indépendance de la Nouvelle Espagne. Continuellement, on y débattait du manque de fonds pour couvrir les salaires élevés et les dépenses bureaucratiques excessives, ou pour financer le séjour du député de Chiapas à las Cortes (l’Assemblée) de Cadix [21]. D’une part, l’Eglise et les contribuables se refusaient à payer des droits économiques à faveur des fonds publics municipaux, basés sur le commerce [22]. D’autre part, les factions émergentes des régions plus riches de la province voyaient la mairie de Ciudad Real comme un obstacle à leur accroissement. Malgré les problèmes et la convoitise suscités, la préoccupation des membres de la municipalité était d’obtenir le poids d’une véritable autorité, paradoxalement par des moyens en désuétude. Ils demandèrent ainsi entre 1817 et 1819 un uniforme « en reconnaissance de leur fidélité et de multiples services rendus à la Couronne espagnole » [23]. Le 27 avril 1819 fut autorisé un costume constitué d’« une casaque et un caleçon noir » [24]. A cette époque-là, la casaque était déjà synonyme de coleto mais non pas pour définir une coiffure, mais plutôt une veste militaire ceinturée.
Si le mot coleto provient de cette étymologie, on voit bien qu’il ne correspond pas au conquistador du XVIe siècle, mais plutôt au fonctionnaire du début du XIXe siècle. Cette différence de trois siècles ne peut pas être ignorée, en commençant par le fait que la composition ethnique de la ville ne fut jamais exclusivement ’espagnole’ [25].Or, coleto n’était pas le mot utilisé en 1819. Il faudra attendre presque quatre décennies pour qu’il apparaisse par écrit, et quatre décennies de plus pour qu’il y ait association avec la natte des Espagnols. Nous verrons par la suite que la première apparition, loin d’avoir une connotation glorifiante, signalait les Indiens du Chiapas arrivant dans l’État voisin du Tabasco, en tant que soldats rustiques ou en tant qu’humbles tamemes (porteurs de marchandises).
En 1858, le gouverneur du Chiapas souligna les « relations mutuelles de commerce, de voisinage et même de parenté qui lient les enfants du Tabasco et du Chiapas » [26]. Il tenta de limer les aspérités dues à un litige juridictionnel entre les deux États deux ans auparavant ; désaccord qui fut connu au Tabasco comme La guerra de los coletudos, en se référant aux habitants du Chiapas de façon méprisante. En 1858, le gouverneur du Chiapas était reparti au Tabasco mais pour défendre la cause libérale, et alors les tabasqueños s’y référèrent comme La segunda guerra de los coletos, en atténuant le sens péjoratif de l’antérieur « coletudos ». Los coletos de 1858 étaient, selon le gouverneur conservateur contesté au Tabasco, des troupes de « garçons rusés » ou « de la racaille, des vandales qui ne viennent que pour le pillage et la tuerie » [27]. Ce même gouverneur généralisa l’usage de « Chamulas » pour désigner les habitants du Chiapas, comme si tous avaient pour origine la municipalité indienne de Chamula (situé à quelques kilomètres de San Cristóbal, l’une des plus peuplés et pauvres du Chiapas à l’époque). Le gouverneur chiapaneco, quant à lui, dénonça la persécution endurée au Tabasco par des « pauvres commerçants innocents » arrivant de tout le Chiapas [28]. Ces commentaires controversés montrent qu’au milieu du XIXe siècle le mot coleto ne faisait aucune référence à une noblesse coloniale mais, bien au contraire, à la pauvreté et même à une certaine dangerosité des Indiens. Nous reviendrons aussi sur la relation entrevue avec l’activité commerciale.
Les tabasqueños continuèrent d’utiliser le mot coleto au moins jusqu’au milieu du XXe siècle [29]. Les habitants de San Cristóbal, de leur côté, se reconnaissaient à la fin du XIXe siècle comme sacatecos, en rapport avec le nom nahuatl de la vallée : Sacatán (sic) [30]. Un journal d’étudiants de 1889 met en évidence que coleto était déjà connu dans la ville avec la définition actuelle qui réfère la natte espagnole. Or, l’ancienne capitale du Chiapas percevait alors le terme comme une étrangeté. La note du journal met en évidence l’usage de coleto dans le reste du Chiapas ainsi qu’au Tabasco mais, curieusement, il revenait aux « principaux Espagnols » qui gardaient leur coiffure en natte « à l’usage de leur pays ». On relève ici un premier pas vers l’acceptation de coleto par les gens concernés en tant que tels : nuancer sa connotation négative ou en tous cas la faire passer du faible au puissant. Soudain, pour ceux-ci le surnom ne signalait plus l’Indien, mais l’Espagnol. La note elle-même souligne que ses auteurs, bien que peu convaincus, préférèrent la coiffure en natte comme un trait admiré par les « habitants des villages » (les Indiens). La casaque en fut ignorée mais on accepta que coleto avait une similitude avec chapín, car ce nom venait également du « détail le plus notoire » des capitolins du Guatemala : une sorte de chaussure utilisée par les « principaux de jadis » [31]. Dans cette dernière comparaison, on ne mentionna pas l’hostilité que provoquaient coleto et chapín, tout comme gachupín (le surnom sarcastique de l’Espagnol, utilisé à la Nouvelle Espagne). Au contraire, toute allusion politique en fut évitée.
