Humbert Pierre, Bornand Elvire
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Numéro coordonné par Elvire Bornand et Pierre Humbert
La mort est, ontologiquement, pensée à partir de la vie, c’est-à-dire pour ce qu’elle n’est pas ou n’est plus. Elle est un fait social et culturel majeur faisant entrer les morts au cœur d’expériences de pertes intimes et singulières (Thomas, 1975). Ceux-ci jouent un rôle culturel fondamental dans la structuration de nos sociétés, notamment au travers des enjeux d’héritage et de transmission qui régulent les dynamiques des groupes sociaux et des institutions : « les représentations et le vécu de la mort, comme le souvenir des morts, ont de tout temps organisé les relations entre les vivants, jusqu’à être le socle de leurs cultures » (Clavandier, 2009 : 9). Dans l’imaginaire comme dans les pratiques, la mort comme objet social est un paradoxe, au sens philosophique du terme, c’est-à-dire une expérience de pensée où l’exploration raisonnée des faits nous conduit toujours à des conclusions insatisfaisantes, voire inacceptables.
Cette malédiction contient une part indicible et une part ineffable, soulignait le philosophe Vladimir Jankelevitch (1977). L’indicible relève de l’impossibilité d’exprimer ce qui ne peut être connu, la mort à la première personne étant par essence une expérience dont on ne peut tirer aucune connaissance, si bien qu’elle peut être perçue comme une non-expérience qui suscite toutes les angoisses. Elle est aussi ce qui dépasse la possibilité même d’être traduite par des mots impuissants à dire, à faire sentir, à faire comprendre autrement que par des images, des métaphores propres au langage poétique qui rompt le silence intimé par la mort.
Stéphanie Sauget (2011) rappelle, quant à elle, qu’une partie de la communauté savante du XIXe siècle s’intéresse au spiritisme en ce qu’il permettrait justement d’accéder à cette expérience du mourir et de l’après par des conversations avec les morts. Un retour des morts tant espéré que redouté au XIXe siècle, les morts de la Révolution française continuant de faire agir les vivants et de déstabiliser les différents régimes politiques comme l’a montré Eric Fournier (2024) dans son étude des usages sociaux et politiques des spectres révolutionnaires. Vinciane Despret (2017 ; 2023) a exploré cette agentivité des morts tantôt par les récits des survivants, tantôt par l’examen d’un dispositif de médiation mémorielle et culturelle, le programme de mécénat artistique des Nouveaux Commanditaires. Celui-ci permet d’intégrer plus largement le récit unique et singulier d’une mort à la production d’une œuvre adressée au grand public, liant intime et société.
Le paradoxe d’une mort à la fois indicible et imprégnant si fortement les vivants appelle peut-être moins à être dépassé qu’à être pensé dans sa nécessaire complexité et incomplétude à l’aide de médiations, c’est-à-dire des formes dialectiques entre le singulier et le pluriel, des espaces symboliques, des lieux, des temporalités et des acteurs qui instituent l’individuel dans le collectif (Lamizet, Silem, 1997 : 394). Celles-ci sont nombreuses à trouver une traduction physique. Le tombeau instaure ainsi au XIXe siècle « une relation rituelle aux morts attachée à la médiation de la trace monumentale et épigraphique en un lieu public : le cimetière » (Urbain, 1998 : 43). Ces traces peuvent envahir l’espace public lorsque la cause de la mort prend une dimension sociale et politique. Fleurs, peluches, messages et bougies ont été déposés aux abords des lieux visés par les attentats du 13 novembre 2015 (Gensburger, Truc, 2020). Autre exemple, à partir de la fin des années 1980, le patchwork des noms se développe dans les réseaux militants LGBTQIA+ pour conserver trace de la vie des victimes du SIDA dont la mort constitue un tabou pour la société comme, souvent, pour les familles elles-mêmes. « Ils ont repris, de façon originale, les grands préceptes anthropologiques qui commandent les rapports avec la mort et avec les morts : nécessité d’un deuil communautaire ; proclamation publique de la valeur et de l’honneur du disparu ; affirmation que la vie continue, malgré tout. » (Paillard, 1998 : 78).
