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Poisson-Cogez Nathalie, Gautier Virginie

Les droits culturels comme méthode d’approche de Déplis, un projet artistique pour (d)écrire le territoire

 




 Résumé

Alors que le projet Déplis, financé par la Fondation Daniel et Nina Carasso dans le cadre de l’appel « Médiations et démocratie culturelle » s’est déployé durant deux années sur le territoire dunkerquois (2021-2022, France), nous souhaitons observer a posteriori ce que le croisement des droits culturels et des actions artistiques a permis d’inventer sur le terrain, en nous demandant si ce prisme a transformé nos pratiques, et comment celles-ci ont permis, ou pas, de co-construire un récit polyphonique de territoire. L’article retrace pour ce faire les principales étapes du projet, à partir de son contexte, en se demandant s’il est possible d’envisager une gouvernance partagée avec les habitant·es alors même que le collectif d’acteur·rices s’est constitué en amont du projet et en dehors de son territoire d’intervention. Il questionne les méthodologies activées, en observant la façon dont le prisme des droits culturels déplace la notion d’auctorialité dans les processus artistiques. Il explicite enfin les modalités d’évaluations pour analyser l’effectivité des droits culturels.

Mots Clés : Droits Culturels ; Recherche-Action ; Écriture ; Co-création ; Arts

 Abstract

Cultural rights as a method of approaching Déplis, an artistic project of (de)scribing the territory

Supported by Daniel & Nina Carasso foundation in the context of the call “Mediations and cultural democracy”, the project named Déplis has been deployed for two years (2021-2022) near Dunkerque in France. We would like to observe what the particular intersection of cultural rights and artistic actions has allowed to invent on the territory. We’ll ask ourselves if this prism has transformed our practices, and how they took part in the co-creation of a polyphonic narrative of territory. The article traces the main stages of the project, from its context, wondering if it is possible to envisage a shared governance with the inhabitants while the group has been formed before the project and outside its place of production. It questions the methodologies used, looking at how the prism of cultural rights shifts the notion of authorship in artistic processes. Lastly, it explains the evaluation methods used to analyse the effectiveness of cultural rights.

Keywords : Cultural rights ; Action research ; Writing ; Co-creation ; Arts

 Introduction

« Déplis » est une recherche-action menée de janvier 2021 à décembre 2022, dans le quartier du Petit Steendam à Coudekerque-Branche (Nord, France) par un collectif formé de différent·es acteur·rices issu·es des champs de l’art et de la culture, de l’éducation populaire et de l’urbanisme. Il a été financé par la Fondation Daniel et Nina Carasso dans le cadre de l’appel « Médiations et démocratie culturelle » lancé en Hauts-de-France (édition 2020). Ce projet développé à partir du souhait de mettre en pratique les droits culturels, s’est concrétisé autour de la présence de plusieurs artistes invité·es à travailler en immersion dans un quartier avec la volonté d’intégrer les habitant·es au processus de création. Les démarches artistiques engagées amènent à questionner les enjeux de coopération et de participation qui figurent parmi les huit droits culturels identifiés en 2007 dans la Déclaration de Fribourg. Les droits culturels, via les principes à la fois ontologiques (droits humains) et méthodologiques (recherche-action, approche systémique) qui les sous-tendent, autorisent une exploration des différentes sciences humaines et sociales convoquées par l’Observatoire de la diversité et des droits culturels [1].

À l’issue de la recherche-action Déplis, nous souhaitons questionner à deux voix ce qu’une approche par les droits culturels apporte aux projets artistiques de territoire. De quelles manières et dans quelles limites ce prisme a-t-il transformé les pratiques mises en œuvre et dans quelles mesures a-t-il permis de construire un récit polyphonique du territoire ?

Pour ce faire, cet article retrace les principales étapes du projet, à partir de son contexte, en se demandant s’il est possible d’envisager une gouvernance partagée avec les habitant·es alors même que le projet a été élaboré en amont et en dehors de son terrain. Il questionne les méthodologies activées, en observant la façon dont le prisme des droits culturels déplace la notion d’auctorialité dans les processus artistiques. Il s’intéresse enfin aux modalités d’évaluations à partir des enjeux de participation et de coopération, en vue d’analyser l’effectivité des droits culturels.

C’est en tant que membres du collectif que nous développons l’analyse de cette recherche-action. Pour Nathalie Poisson-Cogez, historienne de l’art formée aux droits culturels et membre du groupe initial, ce projet intègre les recherches qu’elle mène sur la présence artistique en territoires, en s’intéressant plus particulièrement aux processus de création et aux dispositifs participatifs dans les contextes de résidences qui se situent à la croisée du champ artistique, du champ socio-culturel et du champ politique. Pour Virginie Gautier, écrivaine invitée, la mission première consistait à conserver la trace de cette recherche-action à travers un mode de récit sensible, et ce dans l’objectif d’une réflexivité in itinere mais aussi d’une valorisation et d’un partage des connaissances construites. Pour cela, elle a créé le blog Déplis [2] qu’elle a étoffé au fil du projet. Sa mission initiale a évolué au cours du temps, associant à ce rôle de témoin celui d’un engagement dans un processus de création artistique.

 Étude du contexte — en s’interrogeant sur la possibilité d’envisager une gouvernance partagée avec les habitant·es alors même que le projet est construit en amont et en dehors de son territoire d’intervention

Inscrits dans la Loi NOTRe (2015 : art. 103) et la Loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP, 2016 : art. 4), « Les droits culturels désignent les droits, libertés et responsabilités pour une personne, seule ou en groupe, avec et pour autrui, de choisir et d’exprimer son identité, et d’accéder aux références culturelles, comme à autant de ressources nécessaires à son processus d’identification.  » (Meyer-Bisch, 2008). Ils sont déployés dans la Déclaration de Fribourg élaborée en 2007 par un groupe coordonné par le philosophe Patrice Meyer-Bisch, à partir de différents instruments juridiques protégeant les droits humains parmi lesquels La Déclaration universelle des Droits de l’Homme (ONU, 1948), Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ONU, 1966), La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (Unesco, 2005). En s’appuyant sur une définition élargie de la culture, à savoir : « l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social [qui] englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances  » (Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Unesco, Mexico, 1986), les droits culturels permettent d’envisager, de façon plus globale, le développement des capabilités (Amartya Sen, 2000), vecteur d’émancipation à l’échelle individuelle et de cohésion sociale à l’échelle collective. Depuis 2012, la recherche-action Paideia [3], menée par l’association Réseau Culture 21 en partenariat avec l’Observatoire de la diversité et des droits culturels de Fribourg, a permis à des professionnel·les issu·es de divers champs (travail social, santé, culture, etc.) de s’approprier les droits culturels et d’élaborer des analyses de cas issues de leurs expériences de terrain.

