Dans les pays d’Amérique “Latine”, avoir un phénotype qui, dans l’imaginaire collectif, se rapproche de celui des européens, constitue un avantage important et recherché. Dans une famille de métis-blancs colombiens, et sans méconnaître la multiplicité des facteurs confluant dans le choix du conjoint, beaucoup d’alliances matrimoniales ont été motivées et stimulées par un « projet de blanchissement et d’ascension sociale ». Si du côté du métis ce projet permet d’accroître l’auto-estime, du côté du “blanc” il est susceptible d’améliorer les conditions objectives d’existence. La présente communication explore une construction identitaire à la lumière de l’influence de l’hégémonie occidentale et masculine. Le paradigme de la transaction sociale et les concepts de stigmate et de la représentation de soi de Goffman sont utilisés comme analyseurs.
Mots-clefs : Construction identitaire, masculinités, projet de blanchissement, histoire de vie, stigmatisation.
Identity construction between the project of whitening and the process of socialization to masculinity
In the social representations of “Latin-American” people, to have a Caucasian phenotype signifies an important and sought advantage. In a family of Colombian “half-breed-whites”, and without ignoring the multitude of other factors influencing the choice of a partner, many matrimonial alliances were justified and stimulated by a “project of whitening and social rise”. For the half-breed person this project seeks to increase self-confidence. For “white” people, on the other hand, it is thought to improve the objective conditions of existence. This paper explores the identity construction of one person as influenced by Western culture and masculine hegemony. The “Paradigm of Social Transaction” and Goffman’s concepts of “Presentation of Self in Everyday Life” and “Social Stigma” are used as analyzers.
Keywords : Identity construction, masculinity, whitening project, life history, social stigma.
Alfred Schütz [1]
En règle générale, depuis la période coloniale, dans les pays d’Amérique “Latine”, une forte hiérarchisation ethnoculturelle a permis aux personnes d’origine européenne d’occuper le haut de la pyramide sociale, reléguant les populations d’origine amérindienne et afro-américaine à sa base [2]. Dans beaucoup de ces pays, les élites ont promu d’abord et capté ensuite, au travers d’alliances matrimoniales, l’immigration européenne de la fin du XIXème et du début du XXème siècle [3]. Le résultat de ce processus fait apparaître que les élites sont composées majoritairement de blancs ou de métis-blancs, ce qui n’exclut pas que dans certaines régions les “blancs” soient largement représentés dans les milieux populaires. Cependant, la notion de race n’inclut qu’approximativement le phénotype de la personne. Elle se définit plus socialement que génétiquement et les rapports de pouvoir ne se fondent qu’en partie sur des critères ethnoculturels. En effet, comme partout ailleurs, d’autres logiques de hiérarchisation sociale structurent ces rapports de pouvoir. Ainsi, le racisme colonialiste fondateur se superpose à l’antagonisme de classe, au sexisme, à l’homophobie…
Sans négliger les changements récents portés par les mouvements d’émancipation actifs dans toute l’Amérique “Latine”, le racisme est toujours bien ancré [4]. Lors d’un concours de beauté, il a été demandé à la représentante bolivienne quel était l’un des concepts erronés le plus répandu à propos de son pays. En anglais hésitant, elle a répondu : « Malheureusement les gens qui ne connaissent pas beaucoup la Bolivie pensent que nous sommes tous des indiens. C’est La Paz qui est comme ça : des gens pauvres, très petits, des indiens… Je suis de l’autre côté du pays, de l’est (…). Nous sommes grands, nous sommes blancs et nous savons l’anglais. » [5]
Dans cette logique, les qualificatifs de « noir » et d’« indien » sont toujours utilisés comme des insultes dans presque tous les pays d’Amérique, alors qu’il ne viendrait à l’esprit de personne d’invectiver quelqu’un en l’appelant : « blanc ». Dans un autre registre, les études de genre ont montré que la domination masculine fonctionne avec le même schéma qui a assuré l’hégémonie culturelle et politique occidentale. Cette domination masculine est « présentée comme allant de soi, comme un phénomène naturel, intégré en quelque sorte à la division sociale et hiérarchique par sexe. » [6] Elle revêt une acuité particulière dans « le monde latino-américain métis [qui] est une organisation sociale résultant du viol où se perpétue et se légitime constamment la supériorité masculine et européenne. » [7]
Originaire de Medellín (Colombie), où la position sociale est fortement corrélée avec le bagage génétique [8], l’auteur s’intéresse à la construction identitaire familiale. Utilisant les récits de ses proches comme matériau, il décrit, reconstruit et analyse deux processus sociaux. Il s’agit, d’une part du « projet de blanchissement et d’ascension sociale », coutumier dans son entourage familial, et, d’autre part, de la socialisation à la masculinité hégémonique. Le travail autobiographique conduit l’auteur, qui est en même temps “l’objet” de sa propre recherche, à s’interroger sur ses propres certitudes et provoque chez lui comme un état d’éveil permanent qui à la fois l’amène et le prépare à être acteur conscient de sa construction identitaire. Si, dans la tradition positiviste, le « nous » s’associe à une conception du chercheur en extériorité à son objet et à la posture objectivante qu’il prétend adopter, la posture critique, quant à elle, s’accorde mieux avec le « je » [9]. Cette contribution alterne l’impersonnel « il », utilisé quand le chercheur prend de la distance par rapport à son objet, et le « je » quand il s’assume comme acteur de sa recherche, qu’il influence l’objet et se laisse modifier par celui-ci à travers une autoréflexivité. En rupture avec le positivisme, la démarche se veut volontairement émancipatrice, ce qui suppose de « réfléchir à ce qu’une connaissance permet d’infléchir ». [10] D’un côté, elle est l’occasion de repérer les conditionnements qui se reproduisent de génération en génération, ce qui est le premier pas pour s’en affranchir. De l’autre côté, elle met en lumière un processus de transformation qui concerne, d’une part, la revendication d’un patrimoine ethnoculturel enfoui, et, d’autre part, une distanciation par rapport à la socialisation dans la masculinité hégémonique.
