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Vandevelde-Rougale Agnès

Bernard Rimé, Le partage social des émotions, Puf, Paris, 2009

 




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« Pourquoi les gens veulent-ils exprimer et traduire en paroles leurs émotions ? […] les partager avec d’autres individus ? » (Rimé, 2009 : 110). « Pourquoi cette curiosité [des auditeurs] pour les événements émotionnels ?  » (ibid. : p. 114). À partir du constat de la propension des êtres humains à réévoquer leurs expériences émotionnelles et en s’appuyant sur les travaux menés au sein de son laboratoire et de diverses unités de recherche au cours des dernières décennies, Bernard Rimé, psychologue social, présente dans cet ouvrage, édité en 2005 et déjà deux fois réédité (2009 et 2015), « le partage social des émotions » qu’il a théorisé.

Préfacé par Serge Moscovici, le fondateur de la psychologie sociale, l’ouvrage répond à un triple objectif : préciser la notion d’émotion, en s’appuyant sur les conceptions qui se sont succédées dans l’histoire scientifique autour des conditions de déclenchement d’une émotion et des fonctions de celle-ci ; étudier l’expression verbale et la dynamique sociale suscitées par l’émotion ; établir des liens entre expériences émotionnelles de la vie courante et événements traumatiques [1]. Pour ce faire, le propos est structuré en plusieurs parties : la première (chapitres 1 à 4) introduit la question des émotions et de leur expression, en passant en revue les hypothèses théoriques importantes depuis Charles Darwin (1872) et William James (1884) ; la deuxième (chapitres 5 à 7) s’intéresse aux aspects sociaux de l’expression des émotions ; la troisième (chapitres 8 à 10) considère plus spécifiquement l’expression des expériences émotionnelles négatives et est prolongée par une quatrième partie (chapitres 11 à 13) consacrée aux expériences émotionnelles extrêmes et à ce qu’elles apportent à la compréhension générale de l’expression des émotions ; la cinquième partie (chapitres 14 à 16) conclut l’ouvrage avec l’étude de l’impact et de la gestion des expériences émotionnelles. L’ensemble se complète d’une riche bibliographie s’appuyant sur de nombreux travaux de psychologie cognitive, notamment anglo-saxons, et de psychologie sociale.

Bernard Rimé présente d’abord une approche restrictive de l’émotion. Il appréhende l’émotion proprement dite au sein d’un continuum d’états affectifs allant de l’affect à l’émotion, en passant par « les humeurs, le tempérament, les troubles émotionnels, ainsi que les préférences » (Rimé, op. cit. : 50). L’affect y apparaît comme une forme naissante de l’émotion sous la forme de « bouffée » positive ou négative, une « manifestation affective non émotionnelle », tandis que l’émotion constitue la « marque d’une rupture de continuité dans l’interaction individu-milieu » [2] (ibid. : 50). Celle-ci se manifeste de manière automatique (changement dans l’expression, impulsion à déployer une activité spécifique) et par une « coloration marquée de l’expérience subjective » (ibid. : 52), « vécu émotionnel  » qui peut être informé par le social. Cette perspective confère à l’émotion au sens strict un rôle particulier : celui de pouvoir guider temporairement l’individu confronté à une situation à laquelle il ne peut plus faire face, mais elle n’implique pas que le sujet soit dans un état affectivement neutre s’il a l’impression de maîtriser son environnement (Rimé souligne bien que le sujet peut-être le siège de nombreux états affectifs) ni qu’il soit soumis à ses émotions sans possibilité d’agir sur celles-ci.

Rimé relève que la manifestation physiologique ou biologique de l’émotion la rend généralement perceptible tant par l’observateur extérieur que par celui qui en est le siège, et insiste sur la brièveté de ces manifestations corporelles. Il considère alors l’émotion d’un point de vue psychologique. L’émotion génère des modifications sur le plan cognitif, avec une focalisation des « ressources attentionnelles  » sur le contexte dans lequel a émergé l’émotion. Celle-ci s’inscrit alors dans un « épisode émotionnel » (Frijda et al., 1991), c’est-à-dire dans un processus psychologique cognitif qui tire son unité de la référence à un événement particulier. « L’épisode émotionnel prend cours quand le sujet s’efforce de gérer émotionnellement cet événement et il s’achève quand la transaction est menée à terme, ou quand l’individu abandonne ses efforts pour le résoudre » (Rimé, op. cit. : 55-56). Le travail de gestion des émotions [3], « travail qui vise à produire ou à inhiber des sentiments de façon à les rendre ’appropriés’ à la situation  » (Hochschild, 2003), peut être envisagé comme inscrit au sein de cet « épisode émotionnel  ».