En ce qui concerne Déplis, ce projet a pour origine le contexte d’une formation-action impulsée par la Direction de la culture au sein de la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD) et accompagnée par Réseau Culture 21 de 2019 à 2022. C’est au cours de ce processus titré « Les droits culturels au cœur des politiques publiques  » que quelques acteur·rices, qui agiront aux frontières de leurs missions et d’un engagement personnel, décident d’associer démarche artistique et droits culturels en saisissant l’appel « Médiations et démocratie culturelle » lancé par la Fondation Carasso. Déposé en octobre 2020, Déplis avait pour titre initial « Les droits culturels au travers de l’expérimentation artistique ». Le processus artistique permettant un travail sensible et cognitif en contexte, ainsi que l’articulation entre le réel et les imaginaires, nous souhaitions par celui-ci accompagner les habitant·es dans la réappropriation de leur propre territoire.

Le groupe initiateur de Déplis est constitué d’une diversité de profils et de compétences liés à la médiation, à l’éducation populaire, à la création artistique, à l’urbanisme. Il est formé de six personnes représentantes de la Direction de la culture (CUD), du Château Coquelle, de l’Association de la Fondation Étudiante pour la Ville (AFEV), de l’École supérieure d’art | Dunkerque-Tourcoing et de l’Agence d’Urbanisme Flandres-Dunkerque (AGUR). Ce comité de pilotage s’est peu à peu élargi en intégrant d’autres membres (voir Figure 1), avec des missions et des rôles différents, dont en premier lieu deux artistes invitées à co-construire le projet, en portant un regard neuf sur le territoire qu’elles ne connaissaient pas.

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Figure 1 : Collectif Déplis : cartographie des parties prenantes
Graphisme : Nicolas Cabos - Le Grand Manège

En effet, cooptées dès la phase d’incubation (janvier à décembre 2021), Virginie Gautier [4] (écrivaine) et Zelda Soussan (metteuse en scène du Laboratoire Urbain d’Interventions Temporaires [5]) ont été associées à l’écriture du dossier et au choix du terrain. Suite au départ de Zelda Soussan (décembre 2021), la phase projet a commencé avec Virginie Gautier (à partir de janvier 2022). Enfin, après avoir répondu à l’appel à manifestation d’intérêt, le duo formé par Guillaume Lepoix (plasticien) et Richard Pereira de Moura (artiste et géographe) a rejoint le collectif (septembre à décembre 2022).

Cette temporalité longue est essentielle car il ne s’agissait pas de venir plaquer une action dans un quartier mais de prendre le temps de la rencontre avec les acteur·rices déjà impliqué·es in situ. Durant la phase d’incubation nous avons donc identifié des ‘complices’ dans chacun des quartiers pressentis. Au Petit Steendam ce seront notamment des acteur·rices lié·es à l’économie sociale et solidaire (Label épicerie, le Grenier de Danièle), au secteur socio-culturel (le centre social Josette Bulté) ou encore à l’engagement citoyen (le Conseil citoyen). Par ailleurs l’association Les Nuanciers, qui travaille au croisement du son et de la vidéo à des fins artistiques, pédagogiques et sociales (que nous avions rencontrée lors des arpentages initiaux dans le quartier de Basse-Ville à Dunkerque), a fait une proposition d’intervention au Petit Steendam en tant que ‘voisine’ du territoire.

Au départ le collectif avait besoin de se constituer comme groupe en commençant à élaborer un langage commun, puis nous avons pris au mot le fait de cheminer ensemble. Dans le « Journal d’une recherche  » rédigé par Virginie Gautier à partir des comptes-rendus de réunions, et mis en ligne dans le blog de la recherche, les enjeux s’exprimaient ainsi : « cette démarche est un laboratoire […] une ouverture à de l’invention dans les politiques publiques […] ce qui nous intéresse c’est la méthodologie d’immersion dans le territoire […] ne pas prédéterminer les formes, c’est ça notre propos […] essayer d’échapper à la tyrannie de la production  » (Blog Déplis, 13 et 29/01/2021). Le groupe exposait ainsi le désir de chercher de nouvelles manières de faire, notamment en repoussant dans un premier temps la conception d’un objet artistique qui eut été imaginé en amont de la rencontre avec les habitant·es. L’invitation faite aux artistes était motivée par cette ‘approche sensible’ qui, sans être clairement explicitée, définissait une certaine manière d’appréhender le contexte. Pour Martine Bouchier, professeure en arts et sciences de l’art, « Quelles que soient la forme et la nature des milieux parcourus, [l’expérience d’un art] qui engage le corps, l’esprit et les environnements traversés est multidimensionnelle : elle est à la fois sensible, cognitive et engagée. » (Bouchier, 2015 : 95). Le sensible n’est donc pas uniquement le lieu d’une sensorialité et du partage d’un ressenti, il découle surtout d’un engagement à la fois physique et intellectuel qui articule des savoirs et des perceptions par une implication sur le terrain et dans la relation. Martine Bouchier précise que c’est par cette expérimentation du réel, en se rendant « poreux à son expérience  », en intériorisant « l’activité qui s’y déroule  », en en faisant « une expérience existentielle, concentrée, intense  » (Bouchier, 2015 : 95), que l’artiste peut restituer le donné sensible à travers des formes, des images, des actions.

La phase d’incubation avait pour principal enjeu d’identifier un ‘terrain’, envisagé à la fois comme territoire d’immersion et comme objet de la recherche. Il s’agissait aussi d’expérimenter l’arpentage (marches, déambulations, dérives) comme une réinvention du quotidien inspirée par Michel de Certeau (1980). Méthodologie adoptée notamment par les situationnistes (Marcolini, 2013), qui poseront les bases d’une psychogéographie dont hériteront beaucoup de mouvements urbains, comme le groupe Stalker ou des artistes ‘marcheur·euses’ contemporain·es qui développent un « art contextuel  » (Ardenne, 2012) et mettent en œuvre cette dialectique de « Marcher, créer » (Davila, 2002).