Il est communément admis que travailler sur son histoire de vie contribue à la construction identitaire de la personne. Ce travail favorise l’émergence d’une « nouvelle conscience de soi (qui) a des répercussions sur l’agir de la personne et sur sa présence dans un milieu. » [11] Quant à la construction identitaire, elle est reconnue comme étant un « processus hautement dynamique au cours duquel la personne se définit et se reconnaît par sa façon de réfléchir, d’agir et de vouloir dans les contextes sociaux et l’environnement naturel où elle évolue. » [12]
Il est nécessaire de se distancer de certains vécus afin de pouvoir prendre la mesure de leurs effets. Il en va de même pour estimer la signification d’une rencontre, saisir les conséquences d’un choix et comprendre comment certaines interactions ont pu marquer une personne. La démarche « histoire de vie » [13], permet de mettre en évidence des événements fondateurs de l’existence et d’étudier, a posteriori, des épisodes d’un passé lointain ou très récent. Cette perspective engendre chez la personne qui l’accomplit une bonne connaissance de son existentialité tout en l’invitant à se reconnaître comme sujet actif et conscient de sa propre formation. Cette approche est pleinement éducative dans la mesure où elle englobe l’analyse de l’ensemble des structures et des institutions qui agissent dans la formation de la subjectivité, ainsi que les processus de socialisation, d’individuation et de développement (moral, cognitif, physique…).
A la différence d’un processus de récolte de données par entretien, par questionnaire ou par observation, le recueil d’un récit de vie suppose un dialogue authentique et une intimité certaine. Pour accomplir ce travail autobiographique, j’ai compté sur le concours de Marie-Christine Josso, spécialiste, chercheuse et professeure dans le domaine « histoires de vie ». Elle a été l’alter ego à la fois expérimenté, empathique, alerte et rigoureux, capable d’interroger mes certitudes et de formuler des questions intéressantes. J’ai profité d’un séjour en Colombie et au Panama pendant l’été 2011 pour recueillir des « récits croisés » [14] de plusieurs membres de ma famille [15], me donnant ainsi la possibilité de vérifier la cohérence diachronique de l’ensemble et de mes souvenirs.
Le cadre théorique général s’inspire du paradigme méthodologique de la transaction sociale et des concepts de stigmate et de la présentation de soi de Goffman.
La transaction sociale peut être considérée comme un enchaînement d’ajustements consécutifs qui permettent de parvenir à des compromis successifs et pratiques de coexistence. Le ressort de la transaction sociale est la prévention ou la résolution d’un conflit ; ses fonctions sociales sont l’apaisement collectif et la communicabilité. Elle suppose, par principe, le renoncement réciproque de prétentions des personnes engagées dans une interaction. Ces négociations, la plupart du temps implicites, rendent possible la coopération conflictuelle et la (re)création permanente du lien social [16]. Certaines transactions doivent rester tacites, faute de quoi elles peuvent être dénaturées. Un exemple de ce type concerne le cas de certains concierges d’immeubles assignés aux logements sociaux et qui, occasionnellement, faisaient office de médiateur lors de conflits de voisinage. Quand les responsables de ces logements ont voulu inclure dans le cahier des charges des concierges la fonction de médiateur, les concierges ont vivement refusé arguant que si le rôle de médiateur venait à être officialisé, ils risqueraient d’être sollicités à tout moment [17].
Du point de vue de la transaction sociale, l’interaction sociale est le lieu d’expression, d’une part, d’un ensemble de valeurs instituées, inculquées aux acteurs durant leur processus de socialisation. Plus précisément, concernant la socialisation à la masculinité, ces valeurs se traduisent par « les “male role norms”, injonctions culturelles faites aux hommes d’une société donnée à se conformer à un modèle de comportement identifié comme masculin ». [18] D’autre part, l’interaction sociale permet également l’émergence de valeurs et de représentations innovantes, ce qui dans le cas de la masculinisation peut se traduire par le concept de « “masculinity ideology”, qui correspond à l’intériorisation par chaque individu de ces normes culturelles » [19].
La construction identitaire est un produit transactionnel, incomplet par définition, au travers duquel l’acteur intègre certaines normes et valeurs de son groupe d’appartenance tout en en rejetant d’autres et en participant activement, parfois consciemment, aux modifications identitaires de ses proches. Le paradigme de la transaction sociale inspire plusieurs questions qui orientent la démarche, notamment : quelles transactions se sont opérées entre la personne réfléchissant à sa propre construction identitaire et les entrepreneurs de morale, « c’est à dire les gens qui élaborent et font appliquer les normes », [20] qu’elle a côtoyés lors des moments cruciaux de son existence ? Que nous apprennent-elles sur l’évolution de la personne et de ses rapports avec son entourage ? Est-il possible d’identifier des événements pouvant être interprétés comme symptômes d’une innovation dans le rapport que la personne entretient avec les normes ? Quel est le caractère de cette innovation ?
Le concept de stigmate désigne les caractéristiques visibles ou invisibles d’une personne qui peuvent la discréditer aux yeux des autres. Le stigmate modifie les relations du stigmatisé avec autrui. Une personne est stigmatisée à partir du moment où elle est la cible d’un processus d’assignation et d’étiquetage qui caractérise l’un ou plusieurs de ses attributs comme étant des marques négatives ou des handicaps. Le contrôle de l’image de soi étant un enjeu décisif, il est crucial de s’adapter pour se conformer aux attentes d’autrui [21].
