Dalle-Nazébi Sophie, Lachance Nathalie
La surdité, que l’on pense objective et objectivable, parce que quantifiable par le nombre de décibels perçus, est l’objet de différentes représentations culturelles. La première est basée sur la perte auditive et les handicaps qui en découlent, faisant des personnes entendantes une norme de référence. La seconde met en avant les pratiques visuelles partagées par des collectifs de sourds, dont l’usage de langues gestuelles. Il n’y aurait pas ici de corps déficients à réparer. Ces différences sont exacerbées par les pratiques et les recommandations médicales. Nous montrerons l’impact de ces représentations de l’Homme et du corps humain sur les conditions de vie des sourds. Nous décrirons ensuite le développement récent d’accès pour les sourds aux services de soins et de santé mentale, en France et au Québec. Nous insisterons en conclusion sur la coexistence de deux types de discours et de pratiques au sein de ces institutions médicales et sociales que sont les hôpitaux.
Mots-clés :sourd, médecine, langues des signes, handicap, culture
Deafness is seen as objective and subject to objectification because it can be measured through the number of decibels perceived ; as such, it is subjected to various cultural representations. One is based on the level of hearing loss and the resulting handicaps, taking hearing people as benchmark. Another puts forward visual practices shared by collections of deaf people and includes the use of signed languages. This view does not rest on the need to fix deficient bodies. The differences between these perceptions are exacerbated by medical practices and recommendations. We shall demonstrate the impact of representations of humans and bodies on the living conditions of deaf people. Further, we will describe the recent development of deaf access to health care and mental health services in France and Québec. The conclusion will focus on the coexistence of two types of discourses and practices within hospitals as medical and social institutions.
Keyword : Deaf, medicine, signed languages, disability, culture
Plusieurs débats traversent aujourd’hui les sciences de la vie, concernant la manière de penser les sourds. La surdité, que l’on pense objective et objectivable, parce que quantifiable par le nombre de décibels perçus, est l’objet de différentes représentations culturelles. La première est basée sur la perte auditive et les handicaps qui en découlent, faisant des personnes entendantes une norme de référence. Elle supporte un travail de rééducation de la parole, et légitime l’essor d’implants cochléaires et du dépistage génétique. La seconde met en avant les pratiques visuelles partagées par des collectifs de sourds, dont l’usage de langues gestuelles. Il n’y aurait pas ici de corps déficients à réparer, ni de drame dans la naissance d’enfants sourds. Ainsi, au-delà de la réalité d’une surdité, être « sourd » ou « entendant » renvoie à deux manières d’être sociales différentes et opposées. Pour un entendant, être sourd c’est être privé de la capacité d’entendre, tandis que pour un sourd, c’est se construire dans un registre exclusivement visuel : « Les entendants, ils sont coincés. Il n’y a que la bouche qui bouge. Chez les Sourds, ça bouge ! Les mains, les bras, le corps, le visage. En plus les Sourds, ils sont sourds. Ils sentent les vibrations, ils remarquent des choses. Et les entendants pas toujours » (Sourde, 15 ans, classe bilingue, Fr.) [2]. Si dans la première perception de la surdité les limites sociales sont liées à la perte auditive, dans la deuxième elles dépendent de la nature des relations sociales entre sourds et entendants.
Ces différentes représentations d’un corps « normal » sont exacerbées face aux pratiques et recommandations médicales. Les débats sur l’implantation cochléaire de jeunes enfants sourds et le dépistage génétique précoce ont rendu manifeste ce que le Groupe Européen d’Éthique des Sciences et des Nouvelles Technologies appelle « un conflit de valeur » [3]. La Fédération Nationale des Sourds de France a ainsi exprimé, dans une lettre de saisie du Comité Consultatif National d’Éthique en février 2007, leur crainte « de faire l’objet de discriminations dans un système qui les considère comme des malades et risque de faire disparaître cette différence qu’ils ne comptent pas toujours comme un handicap et voudraient voir respecter » [4]. Une analyse hâtive pourrait laisser penser que cette controverse oppose les sourds d’un côté, et les médecins de l’autre. La réalité s’avère beaucoup moins manichéenne, et tend précisément à se complexifier. D’une part, toutes les personnes atteintes de surdité ne pratiquent pas une langue des signes, ni se disent ou ne sont reconnues comme « sourdes ». Des phénomènes de socialisation et de transmission linguistique, à travers des parcours de vie, des lieux et des interactions particulières, jouent un rôle décisif dans ces constructions identitaires. D’autre part, il existe aujourd’hui des réseaux de professionnels de la santé proposant des services en langues des signes.