Coleto était donc un nom méprisant à la fin du XIXe siècle, bien que relevant d’une ambiguïté plus marquée. A la différence d’aujourd´hui, son rejet oscillait entre sa première relation avec « l’Indien » puis avec « le blanc ». Cependant, coleto cessa de faire référence à « la plèbe » du Chiapas en général, pour qualifier les « principaux » de San Cristóbal. Le commentaire de 1889 paraît alors moins fortuit ou innocent lorsqu’on sait que depuis les années précédentes, Tuxtla Gutiérrez et San Cristóbal rentrèrent en confrontation pour le titre de capitale de l’État du Chiapas [32]. Si les habitants de San Cristóbal reprochèrent auparavant aux guatémaltèques la pauvreté et la marginalisation de la province pendant la période coloniale [33], ils furent par la suite accusés de méfaits semblables. Les habitants du reste du Chiapas – Tuxtla essentiellement – critiquèrent ceux de San Cristóbal avec les mêmes arguments que eux avaient lancés contre le Guatemala pour favoriser l’union de la province au Mexique entre 1821 et 1824. Coleto obtint ainsi l’image du monopolisateur des privilèges sociaux, dont les avantages étaient disputés par des détracteurs situés dans d’autres villes du Chiapas. Une partie essentielle de ces privilèges consistait à contrôler la force de travail venant de la grande population indigène de Los Altos (Haut-Plateau du Chiapas, région montagneuse correspondant à San Cristóbal et les villages environnants).
En 1892, Tuxtla Gutierrez devint finalement la capitale du Chiapas et San Cristóbal se contenta du titre de chef-lieu du département de Las Casas. Par la suite, le reste du Mexique et même d’autres pays commencèrent à considérer la population indienne du Chiapas comme un ’attrait économique’. En 1897, le Nord-Américain William Byam qualifia le département de Las Casas comme le plus central, au plus fort taux de population indienne, mais également le moins bien desservi par les voies de communication et aux niveaux d’éducation et de richesse les plus bas [34]. Byam mit en relief l’abondance de main d’œuvre avec la population indienne, avec un coût « si bas », de neuf à douze centavos et demi par jour [35]. Les Indiens représentaient une véritable utilité en tant que « porters », c’est-à-dire tamemes ou porteurs pour le passage de personnes et de produits à travers les chemins tortueux du Chiapas (voir l’Illustration 2). Il souligna leur grande capacité de charge (l’équivalent de 38 à 46 kilos) [36], avec juste l’aide d’un mecapal [37]. Byam s’intéressa aux Indiens qui transportaient des marchandises venues du Tabasco [38], en particulier les Indiens chamulas qui ravitaillaient le marché de San Cristóbal et, de plus, emportaient sur leur dos des articles à travers tout le Chiapas [39].
Au niveau international on aperçut le potentiel du Chiapas se trouvant dans la force de travail indienne. Si à l’intérieur de l’État, coleto se dessinait comme le symbole décadent du pouvoir, hors des limites régionales il se distinguait comme étant une ressource humaine à exploiter, concentrée dans les froides montagnes de Los Altos de Chiapas. Le mot avait donc deux significations différentes, mais dans tous les cas, il symbolisait anachronisme, injustice et recul. L’intérêt porté aux Indiens n’était cependant pas une nouveauté. Pour expliquer cela et donner d’autres précisions sur la signification de coleto il nous faut revenir au système de repartimientos (répartition des marchandises) dès l’époque coloniale, aussi bien qu’à la décentralisation du commerce impulsée par la Couronne espagnole à la fin du XVIIIe siècle.
Les gouvernements du Chiapas ont été continuellement intéressés par le contrôle de la main d’œuvre indienne ainsi que par l’amélioration des voies de communication, deux aspects en relation directe avec l’essor commercial. Dès le 28 janvier 1541, la Couronne avait avisé le gouverneur du Guatemala de ne pas utiliser les Indiens pour porter les marchandises, « préparer les chemins », ou encore en remplacement des chevaux dans le transport de personnes [40]. Cependant, en 1679, l’évêque dénonça les extorsions du juge de paix commises au détriment de l’économie locale et notamment de « premiers fils des conquistadors » à Ciudad Real [41]. Il expliqua que, de même que les villages indiens étaient obligés d’acheter des mules à des prix élevés, les riverains espagnols subissaient les conséquences des « prix convenus » (plus élevés) qu’impliquait le commerce à dos de mules (raison pour laquelle traditionnellement ils préféraient d’utiliser les Indiens comme mode de transport). En 1695, l’évêque qui lui succéda condamna le fait que les Indiens devaient fournir des mules dans les incursions belliqueuses contre les Indiens insoumis [42].
