L’oubli est un concept ambivalent qui échappe à toute systématisation parce qu’il touche à des domaines divers. Les Grecs l’ont incarné dans la figure mythique de Léthé, dont le nom précédé d’un préfixe privatif définit la vérité, l’aletheia, ou ‘absence d’oubli’. Mais Léthé n’exprime pas seulement un manque. Elle est aussi médiatrice de la création littéraire, puissance cathartique, chemin vers la vérité ou la spiritualité, comme le montre l’analyse des données mythiques, mais également poétiques, philosophiques et religieuses. Léthé témoigne ainsi de la fine intuition des Grecs qui ont su donner à l’oubli la place essentielle qui est la sienne.
Mots-clés : Léthé, aletheia, mythologie gréco-romaine, catharsis, spiritualité.
May man benefit from oblivion ? The example of the Lethe’s myth : an inspired intuition of the Greek
Oblivion, characterised by its ambivalence, can’t be clearly described and put into a simple system of classification, because of the various analysis it gives birth to. The Greek have embodied it in the mythic figure of Lethe, whose name, constructed with a depriving prefix, defines the truth, the aletheia, or ‘the lack of oblivion’. But Lethe does not express just a blank. She is also a means of literary creation, a cathartic power, a way to truth or spirituality, as it appears from the analysis of myth, but also of poetry, philosophy and religion. And so, through Lethe, the Greek, well inspired, have seen the essential place of oblivion in the human life.
Keywords : Lethe, aletheia, greek and roman mythology, catharsis, spirituality.
L’oubli est souvent regardé comme un signe de vieillissement et de dégénérescence intellectuelle : ne pas être capable de se souvenir – quel que soit l’objet du souvenir – c’est ne plus être maître de ses capacités, c’est avoir des difficultés à prendre sa place au sein de la société, c’est s’approcher de la mort. Dans la pensée gréco-romaine antique, le concept s’incarne dans la figure mythique de Léthé dont le nom dérive du verbe grec lanthanô, ‘être caché, ignoré’ [1]. Est-ce à dire que les Grecs ne voient dans l’oubli qu’une défaillance, un échec de l’esprit humain ? Léthé ne peut-elle être bénéfique à l’homme, voire salvatrice ? C’est par une analyse personnelle de certaines données mythiques, poétiques, philosophiques et religieuses que nous tenterons d’apporter une réponse à ces interrogations.
Chez Hésiode [2], Léthé apparaît comme la fille d’Eris, Discorde, qui est aussi mère d’autres allégories négatives ; elle est également la petite-fille de Nuit, Nux, une déesse très puissante dans l’Iliade [3] et, chez les Orphiques, une divinité primordiale [4]. Léthé passe parfois pour être fille d’Ether [5] et de Gaia [6], la Terre. « Selon une tradition » [7], elle est également « la mère des Charites », les Grâces.
Mais Léthé est aussi une rivière et, à ce titre, elle est fille d’Océan, Okéanos, père de tous les fleuves. Elle coule aux Enfers, qui sont « sa demeure » [8], et sépare le Tartare des Champs Elysées ; son eau [9] procure l’oubli à quiconque en boit. Chez Platon, tout comme chez Aristophane [10], elle est une plaine, pédion, des Enfers, dépourvue d’arbres et de plantes et où règne une chaleur accablante [11].
Il existait en Béotie, à Lébadée, près du sanctuaire de Trophonios, une source de Léthé, à côté d’une source de Mémoire, Mnêmosunê [12]. C’est là que les Anciens localisaient l’une des entrées dans le monde infernal. Enfin, géographiquement, « le fleuve de Léthé » désigne le Limée une rivière de Lusitanie [13].
Ainsi, les données mythologiques unissent leur diversité pour faire de Léthé une déesse ambiguë.
Au premier abord, Léthé apparaît comme une puissance destructrice. Par sa mère, Eris, sœur et compagne du dieu de la guerre, Arès, et par ses frères et sœurs, elle est associée aux violences guerrières sanglantes [14], aux tensions psychologiques [15], à la souffrance physique et morale [16]. P. Lévêque et L. Séchan parlent même, à propos de cette généalogie, d’une « carte du dur » [17]. Léthé devient ainsi un symbole de mort, associée à Thanatos comme dans l’Hymne orphique à Hupnos [18], et ce n’est pas sans raison si c’est aux Enfers que coule son fleuve : l’oubli que procure son onde s’assimile à une perte d’identité et souligne sa capacité à donner la mort par anéantissement léthargique de la personnalité. Léthé s’avère monstrueusement dangereuse ; d’ailleurs ne passe-t-elle pas aussi pour la fille de Gaia, dont la personnalité négative a été accentuée au point de faire d’elle la mère de tous les monstres [19] ?