D’autres médiations ont un caractère immatériel en s’incarnant dans des relations et des actions. Ainsi, si la parole peine à dire la mort, elle n’en est pas moins vécue comme une nécessité vitale pour dépasser l’effroi et son traumatisme, redonner sens à son scandale et à l’absurdité de la vie, une parole confinée souvent à l’intimité amicale et familiale et au cabinet de consultation des spécialistes mais qui, parfois, par résurgence se fait entendre lorsque l’espace devient propice. Il en est ainsi du dispositif Café mortel créé par le sociologue Bernard Crettaz dans les années 2000 et qui connaît aujourd’hui un développement important. « [Le café mortel] permet à chacun, qui se croit unique dans sa douleur, de se savoir participant d’une communauté où d’autres traversent la même épreuve. Il permet l’aveu du plus indicible et du plus intime dans la futilité apparente des propos de café du commerce. […] Fondamentalement, le café mortel restitue la mort à la collectivité alors que tant de spécialistes veulent la ’subjectiviser’. […] C’est une parole publique conquise face à la montée des savoirs spécialisés » (Crettaz, 2010).
Les relations entre les vivants et les morts sont en forte recomposition, sous l’effet à la fois d’une évolution du cadre politique de la mort (nouvelles pratiques funéraires, législation sur la fin de vie, place du marché, réflexions sur la laïcité), d’une diversification des formes sociales de l’hommage, du souvenir et de la mémoire, et de l’apparition de nouveaux métiers et services du funéraire. Ces recompositions appellent de nouveaux dispositifs de médiation ou l’adaptation de dispositifs existants que l’on peut envisager à travers les enjeux de la trace, du changement social et de la professionnalisation. Les axes proposés ci-dessous se veulent une invitation à la réflexion. Les propositions peuvent répondre à un ou plusieurs axes voire ouvrir vers de nouvelles perspectives s’inscrivant dans le cadre général de cet appel à contributions. Les enjeux développés dans ces différents axes sont ancrés dans les sociétés occidentales contemporaines, cependant les propositions peuvent s’inscrire dans d’autres aires géographiques et culturelles et d’autres périodes historiques pour former des contre-points. Les contributions attendues pourront être de nature théorique ou empirique.
L’enjeu historique et civilisationnel du lieu où résident les défunts est central dans le rapport à la mort qu’entretiennent la plupart des sociétés : « les hommes ont d’abord construit des maisons pour leurs morts avant d’en construire pour eux-mêmes » (Harrisson, 2003 : 60). Cet axe de réflexion envisage les médiations entre les vivants et les morts à partir de lieux, objets d’investissements intimes et de régulations collectives, interrogeant le processus de reconnaissance sociale qui institue la place des morts au cœur de la société (Baudry, 2021). Ainsi viennent les cimetières, tombes et tombeaux comme maisons des morts marquant la frontière entre leur monde et celui des vivants, protectrices de l’héritage et de la vie posthume (Brossat, 2011). On pourra penser également aux chambres funéraires, aux lieux d’obsèques civiles et religieuses ainsi qu’à des lieux investis pour l’occasion comme les cérémonies qui se développent dans des tiers-lieux ou des salles municipales, par exemple. L’apparition de nouveaux lieux de cérémonie vient questionner la médiation par les rituels dans un contexte de recomposition religieuse et d’émergence de nouvelles spiritualités, tandis que l’on peut s’interroger sur les pratiques et sur les sens donnés aux formes traditionnelles d’hommage qui subsistent, à l’occasion des fêtes de la Toussaint par exemple.
Rendre hommage est aussi faire trace de la place qui fut celle du défunt au sein de la société. L’étude historique et anthropologique des civilisations passées montrent de quelle façon le traitement réservé aux morts traduit et reproduit les structures sociales (Auzelle, 1965 : 88 ; Crubezy, 2019). Aujourd’hui, que traduisent les conditions de funérailles et d’inhumation des personnes les plus vulnérables ? « À leur mort, les sans-logis n’ont souvent ni fleur, ni couronne, ni famille, ni même dans certains cas, de nom sur leur tombe. L’anonymat et la misère que fut leur vie les poursuivent après leur mort » (Benoist, 2022 : 15). Les cimetières assurent-ils le maintien de l’ordre social par-delà le trépas ? Michel Colardelle (1998) rappelait à l’occasion d’un travail sur la mémoire des exclus que les rituels et les hommages sont mobilisés par les proches vivants pour célébrer les conditions de vie du défunt (les photographies notamment viennent témoigner des moments heureux de vie), là où la pauvreté mais aussi une épidémie (du SIDA au COVID-19) peuvent venir marquer la mémoire collective sur les conditions de mort et d’inhumation et non sur ce qu’a été la vie des personnes concernées.