Dans son récit de vie, la personne a tendance à se présenter sous son meilleur jour, à « sauver la face ». La « face » est le terme employé par Goffman [22] pour désigner « la valeur sociale positive qu’une personne revendique effectivement à travers une ligne d’action que les autres supposent qu’elle a adoptée au cours d’un contact particulier. » [23] On peut associer ce concept de Goffman à celui de désirabilité sociale qui désigne le biais introduit dans les recherches en sciences sociales quand les sujets manipulent, même inconsciemment, leur image afin d’apparaître sous un jour favorable. Goffman compare la vie quotidienne à une mise en scène. De la même façon qu’au théâtre le comédien doit proposer un maximum d’éléments pour que le public trouve sa prestation vraisemblable, la tâche principale d’une personne dans ses rapports à autrui est de gérer sa présentation afin d’offrir l’image de soi la meilleure possible. Cela implique également l’omission ou le masquage d’éléments incohérents ou contradictoires pour ne pas ternir l’image révélée.
Le concept de la présentation de soi est utile à double titre : d’abord comme analyseur et, pour mon récit, comme une sorte de filtre permettant d’établir une distinction entre ce qui peut être restitué comme objet de connaissance et ce qu’il convient de garder confidentiel, car le raconter obéirait peut-être au besoin que j’éprouve, comme tout un chacun, de faire bonne figure. En outre, ce concept inspire éthiquement la démarche, m’encourageant à dévoiler des déterminismes ethnoculturels et le modèle impératif de masculinité de la construction identitaire de ma famille colombienne.
L’impact du colonialisme européen sur l’identité des peuples colonisés est sévère et durable. Il a des effets tant sur l’identité ethnique que sur « la construction de la masculinité. » [24] Ces deux caractéristiques de l’identité de ma famille seront successivement développées.
Parmi les personnes noires interviewées par Viveros Vigoya en Colombie [25], il est fréquent d’associer l’espoir d’avoir une relation de couple avec une personne plus claire de peau avec l’aspiration à l’ascension sociale. Mon père est né en 1940 dans un village de la province d’Antioquia (Colombie). Métis - avec des ancêtres indiens, blancs et noirs -, il est le sixième et dernier enfant issu du deuxième mariage de mon grand-père qui s’est marié trois fois. Ma grand-mère étant décédée quand mon père avait 22 mois, mon grand-père est alors parti après avoir placé mes cinq tantes ainsi que mon père dans plusieurs familles. Quelques unes de mes tantes ainsi que mon père sont retournés vivre avec mon grand-père six à sept années après qu’il les eût quittés. Sur cette période, mon père raconte :
« Lorsque j’étais enfant (neuf ans), je pensais que je devais me marier avec une femme blanche. Parce que quand ma sœur Lucila (dix-neuf ans) était l’amoureuse de José Meneses, qui était très basané, tous les soirs, avant qu’on s’endorme, mon papa lui faisait la morale, lui disant : ma fille, comment peux-tu sortir avec José Meneses qui est noir ?… N’aurais-tu pas honte de le présenter à doña Elvira qui a connu ta mère ? Je pense que depuis cette époque, j’ai eu la conviction que je devais me marier avec une femme blanche et que mes enfants ne devraient pas épouser des basanés. »
Du point de vue de mon identité familiale, je me suis penché sur la constitution d’alliances matrimoniales dans les fratries de mes parents. Ces mariages ont eu lieu dans les années 1960 et 1970 dans la région de Medellín. A cette époque, et encore aujourd’hui, le mariage jouit en Colombie d’une forte légitimité et concerne une large majorité d’unions. Parmi les cinq sœurs de mon père, quatre ont épousé des hommes “blancs” ou métis-blancs et la cinquième un métis, expert comptable, le seul parmi les beaux-frères de mon père qui a fini l’équivalent du collège français. Du côté maternel, mis à part le mariage de ma mère avec mon père, trois autres unions conjugales ont eu lieu. L’une de mes tantes s’est mariée avec un homme d’origine européenne tandis que l’autre a épousé un mulâtre, professeur à l’université. Mon oncle, dont la femme était métisse d’origine populaire, a rencontré dans sa famille une opposition explicite à son mariage. Autrement dit, dans les fratries de mes parents, il a été possible de s’allier à quelqu’un de plus foncé que soi en rencontrant peu ou pas de résistance seulement dans le cas où cette personne représentait une possibilité d’ascension sociale. Ainsi, et sans négliger que l’amour, l’attrait physique ainsi que d’autres facteurs interviennent aussi dans le choix du conjoint, le métis verra dans son union conjugale avec un être de peau plus claire une réponse au besoin d’accroître son estime de soi. En revanche, pour le “blanc”, le mariage avec une personne de peau plus foncée, détentrice d’un capital symbolique plus important que le sien pour avoir, par exemple, effectué des études plus longues, répondra, du moins en partie, à son aspiration à améliorer ses conditions objectives d’existence : autonomie, émancipation, meilleurs revenus…
Mon hypothèse de départ est qu’en Amérique “Latine”, les endroits concentrant à la fois une population importante d’origine européenne et une population métisse sont fortement marqués par un « projet de blanchissement et d’ascension sociale ». Ce projet est un processus transactionnel fréquent en Antioquia [26], département d’origine de toute ma famille, ainsi qu’à Santa Cruz, lieu d’origine de « Miss Bolivie » citée en introduction. Les propos de cette dame, qui a bénéficié d’une éducation universitaire, foisonnent tant chez les “blancs” que chez les métis. Dans ce registre, ma mère, qui n’a pu suivre que l’école primaire, déplorait l’image donnée par les équipes sportives colombiennes dont une majorité des membres avait la peau noire : « on va penser que nous sommes tous comme ça ! ». Du côté de ma mère, le projet consiste à favoriser son autonomisation, l’aidant à s’émanciper d’une famille pauvre, nombreuse et conservatrice. Du côté de mon père, dont le niveau de scolarité équivaut à celui du collège français, le projet passe par son alliance matrimoniale avec ma mère, prototype de la femme blanche - blonde aux yeux bleus - dans un pays où la population d’origine européenne constitue environ le 20% du total. Certes, l’amour n’est pas exclu de cette union qui s’inscrit par ailleurs dans les valeurs dominantes qu’elle reproduit.