Pourtant son ascendance et son identité de fleuve infernal la mettent en relation avec au moins trois des quatre éléments, à savoir la terre (elle est fille de Gaia), l’air (elle est fille d’Ether) et l’eau (elle est un fleuve) ; elle est même associée à la chaleur du feu chez Platon [20], ce qui fait d’elle une divinité cosmique primordiale, en tant qu’émanation de ce que les Anciens considéraient comme les composants ultimes de la réalité. Ses attributions et sa personnalité reflètent celles de ses parents d’une façon qui peut être tout à fait positive : Gaia, mère des monstres mais aussi « mère universelle et mère des dieux », possède une science mantique ancienne [21], et Léthé a hérité d’elle sa fonction oraculaire, puisque - nous le verrons - elle joue un rôle dans la consultation de certains oracles. A son père Ether, lumière pure du ciel supérieur, et à sa grand-mère Nuit, Léthé doit sa dimension spirituelle et sa puissance créatrice [22], tandis que son autre mère, Eris, qui n’est pas seulement la détestable Discorde mais aussi « l’esprit d’émulation, (…) ‘ressort’ (du) monde » [23], fait d’elle une puissance d’apaisement et un principe de création, comme l’a fort bien compris Nietzsche, pour qui l’oubli est au principe de la création.
Enfin, Léthé est sœur de Serment, Horkos, étymologiquement « ce qui enferme ou contraint », c’est-à-dire une violence salutaire qui oblige à tenir sa parole. A l’image de son frère, dieu de la droiture morale qu’il fait respecter au besoin par la force, Léthé, par sa puissance d’oubli, détruit et sauve tout à la fois ; d’ailleurs, ses filles, les Charites, sont de riantes divinités de la végétation, qui meurt pour revivre, et des déesses de la beauté, répandant la joie dans la nature et le cœur des hommes. Quand le mythe présente Léthé comme la fille d’Eris et la mère des Charites, il suggère, selon l’analyse du docteur B. Auriol, qu’« à la discorde succède l’oubli qui engendre la fête » [24].
Source d’oubli près du sanctuaire de Trophonios à Lébadée, Léthé joue un rôle essentiel dans le rituel oraculaire ; en effet, pour que l’oracle soit rendu, les consultants doivent d’abord boire de son eau, geste de purification psychique qui leur garantit l’écoute de Trophonios [25]. Après quoi, ils sacrifient à son génie représenté par le symbole chthonien du serpent puis ils descendent au fond de la caverne où ils entendent la réponse du héros. La source de Mnêmosunê, Mémoire, qui se trouve à côté de Léthé, leur rend le souvenir de leur identité. Dans la tradition mythologique orphique [26], ces deux sources se trouvent à la croisée des chemins, à droite celle de Mémoire, qui, selon A. Ballabriga, « permet à l’âme de renouer avec les réalités divines et célestes » et, à gauche, celle de Léthé, qui « l’écarte de ces réalités » [27]. Mais Léthé ne transcrit pas simplement un danger ou un interdit ; elle est une voie vers la connaissance qui implique une mort symbolique, à l’image de celle de Trophonios, englouti par la terre pour s’être rendu coupable de vol et de meurtre [28]. Léthé suggère une descente en soi, un oubli qui rend réceptif au message oraculaire, parce qu’elle permet une détente psychique de l’être, ouvre l’âme à l’extase dionysiaque [29] et libère les forces obscures de la psyché.
Cette caractéristique chthonienne de Léthé et la richesse symbolique de sa localisation comme frontière entre le Tartare, centre cosmique chez Hésiode et Platon [30], et les Champs Elysées l’associent à un autre héros « doté d’un pouvoir mantique et guérisseur » [31], Asclépios. Son sanctuaire de Trikka, en Thessalie, se trouvait près d’un Léthé [32]. Le lien entre Léthé et Asclépios, dont la science médicale était capable de ressusciter les morts [33], souligne le rôle joué par l’oubli dans la guérison des maladies. Léthé invite à dépasser le stade de la douleur pour permettre à la médecine d’être réellement efficace : en soignant le psychisme, elle apaise le corps. Ainsi le mythe dessine une figure ambivalente, faisant de Léthé une puissance de destruction mais aussi un principe de création.
Que devient la figure mythique de Léthé, quand les poètes s’en emparent ? Elle semble les fasciner et les effrayer en même temps, en un étrange jeu d’attraction et de répulsion.
Après l’épisode douloureux des Kikones, Ulysse et ses compagnons, poussés par le violent Borée, parviennent au pays des Lotophages, « chez ce peuple qui n’a, pour tout mets, qu’une fleur » [34], le lôtos, qu’il offre généreusement aux étrangers qu’il croise. « Or, sitôt que l’un d’eux goûte à ces fruits de miel [35], il ne veut plus rentrer ni donner de nouvelles » (v. 94-95) : il perd le souvenir de son passé et oublie ses souffrances, ses responsabilités, ses désirs, goûtant ainsi une béatitude proche de l’hébétude. Devant cet état, Ulysse prend peur et craint « qu’à manger de ces dattes, les autres n’oublient aussi la date du retour » (v. 102). Le lôtos est fruit de léthé, comme le suggère le calembour d’Homère que V. Bérard a rendu par le jeu de mots sur dattes et date. Il provoque un oubli proche de la léthargie et déstructure la personnalité, s’apparentant en cela à une drogue… Et si le lôtos grec était le pavot des latins ? Dans la langue de Cicéron, pavot se dit lethusa [36], avec un e long qui souligne la parenté avec Léthé, tandis que Virgile, évoquant la vertu soporifique de cette plante, parle du « sommeil léthéen » qu’elle produit [37] : Léthé semble connue pour sa puissance narcotique et lorsque Médée veut endormir le dragon qui garde la toison d’or, elle « (répand) sur lui le suc d’une plante qui rivalise avec Léthé » [38].