C’est la diversité - et la complexité - de ces manières de penser la surdité, mais aussi des services hospitaliers, que nous souhaitons exposer ici. Pour cela, nous mettrons d’abord en évidence l’impact d’une approche médicalisée de la surdité sur les conditions de vie des sourds. Nous décrirons ensuite le développement récent de dispositifs d’accès pour les sourds [5] aux services de soins et de santé mentale. Nous insisterons en conclusion sur la coexistence de deux types de discours et de pratiques au sein de ces institutions médicales et sociales que sont les hôpitaux.
Les données mobilisées ici sont issues de recherches menées de manière indépendante au Québec et en France. L’une d’elle porte sur la transmission de la Langue des Signes Québécoise (LSQ) et des aspects culturels sourds dans le contexte contemporain. Elle s’est étendue au domaine de la génétique des surdités et à l’étude de l’impact des représentations médicales et culturelles sur l’insertion ou l’exclusion des sourds. Une autre porte sur les modalités de rencontres et de collaboration entre sourds et chercheurs. D’abord focalisée sur les linguistes, elle s’est étendue à d’autres secteurs d’activités scientifiques, et a pris en compte l’impact d’un mouvement sourd en faveur de la Langue des Signes Française (LSF) dans l’éducation des enfants sourds puis dans l’ensemble des activités sociales, dont les services de soins. Ces enquêtes qualitatives sont basées sur des données collectées lors d’observations, menées pendant 15 ans, dans des réseaux de sourds, lors de conférences de médecins ou psychologues, et auprès de groupes de travail de professionnels de la santé. Elles impliquent aussi plus d’une centaine d’entretiens avec des personnes sourdes (en LSF ou LSQ, filmés) de Montréal et Sherbrooke au Québec, et de Toulouse et Paris en France, ainsi qu’avec des personnes entendantes en lien avec le milieu de la surdité [6].
L’analyse des relations entre sourds et médecine conduit au paradoxe suivant : bien que les sourds soient globalement ignorés, jusque dans les années 1990, de toutes les campagnes d’informations sanitaires et des services d’accueil hospitaliers, la présence des médecins et psychologues est omniprésente dans leur vie et leur histoire collective. Pour comprendre les initiatives et tensions actuelles sur ce sujet, il nous faut préciser la nature des difficultés et des besoins en matière de soins des sourds de naissance ou qui le sont devenus en bas âge.
Les difficultés d’accès aux soins touchent plus fortement les groupes victimes de discrimination. Pour les sourds s’impose un défi spécifique, dans la mesure où leurs langues diffèrent de celles utilisées dans leur pays, mais aussi dans leur propre famille puisque l’écrasante majorité des enfants sourds ont des parents qui entendent et qui méconnaissent tout des manières de faire et de dire entre sourds. L’apprentissage de la LSF ou de la LSQ se fait historiquement dans les écoles spécialisées, dans les moments d’échanges informels entre enfants (cours de récréation, dortoirs…), ces langues ayant été bannies des salles de classe. Les relations scolaires et médicales se déroulent ainsi en français parlé, dans une langue et une modalité qui échappent pour une large part aux enfants et adultes sourds, par ailleurs massivement illettrés. Les campagnes de sensibilisation et de prévention touchent donc difficilement les sourds. Les lignes d’écoute et d’entraide qui sont bien souvent la porte d’entrée des services médicaux leur sont inaccessibles, et les hospitalisations d’urgence se font sans interprète. Le retard pris dans les diagnostics porte préjudice à ces patients et complique les soins [7]. Il est par ailleurs courant que l’information nécessaire pour prendre des décisions libres et éclairées ne soit pas intégralement comprise, et que les traitements soient mal suivis par des patients sourds. L’accès aux thérapies de groupe est lui aussi limité, ces échanges collectifs en français constituant ici un agent stressant beaucoup plus qu’un moyen de résolution de problèmes de toxicomanie ou de violence. Certaines pratiques thérapeutiques apparaissent par ailleurs profondément étrangères aux yeux des sourds, qui n’imaginent alors même pas être concernés. L’un d’eux explique ainsi lors d’une conférence sur les néologismes en LSF, que le terme de psychanalyse n’existait pas car « pour nous, cela représentait un homme allongé sur un divan, parlant à un psychologue, sans le voir. Cela nous paraissait d’ailleurs typiquement entendant. En effet, il aurait fallu un système de miroirs ou signer de côté pour que le psychanalyste puisse voir notre discours. Évidemment, aucun sourd n’avait eu ce type d’expérience, puisque topologiquement irréalisable et le signe « psychanalyse » ne se créa donc pas » [8]. Si certaines pratiques ou professions ne semblent concerner que les « entendants », d’autres à l’inverse sont évitées pour leur trop grande présence dans la vie des sourds. L’association durable entre surdité et déficience intellectuelle explique que les sourds restent méfiants face au corps médical. Ils sont alors réticents à consulter dans des services extérieurs à leurs réseaux associatifs, sur des problématiques explicites de santé mentale. Une connaissance des expériences de vie et des valeurs propres aux sourds semble nécessaire dans certains accompagnements thérapeutiques. Comment accompagner un sourd amputé de sa main suite à un accident, ou souffrant psychologiquement de la perte progressive de sa vue, en raison de son âge ou d’une maladie génétique [9], si l’on ne comprend pas les symboliques rattachées aux mains et aux yeux dans les cultures sourdes ? Être privé de ses mains ou de ses yeux c’est être coupé du contact avec le monde, c’est être privé d’une partie du corps qui symbolise l’expression et la pensée.