Les Indiens continuèrent de transporter des passagers sur leur dos, comme on pouvait le constater en 1774 dans le village d’Ixtacomitán [43] (voir l’Illustration 3). Malgré cette réalité, en 1805, on releva de manière cynique que le mauvais état des chemins étaient dû au fait que les Indiens ne se préoccupaient pas de leur entretien, ainsi « faisaient-ils leur commerce » ou obtenaient leur rémunérations « en transportant des passagers sur leur dos pour traverser les fleuves » [44]. En 1820, il était possible d’aller jusqu’à l’embarcadère de Palenque à dos de mule (et « non plus à dos de ses semblables » [45]), grâce à la réouverture momentanée du chemin Bachajón-Palenque. Toutefois, l’emploi d’Indiens comme moyen de transport perdura. Rien d’étonnant à cela puisqu’il s’agissait d’un service pratiquement gratuit, à la différence du coût de revient des bêtes de charges qui augmenta considérablement entre 1769 et 1819 ; c’est-à-dire entre la division de l’alcaldía mayor de Chiapa (voir p. 7), et jusqu’à peu avant l’indépendance de l’Espagne [46]. Après l’époque coloniale, en 1855, le curé du village de San Andrés écrivit une lettre en admettant encore le bénéfice qu’il obtenait en tant qu’intermédiaire pour l’embauche de tamemes [47]. L’ecclésiastique indiquait que les Indiens étaient plus rentables pour parcourir les dangereux chemins de la zone ; avantage qui augmentait en considérant que, à l’inverse des mules, « il n’y avait pas de perte d’investissement » en cas de décès pendant le trajet (selon l’expression de Viqueira) [48]. Les conditions de transport ne changèrent donc pas, comme on peut le noter jusqu’à la description de Byam en 1897. Les Indiens continuèrent de transporter de lourdes charges à travers le Chiapas et les régions voisines.
Quant aux chemins chaotiques de la province, on chercha à les améliorer depuis la création de l’Intendance en 1789. De la même manière, et dans le but de promouvoir le travail artisanal et la culture des matières premières, on pensa permettre aux Indiens de faire commerce librement de leurs produits [49]. Entre 1780 et 1790, s’ouvrit également un port dans la province voisine du Tabasco [50]. Dans ce cadre, le commerce du Chiapas se dynamisa et se multiplia entre le Golfe du Mexique, le Guatemala et Oaxaca, et fit ainsi de l’État du Chiapas un point de confluence. Entre 1790 à 1802 fut établi le port fluvial d’El Salto, alors que Tuxtla et Ciudad Real captaient autant les produits à y distribuer que ceux destinés à l’exportation. Cette décentralisation du commerce nous indique, par exemple, une possible apparition du mot coleto au Tabasco, grâce aux contacts avec ce port dont les échanges commerciaux se multiplièrent par cinq [51]. En effet, par le dit port, le Chiapas exportait des matières premières comme la cochenille, le cacao, le coton, les peaux, le tabac, le sucre ou encore le bétail, en échange d’autres articles qui étaient introduits pour effectuer les répartitions ou encore pour être vendus sur les petits marchés des villages. Lorsque le monopole guatémaltèque sur le commerce se retrouva en crise en 1811, les grossistes du Chiapas intensifièrent leurs relations avec Oaxaca.
La prolifération de l’activité commerciale à tous niveaux menaça le monopole qu’affichait une minorité. En 1778, l’évêque se plaignit que des personnes « brillantes » étaient devenues commerçants ou contrebandiers [52]. En 1800, on accusa de mettre à mal la production locale avec l’apport d’articles d’origine anglaise, depuis le Tabasco [53]. En 1819, le gouverneur intendant fit un rapport précisant que l’ouverture du port du Tabasco « donna le goût à ses habitants au trafic ainsi qu’à l’introduction de produits clandestins qui diminua l’agriculture, également les arts et l’artisanat » [54]. Cette même année, la Société Economique des Amis du Chiapas accusa aussi le commerce de « corrupteur » de l’activité artisanale. Elle déclara aussi que « les richesses publiques » avaient essentiellement bénéficié aux Espagnols ainsi qu’aux ladinos grâce au commerce « légitime et clandestin », laissant les Indiens « plus pauvres que jamais » [55]. La Société mentionna encore que « l’introduction de marchandises de manière frauduleuse permit à une multitude d’hommes de se dédier à ce trafic [et partager] entre plusieurs le profit jadis destiné à quelques-uns » [56]. La plainte continua en 1821 à travers la voix de nombreux riverains de Ciudad Real qui déclarèrent avoir « perdu le commerce » de la province : ainsi, depuis Campeche et Tabasco on apportait « de nombreux articles clinquants mais c’est une tromperie car ils sont pourris, et on prend en échange le peu d’argent qu’il nous reste » [57].