Après avoir posé ces repères notionnels, Bernard Rimé ne s’intéresse pas tant aux éléments qui composent l’émotion qu’à ses conditions d’émergence et de résolution et à l’impact cognitif et social de son expression, qu’elle soit liée à un événement de la vie courante ou à un événement traumatique. Il considère plus particulièrement l’expression verbale de l’expérience émotionnelle, son devenir dans les souvenirs de la personne et ses échanges avec autrui.

À partir d’enquêtes exploratoires et de vérifications mobilisant des outils de la psychologie expérimentale, dans une approche théorique cognitivo-sociale, Rimé formule la théorie du « partage social de l’émotion », qu’il définit comme « la réévocation de l’émotion sous la forme d’un langage socialement partagé, et la présence, au moins à un niveau symbolique, d’un partenaire auquel cette réévocation est adressée » (Rimé, op. cit. : 86). La « réévocation de l’émotion  » recouvre à la fois le récit de l’événement émotionnel et le récit des sentiments et des réactions suscités par cet événement. Le « partenaire  » peut être une autre personne (conversation, correspondance…), mais aussi un interlocuteur hypothétique ou potentiel, destinataire d’une expression intime (journal intime) ou encore artistique (littérature, musique, peinture…). Le partage social de l’émotion répond à une double dynamique : l’intégration sociale (restaurer et conforter le lien social qui unit l’émetteur et son partenaire et plus largement le groupe, de par le partage secondaire et ternaire de l’expérience émotionnelle [4]) et la production de sens, de significations, pour l’individu comme pour autrui. Ce traitement cognitif est associé au rôle de l’émotion en tant que révélateur d’un écart entre l’univers d’attentes du sujet (hérité, au moins en partie, des générations antérieures et de la société dans laquelle il vit) et les événements du monde. Si l’émotion questionne les « digues symboliques » (ibid.  : 390) progressivement élaborées par l’humanité pour rendre la vie viable en construisant des représentations rassurantes et partagées du monde qui constituent « la toile de fond de toutes les expériences individuelles » (ibid.) au sein d’une société donnée, la parole sur l’émotion et son écoute apparaissent motivées par la recherche de sens [5] pour maintenir ou reconstruire ces « digues symboliques  ».

Les modalités du partage émotionnel sont socialement construites : « Par l’observation et l’imitation, l’individu incorpore à son répertoire les particularités expressives propres à son milieu social spécifique. Par les connexions mnésiques, les structures émotionnelles de l’individu s’enrichissent des éléments typiques de son expérience propre. Par l’éducation, l’individu assimile les règles sociales de l’expression et du contrôle et il apprend quand et sous quelle forme il convient de manifester ses émotions. » (ibid. : 54). Le langage y joue un rôle clef par la mise en ordre des faits et la médiation qu’il opère. Le récit de l’expérience émotionnelle permet ainsi au destinataire du récit d’accéder aux données émotionnelles au moyen de faits devenus virtuels par cette médiation et par la distance temporelle. Cette distance serait particulièrement favorable à l’élaboration psychique et cognitive, en mobilisant l’intérêt de l’auditeur : « Les données évoquées sont patentes. Elles sont puissamment propices à la stimulation des images mentales. Elles ont un considérable pouvoir d’évoquer des significations. Et loin du danger immédiat, l’imagination et l’activité symbolique ont libre cours. » (ibid. : 119).