Jusqu’à une époque récente, il n’existait aucun plan d’action ou de politique, en France et au Québec, visant à répondre aux besoins spécifiques des sourds en matière de santé. L’expression d’un tel besoin aurait paru incongrue, étant donné l’importance de la médicalisation de l’éducation et de toute forme de prise en charge des sourds. La prégnance d’une représentation de la surdité en termes de déficit et d’incapacités, compromet pourtant l’accès des sourds à l’ensemble des services médicaux, et n’est pas sans produire elle-même des effets pathologiques.
Les histoires de vie de sourds reprennent constamment, au-delà de leurs différences, les thèmes de l’isolement, de la frustration et des incompréhensions avec les personnes entendantes. Concernant l’impact de ces expériences sur leur santé ou leur rapport aux soins, trois ordres de difficultés peuvent être dissociés.
Le premier type de souffrance évoquée par de nombreux sourds concerne les difficultés de communication, et le refus de la LSF ou de la LSQ par leurs interlocuteurs. Ceci suscite des réactions violentes : « À 11 ans, les professeurs trouvaient que je parlais vraiment de mieux en mieux. On m’a alors intégrée dans une classe de mal-entendants. Ça s’est très mal passé. Je me suis révoltée. Je jetais tous les cahiers (…), parce qu’on me forçait à parler, parce que c’était encore plus dur qu’avant : les signes étaient interdits en classe, mais aussi en dehors. On n’arrêtait pas de me punir. Je déchirais tous les cahiers. Je lançais les craies en l’air. Je bousculais les tables. J’ai vraiment explosé » (Sourde, institutrice en LSF, 30 ans, Fr.). À ces réactions, et au refus d’un travail de la parole, répond parfois une autre violence, celle du personnel : « On nous apprenait à prononcer les lettres, ça allait bien. (…). Là, il y avait un mot que je ne connaissais pas, j’ai demandé à la sœur : « Moi, j’arrive pas à comprendre ce mot-là. » Elle m’a pris par la tête et m’a frappée dans le mur. (…). J’étais pas la seule là (…) on nous pinçait une joue, on nous pinçait un bras, on nous cognait la tête sur le mur, oui » (Sourde, 65 ans, Qc.) [10]. Les conséquences de ces relations conflictuelles (impliquant des révoltes mais aussi des replis sur soi) peuvent être d’une autre nature, et relever d’une violence symbolique - qui n’en est pas moins destructrice -, en attribuant ce comportement à d’autres pathologies. Des sourds ont ainsi été catégorisés à tort comme caractériels, instables ou autistes, ce qui a des conséquences dans leur éducation [11]. Ce constat reste d’actualité, des témoignages ayant été rapportés pour des enfants aujourd’hui adolescents. D’autres sourds se sont vus quant à eux placés abusivement en hôpital psychiatrique [12]. Les rencontres et échanges entre sourds dans des cadres associatifs sont alors décisifs dans la (re)construction de soi : « je savais qu’il me manquait des morceaux et là [la découverte de la langue des signes et de la culture sourde] c’est comme si ces morceaux se sont ajustés, ces vides là se sont comblés » (Sourde, 20 ans, étudiante, Qc.).