Cette première étape que nous avons nommée « Déplier les cartes », consistait à confronter cartes et terrains en un aller-retour fécond. Elle a permis de faire connaissance autour d’un territoire commun, d’y circuler ensemble, mais également d’aller à la rencontre d’acteur·rices locaux. Quatre quartiers ont alors été explorés, donnant lieu à un recueil d’éléments (photographies, cartes) et un partage de connaissances et ressentis. Délibérément, nous renonçons à convoquer les données chiffrées d’un diagnostic social et économique pour privilégier les échanges au croisement des disciplines de chacun·e et rester proche d’une expérience intuitive et sensible. Cette posture est à mettre en parallèle avec la démarche du collectif Suspended Spaces [6], à Famagusta (Chypre), évoquée par Éric Valette qui explique : « Ce débat repose sur la notion de connaissance ‘requise’ par les artistes, ou plutôt de leur méconnaissance ‘constatée’ de la situation locale avant d’entreprendre tout travail à partir de ce lieu.  » (Valette, 2012 : 64). En interrogeant les représentations individuelles et collectives existantes, ainsi que le degré de neutralité ou d’implication lié à tel ou tel espace, l’intention était d’identifier un quartier avec, comme l’énonce le géographe Jean-Fabien Steck, l’objectif « d’une rencontre, d’une tentative d’abolition des distances et de création d’un lieu d’investigation ; la mise en pratique d’une méthodologie, ou plutôt de principes méthodologiques. » (Steck, 2012 : 81).

Le quartier du Petit Steendam, à Coudekerque-Branche, en périphérie de Dunkerque, a été choisi par le collectif en prenant en compte sa situation géographique (la clarté de ses délimitations entre l’autoroute et le canal), les différentes strates urbanistiques qui témoignent d’une histoire ouvrière et d’un maillage de populations (avec une mixité sociale), enfin le repérage d’acteur·rices implanté·es qui offraient un potentiel d’activation.

Avec le désir de « mener une enquête à partir du sol  », « mesurer avec son pas son territoire vécu  » (Blog Déplis : « arpenter »), nous avons invité·es, lors d’un premier rendez-vous, les habitant·es à arpenter le quartier en petits groupes à partir d’un ensemble de questions telles que : Qu’est-ce que vous avez envie de nous montrer dans le quartier ? Quels sont les lieux où vous vous retrouvez ? Quels sont vos chemins préférés ? L’enjeu était aussi de réussir à présenter un projet sans objectif préconçu, d’en définir l’intention, de les inviter à œuvrer ensemble. Il s’agissait donc de « commencer à parler du territoire à travers chacun·e  » et de « tisser ensemble sur le terrain  » (Blog Déplis, 06/09/2021). Ces questions posées permettaient aussi d’inverser les rôles entre apprenant·es et sachant·es, de gommer les postures surplombantes d’expert·es en valorisant plutôt une expérience du quotidien à partir des usages. Ce que propose une approche par les droits culturels est de renoncer à toute assignation préalable, de repenser les notions d’identité, de diversité et de communauté, en laissant à chacun·e la liberté de choisir les espaces dans lesquels ils et elles se sentent légitimes et ce, de façon évolutive, permettant le respect de la diversité des valeurs et des pratiques (Sourisseau, Offroy, 2019).

Afin de décaler les regards, nous voulions également interroger la multiplicité des façons d’habiter les espaces publics en proposant des façons différentes de les envisager : des entre-deux, des raccourcis, des chemins préférés, etc. De même, la mise en avant de l’échelle piétonne permet, par le ralentissement qu’elle opère (Le Breton, 2012), une forme d’attention spécifique. En conversant, nous notons par exemple qu’« il y a 15 ans le quartier Hoche avait mauvaise réputation. [Que] la population a changé mais [que] la mauvaise renommée est restée. C’est peut-être un défi à relever ? » (Blog Déplis : « arpentage collectif »). À ce stade, nous expérimentons une méthodologie d’immersion, à partir d’expériences subjectives à partager, dans le but de soulever des thématiques qui pourraient être travaillées ensuite collectivement. Nous synthétisons nos échanges en trois pistes à explorer : 1. le sport, les corps, les jeunes ; 2. les espaces végétalisés et les enjeux de fleurissement ; 3. le travail, les histoires vécues, le patrimoine populaire. Puis nous mettons en place un relai de communication, sous la forme d’une newsletter mensuelle (Blog Déplis : « Newsletters ») rédigée en FALC (Facile à lire et à comprendre), qui permet de tenir tous·tes les participant·es informé·es de ce qui a été fait lors des périodes de résidence et d’annoncer les évènements à venir (voir Figure 2).

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Figure 2 : Collectif Déplis : Newsletter Juin 2022

Les temps passés in situ sont des moments forts dans le groupe, qui s’élargit et sent se concrétiser, dans l’action avec les habitant·es, les périodes de réflexions et de discussions. Mais parallèlement apparaissent des divergences au sein du collectif initial sur la manière de mener un projet artistique ‘participatif’. Il est par ailleurs difficile pour certaines des personnes engagées dans la politique culturelle de la ville de se décentrer de leurs fonctions professionnelles pour faire un pas de côté dans le projet. Enfin, il est difficile pour les artistes de voir le groupe discuter les gestes initiés. En effet, les artistes cooptées dès l’incubation interviennent à l’interface de deux espaces, dans un investissement qui les implique doublement : d’un côté, envers le collectif avec la construction d’un processus en commun ; de l’autre, en immersion sur le terrain dans un travail avec les habitant·es. Cette place est complexe et superpose différentes temporalités et zones d’interventions. Ce qui ne sera pas sans fragiliser le collectif et se soldera par le départ d’une des artistes et par la nécessité d’éclaircir les actions et les espaces de travail de chacun.

Au sein du collectif initial, c’est la place et le rôle des artistes dans une approche repensée de la commande artistique qui est questionnée. Est-ce possible d’envisager collectivement une proposition artistique ? Comment porter et accompagner les artistes relativement aux charges de travail dues aux fonctions des un·es et des autres et à leurs différentes implications dans le projet ? Comment faire pour que le groupe soit plus souvent dans l’action ensemble sur le territoire ? Nous percevons à quel point la gestion des temps de présence (une semaine par mois pour les artistes avec des temps partagés avec le comité de pilotage), les enjeux de rythmes et de moments de partage, sont cruciaux. Toutefois, ce moment de crise permet de reposer les bases du projet et de ré-éclairer des éléments de convergence : l’attention aux droits culturels ; la question du récit comme trace d’une expérimentation en commun ; et le lien déjà établi avec des habitant·es et des acteur·rices locaux suite aux premiers rendez-vous dans le quartier. Virginie Gautier exprime à ce titre son souhait de ne pas être cantonnée à une posture de narratrice-observatrice du projet et de s’engager plus directement avec les habitant·es, en continuité avec les pistes de travail amorcées avant le départ de Zelda Soussan.

