La pratique graphique est un pan important de la recherche architecturale, permettant d’identifier et de faire évoluer ses tensions ontologiques. Cet article présente comment la conception de cartes postales participe à une enquête sur les imaginaires sociaux pris dans la transformation d’un lieu en friche. En croisant entretiens, pratiques graphiques et analyse sémiologiques, j’établis comment ce recours permet de considérer à la fois une pluralité des récits de ce lieu et les mécanismes de domination sociale qui s’y jouent. Ces approches tiennent pourtant de traditions théoriques opposées dans la définition des rapports entre architecture et politique. Les théories critiques, appuyées par la subversion du plan d’architecture, font face aux théories pragmatiques et leurs prolongements graphiques. Entre explication des rapports de pouvoir et explicitation socio-technique, ces cartes postales peuvent-elles contribuer à pointer une voie complémentaire, par l’évocation ?
Mots-clés : Architecture ; politique ; pratiques graphiques ; carte postale ; assemblage iconographique
Graphic practises are an historical and constitutive part of architectural research. They allow to identify and transform ontological tensions within the field. This article presents how the design of postcards helps an investigation on the social imaginaries involved in the tranformation of a wasteland. By mixing interviews, graphic practises and semiological analysis, I establish how this helps to consider both the plurality of stories attached to this place and the social domination mecanisms at play. Yet, those approaches come from theoretical traditions opposed in their definition of the links between architecture and politics. Critical theories, accompanied by the subversion of the architectural plan, face pragmatic theories and their own graphical tools. Between the explanation of power relationships and the socio-technical explicitation, could those postcard contribute to point towards a complementary way, based on evocation ?
Keywords : Architecture ; Politics ; graphic practices ; postcard ; Iconographic Assembly
La recherche en architecture s’est souvent reposée sur l’exploitation et le développement de modes de représentations. Les traités d’architecture classique ont ainsi fait une utilisation illustrative et analytique de l’image sous la forme de croquis, de plans, coupes, … Les théoriciens de l’architecture ont prolongé cette tendance par d’autres outils : évoquons les schémas abstraits de Le Corbusier (1987 [1965]), la photographie informative des Venturi-Brown (2017 [1972]), l’image de synthèse chez Schumacher (2011) ou les collages de Superstudio ou Archizoom (Rouillard 2004). Ces outils graphiques prolongent les conceptualisations que proposent ces théories quant à ce qu’est l’architecture et son rôle sociétal. Les modélisations épurées de Schumacher se prêtent à sa considération de la discipline comme un service fourni à des sociétés devant définir valeurs et principes de façon autonome. A contrario, les collages cités, tel le Monument Continu , proposent un discours politique sur l’avenir des sociétés et le rôle actif de l’architecture dans ces destins.
Cet article vise à interroger le lien entre le caractère politique conféré à l’architecture dans un courant théorique et son mode de représentation. Il s’agit plus précisément de souligner la contribution de ces images à l’articulation entre architecture et politique, et les limites qu’elles lui imposent. A cette fin, je présenterai d’abord la façon dont une pratique graphique particulière – la conception de cartes postales- m’a permis de prolonger l’étude des rapports socio-politiques entretenus par différentes communautés quant à un lieu en friche. Cette pratique constitue un outil en cours de développement au sein d’une recherche doctorale portant sur les pratiques de transformations des imaginaires sociaux des lieux en friche, dans le contexte de leur réaménagement. Elle se situe également à l’interface de mes deux disciplines de référence, l’architecture et les sciences sociales, et par là est aussi un outil d’exploration de leurs apports respectifs. A partir de l’analyse des contributions de cet outil à la recherche, j’envisagerai la façon dont ma pratique graphique compare à d’autres qui ont participé à penser les rapports socio-politiques des pratiques architecturales. J’exposerai ainsi deux courants de pensée animés par l’articulation architecture-politique en opposition : l’approche critique et l’approche pragmatique. Celles-ci seront approchées par leurs pratiques graphiques respectives au travers de deux exemples, un plan d’abattoir proposé par Théo Deutinger (2018) et la cartographie des controverses du stade olympique londonien établie par Albena Yaneva (2012).
Par là, il s’agit de rendre compte d’une pratique de recherche graphique et, par son biais, de considérer comment celle-ci interroge deux approches importantes concernant les liens entre architecture et politique et leurs propres production graphiques. Je considère ainsi que l’utilisation de l’image au sein de la théorie architecturale peut contribuer à enrichir celle-ci, de la même façon que la théorie architecturale a pu enrichir, à l’occasion, les utilisations de l’image.