Le deuxième type de difficultés décrites renvoie aux conditions de vie dans les institutions spécialisées, principaux lieux de scolarisation des enfants sourds, en France comme au Québec, jusqu’à la fin des années 1980. Certains sourds n’hésitent pas à parler de prison, et soulignent le fait que ce placement a tout simplement rompu les liens familiaux. D’autres insistent sur leur ignorance des manières de faire dans des sujets aussi divers que la gestion de la vie de couple, les relations parents-enfants, ou les démarches administratives de la vie quotidienne. « À l’école, on n’a pas appris à être autonome. L’école ça se termine à 18 ans et après ça, il reste une grande période de vie. Alors il faut apprendre à penser par nous-mêmes et pas que les autres pensent pour nous et nous obligent à développer leur façon de penser à eux. Après 18 ans, je dois être autonome comme personne sourde, c’est ma vie que je vais vivre avec mes idées et pas celles imposées par les entendants » (Sourd, 50 ans, Lithographe, Qc.). Si l’entrée dans une école de sourds pouvait avoir été un choc, par la prise de conscience de leur propre surdité et/ou la découverte d’une langue accessible, la sortie de ces établissements est également une épreuve par le constat amer de défaut de communication, de reconnaissance sociale et de liberté dans la manière de mener sa vie. « A 18 ans, je suis allé apprendre le métier de peintre. Je n’ai rien choisi, on a décidé pour moi (…). Le directeur, les professeurs m’ont dit que c’était bien d’être peintre (…) J’ai quand même eu mon diplôme. J’ai trouvé du travail. Je me suis rendu compte que je ne comprenais rien à ce que disaient les gens. (…) Tous les essais d’échanges étaient des échecs » (Sourd, 30 ans, professeur de LSF, Fr.). Une faible proportion d’entre eux, donnant naissance à des enfants sourds, assistent impuissants à la reproduction d’expériences douloureuses sur leur propre descendance : « un jour, je viens avec ma femme qui attendait un autre enfant… et je lui annonce cette nouvelle [au directeur de l’école]. Quoi ? Un deuxième enfant ! Encore un sourd ! J’en ai eu le souffle coupé. Je ne disais toujours rien… J’avais en tête que les sourds étaient écrasés, inférieurs » (Sourd, 43 ans, père de 3 enfants sourds, Fr.). Les formes de scolarisation se diversifient aujourd’hui, produisant une multiplicité de parcours [13], mais aussi d’autres types de problèmes. Certains jeunes sourds n’ont accès à aucune forme de communication jusqu’à leur adolescence. Il est difficile dans ces conditions de se projeter dans l’avenir. Certains ont pu croire que les sourds mourraient avant l’âge adulte [14]. D’autres n’ont reçu que très tard des réponses à leurs questions existentielles, sur les maladies, la vie, ou la mort [15].
Enfin, le dernier type de difficultés évoquées par des sourds concerne des expériences de maltraitance ou des difficultés psychologiques de camarades, qui n’ont pas été repérées ou reconnues en tant que telles, et qui n’ont donc pas reçu de réponses de la part des professionnels entendants, que ce soit en terme de soins ou de justice (les deux pouvant être liés). En France comme au Québec, on trouve ainsi des témoignages de prise en charge entre camarades de même âge ou des plus âgés envers les plus jeunes : « Lorsqu’on parlait, par exemple de difficultés, de retard scolaire, nous avions sous les yeux la référence directe à ces mots. À cet égard, si certains pouvaient avoir des comportements violents, c’était souvent le groupe d’élèves qui les prenait en charge et les calmait. Ils étaient parfaitement intégrés à nos relations et même si nous les savions limités, nous n’en étions pas moins proches d’eux. En cas de crise, nous les calmions de façon peut-être un peu péremptoire mais efficace » [16]. Maltraitances et pratiques d’entraide sont décrites dans le cadre d’écoles spécialisées. Certaines de nos observations dans des camps de loisirs au Québec montrent qu’elles ne sont pas limitées à ces espaces [17]. Ces problèmes restent ignorés en raison de difficultés de communication entre sourds, enseignants et médecins, mais aussi parce que la focalisation sur une oreille défectueuse laisse dans l’ombre la personne concernée, ses compétences, et ce qu’elle peut avoir à dire [18].
La négation sociale des aspects culturels liés à la surdité, et la construction des sourds comme des êtres handicapés, conduisent à leur marginalisation. « À s’obstiner contre les déficiences, on augmente souvent le handicap » souligne B. Mottez, sociologue [19]. L’existence d’une rupture de communication entre sourds et entendants, et les parcours de vie que cela dessine, contribuent à fragiliser des sourds qui, par ailleurs, sont globalement exclus ou ignorés des services de soins. Les initiatives d’accueil spécifique de patients sourds qui se mettent en place ou se multiplient dans les années 1990 sont alors, en premier lieu, une réponse aux situations de crise ainsi produites.
Au Québec, elles se font à l’intérieur des lieux traditionnels de prise en charge des sourds. Les écoles spécialisées, et les centres de réadaptation où l’on trouve des programmes ou unités importants en surdité, ont un personnel, incluant des psychologues et psycho-éducateurs, plus sensibilisé aux réalités de la surdité. Ces établissements mettent par ailleurs en place des collaborations avec les centres de santé mentale. Malgré tout, les services demeurent trop fragmentaires et les intervenants ne maîtrisent pas assez la LSQ pour communiquer directement avec les sourds. Ces services n’existent que dans les grands centres comme Montréal et Québec, laissant les sourds des autres régions totalement démunis. En France ces initiatives sont soutenues par le mouvement sourd en faveur de la LSF [20] - et par des réseaux internationaux comme la « Société Européenne de Santé mentale et Surdité », créée en 1986. Ces militants et professionnels de la santé mentale rencontrant des sourds dans le cadre de leur travail, veulent prendre au sérieux les difficultés de parcours et les choix linguistiques des sourds. Un « Groupe d’Études Spécialisé Thérapies et Surdités » est créée en 1988, et un « Réseau d’Action Médico-psychologique et Sociale pour Enfants Sourds » en 1991. Un premier état des lieux en 1992 montrait que 30% des enfants sourds scolarisés en région parisienne présentaient des troubles psychologiques avérés. Il n’existait alors pour ces 1.500 enfants que deux consultations de psychiatrie infanto-juvénile adaptées à ces problèmes, tandis que deux Hôpitaux de Jour pouvaient accueillir une vingtaine des enfants les plus en souffrance (à l’exception des adolescents pour lesquels rien n’existait) [21]. Cet état des lieux et ces associations restent cependant concentrés sur Paris.