Dans le collectif élargi, notre projet de gouvernance partagée est difficile à mettre en œuvre. Comment intégrer les structures ‘complices’ et les habitant·es alors même que le collectif s’est constitué en dehors de son territoire d’intervention ? Il y a aussi cette demande des habitant·es « d’une matière plus concrète pour se projeter  » (Blog Déplis, 17/02/2022). Mais la complexité tient également au fait qu’ils et elles ne se mobilisent pas tous·tes de la même façon, ni dans les mêmes moments. Les enjeux de gouvernance posent donc plusieurs questions qui touchent à l’ensemble de l’écosystème élaboré au fil du projet, aussi bien au sein du collectif initial que dans sa formation élargie.

 Méthodologie et processus de création — en questionnant la façon dont le prisme des droits culturels réinterroge nos méthodes et déplace la notion d’auctorialité dans les processus artistiques

Rejouant la fracture entre culture et éducation populaire actée en 1969 par la création du ministère de Malraux (Lepage, 2007), une distinction est opérée entre « démocratie culturelle », qui permet l’accès de chacun et chacune à ses propres capacités expressives, et « démocratisation culturelle  », qui sous-entend l’accès à des œuvres identifiées comme telles, Les droits culturels recouvrent, comme le note Mylène Bidault, Fonctionnaire au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, « le droit d’assister et de contribuer librement aux expressions et créations artistiques par une pratique individuelle ou collective  » (Bidault, 2016 : 60). Dès lors, cet élargissement des formes artistiques, via la place des pratiques en amateur·ices, viendrait heurter la question de l’« excellence artistique » (Meyer-Bisch, 2019) qui serait l’apanage des seul·es artistes. Madeleine Louarn, présidente du Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), affirme en effet : « Il me semble que la question est ‘qui décide ?’ Pour la création, c’est sans conteste l’artiste  » (Louarn, Guillon, 2017 : 77).

Alors que le projet est aujourd’hui achevé dans sa phase d’activités territorialisées et que nous dressons le bilan de cette expérience, il apparaît que les deux entrées artistiques n’ont pas abordé le projet Déplis avec la même posture, ni la même appropriation des enjeux liés aux droits culturels. Virginie Gautier, présente dès la phase d’incubation et durant les deux ans du projet, a vécu cette élaboration collective de l’intérieur, de même qu’elle a pu bénéficier d’une acculturation à la question des droits culturels en participant aux rencontres organisées sur le territoire dunkerquois, lui permettant d’en saisir les enjeux, ce qui n’a pas été le cas du duo d’artistes arrivé plus tardivement. Toutefois, lors d’un entretien [7], Richard Pereira de Moura admet avoir compris les intentions du projet dans le cadre d’exercice des politiques publiques au regard des droits culturels, mais pas nécessairement à l’endroit du processus artistique où, à son avis, la place et le rôle de chacun·e doivent rester institués. C’est la notion d’auctorialité, abordée par ailleurs dans les travaux d’Estelle Zhong Mengual (2019) sur l’œuvre en commun et de l’artiste Marie Preston relatifs à la co-création (Poulin, 2019), qui est alors interrogée.

Dans le processus artistique de Virginie Gautier, deux actions matérialisent une ‘poïétique de la rencontre’ (envisagée à la fois comme manière de faire et conduite créative) pour aller vers le lieu et les habitant·es, et tentent de répondre aux problématiques de terrain : d’une part, la poursuite des rendez-vous publics ancrés sur la méthodologie d’arpentage et, de l’autre, le « bureau-mobile », action réitérée par le collectif.

Le dispositif d’arpentage initié lors de la phase d’incubation est réactivé car sa dimension performative in situ donne une autre qualité aux rencontres et aux échanges. Les arpentages collectifs permettent ainsi de retrouver les habitant·es déjà impliqué·es ou de faire connaissance, de collecter des données et des récits, mais aussi d’accorder une place à la perception et aux subjectivations afin de construire peu à peu une représentation dynamique du territoire. De même, le décalage qu’opèrent les termes d’‘arpentage’ ou de ‘cheminement participe de propositions poétiques vouées à créer un pas de côté par rapport au quotidien — une défamiliarisation propre à réinterroger le quartier (y compris par ses usager·es) tout en portant l’accent sur nos façons d’y habiter.

Les arpentages sont parfois le support d’invitations faites à des personnes extérieures au quartier dans le but de proposer des approches variées qui permettent des porosités entre les champs esthétiques, historiques et scientifiques. Le collectif fait par exemple écho au désir exprimé de « mettre de la couleur  » en s’intéressant aux fleurissements, aux espaces publics végétalisés ou en friches, aux plantes qui débordent des jardins privés. Cette démarche va dans le sens de documenter les possibles afin de constituer un ensemble de ressources (textes, images, idées) pour favoriser des projets dont les habitant·es pourraient se saisir. Ainsi, en juin 2022, deux arpentages thématiques sont organisés. D’abord, un arpentage autour des plantes sauvages auquel est invité Gaëtan Poiret, coordinateur du projet « Transition  » au sein du Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) Flandres Maritime, qui propose une promenade botanique orientée vers les friches et la question du « tiers paysage  » (Clément, 2004). Il amène le groupe à regarder ce qui pousse en dehors des jardins, à interroger les marges et la question de la biodiversité en milieu urbain. Puis un arpentage à partir des archives, conduit par la responsable de la Bibliothèque du patrimoine Céline Van Lierde-Carbon, en menant le groupe sur les traces historiques du quartier. Ces deux arpentages ont déplacé notre regard vers des éléments non vus ou non valorisés, comme le patrimoine bâti, industriel et ouvrier, qui fonde l’histoire du quartier, générant des discussions, voire des controverses, autour de la notion de patrimoine. Or, comme l’énonce l’historienne Julie Deschepper (2021) : « le patrimoine est résolument performatif : n’est patrimoine que ce qui est nommé comme tel à un moment donné, ou pour le dire autrement, c’est le discours sur le patrimoine qui fait le patrimoine. […] Et puisqu’il est fabriqué par des discours, le patrimoine est avant tout une question de récits.  »