On comprend donc pourquoi Ulysse doit faire preuve de violence pour ramener ses compagnons à la raison : il les entraîne « de force, tout en pleurs » (v. 98) et les met « à la chaîne, allongés sous les bancs, au fond de leurs vaisseaux » (v. 99), c’est-à-dire qu’il les traite comme des gens devenus dépendants, tout entiers prisonniers de la séduction sucrée de ce fruit à la trompeuse saveur de miel. La violence qu’il leur fait subir en les faisant descendre dans la cale du navire (sous, au fond de) se révèle salvatrice. L’épreuve, déstabilisante, des Lotophages pourrait avoir valeur initiatrice : elle apprend à renforcer sa volonté et à ne pas céder à la tentation trompeuse d’un bonheur apparent. Léthé s’érige ainsi en règle de vie.
En apaisant un cœur blessé, Léthé agit comme une drogue médicinale : douce comme « le sommeil (quand il) étend (…) son aile d’oubli », lêthaion (…) ptéron [39], elle apporte la paix. C’est pourquoi Ovide, victime d’une cruelle sentence d’exil à Tomes, aux confins du monde romain [40], implore : « donne-moi, s’il en existe, de cette eau de Léthé qui tue la mémoire du cœur », hebetantem pectore Lethen [41]. Confronté à une contrée hostile et barbare, contraint à soliloquer dans la solitude et à composer des vers que personne ne peut lire ni comprendre [42], il aspire à l’oubli et supplie la bienfaisante Léthé d’effacer en lui le souvenir de la douce Rome. Il lui demande donc un véritable miracle, puisque la mémoire du cœur, comme celle de l’amitié, pourrait résister même à la puissance de la déesse, comme il le suggère lui-même à Atticus : « non, quand tu aurais bu à pleine coupe les eaux de Léthé qui apporte la quiétude, securae (…) Lethes, je ne croirais pas que tant de souvenirs soient morts dans ton cœur » [43].
C’est donc au pouvoir conjugué de Léthé et de la poésie qu’Ovide demande la guérison. La Muse est pour lui le seul remède et le seul repos, medicina quiesque [44] : elle le détourne de ses souffrances présentes [45] et lui apporte l’extase dionysiaque [46] qui nourrit son inspiration, apaise ses blessures, calme ses angoisses, comme s’il « s’abreuvait à la coupe des flots endormeurs de Léthé », soporiferae (…) Lethes [47]. Ses vers deviennent thrène poétique, chantant et ressassant sa propre mort dans l’intimité de Léthé et de Thanatos. Mais cette expérience douloureuse où la tristesse s’érige en esthétique permet le renouvellement créatif de son génie et donne à Léthé une dimension cathartique et poétique [48].
Charmé par la beauté de Françoise, Baudelaire lui a composé un hymne élogieux en latin, « Franciscae meae laudes », « louanges à ma Françoise », qu’il a intégré aux Fleurs du mal [49]. Il y affirme la nouveauté de sa démarche créatrice : c’est sur la lyre de son cœur qu’il chante la femme aimée et les cordes qu’il pince vibrent de son émotion solitaire face à cette inspiratrice mutine et ludique : Novis te cantabo chordis / O novelletum quod ludis / In solitudine cordis (v. 1-3). Il la transfigure pour en faire une femme rédemptrice de tous les péchés, O femina delicata / Per quam solvuntur peccata (v. 5-6). C’est dans ce contexte qu’intervient Léthé : Sicut beneficum Lethe / Hauriam oscula de te / Quae imbuta es magnete, « comme le bienfaisant Léthé, je boirai les baisers de toi qui m’attires comme l’aimant » [50].
Léthé perd sa mythique féminité mais voit renforcé par Baudelaire le pouvoir apaisant qu’elle avait chez Ovide où elle était secura : elle est celle qui fait le bien bene – facio et elle fusionne avec la femme aimée jusqu’à s’assimiler à elle, comme le suggèrent la comparaison introduite par sicut et l’emploi du verbe hauriam, je boirai, qui évoque à la fois la coupe de Léthé et la chaleur des lèvres. La sensualité du passage et le jeu sur les deux niveaux font de Léthé une Hermaphrodite d’un genre nouveau, à l’image de la création poétique baudelairienne qui allie audace et tradition. Par cette assimilation, Léthé, comme Françoise, devient celle qui fait oublier au poète ses errances passées [51] ; déesse bienveillante, elle est « comme l’étoile salutaire au milieu des naufrages amers », velut stella salutaris / In naufragiis amaris (v. 13-14) : le feu stellaire s’unit à l’onde marine pour redonner à Léthé sa dimension de déesse primordiale, tout en divinisant Françoise.
L’approche poétique de Léthé atteste de la richesse de l’oubli, capable d’adoucir les souffrances et d’apporter, par l’extase amoureuse ou poétique, la paix du corps et du cœur. Mais il s’agit là d’embellissements poétiques ! L’oubli, quand il est abordé dans une perspective philosophique, reste-t-il aussi bénéfique ?
Le composé le plus important formé sur Léthé est celui d’aletheia qui, en grec, marque étymologiquement l’absence (a) d’oubli (léthé) et qui se dit « de choses que l’on ne cache pas, par opposition à ‘faux’ (pseudês), ‘apparent’, etc. » [52]. S’agit-il pour autant d’une dialectique purement exclusive ? Pour le savoir, nous nous proposons de relire le mythe platonicien d’Er le Pamphilien.
