Dans une société qui valorise l’action, exige l’adaptation et la performance à des fins de productivité, de rentabilité ou encore de compétitivité, peut-on prendre le temps de la réflexion dans, pour et sur l’action ? Et, le cas échéant, à travers quelles modalités, médiations et conditions de possibilité ? Comment concilier souci d’efficacité et démarche réflexive ? Comment le corps, les affects et la réflexivité se trouvent-ils tantôt inhibés, forclos, déniés, tantôt mobilisés, captés voire ’gérés’ dans le quotidien des groupes sociaux, des organisations et des institutions ? Plus globalement, comment s’articulent implication et distanciation dans les activités collectives ? Engagement dans l’action et réflexivité sur l’action peuvent-ils se conjuguer aujourd’hui ?
De nombreux professionnels sont confrontés à ces questions : travailleurs sociaux, éducateurs, enseignants et formateurs, psychologues, praticiens de la recherche-action, chercheurs (notamment s’ils sont en position d’observation participante), mais également travailleurs dont l’action est strictement prescrite (par exemple les employés devant suivre des scripts afin d’exécuter leurs actes professionnels) ou encore cadres et managers (ceux par exemple qui sont pris dans une tension entre leurs valeurs éthiques et celles de l’entreprise)… Mais ces questions peuvent aussi se poser aux militants d’associations, d’organisations syndicales, de partis politiques voire de mouvements religieux. Or, si certains disposent de temps et d’espaces spécifiques (dispositifs d’analyse des pratiques, groupes de supervisions…), d’autres tentent de ’bricoler’ une posture pour concilier réflexivité et implication. La difficulté à réaliser cette conciliation peut alors générer des clivages de personnalité, provoquer le départ d’employés de l’organisation de travail dans laquelle ils inscrivaient leur action, conduire des chercheurs à ne pas publier certains résultats par crainte de leur possible instrumentalisation, mais aussi prendre la forme d’un engagement militant ou encore conduire des militants à se crisper sur leurs certitudes et les rendre imperméables à toute interrogation ou interpellation sur ces dernières.
Plusieurs pistes peuvent se dégager pour l’investigation de l’émergence et de la conduite d’une posture réflexive et de sa conciliation avec une implication dans le champ social, tant au présent que par le passé. Par exemple, et de façon non exhaustive :
Comment se concilient participation (implication dans l’organisation et/ou son action) et recherche ou expertise dans une organisation ?
Par exemple, les chercheurs parviennent-ils à mettre en œuvre et à ne pas restreindre leur réflexivité lorsqu’ils occupent une double posture, celle d’employé dont l’employeur attend la ’loyauté’ à l’égard de l’organisation de travail et celle de chercheur posant un regard critique sur son fonctionnement ? Outre le champ de la recherche scientifique contractuelle, c’est notamment celui de l’observation participante ou encore de l’expertise sociale et des pratiques éducatives qui peuvent être interrogés ici.
Comment s’imbriquent réflexivité et activité prescrite ?
Par exemple, quelle part et quelle(s) forme(s) de réflexivité un individu ou un groupe d’individus peuvent-ils élaborer dans le cadre d’une activité fortement prescrite, telle que celle de certains commerciaux ou encore celle d’employés de centres d’appel ?
Quelle place est réservée aux sciences humaines et sociales au sein des différents mondes professionnels et institutions ?
Par exemple, comment peuvent être exclues, combattues ou méprisées des sciences humaines et sociales par les professions et institutions (notamment celles qui s’avèrent bercées par l’idéologie pragmatique) ? Lorsqu’elles sont introduites et mobilisées, sous quelle forme et au prix de quels remaniements (formels ou structurels) ? À travers quelles opérations de traduction ou de vulgarisation, mais aussi de quels processus de récupération idéologique ? Quelle place la réflexivité occupe-t-elle dans le champ des sciences sociales, en tant que composante de recherche ?