Mon père a été « formaté » pour bien s’insérer dans les typologies dominantes qu’il a contribué à m’inculquer. En Amérique “Latine”, la critique de la masculinité hégémonique n’a pas encore eu l’ampleur ni les effets qu’elle a eu en Europe ou au Canada, voire aux Etats-Unis. L’homme latino-américain est soumis à la double injonction qui consiste à ne pas montrer sa féminité tout en affichant sa virilité. Lors de notre entretien du 18 août 2011, mon père raconte quelques souvenirs de ses huit ans, époque à laquelle il n’avait pas encore retrouvé mon grand-père :
« A l’école on me disait que mon papa m’avait vendu et qu’il existait un document écrit l’attestant. Je vivais dans la maison d’une famille aisée. Le monsieur était propriétaire terrien, il m’aimait et me traitait très bien mais la dame me traitait avec une grande dureté et m’obligeait à réaliser des tâches qui à l’époque étaient considérées comme féminines. Elle m’obligeait également à porter un tablier, ce qui était aussi un vêtement de femmes… Or la cuisine était visible depuis l’extérieur, et quand les enfants passaient, ils me voyaient moudre et faire les arepas (galette de maïs qui fait partie de l’alimentation quotidienne dans la région), ce qui pour moi était très humiliant. »
Viril, mon père se battait quand on se moquait de lui à cause de son tablier, y compris contre des garçons plus âgés et plus costauds que lui. Il correspondait bien au « modèle masculin basé sur la compétition, la hiérarchie, le sexisme et l’homophobie. » [27] Il m’a éduqué, parfois avec brutalité, dans un respect strict des rôles conventionnels. Vers l’âge de quatre ans il m’a annoncé : « maintenant tu es grand, tu ne dois donc plus me faire de bisous, parce que les hommes ne se font pas de bisous ». La socialisation à la masculinité traditionnelle s’est faite par la honte [28]. Je me suis senti très mal, moins parce que je ne pouvais plus lui témoigner mon attachement que parce que j’avais mal agi en le lui montrant d’une façon inappropriée. D’une manière générale, la honte est utilisée pour hiérarchiser, pour « remettre à sa place », comme l’illustre un autre souvenir. Je devais avoir onze ans environ quand mon père gravit un échelon symbolique important en acquérant sa première voiture, une vielle Simca 1100. La joie de l’étrenner a été sabotée lors d’un incident sur la route avec un conducteur qui a insulté mon père en le traitant d’indien.
« La souffrance » psychique et physique joue aussi un rôle important dans la socialisation à la masculinité. Elle passe par des abus, de petites agressions quotidiennes qui vont des railleries aux insultes et des bousculades aux coups [29]. Pour devenir « homme », le petit garçon doit éviter d’« être assimilé à une femme » [30] et apprendre à se battre. J’ai grandi à Envigado, l’une des banlieues de Medellín, à une époque où cette municipalité était le fief de Pablo Escobar, période commençant dès le début des années 1980 et se terminant avec sa mort en 1993. Entre 1989 et 1993, Medellín était la ville la plus violente du monde avec plus de 229 meurtres par 100.000 habitants. Ce taux de violence n’a jamais été atteint par aucune autre ville hormis Bagdad en 2006 et Juárez en 2010 [31].
C’est dans ce « temps historique » [32] qu’un événement important dans ma construction identitaire a eu lieu. J’avais environ treize ans quand j’ai osé ridiculiser Oscar devant le groupe. Incapable de riposter avec les mots et pour éviter de faire « mauvaise figure », il voulait me frapper. Je suis parti au lieu de l’affronter, mais pour ne pas « perdre la face », je persistais à le provoquer, continuant de me moquer de lui pendant ma fuite. J’ai eu le même comportement quand je l’ai croisé quelques jours plus tard. Entre-temps, il se faisait une réputation de bagarreur. Il se battait quasiment tous les jours, parfois contre des garçons plus âgés qui lui infligeaient de rudes corrections, mais la plupart du temps c’était lui qui l’emportait. La peur s’est installée chez moi. Désormais, je l’évitais systématiquement et partais en courant dès qu’il s’approchait. Pendant plus d’une année j’ai souffert de cette situation jusqu’à ce qu’un jour, fatigué, je n’ai plus fui…
Tout n’est pas violence et agressivité dans l’apprentissage de la masculinité. Des valeurs associées traditionnellement à la féminité, comme la compassion et la solidarité, s’expriment aussi chez les adolescents. Paco, l’aîné du groupe, respecté de tous, m’a protégé. Et comme « chaque homme est lui-même soumis aux hiérarchies masculines » [33], cette fois Oscar a accepté l’injonction du plus fort que lui. Il a néanmoins continué à m’humilier. Lors de mes interactions avec lui, ma valeur sociale se trouvait amoindrie, je faisais « mauvaise figure ». Ce n’est que dans ma quinzième année, et suite à une énième provocation, que toute la frustration accumulée a explosé. Je me suis enfin battu avec Oscar. D’abord une première fois, puis une seconde, avec enthousiasme, le même après-midi, jusqu’à ce que l’on nous sépare.