Le site de l’ancien hôpital de Bavière, Liège, dit « Bavière », est particulièrement présent dans les esprits locaux malgré son abandon en 1987 et la démolition de la majorité de ses bâtiments. Il peut se concevoir comme un haut-lieu, soit un « lieu érigé délibérément et collectivement au statut de symbole d’un système de valeurs territoriales » (Debarbieux 1993 :6). Si le lieu se définit comme la rencontre entre un espace physique et un espace abstrait fait d’imaginaires, le haut-lieu, lui, participe également d’un système de valeurs. Les valeurs associées au haut-lieu dépendraient de son caractère et de son histoire. Une première lecture pourrait considérer Bavière comme haut-lieu liégeois d’une grandeur épiscopale, celle de son prince-évêque fondateur, au XVIIème S., devenue modernité sociale puis de son déclin, un époque dorée révolue signifiée par son architecture néo-classique tombant en décrépitude, et la vaste lande qui la jouxte.
Lors de ma première étude sur le sujet , j’ai cependant dégagé sept imaginaires sociaux, sept façons différentes dont ce haut-lieu prend forme pour les acteurs (Kunysz, 2019). Bavière peut être pensé a minima lieu de sacrés, lieu public, lieu de cultures, lieu de soins, lieu de libertés, lieu de mémoires et lieu d’économies, existant au travers d’interactions, de populations, de souvenirs et d’architectures différentes. Ce portrait du lieu met en cause le récit du haut-lieu précédemment décrit, en faveur d’histoires plurielles, vécues et racontées par les acteurs. Décrire la pluralité des imaginaires sociaux attachés à ce lieu s’est avéré une tâche complexe. Dans cette étude, j’avais choisi de faire sept fois l’histoire de Bavière, de façon à mettre en valeur les logiques propres à chacun de ces imaginaires. Bavière, son histoire et sa géographie y sont décrits de sept façons différentes, complémentaires mais non réductibles l’une à l’autre. Cette démarche s’inscrivait dans une inspiration des travaux du philosophe Bruno Latour et de ses héritiers visant à décrire la pluralité des mondes (During, Jeanpierre 2012). Deux écueils sont apparus à la suite de cette première tentative de restitution.
L’un de ces écueils concerne la linéarité de la narration historique. Conçue de façon classique, ces histoires possèdent un début, un développement et une fin. Cette linéarité était présente tant dans l’écriture que dans l’agencement des sept histoires entre elles. Cela correspond mal à une volonté de restituer des imaginaires, c’est à dire des façons abstraites et non linéaires d’ordonner le monde. Un autre écueil relève des rapports de ces histoires entre elles. Mon interprétation de Bavière comme un haut-lieu (Debarbieux 1993) amène à considérer que ces imaginaires sont porteurs de systèmes de valeurs, de hiérarchisations des éléments et acteurs du territoire . L’approfondissement qui a suivi cette étude pousse à penser que les imaginaires menant aux projets d’immeubles d’appartements coûteux et de pôle culturel relèvent de systèmes de valeurs différents de ceux portés par les artistes ayant occupé la friche dès 2004, ou la communauté catholique traditionaliste installée dans la chapelle de l’hôpital depuis les années 90. Comme beaucoup de grands projets urbains, ce réaménagement se fonde sur un discours du renouveau, que l’on retrouve tant dans les discours des élus locaux, que dans les présentations publiques des architectes ou les publicités déployées par le promoteur en charge du projet. Ce discours du renouveau s’accompagne d’une invisibilisation de ces communautés d’occupants : depuis la fermeture de l’hôpital, seul l’abandon aurait prévalu, la friche aurait été un vide déplorable qu’il s’agit de remplir au plus vite. Ces occupants ne se retrouvent pas non plus dans l’ordre du monde que développent ces projets et se voient déplacés d’un lieu qu’ils ont participé à perpétuer quand d’autres s’en désintéressaient. Les artistes squatteurs ont été expropriés en 2008, tandis que l’abbé de la chapelle pourrait connaître ce même sort au profit d’une reconversion de l’édifice en bureaux de prestige. Ces rapports de pouvoir sont relativement absents de mon approche par la narration historique. Démultiplier les récits m’a amené à les lisser et à mettre de côté les hiérarchies qui distinguent différents imaginaires sociaux, et les groupes sociaux qui les portent. Pourtant, ces rapports sont présents et contribuent à la transformation des imaginaires sociaux de Bavière, il m’apparaît donc important d’en tenir compte. En cela, se posait donc la question de la place des rapports de domination sociale dans la production de l’espace, tels qu’ils sont mis en valeur par les approches critiques comme celle de Henri Lefebvre (2000 [1974]).
Pour dépasser ces écueils, il m’a paru utile d’exploiter un vaste matériau iconographique de terrain collecté lors de l’enquête. Les images et leur force expressive pouvaient être un appui pour ré-explorer la pluralité des imaginaires de Bavière au-delà de la narration historique. L’image ne possède en effet pas d’organisation linéaire, contrairement au texte : sa lecture est basée sur des itérations du regard s’attardant tantôt sur une composition d’ensemble, tantôt sur des détails (Vandendorpe 1999). En cela, l’image est un bon véhicule pour mobiliser des imaginaires pluriels. De même, chaque image est produite par des acteurs qui les ont créées dans des contextes et avec des agendas propres. Dans cette logique, je considère chaque image comme une matérialisation de rapports spécifiques au lieu exprimés par des groupes sociaux, porteurs d’imaginaires, et donc de systèmes de valeurs particuliers. Ainsi, confronter des images préexistantes entre elles semblait un- moyen intéressant de mobiliser à la fois la pluralité des imaginaires sociaux d’un lieu et les relations de pouvoir que les acteurs entretiennent.