Les profits du commerce étaient distribués par des groupes de pouvoir et de nécessaires intermédiaires qui en bénéficiaient jusqu’à un certain point. A partir de l’abolition des alcaldes mayores, certains d’entre eux à l’aide de procureurs ou assistants formèrent des entreprises commerciales [58], tandis que les nouveaux intendants et leurs sous-délégués devinrent également ou étaient déjà des agents commerciaux. Bien que le clergé pouvait considérer ces derniers comme gênants, il usa de son autorité « pour obliger les Indiens à travailler gratuitement et acheter des choses superflues » [59]. Finalement, au sein des villages indiens, les membres des cabildos (renouvelés chaque année) gardaient leur autorité en exigeant à leur peuple des tributos et des services. Pour cette raison, et même si on a pu observer que l’Intendance du Chiapas bénéficia à une faction émergente (des nouveaux commerçants ou propriétaires agricoles/éleveurs de la zone commerciale [60]), on remarque également ces groupes réformistes regrettant après coup le système de repartimiento.
Certains secteurs inférieurs bénéficièrent également du commerce, comme quelques Indiens du village de Zinacantán. En effet, depuis l’époque préhispanique et encore au XVIIIe siècle (avant ses voisins chamulas vus par Byam à la fin du XIXe siècle), les zinacantecos se dédièrent au transport des marchandises et furent devenus des agents commerciaux de Ciudad Real avec « ses wits ou mules [pour] voyager aussi loin comme jusqu’à Oaxaca ou Tabasco à la recherche de clients pour leurs marchandises » [61]. Toutefois, les grands commerçants associés au monopole guatémaltèque poursuivaient quiconque vendait ses produits à bon marché dans les villages, les considérants « nocifs ». En 1793, fut créé au Guatemala un Consulat du Commerce qui intensifia la lutte contre ces petits concurrents (appelés regatones) [62]. Le Consulat s’appropria en plus le grand commerce illégal qui arrivait du Tabasco. Certains de ces puissants persécuteurs de commerçants « déloyaux » oublièrent certainement que lorsqu’ils avaient commencé leur propre commerce, ils avaient été persécutés également en tant que « contrebandiers » [63]. C’est de cette façon que le grand patronat de la fin du XVIIIe siècle fit fortune en tant que transporteurs ou arrieros (muletiers), et purent ainsi avec leurs profits acheter des propriétés rurales et se transformer éventuellement en puissants entrepreneurs agricoles (finqueros ou hacendados).
Est-il alors possible que le coleto ait pu être à la fois le petit regatón, le muletier et le puissant commerçant ? Dans ce cas, plus qu’une identité, il s’agit d’un processus complexe d’ascension économique et sociale, basé sur le défi et l’éventuelle substitution ou recomposition d’une minorité monopolisatrice. Malgré les changements politico-administratifs qui eurent lieu dès la fin du XVIIIe, et surtout après l’indépendance politique de l’Espagne, le système de répartition se consolida comme un mécanisme structurel de l’économie de la province, sur lequel s’appuyèrent les institutions politiques et religieuses issues sous l’Etat mexicain. Les Indiens, au contraire, devaient demeurer dans leur condition servile, disponible et gratuite pour accélérer la circulation commerciale. Pour cette raison, le discours retentissant cultivé au Chiapas exaltait les différences irréconciliables entre « les Indiens » et « les blancs » ; considérant « un phénomène politique qui, ayant tant de races différentes en Amérique, ne se soit pas confondu en nation en un laps de temps de trois cent ans » [64].
Les regatones ne furent donc pas seulement persécutés pour la concurrence commerciale minime qu’ils représentaient, mais parce qu’ils échappaient à la condition d’indio. En effet, à l’aube de l’Indépendance, on souligna qu’au Chiapas, les coutumes, la langue, la tenue vestimentaire, les aliments et même les « préoccupations » des Indiens étaient différents « de ceux qui ont été distingués jusqu’alors avec le nom des Espagnols » [65]. On disait aussi que les Indiens devaient rester soumis au tribut « qui les caractérisait essentiellement ». Si les Indiens devaient continuer de conduire simplement et « indifféremment » les charges des troupes adverses, on croyait en échange que le progrès permettrait d’arriver à une meilleure relation avec les provinces mexicaines du Tabasco et d’Oaxaca. Il en résulte que depuis la séparation du Guatemala, on insiste sur l’inclination des chiapanecos vers les Mexicains, « avec qui ils ont leurs penchants, leur parenté et leurs relations commerciales » [66].