Chez Platon, le mythe vient au secours de la pensée pour exprimer « ce qui (…) ne peut se dire dans le langage de la rationalité », en une « nécessaire complémentarité » avec le logos [53]. Le mythe d’Er le Pamphilien, qui clôt la République [54], complète ceux du Gorgias et du Phédon [55] et évoque le sort des âmes à travers le récit d’Er. Soldat tué sur le champ de bataille (614 c), Er se réveille sur son bûcher funèbre : il « a été épargné (…) pour être le messager de l’au-delà auprès des hommes » [56] et il raconte : après avoir choisi leur destinée, les âmes se rendent « ensemble dans la plaine de Léthé par une chaleur étouffante et terrible ; car il n’y (a) dans la plaine ni arbre ni plante » et elles doivent boire de l’eau du « fleuve Amélès, qu’aucun vase ne peut garder » ; « dès qu’on en a bu, on oublie tout » (621 a-b). Le mythe semble exprimer la même nostalgie que dans le Phèdre [57] : l’oubli est destructeur et pour parvenir à l’aletheia, la vérité, il faut vaincre la Léthé et reconstituer le savoir par la réminiscence.
Pourtant, le rôle dévolu par Platon à Léthé n’est pas simplement celui d’obstacle à dépasser. Passage incontournable avant le retour à la vie, Léthé lave l’âme de ses souvenirs, rendant à la toile de la vie sa virginale pureté. Dès lors, il est possible, dans les limites imparties par le destin, de construire sa personnalité et de façonner son existence. Léthé agit d’une façon proprement cathartique, comme le suggère la présence, dans le mythe d’Er, de deux des quatre éléments, le feu et l’eau. Le premier, qui fait régner une « chaleur étouffante et terrible », prépare l’âme à sa purification comme le feu du bûcher prépare son voyage en consumant le corps et comme l’ekpurôsis des Stoïciens régénère l’univers : pour vivre, il faut mourir. C’est pourquoi il n’y a « ni arbre ni plante » dans la plaine de Léthé. L’eau, dont le principe divin est souligné par son caractère insaisissable et sa nature réfractaire à tout contenant, est celle du fleuve Amélès, au nom symbolique : cette rivière, qui semble bien être une invention de Platon, connote l’insouciance, l’absence de souci [58]. Ainsi Léthé apaise l’âme, efface le désir de révolte et le souvenir du jugement infernal, permettant ainsi à la vie et à l’espoir de renaître au cœur d’une nouvelle liberté.
En effet, Léthé rend possible un nouveau commencement et préserve la liberté humaine. Celle-ci s’exerce à deux niveaux. A un stade antérieur à l’action de Léthé, les âmes choisissent le genre de vie auquel elles seront liées « de par la nécessité » ; comme le dit le hiérophante, « chacun est responsable de son choix, la divinité est hors de cause » (617e) ; aussi conseille-t-il de bien réfléchir avant de choisir, car la décision qui aura été prise par l’âme aura pour elle valeur de destin sur terre. Ainsi, comme le remarque G. Droz, « le destin n’est plus, en aucun cas, cette force transcendante écrasante qui décide de nous » [59] ; il est l’effet de notre propre choix, que nous faisons en toute liberté.
C’est à ce moment qu’intervient Léthé : les âmes boivent l’eau du fleuve Amélès et oublient leur choix ainsi que les caractéristiques de la destinée pour laquelle elles ont opté. Dès lors, elles peuvent exercer pleinement leur liberté : le destin qu’elles se sont imposé leur a donné un corps et une condition sociale, mais, à l’intérieur de ce cadre, elles restent libres de la façon dont elles mènent leur vie et du zèle qu’elles mettent à pratiquer la vertu [60]. Comme le dit G. Droz, « choisir se joue dans l’au-delà, et il est fondamental de bien choisir » (premier stade de la liberté, antérieur à l’action de Léthé), « mais se choisir se jouera dans les efforts de chaque jour, à chaque instant du présent terrestre » [61]. Ainsi, dans une perspective proche de celle qu’adoptera plus tard Leibniz [62], si le choix est fixé dans l’éternité, la liberté se joue dans l’instant et c’est l’action de Léthé qui en permet la fragile et nécessaire action. Ainsi, sa dignité : en lui faisant oublier le destin qu’il s’est imposé, Léthé préserve la fragile liberté de l’être humain au cœur de l’instant.
Bien plus, Léthé semble jouer un rôle essentiel dans la pensée platonicienne et dans la quête de l’aletheia, terme grec qui, outre la ‘vérité’, signifie la ‘réalité’ et la ‘sincérité’ [63] : c’est elle qui éveille le désir de la philosophie. Lorsque, dans le mythe du Gorgias, Zeus intervient pour « ôter aux hommes la connaissance de l’heure où ils vont mourir » [64], il les frappe d’un oubli qui semble les diminuer ; mais, en fait, il les contraint à se tenir « prêts en permanence pour l’instant fatidique » [65] et donc à dominer par la philosophie la peur de leur propre anéantissement ; il les oblige à être sincères avec eux-mêmes et à regarder en face la réalité de leur condition de mortels. L’oubli apparaît ainsi comme constitutif de l’homme, dont il reflète à la fois la faiblesse et la force.