J’ai utilisé ces images pour opérer une traduction graphique de ce portrait des imaginaires de Bavière. Cela a permis de transposer ce premier portrait du lieu sous un autre format mais surtout de le prolonger en dépassant ses écueils. Ce dépassement a ainsi ouvert à la fois à des perspectives de relance pour mon enquête et des rapprochements conceptuels que je vais exposer.
Figure 1. 7 cartes postales de Bavière. Composition de l’auteur, 2020.
Les entretiens menés auprès de personnes attachées à Bavière ont donné lieu à des dons et prêts, pourtant peu sollicités, que j’ai reçus avec gratitude. Les informateurs cherchant à communiquer leur ressenti et leurs souvenirs m’ont régulièrement proposé de me saisir de photographies en leur possession. Ce sont des photos souvenirs, traces de moments de vie sur Bavière, parfois des photos artistiques, fruit d’un travail fin de cadrage et de composition, mais aussi des images de synthèse, produites par des agences spécialisées pour visualiser les espaces futurs projetés par les architectes. J’ai complété ce corpus d’images extraites des archives visitées, qui évoquent les passés moins récents de Bavière, et de photographies de presse, concernant des usages récents du lieu que les entretiens avaient souligné (consommation d’héroïne, affichage publicitaire, …). L’ensemble constitue plus de 400 clichés aux thématiques, auteurs, époques et expressions variées ayant en commun d’évoquer Bavière par l’image photographique.
La quantité et la diversité de ces images a impliqué un premier tri. Je n’ai d’abord retenu que les clichés qui, par leurs sujets représentés et style de représentation semblaient les plus aptes à évoquer la diversité des images, ressentis et sujets convoqués par les acteurs quant au lieu. Une illustration de presse d’une seringue abandonnée dans l’herbe est ainsi un support pour évoquer autant le passé hospitalier du site que les pratiques de toxicomanie peuplant son abandon. Ont aussi été écartés les clichés redondants, aux sujets trop similaires. Les 88 images résultantes ont ensuite été disposées sur une ligne du temps virtuelle (fig . 4) permettant de saisir d’un regard la diversité des matériaux sélectionnés. Cette sélection mêle donc la subjectivité des acteurs à celle du chercheur : il ne produit pas un résultat objectif de la recherche, mais un outil de développement de celle-ci.
Figure 4 : Extrait de la ligne du temps virtuelle lors de sa composition. Capture d’écran, 2020
Sur cette base, la traduction graphique du portrait d’imaginaire s’est établi sous la forme de cartes postales. Le type de carte visé fait se côtoyer des images a priori sans lien entre elles pour évoquer un lieu. On les rencontre dans les boutiques de souvenirs : sur un fond coloré, les images d’un chien de traîneau puis de monts enneigé rappelleront le Mont Blanc alors que ce chien ou ces pics n’ont peut-être pas de liens factuels avec la fameuse montagne. Ce n’est pas une réalité tangible qui est transmise là, mais bien un imaginaire de la montagne, un ordonnancement du monde où ce chien et ces pics « font » le Mont Blanc, contrairement à d’autres réalités écartées comme le tourisme de masse ou la fonte des glaciers. Pour autant, ce format indique bien qu’il s’agit d’un récit parmi d’autres : personne ne se convainc que la carte soit une représentation fidèle du territoire vaste et complexe du Mont Blanc. Plutôt elle l’évoque dans une composante imaginaire mais néanmoins réelle puisque ce sont bien de telles images mentales qui font se déplacer touristes et skieurs. Le choix de la carte postale, plutôt qu’un collage par exemple, s’explique aussi par le lien clair que ce format fait à un territoire. Je considère donc ici la carte postale comme un outil d’évocation du lieu conçu comme fantasmé tout en étant ancré dans le réel. Cet outil d’évocation est une construction fictive qui apporte du savoir sur le réel (Schaeffer, 1999) et que j’entends exploiter pour explorer les imaginaires de Bavière.
Figure 5. Bavière, lieu de Sacré. Composition de l’auteur, 2020.