L’implication peut faire partie intégrante des enquêtes menées en sciences humaines (ethnologie, sociologie clinique, etc.), et du travail de « terrain » réalisé. Dès lors, la réflexivité peut apparaître comme un outil au service du chercheur. Dans quelles mesures celui-ci est-il, lui-même, constitutif des résultats produits ? Quel degré d’implication l’enquêteur peut-il se permettre ? La réflexivité, en tant que processus, peut-elle permettre une forme d’objectivation ?
Ce numéro de la revue ¿ Interrogations ? propose ainsi de s’attacher à la question de la dialectique entre réflexivité et implication. La pluridisciplinarité est une manière d’interroger cette dialectique, en mêlant différents points de vue et approches. Les contributions pourront donc émerger d’un ou plusieurs champs disciplinaires et s’intéresser tant aux pratiques réflexives dans le cadre d’une réflexion épistémologique qu’aux observations réalisées sur différents terrains professionnels.
Les articles, rédigés conformément aux recommandations aux auteurs, au format .doc ou .odt, doivent être adressés à Agnès Vandevelde-Rougale, avant le 31 mars 2013, à l’adresse électronique suivante : a-vandevelde@orange.fr. Ils ne doivent pas dépasser 50 000 signes (notes et espaces compris).
En dehors des articles répondant à l’appel à contributions, la Revue ¿ Interrogations ? accueille volontiers les travaux les plus divers pour ses autres rubriques.
♦ La rubrique « Des travaux et des jours » est destinée à des articles présentant des recherches en cours dans lesquels l’auteur met l’accent sur la problématique, les hypothèses, le caractère exploratoire de sa démarche, davantage que sur l’expérimentation et les conclusions de son étude. Ces articles ne doivent pas dépasser 25 000 signes (notes et espaces compris) et être adressés à Cyril Piroux : cyril.piroux@gmail.com
♦ La rubrique « Fiches techniques » est destinée à des articles abordant des questions d’ordre méthodologique (sur l’entretien, la recherche documentaire, la position du chercheur dans l’enquête, etc.) ou théorique (présentant des concepts, des paradigmes, des écoles de pensée, etc.) dans une visée pédagogique. Ces articles ne doivent pas non plus dépasser 25 000 signes (notes et espaces compris) et être adressés à Audrey Tuaillon-Demesy : audrey.tuaillon-demesy@univ-fcomte.fr
♦ La rubrique « Varia », par laquelle se clôt désormais tout numéro de la revue, accueille, comme son nom l’indique, des articles qui ne répondent pas aux différents appels à contributions ni aux rubriques précédentes. Ils ne doivent pas dépasser 50 000 signes (notes et espaces compris) et être adressés à Hélène Cléau : cleauhelene@yahoo.fr
♦ Enfin, la dernière partie de la revue recueille des « Notes de lecture » dans lesquelles un ouvrage peut être présenté de manière synthétique mais aussi critiqué, la note pouvant ainsi constituer un coup de cœur ou, au contraire, un coup de gueule ! Elle peut aller jusqu’à 12 000 signes (notes et espaces compris) et être adressée à Sébastien Haissat : sebastien.haissat@wanadoo.fr. Par ailleurs, les auteurs peuvent nous adresser leur ouvrage pour que la revue en rédige une note de lecture à l’adresse suivante : Sébastien Haissat, UPFR Sports, 31 chemin de l’Epitaphe – F, 25000 Besançon. Cette proposition ne peut être prise comme un engagement contractuel de la part de la revue. Les ouvrages ne seront pas retournés à leurs auteurs ou éditeurs.
Le Comité de Rédaction
Comité de rédaction, « AAC n°18 - Implication et réflexivité », dans revue ¿ Interrogations ?, Appels à contributions en cours [en ligne], https://www.revue-interrogations.org/AAC-no18-Implication-et (Consulté le 14 novembre 2024).