Aussi est-ce Léthé qui lance la quête philosophique de la vérité, puisque l’âme a gardé la prescience des « réalités jadis vues (…) quand elle suivait le voyage du dieu (…) et levait la tête pour contempler l’être véritable » [66] : l’aletheia n’est pas donnée a-priori ; elle doit être recherchée et il faut chaque jour s’efforcer de s’en rapprocher. Léthé joue le même rôle que le voile de Maya de l’hindouisme : elle cache et révèle à la fois. La connaissance de l’aletheia, du vrai, qui, en grec, rappelons-le, se définit étymologiquement comme l’absence d’oubli, passe par la Léthé, élément essentiel de la théorie de la réminiscence, puisque entrant dans « la trilogie Mnémosunê – Léthé – Anamnêsis » [67]. Les analyses traditionnelles, qui font de Léthé une puissance négative, à l’œuvre dans l’écriture qui rend l’âme oublieuse [68], négligent, à notre avis, un aspect essentiel : sans l’oubli, il n’y a pas d’effort dialectique ni de quête philosophique du vrai, sans Léthé, il n’y a pas d’égalité.
En effet, le pouvoir de réminiscence de ce « divin savoir » n’est pas réservé à quelques heureux élus ; chacun a en soi la capacité de se souvenir, « même l’esclave analphabète, s’il est dirigé par un bon guide et tenace dans sa volonté » [69], comme le montre le Ménon où un jeune serviteur retrouve, avec l’aide de Socrate, la démonstration de la duplication du carré. Certes, avec l’évolution de la pensée de Platon, la possibilité et la qualité du souvenir, qui deviennent « fonction de la vision antérieure » [70], ne sont plus aussi généreusement attribuées à tous [71]. Mais, même si elle est mise en latence pour beaucoup, elle reste possible pour tous. Il semble bien qu’à la base de la théorie platonicienne de l’anamnêsis, pour ne pas dire à la base de la philosophie platonicienne dans son admirable enchaînement logique [72], il y ait l’eau de Léthé à laquelle les morts sont obligés de s’abreuver : pour savoir, donc, selon Platon, pour se souvenir, il faut avoir oublié… Sans Léthé, toute l’élaboration conceptuelle des Idées s’effondre et la dimension spirituelle de la pensée platonicienne s’effrite. Est-il dès lors excessif de penser que l’oubli est à la base de ce désir de divin constitutif de l’homme ?
Dans la logique de la pensée platonicienne, Léthé est associée au monde matériel qui enferme l’âme dans la prison corporelle, puisqu’elle lui fait oublier les réalités lumineuses du monde des Idées : en buvant l’eau de Léthé, l’âme perd ses ailes et sa dimension éthérée. L’approche mystique de la philosophie platonicienne semble faire de Léthé une entité négative, symbole des puissances trompeuses du moi et des séductions dangereuses de la société qu’il faut combattre avec acharnement. Mais dans ce désir violent d’« oubli total du corps et du monde » [73], Léthé joue le rôle de catalyseur : elle est manifestation en creux de la lumière de ce Dieu dont il s’agit de s’approcher et avec lequel le mystique rêve de fusionner. Le mouvement ascensionnel qui pousse les mystiques de toute obédience à s’élever vers Dieu pour se fondre en Lui a pour origine et pour moyen l’oubli qui transcrit à la fois la réalité du corps et de ses désirs et la nostalgie d’un au-delà purement divin ; il s’agit dès lors de s’oublier totalement, de se vider de toute existence pour s’offrir à Dieu, comme le suggère la « mystique du vide » caractéristique du bouddhisme [74] : l’oubli devient ascèse, philosophie de vie.
C’est cette orientation que Plotin donne à son Intellect, dont P. Hadot a fort justement souligné le « caractère mystique et intuitif » [75]. L’âme, qui est avec l’Etre et l’Un, l’une des trois hypostases ou principes éternels, est en quête du « point où la contemplation s’accomplit en vérité » [76], dans la fusion intemporelle avec le Noûs, l’Intellect [77]. Pour cela, comme le dit Plotin lui-même, « l’âme supérieure doit volontiers oublier ce qui lui vient de l’âme inférieure » ; or, pour « renoncer aux soucis des hommes », il faut les « oublier tous » [78], tout comme « il faut oublier les bruits passagers du monde pour entendre la parole de l’origine qui nous dit l’être » [79] : le moi s’annihile, la conscience de soi devient purement intellectuelle [80], libre de tout souvenir, « de sorte que, selon les propres termes de Plotin, l’on pourrait dire (…) avec justesse que l’âme bonne est oublieuse. Elle s’enfuit ainsi, loin du multiple, elle réduit le multiple à l’unité (…) et de cette manière, elle devient légère et recueillie » [81]. L’âme doit donc se libérer non seulement du corps, qui « ne peut rien conserver par lui-même » [82], mais aussi de la partie inférieure d’elle-même qui s’est laissée tenter par les choses terrestres qui l’ont attirée [83], créant ainsi le temps et par là la mémoire [84]. Celle-ci se trouve connotée négativement par rapport à l’oubli, capacité réservée à la partie supérieure de l’âme, élément essentiel du bonheur que procure la contemplation du Noûs. Léthé apporte un anéantissement de soi qui prépare à la fusion mystique avec le divin.