Ces initiatives ont cependant permis de préciser les besoins. La priorité fut de diffuser une information en LSF et LSQ sur des sujets aussi divers que la dépression, les maladies génétiques, le SIDA, la violence conjugale, la grossesse, le fonctionnement des services de soins, etc [22]. Cette reconstruction de relations de confiance entre sourds et soignants relève, en France et au Québec, de deux types de dynamique. La première implique la prise de conscience de sourds découvrant que d’autres connaissent les mêmes difficultés qu’eux, et en meurent. La seconde repose sur des histoires de rencontres entre des patients sourds et des professionnels de la santé entendants, où chacun découvre, dans des situations de crise, les problématiques et références de l’autre. De ces deux types d’électrochocs, naissent différents services de soins dédiés aux sourds, encore en développement aujourd’hui.
Les années 1990 sont marquées, en France et au Québec, par le constat collectif selon lequel les sourds sont aussi concernés par les maladies sexuellement transmissibles, et notamment par le VIH. De nombreux sourds pensaient, jusque-là, que le SIDA était une maladie d’entendants qui ne les concernait pas [23]. Un grand mystère persistait pour beaucoup d’adolescents sourds sur les modes de transmission des maladies [24]. Les professionnels de la santé ne pensaient pas pour leur part que les sourds échappaient à leur campagne de prévention. De la même manière, les problèmes de violence faite aux femmes passaient totalement inaperçus. Ces différentes questions peuvent se trouver reliées à travers le parcours singulier de sourds, qui prennent alors l’initiative de créer les services inexistants. Ainsi, l’association française « Femmes Sourdes Citoyennes et Solidaires », qui lutte contre toutes les discriminations et les violences faites aux femmes sourdes, s’inspire à la fois de la philosophie de l’association AIDES et des associations féministes entendantes [25]. Au Québec, ce type de services a été mis en place, à travers la création de la « Maison des Femmes Sourdes de Montréal », à l’issue d’une rencontre en 1993 entre une femme sourde et les acteurs du « Développement Québécois de la Sécurité des Femmes » [26]. Aujourd’hui, 30 % de leur clientèle consulte pour des problèmes de violences graves (conjugale, viol, inceste), pour lesquels aucun autre type d’accueil n’existe. Ces initiatives montrent la particularité des services à créer puisqu’il faut ici un lieu spécifiquement ouvert à des sourdes, et des relations de confiance permises par la pratique de la LSF ou LSQ par les professionnels. Ces dynamiques de création concernent aussi les initiatives autour du SIDA. Ainsi, le Québec se démarque par l’originalité d’une structure de prévention contre les maladies sexuellement transmissibles et d’accompagnement de malades sourds entièrement conçue et gérée par des sourds. La « Coalition Sida Sourd du Québec » est fondée en 1992 à la suite de plusieurs décès de sourds malades du SIDA. Cette organisation donne ses services en LSQ et en American Sign Language (ASL). Pour toucher les sourds éloignés des grands centres urbains, une vidéo d’information sur le SIDA a été réalisée, ainsi qu’un glossaire de signes spécialisés en LSQ, et différentes actions de formation d’intervenants bénévoles. Bien qu’ils soient sollicités pour reproduire ce type de services dans d’autres pays, leur expérience et démarche n’ont jamais rejoint aucune autre sphère du milieu de la santé du Québec. Il n’y existe aucun accueil hospitalier en LSQ ou spécifiquement dédié aux sourds. Cette situation était également celle de la France aux débuts des années 1990. « Lorsqu’un médecin ne connaissant pas la LSF remettait les résultats d’un test de dépistage à son patient sourd, sans autres explications, ce dernier voyant la mention « séropositif » pensait que cela voulait dire que sa santé était positive et repartait convaincu qu’il n’y avait pas de problème ! », témoigne un leader sourd, qui crée en 1989 à Paris le secteur sourd de l’association AIDES [27]. Mais c’est la rencontre d’un sourd malade du SIDA et d’un médecin qui va être décisive dans ce pays. Après l’expérimentation d’une consultation en LSF à Paris, en 1995, - et la mobilisation des réseaux associatifs déjà évoqués -, 13 unités d’accueil et de soins hospitaliers pour sourds