Pour mieux comprendre cette démarche de traduction, je me servirai d’une de ces cartes concernant l’imaginaire de Sacré identifié quant à Bavière (Fig. 5). Dans les entretiens, les acteurs évoquent trois compréhensions relevant d’un caractère sacré : celle d’un lieu de culte qu’incarne la chapelle de l’hôpital, tenue par les sœurs soignantes, puis par un abbé et sa petite communauté traditionaliste dès le début des années 90, aujourd’hui menacée par les projets de réaménagement ; celle d’un lieu de chamanisme, et de connexion aux esprits du lieu et du cosmos, que développe la communauté d’artistes ayant résidé dans le bâtiment d’entrée de l’hôpital avant d’être expulsée ; celle, enfin, d’un lieu de connaissance universelle, d’illumination par le savoir que véhiculent les concepteurs du projet de pôle culturel, affirmant vouloir lui attribuer une dimension « sacrée ». La consultation de la sélection faite au sein du corpus permet de se saisir des clichés les plus évocateurs quant à ces aspects : une photographie ancienne de l’autel de la chapelle, une image de presse de l’abbé, vêtu de sa soutane devant le bâtiment porche de l’hôpital, des images de rituels chamaniques menés au sein du même bâtiment d’entrée, une visualisation de l’escalier-auditoire symbolisant, pour les architectes du bâtiment, la montée vers la lumière et la connaissance. Cette carte me permet de mettre sur la table des communautés distinctes, porteuses d’un imaginaire de Bavière similaire, celui d’un lieu de sacré, mais aux variations importantes. De même, elle constitue un support pour considérer les relations entre ces images, ces imaginaires et ces communautés.
La sémiologie m’aide à mieux saisir ce qui se joue ici par la recherche d’isographies et d’isotopies . Le Bavière du sacré est concerné par quatre isographies (style iconographique d’archive, de reportage, souvenir, de synthèse). Les qualités des images (colorimétrie, grain, cadrage) les distinguent. Celles-ci supportent 3 isotopies renvoyant aux imaginaires du sacré qui lient Bavière au catholicisme traditionaliste, au chamanisme et à une forme de foi positiviste. Ces isographies m’aident à exprimer et explorer les liens entre les communautés qui portent ces imaginaires, en considérant que leurs registres graphiques respectifs sont porteurs de sens. L’image d’archive, sépia et saturée, traduit la mise au passé de ce qui semble destiné à disparaître, soit cette communauté traditionaliste. Les clichés au cadrage hésitant, à la colorimétrie peu maitrisée, issus des albums de famille des artistes-squatteurs, évoquent la relégation de leur occupation à de simples anecdotes, peu connue et jamais reprise dans les récits officiels. Les images de synthèse, produites à grand frais et aseptisées rendent compte de ce qui se dresse comme la certitude d’un futur niant toute existence aux autres pratiques. Au sein de cette carte postale je tente donc d’exprimer une somme de tensions socio-symboliques et de rapports de domination à l’œuvre dans la transformation physique et imaginaire de Bavière. Cette représentation reste cependant ambiguë, reposant sur un regard informé et constitue une interprétation possible de la carte. Le lecteur trouvera d’autres lectures possibles, d’autres liens pourront être tracés entre ces images, ouvrant à l’exploration d’autres pistes d’interprétation. Je démultiplie les types et sources d’images pour prendre en compte la complexité des situations observées. Ce n’est pas tant que ce Bavière ne raconte pas une histoire de domination et de remplacement, mais plutôt que celui-ci en raconte également d’autres, qui importent autant sinon plus pour les acteurs. Il est aussi l’histoire de la cohabitation improbable de ces artistes et de l’abbé, de sa persistance à tenir le culte dans un édifice délaissé des sœurs, à côté des nuisances du chantier du pôle culturel, ou de l’ambition d’architectes à penser le sacré dans celui-ci. La transmission de ces histoires repose sur la force d’évocation des images choisies et l’ambiguïté suscitée par leur juxtaposition. C’est dans l’espace entre ces images et une forme visuelle du savoir (Didi-Huberman 2002) que je place la constitution de ces liens et de ces récits. Cette stratégie s’applique aussi dans la démultiplication des cartes postales, qui, chacune, concerne des imaginaires différents du lieu.
A ce stade, l’intérêt de ces cartes ne réside pas dans l’objet lui-même, ambigu, subjectif et inachevé. C’est la façon dont son processus de création participe lui-même à la recherche qui semble plus utile d’explorer. Ces cartes participent à questionner et prolonger ma construction des catégories d’imaginaires de Bavière, constituant des pistes de relance de l’enquête de terrain.
A l’échelle de la carte du « lieu de sacré », l’absence d’un des registres isographiques présents dans les autres cartes postales (« photo d’art » ), au regard de l’enquête préalable, souligne un oubli de ma part. En effet, des informateurs évoquent la beauté de la chapelle, une œuvre en soi soulignée par le classement de l’édifice comme patrimoine immobilier culturel wallon. L’absence de cette dimension esthétique dans le portrait graphique m’amène à constater son absence dans les récits relatés dans ma première étude. Par là, la production de la carte me pousse à accorder une plus grande attention à cette dimension dans les entretiens à venir et dans la relecture d’entretiens passés.