Vers seize ans, Oscar est entré au service des narcotrafiquants qui, paradoxalement, l’ont chargé de « nettoyer » le quartier des petits dealers. Ayant « réussi », la majorité des « patrons », avaient quitté le quartier mais leurs familles continuaient à y vivre. Ils voulaient leur épargner le sentiment d’insécurité qui, par ailleurs, était défavorable à la bonne marche des affaires. Oscar est devenu un assassin notoire. Dans son échelle de valeurs, il était quelqu’un d’important. Cependant, même en changeant de statut, il se sentait toujours lié à son ancien groupe de pairs. Une personne, même déviante, « agit dans deux directions : elle défend sa face, et, d’autre part, elle protège la face des autres. » [34] Cette attitude caractérise bien la dynamique transactionnelle tacite qui régissait désormais nos interactions et montre à quel point « le conflit est dans le même temps une forme de dissociation et d’association qui produit de la socialisation. » [35] M’étant enfin comporté selon « la ligne d’action » [36] qui m’était réservée en tant que garçon, tout se passait comme si les « règles-normes-valeurs en usage dans (notre) fraction de société » [37] commençaient à avoir cours aussi entre Oscar et moi. Tacitement aussi, nous étions parvenus à un compromis : de son côté, il faisait preuve de considération à mon égard en évitant de me « faire perdre la face » [38] à nouveau. De mon côté, j’éprouvais devant lui une appréhension toujours dissimulée qui pouvait, à ses yeux, passer pour du respect. Toujours est-il, nous n’étions plus dans le rapport de force, d’agression systématique et de fuite qui déterminaient auparavant nos interactions qui restaient néanmoins inégalitaires. Je me souviens d’un réveillon dans la rue, quand nous devions avoir dix-neuf ans tous les deux. Depuis notre affrontement physique, il ne m’adressait plus la parole, même pas pour m’insulter. Cette nuit-là, il a fait une exception : « bonne nouvelle année mon garçon. » Comme cela a été montré dans l’étude des situations coloniales [39], une stratégie pour hiérarchiser consiste à infantiliser.
Les interactions avec Oscar peuvent être interprétées comme un rite de passage. Traditionnellement, ce rite met « en scène le désordre et la transgression. Cette épreuve de l’excès vise cependant à refonder le temps et la mesure, l’ordre et la loi. » [40] Elle comporte trois phases consécutives [41]. D’abord, un moment d’exclusion, de mise à l’écart, pendant lequel le novice est contraint de vivre en dehors de la société. Situation que je me suis laissé imposer par Oscar. Ensuite, une phase d’inversion, qui conduit le non initié à vivre dans les conditions inverses à celles qui seront les siennes, quand il adviendra à la position qui lui est destinée. Pendant toute cette période, lors des transactions avec Oscar, j’étais comme frappé d’indignité et donc exclu « de la régulation normale. » [42] Et finalement, une étape d’intégration qui consacre le novice en tant que membre de plein droit, incorporé à la communauté des pairs. Le rite d’initiation procède par rupture. Une fois traversé, j’avais changé de statut. L’affrontement avec Oscar avait déclenché une « confrontation-négociation-reconfiguration » [43] de mon image. Il avait finalement admis ma présence dans le groupe. Mon auto-estime s’est donc renforcée et mes capacités d’action se sont accrues. Un nouvel environnement s’est ouvert à moi. En ce qui me concernait, l’ordre avait été refondé et je pouvais enfin pénétrer dans cette « maison des hommes » dont parle Welzer-Lang pour évoquer ces lieux que les garçons investissent comme s’ils leurs avaient été attribués exclusivement [44]. Pour moi, Oscar en était le cruel gardien qui m’en avait trop longtemps interdit l’accès. Me provoquant sans cesse, il m’a poussé à vaincre ma peur et finalement, malgré lui, j’y suis entré de force.
L’affrontement avec Oscar, exemple de ce que Bertaux appelle des « événements microsociaux contingents » [45], a modifié profondément le cours de mon existence. La théorisation du paradigme de la transaction sociale apporte une lumière intéressante sur cette transition identitaire. Deux types d’innovations ont été identifiés. D’un côté, il y a les « innovations de croissance » qui se réfèrent aux évolutions à l’intérieur de la logique existante, permettant à une rationalité déjà en place de se reproduire. De l’autre côté, il existe les « innovations de rupture » qui supposent un changement de nature dans le système, permettant de s’investir dans des voies nouvelles [46]. Réfléchir aux interactions avec Oscar m’a permis de me détacher, un tant soit peu, de son côté persécuteur. Du coup, Oscar, tué à vingt ans « dans l’exercice de son métier », devient passeur d’un long et difficile rite, montrant bien l’importance des pairs dans l’initiation à la vie adulte et, a fortiori, à la masculinité hégémonique. C’est que « la transformation de soi n’est que rarement le résultat d’un processus purement subjectif » [47]. Dans cette perspective, faire face à Oscar, même tardivement, constitue une « innovation de croissance » qui m’a permis d’entrer dans cette masculinité, le masculin étant « tout à la fois soumission au modèle et obtention des privilèges du modèle. » [48] Je suis parvenu, in extremis, à récuser le rôle de « mauviette » et à éviter le stigmate qui me guettait mais auquel je n’avais jamais adhéré.