L’anthropologie matérielle apporte des pistes heuristiques pour mieux comprendre le monde des objets (Déchaux, 1997), leur rôle dans les rituels liés à l’entretien des tombes et aux visites au cimetière (plantes, photographies, bougies, décorations changées selon les saisons…). On pourra par exemple s’intéresser à la puissance symbolique qu’acquièrent des objets du quotidien lorsqu’ils sont utilisés pour entretenir les liens avec un mort (Loux et al., 1993 ; Despret, 2017) ou aux pratiques rituelles prévues et imprévues comme celles développées autour des columbariums et jardins du souvenir qui ont marqué l’évolution vers des cimetières paysagés (Dubois, 2009).
Des pratiques émergentes ou expérimentales reprennent cette variation sur le jardin, dont la « composition oriente l’agir et le dire hors de, dans ou vers la sphère politique, là où les êtres humains reconnaissent mutuellement leur humanité dans leur essentielle dignité » (Harrisson, 2007 : 66) pour la pousser plus loin, laissant la nature reprendre ses droits là où l’herbe des cimetières était jusqu’à peu combattue par l’apport de pesticides. Les pratiques émergentes liées à l’ensevelissement en pleine terre par souci écologique ou les pratiques à venir faisant l’objet de batailles législatives, comme la terramation (processus funéraire de décomposition des corps pour les transformer en humus), viennent-elles bouleverser les liens entre les vivants et les morts et l’ordre social du cimetière ? En quoi changent-elles les frontières culturelles du propre et du sale et l’imaginaire des déchets (Anstett, 2015 ; Terrolle, 2010 ; Dagognet, 1997 ; Vigarello, 1985) ?
En même temps que s’efface la basse matérialité de la mort, comprenant son assimilation à d’autres telles celle des déchets, se développent des espaces illusoirement dématérialisés où se jouent, se rejouent et parfois se poursuivent les échanges avec les défunts. Ici s’expriment les médiations technologiques soutenant les dispositifs mémoriels à travers les espaces numériques pour rendre hommage et pour se souvenir. Les lieux de vie condensent les traces laissées par les existences, il en est de même des espaces socio-numériques sur lesquels elles se représentent, traces donnant forme à une identité numérique hier animée, aujourd’hui figée. L’appropriation par les vivants de ces médiations liquides où règne la logique du flux sans rupture questionne leur persistance dans le temps. Il en est ainsi également des formes de vitalité réifiées, composites et artificielles à travers lesquelles les morts continuent à faire effraction parmi les vivants, par les automatismes implacables des algorithmes des réseaux sociaux numériques (Pène, 2011 ; Gamba, 2015 ; Julliard, Georges, 2018). Ce phénomène de persistance, aujourd’hui poussé à son extrême par une ‘intelligence artificielle’, dont la rationalité non biologique et pour une part secrète conduirait à un mysticisme transhumaniste, donne-t-il un nouvel élan au fantasme de la résurrection, parachevant par d’autres voies le rêve de « la mort de la mort » poursuivi par la technologie médicale (Alexandre, 2011 ; Cordeiro, Wood, 2021) ? Les œuvres culturelles populaires, fictions télévisuelles ou cinématographiques, autant que littéraires et vidéo-ludiques, qui s’inspirent autant qu’elles inspirent l’imaginaire techniciste, permettent-elles de dépasser, par la narration, la part ineffable du rapport qu’entretient la société contemporaine avec la mort (Georges, 2020) ? Par les représentations mises en scène, n’expriment-elles pas les symptômes d’un profond malaise socialement partagé face à l’expérience humaine de la mort ?
Dans cet axe, nous nous intéressons à la médiation sous l’angle du design institutionnel. L’action municipale sur le funéraire est avant tout réglementaire (état civil, convois, règlement intérieur des cimetières et gestion des concessions) et l’action nationale s’incarne principalement dans un jeu d’autorisation et d’interdiction dans la manière de traiter les restes humains, la dernière grande innovation en la matière étant la crémation. Pour autant, sous l’action d’autres politiques publiques, urbanisme, écologie, action sociale, les politiques funéraires (gestion des cimetières, du patrimoine funéraires et des actes administratifs liés à la mort) ont pu être source d’innovation et d’actions volontaristes et expérimentales au niveau local. Quels sont les instruments d’action publique (Lascoumes, Le Gales, 2010) qui révèlent des transformations émergentes ou profondes dans le champ funéraire ? On pense par exemple à la démocratie locale (Revel et al., 2007) qui, depuis le milieu de la décennie 2000, est mobilisée par les collectivités locales pour penser le rôle des acteurs publics en réponse aux besoins et usages exprimés par les citoyens, comme ce fut le cas à Nantes et Rezé dans l’écriture de la politique funéraire (Bornand, Letourneux, 2025).