En regardant toutes les cartes, j’identifie 4 isotopies émanant des sujets présents dans les images utilisées (architecture, religieux, décrépitude, création). Cela confirme l’orientation générale de mon enquête : elle concerne une thèse en architecture, étudiant des friches, lieux animés par une tension entre abandon et création. Le motif du religieux est plus surprenant à cette échelle de la recherche. Je l’interprète comme une tendance récente à m’être particulièrement investi dans cette compréhension du lieu, éventuellement à tempérer au profit d’autres récits. L’analyse sémiotique des cartes me permet de porter un regard réflexif sur la recherche en train de se faire.
Figure 6 : Table de propriétés : isotopies et isographies dans les cartes postales de Bavière. Capture d’écran, 2020
Le croisement des isotopies et isographies repérées peut aussi faire émerger du savoir, rendu lisible par des tables de propriétés (fig. 6). La dernière table suggère que les photos-souvenirs de Bavière que je manipule ne parlent que d’architecture et de religion. Les propos nostalgiques des informateurs quant au lieu, que je tente de véhiculer par l’isotopie de la photo-souvenir, évoquent bien ces thématiques. L’architecture impressionnante mais désuète de l’hôpital, comme la présence jugée dépassée des sœurs soignantes sont autant de sujets de ces propos nostalgiques. Pourtant, je ne retrouve pas là une thématique plus évidente de ce type de photo : celle de la quotidienneté, du lieu de vie ou de travail où l’on prend des photos sans trop y penser, entre collègues ou cohabitants. L’utilisation des images attire mon attention sur cette catégorie, que je pourrai réinvestiguer. Cela m’amène à établir des plans de relance de l’enquête, par des entretiens auprès de personnes ayant connu des hospitalisations longues à Bavière, des ouvriers du chantier actuel ou des squatters, par exemple, qui ont cette expérience quotidienne du lieu. Un nouvel imaginaire, le Bavière lieu de quotidien, s’ouvre à l’esprit qui permettra de compléter le portrait et d’effectuer d’autres constats suite au réajustement du modèle graphique, jusqu’à atteinte d’une cohérence entre l’enquête et le modèle.
Des limites doivent être soulignées. D’abord, ces cartes postales ne se suffisent pas à elles-mêmes, elles nécessitent un discours les accompagnant qui relate les réalités multiples les alimentant. Elles ne sont pas un résultat objectif et définitif, mais bien un outil réflexif de développement de la recherche. Une seconde limite se voit dans l’impossible exhaustivité de la démarche. Un lieu aussi riche et ancien que Bavière est inépuisable d’histoires. Il s’agit donc de sélectionner celles que l’on jugera les plus à même d’interpeller et d’entrer en résonance avec d’autres pour susciter les associations. Cette sélection s’opère dans un croisement des subjectivités des informateurs abordés, dont les cartes traduisent les récits, et du chercheur, qui compose ces cartes.
Pour autant, la carte postale m’apparaît comme une option intéressante dans sa possible capacité à transmettre simplement des idées et associations complexes, socialement, spatialement et historiquement situées tout en continuant de participer activement à la construction de récits multiples sur le lieu. Ces cartes postales pluralisent les récits et ne les assujettissent pas à un narratif linéaire préalable, mais tentent aussi de traduire les jeux de pouvoir et de domination présents dans les transformations d’un lieu. Par là, la création de ces cartes postales pourrait constituer un outil complémentaire à d’autres pratiques accordant tantôt plus d’importance à la pluralisation des récits, tantôt au seul récit des jeux de pouvoir. La partie suivante explore comment cette expérimentation graphique peut interroger et être interrogée par d’autres approches graphiques cherchant à considérer les rapports entre les caractères architecturaux et politiques de nos milieux de vie.
Pour considérer ces potentielles complémentarités, je me baserai sur la division présente dans la littérature que pointe la théoricienne de l’architecture Albena Yaneva (2017) entre approches critiques et approches symétriques. Celle-ci identifie dans la littérature deux ontologies opposées quant aux relations entre architecture et politique. Les travaux tenant des théories critiques considéreraient l’architecture comme politique car elle matérialise et fait perdurer des normes et pratiques sociales lui précédant. Yaneva critique l’asymétrie opéré entre le traitement du social et du matériel et propose une lecture symétrique où l’ensemble des êtres, humains et non-humains, doivent être considérées comme agissant ensemble pour rendre compte de leurs interactions réelles. Cette dualité me permet de considérer deux formes de pratiques graphiques propres à ces approches, et la façon dont ma pratique se situe par rapport à celles-ci.