Plus social qu’ethnique, « le projet » de mon père a guidé mon éducation. Ses propos illustrent l’importance qu’il donne à ces questions :
« Quand ta sœur était petite, je lui disais qu’elle était tellement belle qu’elle pouvait se marier avec le fils de mon grand chef. Il était suédois et je présumais qu’il avait de très bons revenus et que ses enfants allaient occuper des positions aussi élevées que celle de leur père et c’est ce que je souhaitais pour ma fille. »
« Un processus très fréquemment observé veut qu’un parent dont le projet de scolarisation (…) a été frustré dans sa jeunesse, reporte ce projet sur l’un de ces enfants, en général l’aîné du même sexe. » [49] Bertaux montre bien l’importance « du groupe familial qui constitue alors le véritable “décideur” : il est le lieu où les projets s’affrontent et finissent par se combiner, via négociation, en des véritables transactions. » [50]. Quoi qu’il en soit, je fais partie de la première génération de ma famille à avoir fait des études universitaires. A dix-sept ans, la plus importante université publique de Medellín m’a permis de rencontrer pour la première fois des personnes des deux sexes qui affichaient ouvertement leur homosexualité, sans que leurs manières suscitent automatiquement l’ostracisme, comme c’était le cas au lycée. J’ai tissé des rapports d’amitié avec ces personnes, les présentant à mes proches. Cependant, j’avais décidé d’être un homme, « un vrai ». Je continuais donc à considérer que la masculinité était incompatible avec la vulnérabilité que j’associais avec les marques d’affection qui m’avaient été interdites quand j’étais enfant.
Dans mon milieu d’origine, il n’y avait guère de personnes venant d’autres contrées du pays. C’est aussi à l’université que j’ai eu l’opportunité de fréquenter pour la première fois beaucoup de gens venant d’autres régions et de mieux connaître la culture afro-colombienne. Toutes ces rencontres avec l’altérité ainsi que les discours émancipateurs de mes professeurs de « Criminologie critique » et d’« Utopies de la liberté », parmi d’autres, ont été déterminants dans ma distanciation par rapport aux valeurs dominantes et m’ont mis sur la voie d’une « innovation de rupture ».
Acculturé dans un environnement où l’Occident fascine, mon rêve d’adolescent était de voyager en Europe. J’ai pu le réaliser grâce à une bourse d’études d’un organisme de coopération helvétique. Encore à l’université, j’ai pu accéder à des discours innovateurs, notamment dans des cours tels que « Relations interculturelles, épistémologie et développement » ou « Théories économiques alternatives de développement ». Les connaissances acquises m’ont permis de voir la partie dénigrée de mon héritage sous un nouvel éclairage. L’immigration a été également l’occasion de rencontres avec l’altérité, notamment avec ma compagne. Par ailleurs, de nouveaux amis m’ont montré que l’amitié masculine hétérosexuée n’excluait pas, per se, les démonstrations d’affectivité. J’ai donc recommencé à embrasser les hommes qui me sont très proches.
Socialisation et construction identitaire peuvent être analysées comme des processus transactionnels au travers desquels la personne définit et redéfinit sa place dans la société. Procédant par ajustements successifs, stimulé par ses interactions avec ses proches et avec son milieu, l’individu, possède la faculté de revoir ses valeurs, de créer des nouvelles normes, d’adapter son comportement tout au long de son existence. A l’automne de sa vie, mon père a accepté la manifestation d’une autre masculinité, permettant aux hommes d’exprimer leurs émotions et d’admettre leur vulnérabilité. Ainsi, depuis quelques années déjà, nous nous « faisons la bise » en public à Medellín où cette pratique est inhabituelle.
Cependant, la construction de l’identité n’obéit pas à une logique linéaire. Malgré mes efforts pour valoriser le patrimoine familial indien, noir et métis-blanc colombien, l’une de mes filles regrette de porter mon nom et dit qu’elle aurait préféré avoir celui de sa mère…européenne. Je me souviens alors de l’humiliation ressentie quand on traitait mon père d’« indio »… En tant que processus transactionnel, la construction identitaire est en évolution permanente et obéit au rythme de chaque entité (personne, famille, nation…). Chacun peut connaître dans son parcours des sauts qualitatifs, des involutions, des transitions, des blocages… Une transaction récente avec mon père éclaire bien ce processus. Au début 2012, il m’a demandé de rédiger un texte court pour une rencontre qui, le 10 juin 2012, a réuni 152 membres de sa famille à Santa Fé de Antioquia, leur village d’origine. J’ai accepté voulant profiter de l’occasion pour dénoncer, avec modération, les discriminations basées sur des critères idéologiques et esthétiques inculqués qui présupposent que celui qui se rapproche du modèle européen est intelligent et beau, et, que celui qui s’en éloigne est obtus et laid. Je terminais ma note en revendiquant le métissage. C’est seulement la veille de la rencontre que mon père m’a annoncé, en passant, qu’il n’allait pas utiliser mon écrit. La raison évoquée était : « La majorité des gens que je connais n’apprécient pas qu’on leur rappelle leurs imperfections ». Lors de cette transaction, je ne suis pas perdant pour autant. Mon texte n’a certes pas été lu mais j’ai pu découvrir à quel point un homme discriminé en raison de son identité ethnoculturelle, reste colonisé par un modèle qui préconise la supériorité européenne et occidentale, en déclin mais toujours en vigueur depuis plus de cinq siècles [51].