Conformément à ce qui a été dit, l’Indien se considérait comme tel et ainsi devait-il perdurer par sa contribution économique (le tribut). Par là même, ce n’est pas étonnant qu’un bon nombre d’Indiens cherchèrent leur émancipation à travers une plus grande diffusion du commerce, ou à l’intérieur des réseaux gouvernemental et ecclésiastique, de plus en plus étendus. Ces indiens intermédiaires furent nommés au début de la colonisation « ladinos » ; d’abord par leur capacité de parler espagnol, mais après cette dénomination a réunit progressivement différents groupes ethniques placés entre un Espagnol et un Indien, jusqu’à se fixer comme une catégorie globale opposée à l’Indien. Ainsi, parmi les ladinos de la société coloniale ont été inclus des Indiens acculturés, des métis (fils d’Espagnols et d’Indiens), et des individus mélangés biologiquement (entre des européens, des indiens et/ou des noirs). La relation intime entre « ladino » et « coleto » est ainsi mise en évidence, a priori l’un comme une identité ethnique et l’autre comme un mécanisme d’ascension sociale. Coleto se fragmente alors entre dominants et opprimés ; entre groupes de pouvoir et émergents. Le mot surgit d’abord en relation avec le transport et la servitude attribués à l’Indien, qui devait demeurer nation à part « jusqu’au point de sa civilisation » [67], pour servir de réserve humaine destinée à la production. Après, coleto a été appliquée aux petits et grands commerçants, ou aux fonctionnaires mineurs qui créèrent leurs fortunes par le commerce. Finalement, le terme parait avoir été mis en rapport avec les autorités politiques et religieuses, qui se disputaient pour s’accaparer les privilèges.
Voilà les quelques conditions historiques se rapportant à coleto qui étaient restées en-dehors du phénomène politico-social récent. Il nous reste à expliquer comment ce terme péjoratif finit par être accepté en interne, au moyen d’un remaniement sémantique qui eut lieu au milieu du XXe siècle.
Durant la première moitié du siècle dernier, coleto désigna les divers produits manufacturés artisanalement à San Cristóbal (tels que chaussures [68], pain, friandises, jouets ou eaux de vie fruitées). Le mot qualifiait également quiconque emportait ces produits dans les villages lors des ferias (foires) régionales ; habituellement des ladinos vivant à la marge de la ville ou les Indiens des communautés limitrophes. Cependant, en 1960 l’écrivain Rosario Castellanos nomma « coletos » aux habitants de San Cristóbal, afin de mettre en évidence une aristocratie provinciale et oppressive [69]. Castellanos qualifia ainsi la ville comme de « métropole ladina » [70], où la culture du patronat faisait loi par « une race, une langue, une histoire que les coletos possédaient et que les Indiens étaient incapables d’acquérir ni d’improviser » [71]. Castellanos avait coutume de dire que ses poèmes, ses pièces de théâtre et ses romans n’avaient ni temps ni séquence logique. Toutefois, en choisissant le titre de Ciudad Real pour une série d’histoires, et en situant dans son roman Oficio de Tinieblas un ancien conflit social (1867-1869) à l’époque du Cardénisme mexicain (1934-1940), l’écrivain réussit à réinvestir les caractéristiques coloniales de la ville. La décadence et la prépotence furent unies de manière insoluble dans une continuité métahistorique : « Parce que la splendeur de Ciudad Real appartenait déjà à la mémoire […] cernée par un anneau étroit de communautés indiennes, secrètement ennemies » [72]. D’après l’indigénisme et la vision magico-réaliste des sciences sociales de l’époque [73], Castellanos accentua la dichotomie sociale existante à Los Altos de Chiapas « par des exigences esthétiques » [74]. Avec son œuvre, les antipodes ethniques de la zone se définirent entre ’les blancs’ de San Cristóbal et ’les Indiens’ des communautés voisines.