Parallèlement, Bernard Rimé indique que des mesures expérimentales ont confirmé un effet de contagion émotionnelle ou d’empathie lors de l’écoute du partage social. Cet effet s’appuierait sur le fait que les images évoquées « entraînent généralement à leur tour la réactivation de manifestations physiologiques intervenues au cours de l’épisode. C’est ainsi que le partage social de l’émotion suscite le revécu émotionnel chez l’émetteur » (ibid. : 120) et expose l’auditeur à des signaux émotionnels corporels non verbaux (mimiques, gestes, réactions physiologiques) et à des informations verbales émotionnelles (récit d’événements, de réactions et comportements, d’impressions subjectives…). L’auditeur peut alors également ressentir des émotions, par effet de contagion émotionnelle (automatique) et d’empathie (par compréhension et projection) [6]. Si ces effets peuvent soutenir l’écoute du partage émotionnel et encourager la propagation sociale de l’information émotionnelle, ils peuvent aussi limiter celles-ci, car « même si l’impact émotionnel des expériences racontées est généralement moins intense que celui des expériences vécues personnellement, il y a des récits qui rencontrent les limites de ce qu’un auditeur est en mesure d’écouter » (ibid. : 130), en activant chez celui-ci des émotions négatives qu’il cherchera à éviter. En particulier, le rappel à l’auditeur de sa propre vulnérabilité serait « un motif majeur de prise de distance et de refus d’écoute du partage social de l’émotion » (ibid. : 133).

L’émotion apparaît donc ancrée dans l’environnement du sujet à plusieurs titres. L’état affectif trouve sa source dans une rupture de continuité dans l’interaction entre l’individu et son milieu, « discontinuité temporaire  » dont les caractéristiques agissent sur le seuil de déclenchement, le type et l’intensité de l’état émotionnel (ibid. : 68-71). Ainsi, « les réponses émotionnelles d’évitement comme l’appréhension, l’anxiété et la peur sont déclenchées lorsque […] l’élément apparu dans le milieu déborde les capacités d’assimilation de l’individu au point que celui-ci n’entrevoit pas les moyens d’y faire face  » (ibid. : 70), tandis que des « situations sociales où l’élément nouveau résulte de paroles, attitudes ou comportements manifestés par d’autres personnes  » peuvent susciter « l’irritation, l’exaspération ou la colère  » (ibid. : 70-71), traduisant une « puissante propension à repousser, à mettre à l’écart de soi, voire, dans les cas extrêmes, à annihiler l’élément importun » (ibid.) [7]. Mais l’état affectif peut aussi naître de phénomènes d’association avec l’expérience d’autrui, ou encore d’une activation de la mémoire affective du sujet, elle-même nourrie par son expérience émotionnelle directe comme indirecte (c’est-à-dire liée à l’expérience émotionnelle d’autrui et dont il a eu connaissance). La propagation sociale de l’information émotionnelle, d’autant plus importante que l’émotion suscitée lors de l’écoute est intense, contribue d’ailleurs à l’émergence d’une mémoire affective collective. La « mémoire implicite » (ibid. : 81), qu’elle soit individuelle ou collective, guide silencieusement les affects et remplit une fonction adaptatrice en participant à la prévention de situations d’urgence, contribuant à la survie de l’individu.

Bernard Rimé souligne la centralité du « niveau cognitif-symbolique » dans l’expérience émotionnelle, c’est-à-dire « l’aperception par l’individu de limites à ses systèmes de sens, de lacunes de son monde présumé, de failles de son univers virtuel  » (ibid. : 336). Alors, tant que l’émotion n’a pas pris sens (signification), l’épisode émotionnel n’est pas résolu et il provoque une « rumination mentale » (ibid. : 165-166) qui peut être perturbatrice : l’irruption de réévocations mentales (images, pensées, souvenirs en rapport avec l’épisode émotionnel) dans la conscience est fréquente, mobilise l’attention et peut gêner les activités en cours. Cette dynamique opèrerait de manière similaire, que l’expérience émotionnelle soit individuelle ou collective. Ainsi, avance l’auteur, les commémorations « reposent sur les émotions de ceux qui ont vécu l’événement, ou sur les émotions que leurs successeurs éprouvent encore lors de son rappel », signe que « l’événement qu’on commémore n’a pu être intégré. Les facteurs qui ont engendré les émotions à l’époque ne sont pas dépassés, ils opèrent toujours aujourd’hui, ils constituent encore des ’affaires en cours’. Ils continuent à ébranler des convictions. On n’a toujours pas de réponse complète aux questions qu’ils posent. La quête de sens entreprise à leur sujet est demeurée sans réponse (Frijda, 1997) » (Rimé, op. cit. : 348 – souligné par l’auteur). Dans cette perspective, pourrait-on comprendre d’événements qui furent commémorés et qui ne le sont plus qu’ils ont nécessairement trouvé un sens ? Ou encore que ce sont les mêmes émotions qui s’expriment d’une époque à une autre pour la commémoration d’un même événement ? Si la perspective s’attachant aux émotions est intéressante pour interroger les commémorations, il nous semble nécessaire d’y associer d’autres angles d’analyse, tels que la dimension politique, qui peut amener à privilégier un événement aux dépens d’autres et soutenir une relecture d’enjeux passés au prisme du présent.