seront progressivement mis en place à travers le territoire. L’une d’elles concerne le suivi psychologique et psychiatrique de sourds. La totalité de ces accueils implique des médecins initiés à la LSF (même si le choix du mode de communication des patients est respecté), des soignants, des médiateurs sourds et des interprètes. Ces nouveaux services suscitent trois types de réflexions. La première concerne les manières de dire la santé en LSF. Visuelle, elle peut donner à voir ce dont on parle, mettant mal à l’aise des médecins paradoxalement peu habitués à ce manque de distance. « Jargon médical, écran protecteur, où es-tu ? » [28] écrira ainsi l’un d’eux. Ces questions linguistiques concernent aussi les sourds, à travers la multiplication de néologismes, dont ils cherchent à contrôler et valider les modes de création [29]. Le deuxième type de réflexion porte sur la formation. Un diplôme professionnel d’aide-soignant est créé en France en 2000 pour permettre à des sourds d’intervenir dans ces accueils. Deux diplômes universitaires (« Sourds et accès aux soins : dire la santé en LSF » ; « Surdité et santé mentale ») initient interprètes et professionnels des secteurs sanitaire et médico-social aux pratiques linguistiques et culturelles des sourds [30]. Le dernier type de réflexion renvoie aux relations de travail entre soignants sourds et entendants. Ces derniers « apprennent ainsi à mieux diriger leur regard, à respecter les sourds dans les prises de parole, à mieux observer les entrées en contact, les manières de toucher, les différentes qualités de gestuelles… » [31]. Ces expériences incitent les soignants entendants à repenser certaines de leurs difficultés avec des patients sourds. « Il m’est ainsi arrivé d’entendre des professionnels de la surdité dire que les entretiens avec les patients sourds durent deux fois plus longtemps que ceux avec des patients entendants » explique A. Karacostas, médecin psychiatre. « Ils ne leur venaient pas à l’idée de mettre ce doublement du temps sur le compte d’un choc des façons d’être respectives du patient comme du soignant, pas plus que de se demander ce qu’il en serait si un professionnel sourd rencontrait un patient sourd. »
Il est intéressant de voir comment ces deux histoires des mobilisations autour du SIDA ont donné naissance à des structures et des problématiques différentes en France et au Québec. Si dans un cas, les débats se focalisent sur la formation des sourds et les manières de dire la santé en LSF, ils s’orientent dans le second, sur la reconnaissance et la certification des interprètes en LSQ. Les consultations médicales au Québec se déroulent en effet avec le concours d’interprètes. Se posent alors des questions de compétences, de disponibilité des services et de confiance. Si plusieurs interprètes sont excellents et font leur travail avec professionnalisme, l’absence d’évaluation uniformisée et de barèmes minimaux pour exercer cette profession à travers la province ne permet pas de garantir la qualité des interprétations. Celle-ci peut aussi être compromise par le manque de connaissance du vocabulaire spécialisé et par la difficulté à maintenir un rôle neutre lorsque les formulations, les capacités linguistiques et les aspects culturels interfèrent avec le message lui-même. Par ailleurs, les problèmes de distance et de disponibilité entravent, notamment en région, l’accès aux services de santé quels qu’ils soient [32]. Ces réflexions sur les conditions d’interprétation montrent également la persistance d’un décalage plus culturel, concernant davantage les spécialistes de la surdité que les autres professionnels de la santé. Au-delà de limites imposées par les bris de communication, comment faire la distinction entre déviance et différence culturelle lorsque le soignant et le soigné interprètent la réalité à partir de deux systèmes de catégorisations différents et opposés ? Le refus de l’implant cochléaire par des sourds est bien souvent perçu comme une déviance alors qu’il est en cohérence avec leurs constructions identitaires. De même, le désir d’avoir un enfant sourd, exprimé par de nombreux adultes sourds, est perçu comme de l’inconscience par de nombreux spécialistes de la surdité et du dépistage génétique. Comment poser la limite entre ce qui est pathologique et ce qui relève uniquement d’un phénomène socio-culturel ?