L’action « bureau-mobile » est un autre ‘faire ensemble’ qui consiste à déplacer dans l’espace public un bureau recouvert d’une carte du quartier. En interrogeant les passant·es sur leurs cheminements piétons, cette action donne lieu à des moments d’échanges et permet de recueillir des données dans le but de redessiner les cartes. Ces rencontres de rue occasionnent aussi la collecte de ‘micro-récits’ qui permettront de dresser une cartographie sensible du quartier à partir de l’expertise d’usage des passant·es. Selon Quentin Lefèvre, urbaniste et designer, les cartes sensibles contribuent à « objectiver la subjectivité par un ensemble d’outils et de méthodes  » en proposant « des formes de représentations pertinentes de l’espace vécu qui visent à relater la complexité socio-cognitive du territoire considéré à partir du réel, qu’il soit physique, symbolique ou imaginaire  » (Lefèvre, s.d.). Redessiner le territoire permet de superposer ces différentes strates et de faire apparaître des parcours singuliers sur la carte Openstreetmap réalisée par l’agence d’urbanisme (AGUR).

L’envie de donner corps au territoire a également mené Virginie Gautier à réaliser une série de portraits écrits issus de rencontres individuelles avec des habitant·es. Rédigés à partir d’entretiens dialogués, puis re-discutés et validés par les personnes concerné·es (en inventant une forme d’‘écriture négociée’), ces portraits donnent à entendre des voix qui partagent des convictions, témoignent, éclairent d’autres facettes du quartier. Leur force est dans leur capacité à faire entendre une parole à la fois subjective et politique, qui nous concerne tous·tes. Ainsi, mettant en relation art et excellence, Patrice Meyer-Bisch (2019 : 113) reconnaît cet autre enjeu de la création, qui est « que chacun arrive à toucher et à reconnaître dans sa singularité une valeur universelle qu’il souhaite partager, soumettre à la reconnaissance et à la critique d’autres personnes connues ou inconnues  ». Ces « Portraits situés » ont été affichés sur les grilles extérieures du centre social à l’occasion des 50 ans de la structure célébrés en août 2022. De la même manière, un travail a été mené par Virginie Gautier dans une classe de 4e du collège du Westhoeck pour donner voix aux jeunes du quartier en leur proposant de se projeter dans le futur. L’atelier « Le Petit Steendam est une fiction » a donné lieu à une publication de textes sous formes de cartes postales et à une visite guidée par les collégien·nes lors de la fête de clôture du projet, programmée au centre social le 14 décembre 2022. À chaque fois, le médium ‘écriture’, utilisé in situ, a servi de prétexte aux rencontres qu’il a documentées.

Il est à souligner que ces propositions, visant à accompagner les intentions exprimées par les habitant·es, passent par un décentrement des positions instituées de chacun·e, dont celles des artistes. Ainsi, quand la dimension poétique recouvre la dimension proprement artistique — au sens où l’expérience de création s’autonomise de la fabrication d’un objet pour s’ouvrir à l’expérience comme ‘moment vécu’ — celle-ci devient alors une pratique qui relève du ‘savoir-être’ de l’artiste et des autres membres du collectif qui portent l’action. Dès lors, ce qui dans le même temps se déplace, c’est ‘l’avoir lieu’ de l’art, qui met en valeur ce qui se passe pendant la rencontre, dans l’amont d’une ‘œuvre-objet’ (potentielle ou à venir) dont nous présumons qu’elle sera nourrie de l’intensité des échanges.

Pour Guillaume Lepoix et Richard Pereira de Moura, l’intention initiale était, au travers du concept d’un « Campement mobile », de mener des enquêtes de terrain à la rencontre des habitant·es tout en produisant des formes plastiques in situ (objets, images fixes ou vidéos) à restituer de diverses manières tout au long de la résidence. L’intérêt de ce processus était de permettre une présence artistique plus visible dans le quartier, en développant des propositions itératives sur une période de quatre mois à raison de deux semaines de résidence par mois. Dès leur première visite, l’intérêt du duo s’est porté sur l’un des objets emblématiques du quartier, à savoir les pylônes électriques. Cette approche intuitive a été corroborée par une consultation des archives du Centre de la Mémoire Urbaine de l’Agglomération (CMUA) en découvrant que l’installation de la ligne haute tension qui relie la centrale nucléaire de Gravelines au complexe industriel des Dunes à Leffrinckoucke précédait la construction des maisons du quartier. Dès lors, leur travail a consisté à fabriquer une réplique en bois d’un pylône (à l’échelle un-demi) dans la perspective d’organiser un événement festif autour de cet objet éphémère. Toutefois, faute de logement et d’un atelier disponible, les artistes n’ont pas pu habiter le quartier et le processus imaginé in situ s’est finalement transformé en la construction d’un objet autonome, sculptural, dans un atelier dunkerquois. Parallèlement au chantier de fabrication, le duo a mené un travail d’enquête sous formes d’interviews filmées auprès d’habitant·es, dont des retraité·es de l’Usine des Dunes et des adolescent·es usager·es du centre social, ainsi que du directeur de l’entreprise Pylônes du Littoral installée à Coudekerque-Branche. Les étapes de la conception, de la fabrication et de l’activation publique (déambulation, érection et destruction à Téteghem) animée par la fanfare La Brigade des Tubes et les majorettes Les Phoenix ont été documentées sous la forme d’un film titré La ligne des Dunes [8] (2022).

Par le biais des Dix controverses sur la création au regard des droits culturels, Réseau Culture 21 (2018) pointe les tensions que ce type de projet peut susciter à plusieurs niveaux : du point de vue de l’artiste et du partage possible de son autorité via la création partagée ; à l’échelle des formes produites en privilégiant le processus par rapport aux artefacts produits ; autour des modalités de la réception sensible, en réinventant les formes d’expositions et de diffusion ; enfin au niveau de leur impact, dans la tension entre intention artistique et intention sociale.

La question n’est peut-être pas qui, de l’artiste, du collectif ou des habitant·es, décide, mais quels choix fait-on ? L’artiste peut en effet produire l’objet attendu (l’œuvre qui ‘justifie’ sa présence) ou choisir de mettre en œuvre une relation attentionnelle à même de donner lieu à une expérience sensible partagée. Et ce, sans que l’expertise d’une approche engagée et sensible ni que l’enjeu d’une articulation entre réel et imaginaire ne lui soient retirés. Ce déplacement renvoie à l’ethos de l’artiste et souligne une implication dans un environnement géographique, social et politique que nous pouvons qualifier de « poéthique », au sens de Jean-Claude Pinson, c’est-à-dire inséparable d’un questionnement esthétique et existentiel, politique et ontologique (Pinson, 2013 : 243).