En matières d’expériences émotionnelles négatives, Bernard Rimé relève différents types de réponse, « bienvenues ou malvenues  » (ibid. : 181) pour ce qui est de renforcer (ou non) l’intégration sociale des personnes qui y sont confrontées. Il recommande « une vision complexe  » (ibid. : 187), considérant à la fois « la situation extérieure de la personne en détresse : l’événement, le cadre, les causes de la détresse » et « sa situation intérieure : les pensées, les sentiments et les réactions que cette personne développe dans ce contexte » et s’attachant à reconnaître et comprendre les émotions (ibid.). Si la gestion d’une expérience émotionnelle et sa résolution [8] ne dépendent pas que des processus d’expression et de communication de l’émotion, ceux-ci sont néanmoins importants pour « éponger les conséquences émotionnelles et sociales de la faillite temporaire des systèmes cognitifs-symboliques de l’individu » (ibid. : 345), telles que l’insécurité, le doute ou la perte d’estime de soi. Autrement dit, le partage social de l’émotion intervient d’abord sur une dimension socio-affective. Mais le partage social de l’émotion peut aussi intervenir sur la dimension cognitive-symbolique. En effet, en s’appuyant notamment sur les travaux de Karl Weick (1995) sur la production de sens dans les organisations, Bernard Rimé insiste sur le rôle capital de la parole dans la production de sens et notamment dans la révélation de l’implicite qui sous-tend l’expérience émotionnelle. « Le choix des mots joue un rôle capital dans ce processus. Les mots exercent en effet une contrainte importante sur le discours produit puisqu’ils déterminent les catégories au moyen desquelles on pourra ’voir ce qu’on dit’, et qu’ils fournissent les termes qui mènent aux conclusions » (Rimé, op. cit. : 324). Cette mise en mots des émotions et son inscription dans une démarche signifiante sont notamment au cœur de dispositifs développés en sociologie clinique [9].

Cette note de lecture donne un aperçu limité d’un riche ouvrage de référence. Il est à conseiller vivement à tous ceux qui s’intéressent aux émotions, que ce soit le sujet confronté à un épisode émotionnel et qui s’interroge sur l’attitude de ses proches et moins proches, l’intervenant cherchant à accompagner le processsus de résolution d’émotions négatives, ou encore le chercheur en en sciences humaines et sociales s’intéressant à la subjectivité des acteurs [10]. On peut simplement regretter l’absence d’un index, qui faciliterait la consultation de l’ouvrage.

Références bibliographiques

Darwin Charles (1872), The expression of the emotions in man and animals, London, John Murray.

Frijda Nico H. (1997), « Commemorating », dans Collective memory of political events. Social psychological perspectives, Pennebaker James W., Paez Dario, Rimé Bernard (dir.), Mahwah (NJ), Lawrence Erlbaum, pp. 103-130.

Frijda Nico H., Mesquita Batja, Sonnemans Joep, Van Goozen Stephanie H.M. (1991), « The duration of affective phenomena or emotions, sentiments and passions », International Review of Studies of Emotion, 1, pp. 187-225.

Gaulejac (de) Vincent, Coquelle Claude (dir.) (2017), La part de social en nous. Sociologie clinique et psychothérapies, Toulouse, Érès.

Hochschild Arlie Russell (2003), « Travail émotionnel, règles de sentiments et structure sociale », Travailler, 2003/1, n° 9, pp. 19-49.

James William (1884), « What is an emotion ? », Mind, IX, 34, pp. 188-205.

Mandler George (1984), Mind and body : Psychology of emotion and stress, New York, Norton.

Nussbaum Martha C. (2006 [2004]), Hiding from Humanity. Disgust, Shame, and the Law, Princeton, Princeton University Press.

Rimé Bernard (2009 [2005]), Le partage social des émotions, Paris, Presses universitaires de France.

Weick Karl E. (1995), Sensemaking in organizations, Thousand Oaks (CA), Sage.