L’analyse des conditions d’accès des sourds aux soins en France et au Québec montre que les besoins et enjeux ne se limitent pas au développement de dispositifs techniques, ni à l’implication d’interprètes. La rencontre entre deux mondes, par l’initiation de professionnels entendants à la LSF ou LSQ, et par la formation de sourds aux métiers de la santé, transforme plus profondément les relations entre sourds et médecine. Ces apprentissages croisés permettent à des collectifs de sourds de développer eux-mêmes certains services de prévention ou d’accompagnement. Ces différents services médicaux, qui collaborent avec des réseaux universitaires et associatifs, ont pour objectif l’accès des sourds aux mêmes services que les autres dans des conditions de communication, d’information et de respect similaires. Les relations entre sourds et médecine restent cependant paradoxales, en raison de la dualité du monde hospitalier lui-même. Il existe en effet, depuis plus d’un siècle, des services dédiés au dépistage et aux efforts de traitement de la surdité qui cherchent à faire disparaître la surdité ou à réduire les difficultés associées, en misant sur les restes auditifs, la lecture labiale et un travail d’articulation des sons. On ne peut reprocher à des médecins de chercher à comprendre, éviter et atténuer les divers problèmes d’audition. Mais ils ne doivent pas être les seuls interlocuteurs des parents d’enfants sourds. La contradiction entre ces deux volets hospitaliers est ainsi due à l’inscription institutionnelle de ce dernier secteur dans des dispositifs de prise en charge et de suivi des enfants sourds contribuant à la diffusion d’une vision pathologique de la surdité auprès des familles. Ce type de représentation a pourtant produit des ruptures de communication entre parents, enseignants et enfants sourds, entre soignants et patients sourds, aggravant des difficultés sociales ou psychologiques. Si la responsabilité des campagnes d’informations sanitaires auprès des sourds, en LSF ou LSQ, semble échoir aux services hospitaliers dédiés à ce public, elles ne portent paradoxalement jamais sur la surdité et l’accompagnement des proches, entendants, d’enfants ou d’adultes sourds. Parallèlement, les organisations administratives, scolaires mais aussi hospitalières (dépistage et annonce de la surdité) orientent exclusivement les jeunes parents d’enfants sourds et les personnes devenues sourdes, vers les services spécialisés dans le traitement de l’audition. Ces personnes ne prennent alors connaissance que d’une seule manière de voir et de vivre la surdité, d’une seule forme de prise en charge et d’éducation des plus jeunes. Cette question de la santé mentale et de l’accès aux soins des sourds en France et au Québec met ainsi en évidence le rôle et la responsabilité des pouvoirs publics dans l’articulation institutionnelle des services hospitaliers avec d’autres secteurs d’activités comme ceux de l’éducation, la prévention ou l’insertion sociale. Sans une réflexion sur les rapports entre services hospitaliers et sociétés, nous verrons des organisations sanitaires aux prises avec des conflits de valeurs fondamentaux portant préjudice à l’intégrité et au bien-être d’individus, que ceux-ci se pensent ou non handicapés.
[1] Ce travail est le fruit d’une rencontre entre deux chercheurs qui sont de manière égale et équitable les auteurs de cet article. En conséquence, nous nous réservons le droit de le citer en modifiant l’ordre des auteurs, présenté ici de manière alphabétique.
[2] Toutes les citations de personnes sourdes ont été traduites par nos soins.
[3] Groupe Européen d’Ethique des Sciences et des Nouvelles Technologies auprès de la Commission Européenne « Aspects éthiques des implants TIC dans le corps humain », Avis n°20, adopté du 16 mars 2005, [en ligne], http://ec.europa.eu/european_group_ethics/docs/avis20_fr.pdf, (Page consultée le 28 février 2008).
[4] Cette lettre datée du 14 février 2007 est rendue publique sur différents sites, notamment [en ligne], http://www.lahnon.org/SPIP-v1-7-1/article.php3?id_article=416, (Page consultée le 28 février 2008).
[5] Dans le cadre de cet article, nous donnons au terme « sourd », employé comme nom ou comme adjectif, le sens que ce groupe socio-linguistique utilise lui-même, en France comme au Québec, pour se désigner, et qui fait référence à un groupe d’individus partageant une histoire, une langue et une culture commune et qui peut-être opposé à la notion de « déficient auditif ».
[6] Pour plus de précisions sur les méthodes de recherche, lire N. Lachance et S. Dalle-Nazébi « La reproduction d’un groupe extra-familial. Territoire et reconstruction de réseaux de transmission entre sourds », Diversité urbaine, vol.7 n°2, Montréal, 2007, p.7-25.
[7] C. Chovas McKinnon, « Les troubles psychotiques et la surdité », Première conférence canadienne sur la santé mentale et la surdité, 2004, [en ligne] http://www.reach.ca/_uploads/_media/shared_future_fr.pdf, (Page consultée le 28 février 2008).
[8] G. Bouchauveau, « Du néologisme en langue des signes française », Conférence en LSF à G.E.S.T.E.S., Paris, le 22 mars 1993, traduction de F. Jeggli, [en ligne], http://www.gestes.org/article.php3?id_article=29, (Page consultée le 28 février 2008).
[9] C’est par exemple le cas du Syndrome d’Usher.
[10] C. Dubuisson et C Grimard, La surdité vue de près, Québec, Presses de l’Université du Québec, Collection santé et société, 2006, p.166.
[11] D. Donstetter, « Les enfants sourds, Françoise Dolto et la psychanalyse », Conférence à G.E.S.T.E.S., à Paris, le 16 mai 1994, [en ligne], http://www.gestes.org/article.php3?id_article=23, (Page consultée le 28 février 2008).