 Modalités d’évaluation d’un projet artistique de territoire — en regard des notions de participation et de coopération, et de la façon dont cela permet de mesurer l’effectivité des droits culturels

Déplis ayant été conçu comme une recherche-action, la méthodologie d’évaluation a été abordée dès le début du projet, via une entrée à la fois réflexive et sensible, ces deux approches se nourrissant mutuellement. Cette auto-évaluation interne a été nourrie par la recherche-action « Habiter l’espace public » (2020-2023) menée par Réseau Culture 21 sur dix terrains en France, dont Déplis, qui a donné lieu à un séminaire national [9] permettant d’interroger les problématiques suivantes : représentations et rapports de force ; récits fiction et réel ; frontières et mobilités ; appropriations licites et illicites ; cohabitations et conflits d’usages ; articulations et gouvernance ; commande politique et participation citoyenne.

D’autre part, le collectif a été invité par la Fondation Carasso à trois séminaires d’échanges regroupant les autres projets soutenus dans le territoire des Hauts-de-France, alimentés par les réflexions d’un groupe de travail auquel Nathalie Poisson-Cogez est associée à la sociologue Cécile Offroy et aux chercheurs en sciences économiques Nicolas Chochoy et Thibaut Guyon de l’Institut Godin [10], sous le pilotage de Réjane Sourisseau (chargée de mission pour la Fondation). Le principe étant d’aborder l’évaluation sous un angle systémique permettant de questionner simultanément la création artistique et sa médiation, l’impact social ainsi que l’écosystème et les connectivités d’acteur·rices constitués par les projets.

L’évaluation réflexive de Déplis a été posée au travers d’un tableau à double entrée élaboré par le comité de pilotage et les artistes lors de la phase d’incubation, sur lequel sont identifiés différents indicateurs : indicateurs de résultat, indicateurs d’activité, indicateurs d’impact. Cette approche inédite (voir Figure 3) permettait d’analyser quatre objectifs, issus de La Boussole de l’art citoyen éditée par la Fondation Carasso (2019) que sont : le développement des capabilités (des acteur·rices, des habitant·es, des artistes) ; la mise en œuvre du processus artistique ; la fabrique du territoire ; l’évolution des pratiques collectives. Ces quatre items sont croisés avec les huit droits culturels de la Déclaration de Fribourg  : identité, diversité, patrimoine, communauté, éducation, information, participation, coopération.

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Figure 3 : Grille d’évaluation du projet Déplis - Collectif Déplis (2020)

Le processus d’évaluation sensible, quant à lui, a été conduit in itinere par Virginie Gautier, de sa place d’écrivaine. Ses prises de notes, relevées au fil des réunions du comité de pilotage ou des actions menées sur le terrain, ont alimenté le blog Déplis. Le travail sur les mots employés a permis à chacun·e de manier les différents concepts en jeu dans le projet. Il a mis en relief, à partir des gestes poétiques engagés dans le quartier (déplier, ralentir, arpenter, habiter, etc.), les premiers termes d’un « lexique (subjectif) de la recherche  » complétés tout au long du projet. Des mots ont également été adoptés, comme le néologisme « apprivoisiner  » inventé par l’artiste Tristan Deplus « qui manquait au dictionnaire pour exprimer la relation qui se crée entre les personnes dans un projet comme Déplis  » (Blog Déplis, 11/2022). Ce travail d’écriture offrait un va-et-vient permanent entre action et réflexion, qui sont les enjeux même de la recherche-action. Ainsi, lors de l’évaluation, l’un des membres du collectif soulignait : « Ce projet est une première expérimentation d’une autre manière de faire. On a rarement l’occasion de pouvoir travailler de cette manière dans une conduite de projet. Poser une intention (presque minime) ; observer, pour commencer à ressentir, à avancer ; construire en marchant ; évaluer ce qui en ressort. La logique de l’appel à projet, c’est souvent un processus inverse. [11] »

La matière récoltée dans le blog a servi également à la constitution d’un almanach réalisé avec le graphiste Nicolas Cabos. Cet ‘objet-trace’ de la recherche-action « Déplis – Pas à pas dans le Petit Steendam  » est également un ‘outil’ à l’usage des habitant·es, destiné à offrir à tous et toutes des ressources textuelles, photographiques et cartographiques, mais aussi des pages vierges à investir. Polyphonique, il contient les différents récits du quartier : lexique des habitant·es et de la recherche-action ; collectes de paroles ; « Portraits situés  » et textes rédigés par d’autres acteur·rices du territoire. Publié à 1500 exemplaires, l’almanach est distribué largement car il se veut un ‘contre-don’ (Mauss, 2021 [1925]) du temps passé, des réflexions partagées et des paroles échangées. Et si, lors des différentes rencontres, la mauvaise réputation du quartier, pesante pour les habitant·es, a souvent été évoquée, l’almanach vise également à transformer cette image persistante en donnant une autre visibilité à ce quartier enclavé, relativement ignoré par le maire de la commune. C’est d’ailleurs ce qu’exprime Christine M., une habitante et bénévole du centre social, quand elle dit : « Votre projet, moi je le vois comme quelque chose qui nous ferait du bien. Vous pouvez nous mettre en lumière  » (Blog Déplis, 16/03/22). L’idée évoquée de continuer d’imaginer des modes de diffusion de l’almanach dans le quartier permettrait ainsi, pour les membres locaux du collectif, de conserver ce lien engagé avec les acteur·rices et les habitant·es.

L’intention du collectif initiateur de Déplis était de « [chercher] à inclure les gens au premier chef concernés par l’enjeu politique et social, en reconnaissant leur expertise sur la question, et [créer] ‘avec eux’ plutôt qu’au ‘nom d’eux’  » (Casemajor, Lamoureux, Racine, 2016 : 184). Il s’agit donc d’analyser de quelle façon les méthodologies mises en œuvre ont pu ou pas autoriser l’inclusion de toutes les parties prenantes. Ce sont les enjeux de « participation » (Fribourg, 2007 : art. 5) et de « coopération » (Fribourg, 2007 : art. 8) qui retiendront ici notre attention permettant de mesurer « l’effectivité des droits culturels [12]  ».