Notes

[1] Bernard Rimé justifie l’intérêt d’étudier conjointement expériences émotionnelles ordinaires et traumatiques en relevant que : « si l’analyse des faits démontre après coup que le danger réel était mineur, lorsqu’une personne a cru sa vie menacée au cours d’un événement, celle-ci encourt le même risque psychologique qu’une personne pour laquelle la menace était réelle » (Rimé, 2009 : 277)

[2] Dans une logique adaptative, la « rupture de continuité » (Mandler, 1984) dans l’interaction individu-milieu a lieu quand les ressources de l’individu ne lui permette plus de faire face à un changement des conditions de son milieu ou quand elles ne lui permettent pas de modifier le milieu pour répondre à ses aspirations. La fonction des émotions est alors de palier à cette discontinuité temporaire en guidant l’individu (Rimé, 2009 : 57-66). L’adaptation n’est pas seulement physiologique, mais aussi cognitive. Comme le souligne Arlie Hochschild (2003), les émotions « se distinguent des mécanismes physiologiques d’adaptation, en ce sens que la pensée, la perception et l’imagination, elles-mêmes soumises à l’influence des normes ou des situations, y sont intrinsèquement mêlées ».

[3] Notons que Bernard Rimé tient compte de la perspective interactionniste développée par Erving Goffman mais ne se réfère par dans le présent ouvrage aux travaux sociologiques de Arlie R. Hochschild sur les normes émotionnelles et le travail fait par les individus pour intervenir sur leurs émotions.

[4] Partage primaire : celui qui a vécu une expérience émotionnelle la raconte à autrui ; partage secondaire : le destinataire du premier récit va le partager avec un tiers ; partage ternaire : le tiers va à nouveau partager le récit, etc. Le partage social de l’émotion peut donc être très large ; il est d’autant plus large que l’émotion partagée est intense.

[5] Serge Moscovici met d’ailleurs en rapport la théorie de B. Rimé avec le « connaître par le senti » (« knowing by feeling ») du philosophe Stanley Cavell où la parole est motivée par le désir de partager de la connaissance sur le monde partagé ou qui pourrait être partagé (Moscovici, in Rimé, 2009 : XIV).

[6] Bernard Rimé distingue ces deux effets : « La contagion émotionnelle désigne […] des manifestations émotionnelles qui se développent sur le mode automatique en symbiose avec celles de congénères » ; « l’empathie procède en droite ligne de la compréhension de la situation de l’autre personne. Elle résulte des images mentales que l’adoption de la perspective d’autrui engendre […], ce qui suffit généralement à éveiller les émotions qui correspondent à cette situation. » (Rimé, 2009 : 120).

[7] À ce sujet, on pourra notamment se reporter à l’étude de l’émotion dégoût proposée par Martha Nussbaum (2006 [2004]).

[8] En effet, Bernard Rimé identifie trois dimensions devant être satisfaites pour permettre de « résorber les conséquences de l’émotion » (Rimé, op. cit. : 341-342) : dimension affective avec un « soutien social émotionnel  » (réconfort, reconnaissance et intégration, soutien d’estime) ; dimension cognitive requérant le travail mental du sujet pour retrouver du sens avec un « soutien social informationnel  » ; dimension pragmatique orientée vers l’action avec un « soutien social instrumental  ». Si les deux premières dimensions peuvent s’inscrire dans la dynamique de partage social de l’émotion, « l’action proprement dite sortira du cadre du partage social  » (ibid. : 343).

[9] Voir par exemple l’ouvrage collectif dirigé par Vincent de Gaulejac et Claude Coquelle (2017).

[10] Le Partage social des émotions est d’ailleurs largement cité dans différents travaux en sciences humaines sociales s’intéressant à des questions aussi diverses que le travail, le deuil, l’orientation scolaire, la maladie, le conflit, la parentalité, la méthodologie de recherche… (une recherche sur le portail Cairn.info le 17 avril 2018 montre que l’ouvrage est inscrit dans les bibliographies de près de 70 articles ou chapitres d’ouvrage depuis 2005).

Pour citer l'article


Vandevelde-Rougale Agnès, « Bernard Rimé, Le partage social des émotions, Puf, Paris, 2009 », dans revue ¿ Interrogations ?, N° 26. Le médiévalisme. Images et représentations du Moyen Âge, juin 2018 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/Bernard-Rime-Le-partage-social-des (Consulté le 19 mars 2024).



ISSN électronique : 1778-3747

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