Yaneva identifie donc une tradition d’ontologies asymétriques des liens architecture-politique. Selon elle, le bâti y est pensé comme une réalité objective, matérielle, soumise à une multitude de perspectives, de valeurs, de sens, de normes, qui s’y projettent. L’architecture et la politique y sont conçues comme autonomes, des sphères distinctes en interaction. Dans cette catégorie, l’auteure range une variété d’études dévoilant les significations socio-politiques d’une architecture donnée . Elles s’inscrivent dans un projet matérialiste visant à dénoncer le rôle des composantes techniques, esthétiques et matérielles dans le maintien des rapports de domination sociale. Le Handbook of Tyranny de l’architecte Théo Deutinger (2018) me semble s’inscrire dans cette tradition en développant une logique graphique de dénonciation des situations d’inégalité. Il s’agit d’un livre d’illustrations créées pour rendre compte de mécanismes socio-spatiaux avec une grande économie de commentaires. L’image transmet un récit univoque, celui d’une matérialité mise au service de la violence de groupes privilégiés sur d’autres opprimés. En cela, la pratique graphique de Deutinger tient de l’explication, courantes dans les approches critiques et scientifiques en générale. Une situation donnée est analysée au travers de concepts préalables (pouvoir, domination, classes sociales, …) qui l’expliquent, lui donnent du sens. Dans les mots de Deutinger « Dessiner revient à réduire, réaliser et internaliser. A la façon dont un atlas explique le monde que nous habitons, Handbook of Tyranny aide le lecteur à saisir les formes de cruauté utilisées » (2018 :7).
Fig 1 : Deutinger, T. (2018). « Slaughterhouse floor plan » in The Handbook of Tyranny, pp. 124-125
L’auteur subvertit les outils conventionnels de l’architecture pour souligner la responsabilité de la discipline. La sobriété du plan d’architecture se charge chez Deutinger (fig. 1) d’une force de dénonciation graphique. Son apparence neutre et technique se frotte à l’entassement des corps animaux dans les halls pour mettre à jour la violence sourde mise en oeuvre par l’ingénierie létale et spéciste des abattoirs. Pour le lecteur, le dessin ne représente pas un abattoir existant ou à construire, contrairement à l’usage usuel du plan d’architecture. Il s’agit plutôt d’un archétype d’abattoir représenté pour dénoncer la violence d’un système socio-politique auquel participe l’architecture.
Considérant cette approche graphique critique de l’architecture, j’identifie des similitudes et des différences avec ma propre pratique. Il faut préalablement noter que ces images n’ont pas le même statut. Chez Deutinger, l’image est un mode de transmission des résultats d’une recherche terminée. Dans mon cas, les cartes sont un outil d’enquête au service d’une recherche en cours. Dans les deux cas, nous employons cependant l’image pour évoquer des récits de domination sociale. Nous nous reposons sur la subversion d’images usuelles -le plan dans un cas, la carte postale dans l’autre- pour amener ces récits. Cette utilisation de l’image profite de son caractère évocateur pour dénoncer implicitement des situations d’inégalités, entre humains et animaux, ou entre différentes communautés d’habitants. Les images n’y ont cependant pas le même degré d’implicite. La masse rouge des silhouettes animales, l’emploi d’un vocabulaire clair (« killed », impliquant un tueur et un tué) au côté du plan représentant la seule trajectoire du bétail laissent peu de doutes quant au discours de Deutinger. Le récit de dénonciation de mes cartes postales reposant sur la confrontation des styles d’image introduit plus d’ambiguïté. En ce sens, le récit est moins évident à saisir pour un lecteur extérieur. Cette ambiguïté est cependant ce qui ouvre à d’autres récits et me semble pouvoir contribuer à sortir les approche critiques de l’univocité que critique Yaneva.
En effet, pour Yaneva (2017 :74), « Les bâtiments ne parlent pas d’une domination asymétrique du monde par le savoir ; Tous mettent en oeuvre plutôt une ouverture à ce que le monde a à nous offrir loin des fantasmes de domination et de contrôle ; […] Ils facilitent plutôt, ils aident ». L’autrice considère que les approches critiques figent les liens dynamiques entre les individus et les objets. Pour Yaneva, le monde doit s’étudier au travers des réseaux d’êtres en interrelation qui permettent la conception et l’expérience architecturale : architectes, usagers, commanditaires mais aussi les non-humains tels les logiciels de conception, les éléments naturels intervenant ou les éléments de design (largeur d’un escalier, type de portes et de systèmes d’ouverture, …). L’objet n’est plus ici porteur d’intentions politiques extérieures mais participe à produire une situation incluant certains être et non d’autres. Cette « théorie de l’acteur-réseau du design » s’inscrit dans la lecture plus large du monde social de Bruno Latour (2005). Cette approche refuse l’explication des situations par des concepts abstraits préalables. Elle lui préfère l’explicitation de ces situations, c’est à dire qu’elle s’emploie à décrire finement des situations, sans y apposer d’interprétation extérieure.
Fig. 2 : Yaneva A. (2012). Simulation of the 2012 London Olympic Stadium controversy, in Mapping Controversies in Architecture, London : Ashgate, p. 99.