Nous voudrions terminer cette approche de l’oubli léthéen par un bref aperçu sur la mystique des soufis musulmans dont l’esprit nous paraît proche de la pensée plotinienne. Il s’agit en effet dans les deux cas d’un lent cheminement vers l’extase contemplative qui implique une altération du moi, prélude à sa purification : il faut, dit Plotin, devenir « totalement autre, en s’étant arraché soi-même en haut, pour n’entraîner que le meilleur de l’âme » [85](85). De même, le mystique soufi doit gravir les trois degrés de la certitude, à savoir, « par ordre ascendant, la Science de la certitude (…), l’œil de la certitude (…) et la Vérité de la certitude », avant de parvenir au fana’ qui est « l’extinction de toute altérité, seul moyen de réaliser l’Identité suprême » [86], la fusion bienheureuse avec Dieu, dans la lumière de Son amour. Mais cet « anéantissement de soi dans le Bien-Aimé » ne vient qu’au terme d’un long parcours ; c’est la dernière des sept étapes que distingue Farid ad-Dîn Muhammad de Nishapûr, après « la recherche, la passion, la connaissance, le parfait désintéressement, le fait de s’ancrer à l’unicité de Dieu et la stupéfaction » [87].
Cet oubli total de soi, où semble se manifester pleinement la toute puissance de Léthé, permet au soufi de connaître l’amour de Dieu. Cette expérience merveilleuse de symbiose avec Dieu a été chantée par Djalal od-Din Rûmî, fondateur de la confrérie des Mevlevis, les derviches tourneurs : « l’amour est venu et il est comme le sang de mes veines et ma peau, / Il m’a anéanti et m’a rempli du Bien-Aimé. / Le Bien-Aimé a pénétré toutes les parcelles de mon corps. / De moi il ne reste plus qu’un nom ; tout le reste est Lui » [88]. Cheikh Abu Sa’id abi-l-Khayr ira encore plus loin dans cette expérience du fana’, puisque même son nom disparaît, comme s’il devenait un néant vivant : « je suis devenu tel que je ne trouve même pas ma propre personne. Tout est Lui et je n’existe plus. Cela vient de ce qu’Il était et de ce que je n’existais pas : Il sera toujours et je n’existerai jamais » [89].
Cet oubli total n’est pourtant ni destructeur ni négatif ; il s’agit de faire l’expérience de la présence divine, comme si Léthé n’était plus la manifestation en creux de la lumière de Dieu, mais cette lumière même qui est oubli total de toute altérité [90] et dont, comme le dit P. Hadot à propos de Plotin, on « éprouve si intensément (la) présence que (l’on) perd la conscience de (soi)-même » (p. 198).
L’étude de la figure de Léthé telle que la construisent la mythologie et les penseurs de l’Antiquité met en lumière la fine intuition des Grecs : si l’oubli peut apparaître comme une défaillance de la conscience et un échec du logos, il s’avère pourtant bénéfique. Il a un indéniable pouvoir thérapeutique et cathartique, puisqu’en effaçant les souvenirs douloureux, il adoucit les souffrances. En exprimant un manque qui provoque une nostalgie, il joue un rôle de catalyseur dans la quête philosophique de la vérité, l’aletheia, et il est même à l’origine de l’une des plus belles expériences humaines, celle de l’extase véritable, sensuelle ou mystique, qui est d’abord un oubli de soi dans l’autre ou en Dieu. Ainsi, l’oubli n’est pas seulement bienfaisant, il est proprement essentiel à l’homme, aussi inhérent à sa nature que la mort à la vie.
● Bonnefoy Yves (dir.), Dictionnaire des mythologies, Paris, Flammarion, 1981.
● Droz Geneviève, Les mythes platoniciens, Paris, Seuil, « Points Sagesse », 1992.
● Grimal Pierre, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine [1951], Paris, Presses Universitaires de France, 1994.
● Hadot Philippe, Plotin ou la spiritualité du regard, Paris, Gallimard, Folio Essais, 1997.
[1] Sur l’étymologie du nom de Léthé, cf. P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots, Paris, Klincksieck, 1999, p. 618-619. L’auteur signale que les dérivés « très tardifs », lathésis et lathos, signifient ‘faute, erreur’, ce qui accentue la connotation négative de Léthé.
[2] Théogonie (abr. Théog.), vers 226-227.
[3] Il. XIV 258 ss. Eris occupe aussi une grande place dans l’Iliade : cf. IV 440 ss, V 533 et 592, XVIII 535.
[4] Cf. O. Kern, Orphicorum fragmenta, Berlin, 1922, n° 164 (rééd. Zurich, 1972) et J. Lacarrière, Orphée. Hymnes et discours sacrés, Paris, Imprimerie nationale Editions, 1995, « Hymne à la Nuit », n°3, p. 41.
[5] Sur Ether, cf. P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine [1951], Paris, PUF, 1994, p. 16.
[6] Cf. Hygin (64 av. – 17 ap. J.-C.), Fables, Préface ; la parenté qu’Hygin attribue à Aether et Terra est très proche de celle d’Hésiode et l’on retrouve le lien de Léthé (oblivio en latin) et de Serment (jusjurandum).
[7] P. Grimal, p. 259, qui renvoie aux scholies d’Homère, Il. XIV 276 et Od. XI 51 et à l’Anthologie Palatine VII, 25.
[8] Simonide, 184, 6.
[9] Sur l’eau du Léthé, cf. Lucien, Dialogue des morts, 13, 6 - 27, 2 et Timon, 54.