Bien sûr, différentes variables peuvent avoir une influence sur les évolutions identitaires, notamment les ressources cognitives, le capital symbolique pouvant être mobilisé, les expériences et rencontres fortuites ou imposées… Il semblerait cependant que la hiérarchisation ethnoculturelle s’enracine profondément chez l’homme discriminé. Cette hypothèse exploratoire, qui nécessitera d’être mise à l’épreuve lors d’une prochaine recherche, s’appuie sur la pesanteur de la domination des populations les plus claires de peau sur le continent américain, les “blancs”. Si tout au début, cette suprématie a été imposée par la force, avec le temps, elle s’est normalisée, marquant de son empreinte les représentations et les comportements, tant des dominants que des dominés. Elle est devenue sens commun. La pérennité de cette domination passe par son intériorisation chez les uns et les autres. Tout se passe comme si le changement identitaire de l’homme discriminé était plus difficile à opérer sur le plan ethnoculturel que sur le modèle de masculinisation, ce qui peut être interprété en faisant recours au principe : « l’existence précède la conscience. » [52] Autrement dit, les conditions matérielles de vie d’une personne déterminent fortement sa subjectivité ; « ce qui n’empêche pas de concevoir que cette dernière puisse faire retour sur l’existence par la médiation des actes. » [53] Revenons à mon père pour illustrer ce principe. Il a eu une enfance dure : orphelin, abandonné, pauvre et souvent rabaissé, par sa petite taille, par son métissage évident. Aujourd’hui, son projet de blanchissement a abouti au travers de sa descendance, mais lui ne sera jamais blanc. Du coup, il ne veut pas infliger aux autres membres de sa famille les humiliations ressenties quand on lui rappelait sa condition. En revanche, du point de vue de sa “masculinity ideology”, mon père est rassuré par ma position qu’il perçoit comme ascendante : relation conjugale stable, trois enfants, intégration dans la société d’accueil, emploi socialement valorisé. Lui et moi sommes des hommes, personne ne peut contester ce statut. Il ne risque rien en adoptant au sein de sa famille d’autres formes de masculinité qui ne remettent pas en question son projet d’ascension sociale, ni par ailleurs la position dominante des hommes dans la société. C’est comme si, dans le processus d’intériorisation de la nouvelle masculinité, celle-ci était dépouillée de son potentiel émancipateur, constituant un ajustement adaptatif, encore une innovation de croissance, de la masculinité hégémonique.
La perspective « histoire de vie » m’a servi à mieux assumer la part de responsabilité qui me revient dans ma propre formation, me situant dans un rapport renouvelé à moi-même ainsi qu’à mes proches. Je sais maintenant un peu plus qui je suis, tout en connaissant mieux les contraintes idéologiques et matérielles de mon environnement, ainsi qu’en portant un regard nouveau sur certains processus sociaux ayant contribué à façonner mon identité. Je suis conscient que pour subvertir la masculinité hégémonique, il ne suffira pas de prôner un partage des tâches ménagères et parentales en rupture avec les rôles traditionnels ainsi que d’épargner à mon fils les slogans entendus tout au long de mon enfance : « les garçons ne pleurent pas » ; « le dernier arrivé est une fille » ; « sois un homme et bats-toi ! »… Certes, mon fils n’aura pas à subir, du moins dans le contexte familial, de rejets ni de sentiments de culpabilité à cause de certaines attitudes ou postures qui ne seraient pas de « son genre ». Lui, qui n’est pas « élevé dans le mépris et la peur du féminin qui caractérisaient l’éducation de son grand-père » [54], pourra, je l’espère, devenir « l’homme réconcilié » [55]. Sur le long terme, mon projet consiste à contribuer à la transformation d’une dynamique familiale faite de sexisme et de racisme qui s’est reproduite jusqu’à moi, de génération en génération, en agissant en toute occasion pour en montrer les effets néfastes.
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Notes
[1] Cité par D. Bertaux, Les récits de vie, Paris, Editions Nathan, 1997, p.45.
[2] P. Wade, Gente negra, nación mestiza. Dinámica de las identidades raciales en Colombia. Editorial universidad de Antioquia, Icanh, Siglo del hombre editores, Ediciones Uniandes, Medellín, 1998 ; P. Wade, Race and Ethnicity in Latin America, London, Pluto Press, 1997.
[3] D. Ribeiro, The culture – historical configurations of the American peoples, Chicago, The University of Chicago Press, 1970.
[4] Racisme et sexisme sont souvent associés. A ce titre, il est emblématique de considérer les cas de trois pays qui avaient toujours été dirigés par des hommes blancs, où la présidence de la république est actuellement occupée par un indien (La Bolivie), un métis (Le Venezuela) et une femme (l’Argentine). Dans ces trois cas, les critiques et les moqueries médiatiques sur ces trois dirigeants font abondamment référence à leurs conditions respectives, Hugo Chavez, par exemple, est ouvertement traité de « macaque » par une certaine presse. Au Brésil la situation est différente car la présidente jouit d’une adhésion très majoritaire qui, en quelque sorte, la prémunit contre le traitement dont font l’objet ses trois collègues mentionnés.
[5] L. Hernández Navarro, « Bolivia hoy », La Jornada, 13 de marzo de 2012, [en ligne] http://www.jornada.unam.mx/2012/03/13/opinion/019a1pol
[6] D. Welser-Lang, « Pour une approche proféministe non homophobe des hommes et du masculin », dans Nouvelles approches des hommes et du masculin, Daniel Wesler-Lang (dir.), Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2000, p.113.
[7] M. Viveros Vigoya, « Jusqu’à un certain point, ou la spécificité de la domination masculine en Amérique Latine », La Découverte, Mouvements, 1, 31, 2004, p. 56-63, p.58.
[8] E. Yunis Turbay, ¿Por qué somos así ? ¿Qué paso en Colombia ? Análisis del mestizaje, Bogotá, Temis, 2003.