Five Ways to Make Architecture Political contient peu d’illustrations pour soutenir ces propos. Yaneva (2012) a cependant développé une approche graphique tenant de cette interprétation de l’architecture sous la forme de cartes de controverses. L’autrice y consacre son refus de la considération d’un bâtiment comme un objet statique : l’architecture serait un processus perpétuellement renégocié. Ainsi, ces cartes sont dynamiques, représentant des liens qui se font et se défont. Elles sont plus adaptées à une lecture numérique d’animations interactives qu’au papier, limitant la comparaisons aux images précédentes. Les publications les présentent cependant sous forme de captures d’écran, des images fixes qui sont le support de cette comparaison. Cette construction graphique complexe est un modèle paramétrique basé sur l’analyse des médias (presse, web) traitant d’un bâtiment et sa conception. Ce réseau de points et de vecteurs rend compte des nombreuses interactions entre êtres humains et non humains qui permettent l’architecture. Ainsi, Yaneva décrit les relations ayant participé à l’édification du stade olympique en 2012 (fig.2). Celles-ci lient autant des personnalités politiques, des organisations sportives, des architectes que les stades et jeux de Athènes ou de Beijing. C’est par ce qu’un bâtiment en cours de conception fait faire aux acteurs, les effets de rassemblement ou d’opposition qu’il provoque et qui le transforment, que Yaneva appréhende la relation entre architecture et politique. Cette production graphique fait ainsi une description riche, et plus exhaustive qu’aucun plan ne pourrait l’être, de nos environnements construits.
Certains parallèles peuvent être fait avec ma propre pratique. Comme dans ma première étude, la finalité de cette méthode est d’éviter d’imposer un récit préalable et linéaire sur une situation complexe. J’ai développé les cartes postales de façon à poursuivre la sortie de Bavière d’une univocité des récits historiques et journalistiques qui gomment des aspects du lieu considérés importants pour les acteurs. Les images, démultipliées, y sont le support de l’évocation de ces récits et des liens que tisse le lieu et sa transformation entre de nombreux acteurs, humains et non humains (un abbé, une chapelle, des architectes, des artistes, une friche, …). Mes cartes ne sont pas dynamiques, mais leur lecture l’est : non linéaire, elle repose sur les itérations du regard et les associations que l’on fait à leur visionnage.
Des points de différence importants sont à relever. L’expressivité des images employées en est une première. Les cartographies de Yaneva sont descriptives, mais leur lecture est ardue, de par la complexité et la densité des informations reprises. Cela se voit bien dans l’enchevêtrement de vecteurs qui ne permettent une compréhension qu’après explications. Ce mode d’expression renvoie aussi peu aux vécus des acteurs, écartant de facto ces informations des descriptions que fait Yaneva. Les cartes postales portent moins d’informations. Pour autant, ce type d’image, et les photographies qu’elle juxtapose, sont porteuses de connaissances, comme l’analyse sémiologique a pu le montrer. Elles sont aussi porteuses d’une connaissance complémentaire, à la fois plus directement accessible et plus sensible, car proches des acteurs et de l’expérience que chacun peut faire des espaces.
Cette différence en expressivité se rapporte à une place différente donnée à la subjectivité du chercheur. Les personnes consultant les cartographies peuvent « former leurs propres conclusions sur base d’une compréhension générale des événements » (Yaneva, Heaphy 2012 :34) . Son analyse des médias, véhiculée au moyens de points et vecteurs, est une représentation objectivante des liens entre les êtres, et ouvre à des lectures multiples propres aux personnes les regardant. A l’inverse, la composition des cartes postales est pour moi un outil ancré dans ma propre subjectivité et celles des acteurs, une subjectivité que le recours aux médias de l’images et des cartes postales exprime implicitement. Ce rapport différent à la subjectivité repose aussi dans le statut donné aux images. Les cartographies sont chez Yaneva un aboutissement de la recherche, et une base à partir de laquelle mener d’autres investigations. Mes cartes sont un outil de recherche qui me permettent d’interroger l’exhaustivité et la validité de l’enquête pour mieux la compléter. Enfin, j’utilise les cartes pour interroger les positions sociales relatives des acteurs, ce que les cartographies permettent peu. Les modes d’expression des différentes images et leur juxtaposition (les isographies) sont des façons d’exprimer des rapports de domination sociale (l’exclusion d’un groupe et de ses récits au profit d’autres) tout en cherchant une pluralité des lectures. Ma pratique se détache donc de celle, strictement descriptive, de Yaneva. Celle-ci écarte l’interprétation du monde au travers de concepts surplombant comme la domination, au risque d’exclure les récits de celles et ceux qui manquent les moyens et la légitimité que pour avoir une voix dans les médias qui basent ses cartographies. C’est la capacité expressive des images sélectionnées qui me permet d’évoquer des récits, tantôt abstraits, tantôt concrets, sans nécessairement soumettre les uns aux autres.