Dans les « Portraits situés », il s’agissait pour Virginie Gautier « de construire des dispositifs qui produisent du négocié, du discuté, de l’éprouvé  » pour « faire entendre des voix oubliées  » (Schaller, 2013 : 103). Dans les faits, elle a convoqué l’écriture comme médium de la rencontre pour imaginer des formes de relation. Guillaume Lepoix et Richard Pereira de Moura, quant à eux, ont abordé la question de la participation à une autre échelle. Le film La ligne des Dunes laisse transparaître une série de collaborations à plusieurs niveaux : un niveau actif avec les personnes qui ont participé aux interviews, celles qui ont permis la construction du pylône de façon directe ou indirecte (les élèves et les professeurs du Lycée professionnel F. Léger, l’école d’art par la mise à disposition d’un espace de travail), qui l’ont porté, qui ont permis son érection (l’éleveur de chevaux), qui ont animé la procession (fanfare et majorettes), fabriqué la soupe (Côté jardin - Dunkerque), réalisé les captations de sons et d’images (les étudiant·es de l’école d’art), aidé à traverser le carrefour (la police nationale), refusé ou accordé les autorisations d’occupation de l’espace public (les élu·es et technicien·nes des villes de Coudekerque-Branche, Dunkerque et Téteghem) ; et un niveau « passif » (Zhong, 2019 : 75), en tant que spectateur·ices des interventions dans l’espace public. Suivant la typologie empruntée à Pablo Helguera et énoncée par Céline Poulin dans Co-création, cette activation se tient au niveau d’une « participation dirigée  » (Poulain, 2019 : 18), dans laquelle les artistes conservent l’autorité sur le processus lui-même, plutôt que d’une « participation collaborative  » (ibid.), dans laquelle les participant·es partagent la responsabilité du contenu de l’œuvre et de son développement. Le film La ligne des Dunes s’affirme donc comme un objet autonome, mis en partage avec les habitant·es lors de la fête de clôture.

Parallèlement, les membres de l’association Les Nuanciers, en tant que ‘voisins’, ont engagé un travail de micro-trottoir avec des adolescent·es du centre social. Cette proposition s’adressait à un public jeune et allait dans le sens d’un parcours éducatif favorisant la confiance en soi. Se retrouvant plusieurs mercredis de suite, avec le formateur en éloquence Hakim Soujay et l’animateur jeunesse du centre social, ces « reporters en herbe » ont arpenté les alentours du centre à la rencontre des passant·es pour réaliser trois podcasts audio [13] à partir de témoignages glanés dans la rue. Il s’agissait de diversifier les modalités de rencontres des personnes dans le quartier, qu’elles soient dans des groupes constitués (ateliers du centre social, Conseil citoyen, collégien·nes) ou informels (jeunes du City Parc, habitant·es des immeubles).

Dans toutes ces propositions, l’enjeu d’une présence sur le quartier est fort. Les moments vécus produisent une réelle qualité d’échange entre le groupe Déplis et les personnes qui participent aux actions, parmi lesquelles passant·es, habitant·es, salarié·es et bénéficiaires du centre social ou d’autres structures du quartier. La structure ‘complice’ du centre social est devenue centrale au sens propre. Pour autant la participation des habitant·es reste réduite, tant par le nombre de personnes concernées que par la fluctuation de leur engagement. Elle ne s’amplifie pas au fil du temps car le projet peine à trouver son rythme et subit des revers liés au départ d’un membre du comité de pilotage et de la fin du stage de la coordinatrice qui prenait en charge la communication.

De même, ou conséquemment, les temps réguliers de rendez-vous entre les membres de Déplis ont du mal à être maintenus, ce qui est le signe d’un certain essoufflement dans la durée. Par ailleurs, ce souhait d’une co-construction avec les personnes habitant et travaillant dans le quartier a été entravé par des obstacles d’ordre logistique (absence de logement pour les artistes et d’espace de travail pour la construction du pylône) et d’ordre politique, avec le refus du maire de Coudekerque-Branche d’accorder une autorisation d’occupation de l’espace public en raison du thème choisi (Poisson-Cogez, 2023), obligeant le collectif à déporter celle-ci sur les communes de Dunkerque et Téteghem. Les membres des structures ‘complices’ qui se sont impliqués par leurs présences lors des réunions publiques, dans certains ateliers et aux moments festifs du projet — en atteignant le degré 6 (partenariat) de l’« échelle de participation » de la sociologue américaine Sherry Arnstein (1969) — n’ont pour autant pas accédé au centre névralgique et décisionnaire du projet.

Outre ces différentes modalités de participation, le partage de la responsabilité du processus artistique, évoqué précédemment, a pu créer des dissensus au sein du comité de pilotage. L’un des membres relève en effet que « La co-construction du processus de création a été complexe, je ne l’ai pas toujours bien vécue. Qui peut participer au processus de création d’un artiste ? Qui est légitime ? Cela vient questionner la liberté de création [14]  ». Anne et Patrick Beauvillard (2022 : 84) rappellent que « coopérer c’est être coauteurs d’une œuvre commune  ». Ce qui induit une « relation de pairs entre les coauteurs  » et que « l’œuvre créée soit considérée comme un bien commun  ». Aussi, ce type d’expérimentation interroge, à travers le prisme des droits culturels, la possibilité d’une co-création artistique. Il permet aussi de mettre en balance la notion de processus artistique via des gestes identifiés comme tels. Comme le souligne Marie Preston : qu’est ce qui relève de l’art ? Est-ce faire des choses ensemble, donner des formes tangibles, ou est-ce l’invention sociale qui découle de ces expériences ? (Preston, 2023)

Dans le projet Déplis, les deux postures ont été expérimentées : une forme tangible avec le pylône qui, tout en mobilisant un groupe de personnes et d’acteur·trices élargi, a dû faire face à une forme de censure et a déplacé son objet en dehors du quartier ; et des formes d’actions collectives et de relations plus interpersonnelles qui, comme le souligne Estelle Zhong Mengual (2019 : 31) « ont cette spécificité étrange au sein du champ artistique de n’être pas faits pour être vus de l’extérieur. Ces projets sont davantage faits pour être vécus de l’intérieur.  »

Pour Guillaume Lepoix et Richard Pereira de Moura, une inversion s’est opérée avec l’objet pylône, car ce qui devait être un prétexte à la rencontre est devenu un objet d’attention, voire de spectacularisation, via une procession qui ne faisait pas sens pour les habitant·es qui n’avaient pas participé à sa fabrication. De fait, ces artistes, entrés en juin 2022, ne se sont pas sentis concernés par la construction de la réflexion initiale nourrie d’une sensibilisation aux droits culturels, et ne travaillaient pas nécessairement dans cette direction d’une co-création avec les habitant·es. Par conséquent, ce décalage temporel, tout comme l’orientation même de leur projet artistique, les a éloignés de modes opératoires croisés sur le territoire. Cela remet au premier plan la question des temporalités et des rythmes dans un tel projet, et questionne les modalités du choix des artistes (cooptation ou appel à participation) mais aussi la pertinence de faire travailler ensemble des artistes qui ne se connaissent pas et ne partagent pas nécessairement des processus communs.