[10] Grenouilles 186.
[11] République X 621a.
[12] Cf. Pausanias, 9, 39, 8.
[13] Strabon, 3, 3 ; 4, 5.
[14] Elle est sœur de Mêlées, Combats, Meurtres, Tueries, Anarchie et Désastres.
[15] En tant que sœur de Querelles, Mots menteurs, Disputes.
[16] Elle est sœur de Douleurs, Peine et Faim.
[17] Les Grandes divinités de la Grèce, Paris, Armand Colin, « l’Ancien et le Nouveau », 1990, p. 48.
[18] H. Orph. n° 85 et J. Lacarrière, op. cit., p. 212-213 ; le Sommeil y est frère de la Mort et de l’Oubli ; Hupnos est le frère jumeau de Thanatos, chez Homère(Il. XIV 231 ) comme chez Hésiode qui fait de ces deux entités les fils de Nux, Théog. 211 ss.
[19] Cf. P. Grimal, op. cit., p. 162 : « de façon générale, il n’est pas un monstre qui n’ait été considéré par quelque mythographe comme le fils de la Terre ».
[20] De plus « les quatre fleuves des Enfers platoniciens – Océan, Achéron, Pyriphlegeton, Cocyte – furent conçus comme correspondant aux quatre éléments et aux quatre directions du ciel », A. Ballabriga, in « topographie des Enfers », p. 150, Dictionnaire des mythologies, Y. Bonnefoy (dir.), Paris, Flammarion, 1981, tome I, p. 349-350.
[21] P. Grimal, op. cit., p. 162.
[22] Dans la mythologie orphique, Nuit « forme l’enveloppe » qui environne Chaos et « sous laquelle s’organise lentement, par l’action créatrice de l’Ether, la matière cosmique » (F. Guirand et J. Schmidt, Mythe. Mythologies, Paris, Larousse, 1996, p. 122).
[23] P. Grimal, op. cit., p. 147.
[24] B. Auriol, « les états de conscience modifiés (2) ou Etats modifiés de Conscience (E.M.C., A.S.C.) », site personnel, [en ligne], http://auriol.free.fr/yogathera/EMC&hellip ;.
[25] Trophonios est un héros, fils d’Apollon ou d’Erginos dont l’oracle était très célèbre ; cf. Aristophane, Nuées, 508, Pausanias, 9, 37, 4 ss, Philostrate, Vie d’Apollonios 8, 19 et P. Grimal, op. cit., p. 464.
[26] Cf. Diels-Kranz, die Fragmente der Vorsakratiker [1903], Berlin, 1969, p. 15-16 (n°1 B, 17- 17a), à propos du texte gravé sur les lamelles d’or portées par certains défunts pour les guider dans leur voyage infernal. Cf. J. Lacarrière, op. cit., p. 225-241(texte grec et traduction).
[27] Op. cit., p. 150.
[28] Sur cette légende, cf. P. Grimal, op. cit., p. 464 (Trophonios) et p. 17 (Agamède).
[29] Il arrive que Léthé (et non plus Sémélé) soit présentée comme la mère de Dionysos.
[30] Hésiode, Théog. 767-73 et Platon, Phédon 112 a, où le Tartare est aussi origine des eaux.
[31] P. Lévêque et L. Séchan, op. cit., p. 229.
[32] Cf. Eustathe, Commentaire à l’Iliade, II 729.
[33] Sur Asclépios, cf. P. Lévêque et L. Séchan, op. cit., p. 227-242 et P. Grimal, op. cit., p. 53-54.
[34] Odyssée XI 84, V. Bérard (trad.), Paris, NRF Gallimard, « Pléiade », 1955, p. 667. L’épisode occupe les vers 82-104.
[35] L’identification de ce lôtos varie selon les auteurs ; il est assimilé au jujubier (Bailly, dictionnaire grec-français, Paris, Hachette, 1950), au micocoulier ou palmier dattier (selon J. Bérard qui oppose « les mangeurs de lotos » aux Achéens « mangeurs de pain », image antique de l’opposition actuelle entre « le pays du palmier et des dattes dans le sud de la Tunisie » et « les terres à blé de la Tunisie du nord » (p. 998). Toutefois, P. Jaccottet rappelle que le lôtos désigne « toutes sortes de plantes » et considère « absurde de vouloir à tout prix le rapporter à une plante réelle » (p. 144, n. 4, Odyssée, Paris, La Découverte, 1992).
[36] Pseudo-Apulée, De herbarum medicaminibus, éd. Howald-Sigeeist 1927, d. Corp. Med. Lat., t. 4, 53.
[37] Géorgiques I 78.
[38] Ovide, Métamorphoses VII 152. Cf. aussi l’action de Médée chez Valerius Flaccus, Argonautiques, 8, 84.
[39] Callimaque, Hymnes IV (à Délos), v. 233
[40] Il s’agit de l’actuelle Constanza en Roumanie.
[41] Tristes (abr. Tr.), 4, 1, 47.
[42] Cf. Tr. 4, 1, 89-91 et Pontiques (abr. Pont.) 4, 2, 33-34.
[43] Pont. 2, 4, 23-24.
[44] Tr. 5, 1, 33-34.
[45] Tr. 4, 1, 39-40.
[46] Ibid., v. 41-48.