Ironiquement, la redéfinition de Castellanos favorisa le fait que les habitants de la ville s’identifièrent finalement en tant que « coletos ». Pour ceux-ci, l’air mythique de la conquête servit à pallier leur pauvreté, ou la décadence que l’écrivain avait aussi remarquée. L’enlisement de la ville fut modéré par la nostalgie d’un passé légendaire, tandis que l’usage de coleto augmenta grâce à deux autres facteurs : 1) Deux gouverneurs de l’État furent des ’fils’ de San Cristóbal et se déclarèrent fièrement comme « coletos » [75]. 2) L’arrivée à partir de 1976 des premiers expulsés des communautés indiennes [76]. L’accroissement de la population de la ville eut lieu subitement, et San Cristóbal resta alors divisée entre les anciens habitants de la vallée d’un côté et de l’autre les Indiens, les métis du reste du Mexique ainsi que les étrangers. La correspondance entre l’essor du surnom et la croissance de San Cristóbal reste surprenante : si dans la première moitié du XXe siècle la population passa à peine de 15 357 à 17 473 habitants, entre la deuxième moitié et l’année 2010 elle augmenta de 23 343 à 158 027 personnes (voir l’Illustration 4). La ville a actuellement une forte densité de population (de 56 habitants au kilomètre carré en 1960, elle a passé à 274 habitants approximativement en 2010).
L’augmentation vertigineuse de la population et l’intensité des événements lors du dernier changement de siècle figèrent coleto comme le symbole des anciens conquistadors, effaçant ainsi l’humble représentation de commerçants itinérants. Cependant, malgré l’image de fierté oligarchique qui s’en est fait, au sein de l’État continuent de circuler les postes de coletos dans les ferias, tandis que les habitants de San Cristóbal continuent d’exprimer leur rivalité de diverses manières – y compris de façon amicale et/ou sarcastique – avec les autres populations du Chiapas.
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[1] Le mot Sacateco apparut dans La Juventud Chiapaneca, Periódico de ciencias, letras y variedades, Órgano del Liceo Chiapaneco. San Cristóbal, marzo 15 de 1889. Tomo I. Núm. 12 (Biblioteca Manuel Orozco y Berra, Colección Chiapas, Ciudad de México (BMOB), Tomo I. Núm. 12 (microfilm, t XI). Hueyzacatlán et Jovel sont des mots respectivement nahuatl et tzotzil (l’une des langues Maya du Chiapas).
[2] Aubry a rompu le mythe historiographique de la ville en tant que berceau de nobles hidalgos, en analysant en revanche l’enceinte espagnole autant que les barrios (quartiers) indiens. A. Aubry, San Cristóbal de Las Casas, su historia urbana, demográfica y documental, 1529-1990, San Cristóbal de Las Casas, 1991, p. 18. Cette idée reste encore valable mais elle peut déjà être révisée ou prolongée vers les différents groupes urbains intermédiaires (non ’Espagnols’, non ’Indiens’).
[3] Manifeste du 7 mars 1994, rédigé par le président municipal et dix signataires supplémentaires.
[4] J. Volpi, La Guerra y las Palabras : Una historia intelectual de 1994, México, 2004, p. 66.
[5] ONG Sipaz, “Pueblo : connaît tes ennemis et les responsables de la guerre”, http://www.sipaz.org/htm (en espagnol, consulté en août 2007).
[6] E. Sanz Jara “La diferencia étnica construida por el Estado : Identidad nacional mexicana e identidad indígena”, en Revista Liminar, Tuxtla Gutiérrez, 2005, pp. 92-111 (p. 93).
[7] G. Aguirre Beltrán, Regiones de Refugio. El desarrollo de la comunidad y el proceso dominical en mestizoamérica, México, 1973, p. 233
[8] M. H. Ruz, Los legítimos hombres : Aproximación Antropológica al grupo Tojolabal, México, 1982, p. 78.
[9] J. O’Connel, Prospero’s daughter : the prose of Rosario Castellanos, University of Texas Press, 1995, p. 151.
[10] T. Benjamin, “A Time of Reconquest : History, the Maya Revival, and the Zapatista Rebellion in Chiapas”, in The American Historical Review, vol. 105, no. 2, 2000, pp. 417-450 (p. 433).
[11] A. Aubry, op. cit., p. 19.
[12] A. García de León, Resistencia y utopía. Memorial de agravios y crónica de revueltas y profecías acaecidas en la provincia de Chiapas durante los últimos quinientos años de su historia. Tomo 1. Ediciones Era, México, 1997, p. 101.
[13] Voir par exemple dans M. Olivera y D. Palomo (coords.), Chiapas : De la Independencia a la Revolución, México, 2005 : Mario Vázquez Olivera (pp. 53-72) ; Stephen Lewis (pp. 73-97) y Mercedes Olivera (pp. 163-178).
[14] Voir D. Rus, Mujeres de Tierra Fría. Conversaciones con las coletas, Tuxtla Gutiérrez, 2002, et L.R. Bermúdez, dans Olivera y Palomo, op. cit (pp. 199-214).
[15] P. Pitarch, “Un lugar difícil : estereotipos étnicos y juegos de poder en los Altos de Chiapas”, en Chiapas : los rumbos de otra historia, México, 1995, pp. 237-250.