L’intention initiale du projet, basée sur l’identification d’un phénomène de désappropriation des processus de fabrication du territoire par ceux et celles qui sont pourtant directement concerné·es, était de faire émerger des communs en travaillant dans l’esprit d’une co-construction et en étant attentif aux processus de rencontre et d’élaboration d’une forme « d’art en commun  » tel que défini par Estelle Zhong Mengual (2020 : 11), c’est-à-dire un art qui serait idéalement l’œuvre d’une « collaboration en présence entre artiste[s] et volontaire[s], [où] la contribution de ces derniers ne prend pas l’allure d’une invitation ou injonction ponctuelle à faire quelque chose dans un cadre spectaculaire (exposition ou performance), mais d’une collaboration au long cours dans les lieux de la vie quotidienne.  » Œuvrer dans l’espace public est alors envisagé comme une action poétique et politique ouvrant la voie des possibles.

Nous comprenons toutefois qu’il est difficile pour beaucoup de personnes de se sentir acteur·rices de leur territoire, de prendre la parole et d’imaginer une performativité de cette parole. Et constatons, avec le chercheur en sciences de l’éducation Jean-Jacques Schaller (2013 : 103) « [qu’il] y a une grande difficulté à établir des relations sociales à égalité, quand les distances sociales se font plus fortes. Comment agir l’impératif démocratique, si la forme qui devrait en constituer la norme, à savoir la relation d’égalité, est impraticable ? En faisant une ‘attache’ de proche en proche, en construisant l’égalité au sein des différences de potentiel par d’autres modes d’adressage  ». Comment dès lors donner du pouvoir de prise de parole et d’action aux habitant·es d’un quartier ?

Ne pouvant se réduire à favoriser l’accès à l’art et à la culture, la mise en œuvre effective des droits culturels renforce donc l’idée que « l’art constitue un moyen important pour chaque personne, individuellement ou collectivement, ainsi que pour des groupes de personnes, de développer et d’exprimer leur humanité, leur vision du monde et le sens qu’ils attribuent à leur existence et à leur réalisation.  » (Shaheed, 2013 : 3). Dès lors, leur effectivité transcende les seules politiques culturelles dans une approche transversale et systémique de notre système démocratique. Comme l’énonce le philosophe Luc Carton : « Le développement effectif et intensif des droits culturels et des dimensions culturelles des droits humains est la matrice d’une démocratie approfondie et continue, investie dans l’ensemble des fonctions collectives. » (Collectif, 2020 : 117).

 Conclusion

Le projet Déplis a permis de prendre le temps de développer l’expérience d’une création contextuelle avec, à l’échelle du quartier du Petit Steendam et au-delà, à travers des réseaux de voisinage et de complicité, plusieurs approches culturelles et artistiques, qui se sont parfois croisées sans déployer les mêmes intentions, les mêmes méthodologies, outils ou effets. Cette expérimentation nous a aidées à interroger les enjeux de gouvernance au sein d’un collectif évolutif et la question des processus artistiques à l’œuvre dans le cadre d’un projet de territoire, tout en montrant la difficulté pour chacun et chacune de modifier les paradigmes des fonctionnements institués. Pour autant, l’attention aux droits culturels a permis d’inventer une forme de récit polyphonique du quartier, en rendant lisible, dans l’‘objet-trace’ almanach, un « partage du sensible » (Rancière, 2000) par la multiplication des voix des participant·es. In fine, nous soulignons la dimension expérimentale de ce type de démarche, dans laquelle la question de l’objet artistique se déplace pour mettre en avant le processus et développer des gestes d’attention ainsi que des formes de relation. L’attention aux habitant·es, la notion d’art en commun et la mise en pratique des droits culturels, attestent que ces formes de relation, en transcendant les seuls enjeux artistiques et culturels, opèrent l’utopie d’une transformation sociétale.

 Bibliographie

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Notes

[1] https://droitsculturels.org/observatoire/ (consulté le 20/09/2023)

[2] Blog Déplis : https://deplis-rechercheaction.blogspot.com/

[3] Mot grec pour « éducation ».

[4] http://virginiegautier.com/

[5] https://www.luit.fr/

[6] http://www.suspendedspaces.net/entree/Qui_sommes-nous.html (consulté le 20/09/2023).

[7] Entretien entre Nathalie Poisson-Cogez et Richard Pereira de Moura (22/03/2023).

[8] Visible sur le site de l’artiste Guillaume Lepoix : https://guillaumelepoix.fr/index.php/portfolio/items/la-ligne-des-dunes/ (consulté le 26/11/2023).

[9] Bilan national recherche-action 2020-2023 organisé par Réseau Culture 21, Saint-Denis, (20/03/2023).

[10] https://institutgodin.com/qui-sommes-nous/nicolas-chochoy/ (consulté le 18/11/2023).

[11] Tableau d’évaluation du projet Déplis, janvier 2022.

[12] https://plateformedroitsculturels.home.blog/ (consulté le 20/09/2023)

[13] https://soundcloud.com/les-nuanciers (consulté le 25/11/2023).

[14] Grille d’évaluation du projet Déplis, janvier 2022.

Articles connexes :



-De la frontière comme « spectacle » aux images manquantes de l’exil : des enjeux au croisement de l’esthétique et de la sociologie, par Rousteau Coline

Pour citer l'article


Poisson-Cogez Nathalie, Gautier Virginie, « Les droits culturels comme méthode d’approche de Déplis, un projet artistique pour (d)écrire le territoire », dans revue ¿ Interrogations ?, N°37. Apports conceptuels et méthodologiques des entrecroisements entre pratiques artistiques et sciences humaines et sociales : accéder à l’autre, agir sur les territoires, décembre 2023 [en ligne], https://www.revue-interrogations.org/Les-droits-culturels-comme-methode (Consulté le 28 avril 2024).



ISSN électronique : 1778-3747

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