[12] Un témoignage en ce sens se trouve dans le documentaire de N. Philibert, Le pays des sourds, une co-production de Les films d’ici, La Sept-cinéma, le Centre Européen Cinématographique Rhônes-Alpes, 1992.
[13] S. Dalle-Nazébi et N. Lachance, « Rupture et réorganisation d’une transmission culturelle entre sourds. Espaces, acteurs et processus », dans Figures contemporaines de la transmission, Presses Universitaires de Namur – collection « Transhumances », 2008.
[14] N. Philibert, op. cit.
[15] Ayant constaté qu’un oiseau mort dans son jardin avait été jeté à la poubelle, et ne pouvant poser ses questions à sa famille, une petite fille sourde a ainsi longtemps cru qu’on mettait les personnes décédées à la poubelle.
[16] G. Bouchauveau, op. cit.
[17] Nous avons constaté une meilleure prise en charge d’enfants sourds en colère par des aides moniteurs sourds, à peine âgés de 16 ans, que par leurs collègues entendants, plus âgés, dépassés par des réactions très physiques.
[18] J.-F. Mercurio, « Sourd et citoyen pour une politique de la langue des signes », intervention en LSF, 12 juillet 1990, cassette VHS n°17, Colloque international « La langue des signes », Poitiers, éd. VidéoSignes,1990.
[19] B. Mottez, « À s’obstiner contre les déficiences, on augmente souvent le handicap », Sociologie et Société, 1/1977, Montréal, pp.20–32. 1977.
[20] S. Dalle-Nazébi, Chercheurs, Sourds et Langue des Signes. Le travail d’un objet et de repères linguistiques, Thèse de sociologie, Université Toulouse 2, 2006.
[21] http://ramses.asso.free.fr/
[22] Plusieurs associations de sourds participent ensuite à l’organisation de conférences sur ces sujets. Certaines organisations sont cependant spécifiquement dédiées à ces questions et constituent des archives vidéos de ces rencontres (http://www.gestes.org/), produisent et diffusent des lexiques techniques (http://www.frequencevih.ca/spip.php?article475), organisent des formations et diffusent une information régulière sur internet (comme les locuteurs suisses de LSF : www.pisourd.ch ; http://www.mains-dire.org/content/view/68/45/ ).
[23] J. Dagron, Sourds et soignant, deux mondes, une médecine, Paris, In Press édition, 1999.
[24] Nous avons ainsi assisté à plusieurs reprises à des discussions entre adolescents sourds français dans le train, de retour chez eux. Ils ont ainsi pensé que l’appendicite contractée par deux élèves de leur classe était due à leurs relations amoureuses. Nous avons également assisté à des efforts de lectures collectives et fragmentaires d’articles de journaux, montrant comment l’information pouvait non seulement ne pas être reçue, mais aussi comment elle pouvait être mal reçue.
[25] http://fscs.asso.free.fr/ ; Voir également « Au début, j’étais amoureuse », Reportage de l’Oeil et la main, [en ligne], http://www.france5.fr/oeil-et-main/archives/19067233-fr.php, (Page consultée le 28 février 2008).
[27] Cité dans E. Benaben, « Les sourds face au Sida », 2001, [en ligne], http://www.yanous.com/tribus/sourds/sourds010126.html, (Page consultée le 28 février 2008).
[28] J. Dagron, opp. cit., p.142.
[29] G. Bouchaveau, opp. cit. Suite à l’enseignement universitaire mis en place sur ce sujet, un DVD « dire la santé en LSF » a été diffusé.
[30] B. Drion, « L’accès des personnes sourdes aux soins de santé », Actes colloques année 2002 - Conférence n°1, [en ligne], http://www.h2000.be/actescol/2002/031002/002.htm et Circulaire DHOS/E1 no 2007-163 du 20 avril 2007 relative aux missions, à l’organisation et au fonctionnement des unités d’accueil et de soins des patients sourds en LSF, [en ligne], http://www.sante.gouv.fr/adm/dagpb/bo/2007/07-06/a0060118.htm, (Pages consultées le 28 février 2008).
[31] A. Karacostas, « Services en santé mentale pour personnes sourdes et malentendantes en Europe », Première conférence canadienne sur la santé mentale et la surdité, 2004, [en ligne] http://www.reach.ca/_uploads/_media/shared_future_fr.pdf (Page consultée le 28 février 2008).
[32] OPHQ, État de la situation de la langue des signes québécoise en enseignement. Rapport de recherche et pistes de solution proposées par l’Office des personnes handicapées du Québec, 2005.
Dalle-Nazébi Sophie, Lachance Nathalie, « Sourds et médecine : impact des représentations sur les conditions d’accès aux soins. Regards croisés France-Québec », dans revue ¿ Interrogations ?, N°6. La santé au prisme des sciences humaines et sociales, juin 2008 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/Sourds-et-medecine-impact-des (Consulté le 13 décembre 2024).