[16] B. Colby y P. Van den Berghe, “Ethnic Relations in Southeast Mexico”, in American Anthropologist, New Series, vol. 63, no. 4, 1961, pp. 772-792 ; J. Pitt-Rivers, “Words and Deeds : The ladinos of Chiapas”, in Man, New Series, Vol. 2, No. 1, 1967 (Mars), pp. 71-86 ; R. Wasserstrom, Class and Society in Central Chiapas, Berkeley, University of California, 1983.
[17] L’alcaldía mayor fut une circonscription ou région administrative colonial comprenant grosso modo l’actuel État du Chiapas, sauf la zone costière du Pacifique. Comme le représentant du roi, l’alcalde mayor fut doté de certains pouvoirs judiciaires (de première instance) et exécutifs.
[18] Deux périodes importantes furent de 1713 à 1729, et principalement de 1748 à 1784.
[19] Boletín Archivo Histórico Diocesano (AHD), “Francisco Polanco, Analista de Chiapas”, vol. II, núm. 1, San Cristóbal de Las Casas, 1985, p. 42.
[20] Les principaux postes du cabildo furent payés : 550 pesos l’alcalde provincial (alcade) ; 500 pesos le regidor-alférez real (conseiller/sous-liutenant royal) et l’alguacil mayor (huissier) ; 300 pesos le depositario general (depositaire général) et les regidores (conseillers municipaux). Voir Jan de Vos y Claudia Báez, Documentos relativos a la historia colonial de Chiapas en el Archivo General de Indias : documentos microfilmados en el Centro de Estudios Mayas, México, 2005, p. 356.
[21] Boletín Archivo Histórico del Estado de Chiapas (AHCH), “El Ayuntamiento de Ciudad Real formula un Plan de Arbitrios para sufragar los gastos de su Diputado a las Cortes Españolas, Canónigo Mariano Robles Domínguez y Mazariegos, año de 1811”, Tuxtla Gutiérrez, 1961, p. 118.
[22] Par exemple, en 1811 le conseil municipal dénonçait que les dominicains devaient plus de 6,000 pesos, correspondant la vente de bétail et du cacao pendant vingt-deux ans. Ibid, p. 119.
[23] J. de Vos y C. Báez, op. cit., p. 392.
[24] J. de Vos y C. Báez, op. cit., p. 316.
[25] Les Conquerors arrivèrent en 1528 en compagnie des Indiens de l’Altiplano mexicain, qui furent installés dans les barrios (quartiers) encore connus comme Mexicanos et Tlaxcala.
[26] Boletín AHCH, “La campaña de Tabasco, 1858”, Tuxtla Gutiérrez, 1957, p. 82.
[27] Ibid, p. 84.
[28] Id.
[29] Voir F. Santamaría : El provincialismo tabasqueño. Ensayo de un vocabulario del lenguaje popular, comprobado con citas [1921], México, 1981, p. 63 : « Coleto : Le nom méprisant par lequel on désigne les habitants originaires de l’état du Chiapas » ; Diccionario de Mejicanismos Razonado : comprobado con citas de autoridades ; comparado con el de americanismos y con los vocabularios principales de los más distinguidos diccionaristas hispanoamericanos [1959], México, 1978, p. 273 : « Coleto : adjectif méprisant qui, principalement au Tabasco, s’applique aux habitants de l’état du Chiapas et plus particulièrement aux habitants de San Cristóbal ».
[30] La Juventud, 1899. Il faut noter que, par exemple, en 1664 on a parlé d’un « zacatero » pour faire référence à l’homme chargé de tondre –ou vendre- la pelouse (AHD, 20 octobre 1664).
[31] La Juventud, 1899.
[32] Le gouvernement de l’Etat du Chiapas fut transféré en 1834, 1858-1861 et 1864-1867, de San Cristóbal aux sièges provisoires de Chiapa (aujourd’hui Chiapa de Corzo) et Tuxtla (aujourd’hui Tuxtla Gutiérrez).
[33] M. Mier y Terán, “Descripción geográfica de la provincia de Chiapas” [1821], en Ateneo de Ciencias y Artes de Chiapas, vol. 3, Tuxtla Gutiérrez, 1952, p. 90.
[34] W. Byam, A Sketch of the State of Chiapas, Mexico, Los Angeles, 1897, p. 35.
[35] Ibid, p. 36. Le peso mexicain était équivalent au dollar jusqu’à 1903, année durant laquelle le peso se dévalua à US$0.42. En 1904 le gouvernement mexicain officialisa un changement de deux pesos mexicains par dollar (nouvelle dévaluation).
[36] Id., p. 44.
[37] Bande de coton ou fibre de maguey, fixée par les extrémités à deux cordes qui servent de soutien à la charge.
[38] W. Byam, op. cit., p. 45.