[47] Ibid., v. 47.
[48] Sur cet aspect, cf. C. Kossaifi, « Une épreuve délicieuse. L’expérience ovidienne de la vieillesse et de la mort en exil dans les Tristes et les Pontiques », in Vieillir en exil, A. Montandon et P. Pitaud (dir.), actes du colloque de Marseille, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2006, p. 137-160.
[49] « Spleen et Idéal », poème LX.
[50] V. 7-9. Le vers 9 signifie mot à mot : « toi qui as été imprégnée d’aimant minéral ».
[51] Cf. v. 10-12.
[52] P. Chantraine, op. cit., p. 618.
[53] G. Droz, Les mythes platoniciens, Paris, Seuil, « Points Sagesses », 1992, p. 19. Cf. aussi p. 10-13 (définition du mythe platonicien).
[54] République X 617 d – 621 b.
[55] Cf. G. Droz, op. cit., p. 119-133.
[56] G. Droz, op. cit., p. 141.
[57] 248 b – 250 c.
[58] L’adjectif est formé du préfixe privatif a et du verbe grec mellô, qui signifie être un objet de soin, de souci, de préoccupation.
[59] op. cit., p. 145.
[60] La vertu, « cet unique nécessaire », selon Platon (Charmide, 174 c), est la seule à n’avoir « point de maître ; chacun en (a) plus ou moins, selon qu’il l’honorera ou la négligera » (République X 617 e).
[61] G. Droz, op. cit., p. 145.
[62] Cf. le fameux exemple de César qui devait de toute nécessité franchir le Rubicon, mais qui, au moment historique de le faire, était libre de sa décision. Cf. aussi ,dans Alexis Zorba de Nikos Kazantzakis, l’image de la corde qui nous attache mais qui est trop longue pour que nous nous sentions tenus en laisse.
[63] Cf. P. Chantraine, op. cit., p. 618.
[64] Gorgias 523 d.
[65] G. Droz, op. cit., p. 122.
[66] Phèdre, 249 c.
[67] Cf. G. Droz, op. cit., p. 85-87.
[68] Cf. le mythe de Teuth, in Phèdre, 274 c – 275 b et l’analyse de G. Droz, op. cit., p. 206-209.
[69] G. Droz, op. cit., p. 82.
[70] G. Droz, op. cit., p. 83
[71] Cf. G. Droz, op. cit., p. 84
[72] A savoir, selon G. Droz, op. cit., p. 82, « le caractère a priori de la connaissance, la possibilité d’une dialectique ascendante, la vertu de la maïeutique, la beauté de la recherche exigeante ».
[73] M. Eliade et I. P. Couliano, Dictionnaire des religions, Paris, Plon, Agora, Pocket, 1990, p. 133.
[74] L’expression est de M. Eliade et I. P. Couliano, op. cit., p. 133.
[75] Dans son très bel essai sur Plotin ou la simplicité du regard, Paris, Gallimard, Folio Essais, 1997, p. 10.
[76] P. J. About, Plotin et la quête de l’un, Paris, Seghers, 1973, p. 41.
[77] Le mot grec noûs est en général rendu par Intellect ou Intelligence. P. Hadot, dont les traductions de Plotin sont personnelles, préfère le transcrire par Esprit, p. 9.
[78] Ennéades (ab. En.) IV, 3, 32.
[79] J. Laurent, Plotin, Première Ennéade, Paris, Les Belles Lettres, « Classiques en poche », 1997, p. XVI.
[80] Cf. En. IV, 4, 2.
[81] En. IV, 3, 32.
[82] P. J. About, op. cit., p. 104.
[83] Cf. En. IV, 4, 3.
[84] Cf. En. IV, 3, 26.
[85] En. V, 3, 49. C’est nous qui soulignons.
[86] M. Lings, Qu’est-ce que le soufisme ? Paris, Seuil, « Points Sagesse », 1977, p. 79.
[87] M. Mokri, « La mystique musulmane », p. 498-499, in Encyclopédie des mystiques [1972], Paris, Seghers, 1977, tome 2.
[88] Rubâi’yât, E de Vitray-Meyerovitch (trad.), Paris, Albin Michel Spiritualités, 1993, p.19, quatrième quatrain. Sur cet aspect, cf. C. Kossaifi, « Danse sacrée et harmonie monadique. Djalal od-Din Rûmî et Gottfried Wilhelm Leibniz », p. 245, in Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 2, juin 2002, p. 232-251.
[89] M. Mokri, op. cit., p. 491.
[90] Sur cet aspect, cf. M. Mokri, op. cit., p. 519-520, à propos des exercices soufis et du sirr ou « subtilité de l’intérieur » : « aucune tentation et (…) aucun oubli ne peuvent intervenir dans l’état du disciple : il ne se souvient pas de ce qui n’est pas Lui et il est perpétuellement dans ‘la présence’ ». Ces exercices pratiqués par les disciples soufis rappellent l’hésychasme des moines du monastère Athos ; cf., à ce sujet, M. Eliade et I. P. Couliano, op. cit., p. 135.
Kossaifi Christine, « L’oubli peut-il être bénéfique ? L’exemple du mythe de Léthé : une fine intuition des Grecs », dans revue ¿ Interrogations ?, N°3. L’oubli, décembre 2006 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/L-oubli-peut-il-etre-benefique-L (Consulté le 5 décembre 2024).