[9] M.-N. Schurmans, Expliquer, interpréter, comprendre. Le paysage épistémologique des sciences sociales, Genève, Université de Genève, 2006.
[10] M.-N. Schurmans, op. cit., p.86.
[11] C. Yelle, L. Mercier, J.-M. Gingras et S. Beghdadi, « Les histoires de vie : Un carrefour de pratiques », Québec, Presses Universitaires de Québec, 2011, p.8.
[12] Association Canadienne d’éducation de langue française, (ACELF), « Cadre d’orientation en construction identitaire », 2006, [en ligne] http://www.acelf.ca/c/fichiers/ACELF_Cadre-orientation.pdf, p.12.
[13] M.-C. Josso, Expériences de vie et formation, Paris, L’Harmattan, 2011.
[14] D. Bertaux, op cit, p.74. En italique dans l’original.
[15] Je remercie sincèrement toutes ces personnes pour leur aide précieuse ainsi que Didier Pingeon, François Bos Marie-Christine Josso et Ariane Hubleur Carvajal pour leurs lectures critiques d’une première version de ce texte.
[16] M. Blanc, Pour une sociologie de la transaction sociale, Paris, L’Harmattan, 1992 ; M. Blanc, « La transaction sociale : genèse et fécondité heuristiques », Pensée plurielle, 20, 1, 2009, p. 25-36 ; Rémy Jean, « La transaction, une méthode d’analyse : contribution à l’émergence d’un nouveau paradigme », Environnement et Société, 17, 1996, p.9-31.
[17] J.-M. Stébé, La médiation dans les quartiers sensibles, Paris, PUF, 2005.
[18] D. Dulong, C. Guionnet et E. Neveu, Boys Don’t Cry ! : Les coûts de la domination masculine, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p.16.
[19] D. Dulong, C. Guionnet et E. Neveu, ibid.
[20] H. Becker, Outsiders, études de sociologie de la déviance, [1963], Paris, A. M. Métailié, 1985, p.145.
[21] E. Goffman, Stigmates, les usages sociaux du handicap, Paris, Editions de Minuit, 1975.
[22] E. Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne. 1, La présentation de soi, Paris, Editions de Minuit, 1973 ; E. Goffman, Les rites d’interaction, Paris, Editions de Minuit, 1974.
[23] E. Goffman, ibid., p.9.
[24] R. Connell, « Masculinités et mondialisation », dans Nouvelles approches des hommes et du masculin, Daniel Wesler-Lang (dir.), Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2000, p.210.
[25] M. Viveros Vigoya, « Dionisios negros. Corporalidad, sexualidad y orden socio racial en Colombia », Facultad de Ciencias Humanas, UN, 1, 2000, p.95-130.
[26] E. Yunis Turbay, op cit.
[27] G. Dulac, « Masculinité et intimité », Sociologie et sociétés, 35, 2, 2003, p.9.
[28] G. Dulac, ibid.
[29] D. Welser-Lang, op cit., p.116.
[30] D. Welser-Lang, ibid. p.120.
[31] M. Cascante, « Doce de las cincuenta ciudades más peligrosas del mundo están en Méjico », ABC, 17 de enero de 2011, [en ligne] http://www.abc.es/20110113/internacional/abci-mexico-muertes-201101131451.html
[32] D. Bertaux, op cit., p.77.
[33] D. Welser-Lang, ibid. p.122.
[34] E. Goffman, op cit., p.17. C. Javeau s’exprime dans les mêmes termes : « On ne répond pas seulement de la bonne issue de l’interaction, mais aussi, et sans doute surtout, de la “face” de l’autre (comme l’autre, évidement, est tenu de répondre de votre propre face). » C. Javeau, « Le récit de vie comme figure méthodologique de la transaction sociale », dans Vie quotidienne et démocratie, Maurice Blanc, Marc Mormont, Jean Rémy et Tom Storrie (dir.), Paris, L’Harmattan, 1994, p.83-90, p.85.
[35] J. Boissonade, « Les apports de la sociologie pragmatique à la transaction sociale », Pensé e plurielle, 20, 1, 2009, p.37-50, p.40.
[36] E. Goffman, Les rites d’interaction, Paris, Editions de Minuit, 1974, p. 11.
[37] C. Javeau, op cit., p.86.
[38] E. Goffman, ibid., p.13.
[39] R. Connell, 2000, op cit., p.211. Par exemple au Zimbabwe, « les hommes étaient appelés « garçons » par les colons ».
[40] A. Masson, « Du tomber en responsabilité à l’advenir responsable », dans La responsabilité et la responsabilisation dans la justice pénale, Françoise Digneffe et Thierry Moreau (dir.), Bruxelles, De Boeck & Larcier, 2006, p.169-216, p.176.
[41] M. Sartre, Histoires grecques, Paris, Seuil, 2006.
[42] C. Javeau, op cit., p.86.
[43] C. Delory-Momberger, La condition biographique. Essais sur le récit de soi dans la modernité avancée, Paris, Téraèdre, 2010.
[44] D. Welser-Lang, op cit.
[45] D. Bertaux, op cit., p.34.
[46] J. Rémy, 1996, op. cit.
[47] D. Bertaux, op cit., p.88.
[48] D. Welser-Lang, op cit., p.118.
[49] D. Bertaux, op cit., p.80.
[50] D. Bertaux, ibid.
[51] R. Connell, op cit.
[52] D. Bertaux, op cit., p.8, en italique dans l’original.
[53] D. Bertaux, ibid.
[54] E. Badinter, XY de l’identité masculine, Paris, Odile Jacob, 1992. p.244.
[55] E. Badinter, ibid.
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