[39] Ibid, p. 36.
[40] J. de Vos y C. Báez, op. cit., p. 207.
[41] M. H. Ruz, Chiapas colonial : Dos esbozos documentales, México, 1989, p. 107.
[42] Ibid, p. 122.
[43] M. García Vargas y Rivera, Relaciones de los pueblos del obispado de Chiapas. 1772-1774, San Cristóbal de las Casas, 1988, p. 27.
[44] A. M. Carvalho, La ilustración del despotismo en Chiapas, 1774-1821, México, 1994, p. 223.
[45] Ibid, p. 263.
[46] Id.
[47] J. P. Viqueira, “Amar a Dios en tierra de indios”, ms., p. 19.
[48] Ibid.
[49] A. M. Carvalho, op. cit., p. 207.
[50] Ibid, p. 116 ; C. Ruiz Abreu, Tabasco en la época de los Borbones : comercio y mercados, 1777-1811, Universidad Autónoma de Tabasco, 2001, pp. 67-73. Le nom official du port était San Fernando de la Frontera, situé à environ 82 kms. du siège de Tabasco, Villa Hermosa de San Juan Bautista. Le port fut connu à l’époque comme le « port de Villahermosa » (voir par exemple Boletín AHCH, “Informe rendido por la Sociedad Económica de Ciudad Real sobre las ventajas y desventajas obtenidas con el implantamiento del Sistema de Intendencias, año 1819”, Tuxtla Gutiérrez, 1955 et 1956 ; ou C. Ruiz Abreu, op. cit., p. 67-68).
[51] Les ports principaux de Veracruz et Campeche envoyaient à celui de Tabasco des produits de première nécessité et des produits de luxe (C. Ruiz Abreu, op. cit., p. 75).
[52] R. Laughlin, La gran serpiente cornuda. ¡Indios de Chiapa, no escuchen a Napoleón !, México, 2001, p. 158.
[53] A. M. Carvalho, op. cit., p. 130. Notamment, des tissus furent introduits et rentrèrent en concurrence avec les textiles indiens.
[54] Boletín AHCH, “Informe” (primera parte), p. 100.
[55] Ibid, p. 106.
[56] Id., p. 105.
[57] Boletín AHCH, “Informe rendido por la Sociedad Económica de Ciudad Real sobre las ventajas y desventajas obtenidas con el implantamiento del Sistema de Intendencias, año 1819”, Tuxtla Gutiérrez, 1956 (continuación), p. 39.
[58] Carvalho, op. cit., p. 158.
[59] J. De Vos, Vivir en frontera. La experiencia de los indios de Chiapas, México, 1994, p. 124.
[60] Carvalho, op. cit., p. 116.
[61] R. Wasserstrom, “Spaniards and Indians in Colonial Chiapas, 1528-1790”, in Spaniards and Indias in southeastern Mesoamerica : essays on the history of ethnic relations, University of Nebraska Press, 1983, pp. 92-126 (p. 118).
[62] Carvalho, op. cit., p. 172.
[63] Ibid, p. 158.
[64] Sans titre, 1813-1821 (BMOB, microfilm, t. III).
[65] Sans titre, 1813-1821.
[66] Bonifacio Fernández, député devant le gouvernement Mexicain (16 janvier 1822).
[67] Sans titre, 1813-1821.
[68] Santamaría, op. cit. (1978), p. 273.
[69] R. Castellanos, Ciudad Real (cuentos), Universidad Veracruzana, 1960, p. 111.
[70] Prologue dans S. Francis, Habla y literatura popular en la antigua capital chiapaneca, México, 1960.
[71] R. Castellanos, Ciudad Real (op. cit., 1960).
[72] R. Castellanos, “La muerte del tigre”, en Ciudad Real (cuentos), México, 1997, p. 19.
[73] Selon Halperin Donghi, avec la mystification de l’Amérique Latine des années 1970 il y eu un « escamotage de l’histoire » passant, d’une part par la littérature qui la submergeait dans un temps cyclique, et d’autre part par les sciences sociales qu’y ont déclaré une réalité « épuisée » sans une « révolution rédemptrice ». Apud dans J. Brunner, “Modernidad : centro y periferia. Claves de lectura”, en Revista Estudios Públicos, núm. 83, Santiago de Chile, 2001, p. 257.
[74] R. Castellanos, Ciudad Real (op. cit., 1997), p. 359.
[75] Manuel Castillo Tielemans (1964-1970) y Manuel Velasco Suárez (1970-1976).
[76] J. Rus, “La nueva ciudad maya en el valle de Jovel. Urbanización acelerada, juventud indígena y comunidad en San Cristóbal de Las Casas”, en Chiapas después de la Tormenta. Estudios sobre economía, sociedad y política, México, 2009, pp. 177-181.
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