L’action publique ne fait pas qu’agir en direction des usagers, elle les crée (Dubois, 2021). Les catégories d’action publique viennent ainsi faire médiation dans la caractérisation d’une situation comme relevant bel et bien de l’intervention publique. La catégorie « veuf et veuve » qui vient qualifier un deuil particulier, la perte du conjoint, entre dans ce registre et permet d’obtenir des droits spécifiques, comme la pension de réversion. Cette catégorie donne-t-elle protection et/ou agentivité aux personnes concernées ? Si des mouvements émergent pour réclamer la création de catégories d’action publique (Collin, 2024), comme la création d’un mot désignant la perte d’un enfant, d’autres peuvent souligner la stigmatisation inhérente à toute catégorisation, telles la veuve joyeuse ou la veuve noire (Bihl, Chauvaud, 2018).
Les études sur le deuil en France concernent principalement les commémorations collectives, le deuil privé s’en trouve écarté (Collin, 2024) ou est interrogé sous un angle spécifique comme celui de la filiation et de la transmission (Memmi, 2014) ou de l’accompagnement des salarié·es endeuillé·es (Berthod, 2009). « S’il est un thème d’actualité, le deuil est aussi le plus caché, le plus refusé par les sociétés occidentales » (Bacqué, Hanus, 2023 : 11). La place politique du deuil se trouve aujourd’hui questionnée par des associations spécialisées comme Empreintes ou Dialogue et solidarité ainsi que par des réseaux économiques comme l’Alliance des accompagnateurs des innovations sociales (KIIF) pour l’économie sociale et solidaire (ESS) qui replace le deuil dans un mouvement plus large partant de la fin de vie et passant par le funéraire. Pour exemple, sur cet aspect, on remarque ces dernières années un entreprenariat de cause important autour de la terramation. De manière plus large, l’émergence des problèmes publics et leur étayage doit beaucoup à l’existence de médiations engagées nourries par une blessure profonde (Piau, 2019), une vulnérabilité subjective dont le dépassement devient un enjeu existentiel de réparation. Celles-ci identifient, cadrent, justifient, popularisent ces problèmes avant que ceux-ci ne deviennent l’objet d’une politique publique (Neveu, 2015). En ce sens, nous interrogeons ici la place qu’occupent aujourd’hui la société civile et les corps intermédiaires dans la mise à l’agenda politique des sujets liés à la mort individuelle et collective.
Ce troisième axe entend mettre l’accent sur la médiation sous l’angle des professions qui interviennent dans l’anticipation des volontés funéraires ou dans la prise en charge des défunts et la gestion des relations aux personnes endeuillées. Le travail auprès des morts et surtout la manipulation du cadavre fait l’objet d’une forte stigmatisation et met à l’épreuve différents registres d’émotions professionnelles (Bernard, 2009). Cette prise en charge du mort dans toutes ses dimensions implique la coordination de différents services et corps de métiers. Au cœur de ce « marché des défunts » (Trompette, 2008), on peut repérer une diversité d’acteurs qui, au fil de l’histoire, ont lutté pour contrôler le commerce funéraire et les services au défunt. Au XXe siècle, « le vaste mouvement de médicalisation de la fin de vie a paradoxalement consacré une privatisation croissante de la prise en charge des défunts, avec la délégation du traitement du cadavre à ces spécialistes professionnels que sont devenues les pompes funèbres, selon une frontière symbolique relativement marquée entre champ de la santé et champ des services funéraires » (Caroly et al., 2005).
Les risques physiques et psycho-sociaux sont particulièrement préoccupants dans ce champ professionnel. Les premiers concernent les chutes et les manutentions auxquelles s’ajoutent les risques infectieux principalement dans les soins des corps, tandis que les seconds sont partagés par les professionnel·les du funéraire dans le secteur privé comme dans le secteur public. Ils touchent à la relation aux personnes endeuillées, à la gestion minutée des cérémonies et des temps d’adieux dans les cimetières et à la manière dont certaines morts, notamment celles des plus jeunes, peuvent particulièrement marquer les professionnel·les qui les prennent en charge. Accueillies, éprouvées, contrôlées, craintes… les émotions sont au cœur de la pratique professionnelle relative à la mort et au funéraire. Ces métiers ne requièrent pas seulement la maîtrise de compétences techniques, ils supposent aussi de réussir à faire advenir du sacré et du symbolique dans la relation de service (Clavandier, 2009). Dans cet axe, nous souhaitons éclairer les médiations mobilisées par les professionnel·les pour faire face à ces risques particuliers et à ce contexte de travail spécifique. On pense notamment aux formations sur les risques psycho-sociaux, aux espaces d’échanges de pratiques et à l’action d’associations professionnelles ou de fédérations pour faire reconnaître les spécificités des métiers du funéraire.
Les différentes évolutions du funéraire ont été accompagnées de l’apparition de services et métiers. De même qu’au XIXe siècle, la création de prestations funéraires accompagnant l’inhumation a occasionné la réapparition des pleureuses professionnelles (Lassère, 1995), on voit se développer aujourd’hui le métier de Thana Doula, de célébrant ou d’accompagnateur des démarches administratives et rituelles. L’économie numérique permet l’apparition et le développement rapide de nouveaux services, avec une grande diversité d’applications donnant par exemple des conseils pour préparer sa mort (dernières volontés, conservation et transmission des mots de passe, démarches à réaliser pour transférer la propriété d’une bibliothèque numérique ou de photographies stockées dans un cloud). Ainsi, la charge de la médiation entre les vivants et les morts s’incarne aussi dans des objets, hier physiques, aujourd’hui numériques. Comme au XIXe siècle, la commercialisation d’objets de deuil, notamment des fleurs artificielles, par le secteur marchand pose rapidement, par la présence durable de ces objets dans les cimetières, la question de l’entretien et du recyclage qui font émerger, là aussi, de nouveaux métiers et services (Lassère, 1995 : 114). Les prestations liées au funéraire et à l’hommage n’ont cessé de se développer et on peut aujourd’hui interroger la place qu’occupent ces médiations marchandes au regard de l’entretien des liens sociaux entre vivants et entre les vivants et les morts qui revenaient auparavant à la famille élargie et au voisinage. On pourra aussi interroger le rôle joué par l’Économie Sociale et Solidaire dans ces nouveaux marchés au croisement de la défense d’un principe de solidarité et de l’encouragement de l’entreprenariat social.
Les textes proposés pour publication sont attendus le 15 octobre 2025 au plus tard et à envoyer à la coordination du numéro : elvire@assoplan9.fr et pierre.humbert@univ-lorraine.fr
Les articles ne devront pas dépasser 50 000 signes (notes, espaces et bibliographie compris) et devront être accompagnés d’un résumé et de cinq mots-clés en français, d’un résumé (abstract) et de cinq mots-clés (keywords) en anglais.
Les articles répondront impérativement aux normes de rédaction présentées à l’adresse suivante : http://www.revue-interrogations.org/Recommandations-aux-auteurs
Publication prévue du numéro : Décembre 2026
Alexandre Laurent (2011), La mort de la mort : comment la technomédecine va bouleverser l’humanité, Paris, JC Lattès.
Anstett Élisabeth (2015), « Les funérailles “ bio ” La mort et les idéologies environnementales au XXe siècle », Communications, n° 97(2), pp. 147-159.
Auzelle Robert (1965), Dernières demeures : Conception, composition, réalisation du cimetière contemporain. Illustrations par Jankovic Dominique, Paris, R. Auzelle.
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Bihl Laurent, Chauvaud Frédéric (2018), « Les veuves : joyeuses, désespérées et terrifiantes Perceptions et représentations », Sociétés & Représentations, 2018/2 N° 46, pp.9-12.
Bornand Elvire, Letourneux Frédérique (2025), « L’action publique locale du funéraire. Raison et sentiments », Horizons Publics, n°43, pp. 38-41.
Benoist Yann (2022), Dernière Demeure Fixe, Paris, Hermann.
Bernard Julien (2009), Croquemort. Une anthropologie des émotions, Paris, Metaillé.
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Urbain Jean-Didier (1998), « Mort traquée, mort tracée. Culte des morts, crémation, sida », Ethnologie française, pp. 43-49.
Vigarello George (1985), Le propre et le sale, Paris, Le Seuil.
La revue accueille également des articles pour ses différentes rubriques, hors appel à contributions thématique :
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Humbert Pierre, Bornand Elvire, « Appel à contributions n°43 - Espaces et temporalités de médiation entre les vivants et les morts », dans revue ¿ Interrogations ?.