La pratique graphique occupe une place importante dans la recherche architecturale. Malgré un passage progressif d’une discipline esthétique associée aux Beaux-Arts à un domaine scientifique relevant à la fois des sciences appliquées et humaines, dans un équilibre précaire, ce champ a continué de s’alimenter de ces recours visuels. Ainsi, les deux pratiques graphiques que je viens de présenter font écho aux théories liant architecture et politique qui les voient émerger. D’une part, les approches critiques fondent ces liens sur des rapports de domination structurant le monde social. Pour dénoncer des situations de violences, Deutinger subvertit les modes de représentation classiques de l‘architecture. Comme d’autres, il participe d’une explication du monde en ayant recours à des interprétations préalables. Ces explications sont puissantes, mais réductrices de la complexité des situations en livrant un récit préétabli. D’autre part, l’approche par l’acteur-réseau place ces liens dans les interactions qu’établissent les acteurs, humains ou non. Les cartographies de Yaneva décrivent ces réseaux complexes et par là participent d’une explicitation du monde qui refuse le recours à des concepts explicatifs. Cependant, cette explicitation laisse peu d’importance à la subjectivité des chercheurs et à leur responsabilité face à des situations d’inégalités vécues, mais pas forcément exprimées, par les acteurs observés. De même, ces cartographies véhiculent mal le contenu sensible qui participent de nos lieux de vie et de leur transformation.
Si ma propre pratique trouve des parallèles dans les deux approches, elle en diffère aussi. Peut-on alors considérer qu’elle puisse se situer au milieu de ces courants que Yaneva identifie comme ontologiquement distincts ? Autrement dit, ces cartes postales sont-elles une façon de donner une place et un caractère concret aux récits des exclus et des exclusions en cours au sein de la friche de Bavière tout en considérant la façon dont celle-ci se redéfinit par des interactions en mutation constante ? Par leurs recours à des images expressives et aux liens implicites qu’elles tissent, elles me semblent en tous cas participer d’une troisième voie tenant de l’évocation. Évoquer consisterait ici à susciter sciemment des images mentales et une compréhension des événements sans restreindre pour autant l’interprétation. Cela implique de construire un support pour des récits préexistants, mais de se laisser potentiellement dépasser par de nouveaux récits que suscite ce support, chez le chercheur ou chez d’autres personnes s’y étant confrontées. Plutôt qu’une explication linéaire et préconçue, l’évocation par la carte postale ouvre à la possibilité d’une pluralité de récits, et de regards sur ces récits. Plutôt qu’une description exhaustive et détachée, celle-ci impose une prise de position et une réflexivité dans leur création et les récits véhiculés. En cela, et sans prétendre opérer une éventuelle réconciliation conceptuelle de deux traditions théoriques importantes qui dépasserait de loin la portée de cet article, l’évocation par la carte postale pourrait constituer une voie complémentaire aux outils graphiques aujourd’hui existant pour traiter des relations entre architecture et politique.
Ainsi, la méthode ici présentée croise enquête ethnographique, conception graphique et analyse sémiologique pour exprimer ce qu’un lieu signifie sans le réduire à ses seules caractéristiques physiques autorisant ou non des actions, ni à son seul contexte sociopolitique qui se projetterait sur une matière neutre. Elle me permet d’exprimer une matière vivante aux interrelations socio-physiques permanentes qui font l’architecture. Mais par les capacités de la conception graphique, son caractère expressif et l’appui sur des tensions fonds/formes, l’ambiguïté dirigée parviendrait peut-être à évoquer des rapports conflictuels implicites situés au niveau des imaginaires du lieu, de ce(ux) que le physique permet selon le sens qu’on lui attribue.
Je perçois cependant une limite forte de cette approche reposant sur l’expressivité des images. En me reposant sur une information implicite, que je place dans et entre les images choisies, je risque de couper le lecteur extérieur non informé d’une compréhension des récits, qu’ils soient de domination ou non. Un discours d’accompagnement reste donc nécessaire pour présenter ces cartes à d’autres. Ces cartes postales restent donc pour le moment un outil d’élaboration de l’enquête, et un éventuel support accompagnant sa restitution, indissociable du processus de recherche ou d’une narration. Elles ne sont donc pas un résultat en soi à l’heure actuelle. Pour aller plus loin, et rendre cet outil exploitable en dehors de ce cadre, il serait important de soumettre les cartes aux acteurs, et de mener des testsauprès de lecteurs de façon à estimer quels facteurs affectent l’intelligibilité des informations implicites, quelles connaissances, attendues ou non, émergent dans l‘espace entre les images. Parallèlement, de tels développements nécessiteraient une prise en compte plus sérieuse de leurs ramifications ontologiques et épistémologiques. En cela, les pratiques graphiques pourraient peut-être contribuer à une redéfinition à plus d’un titre des champs scientifiques que croisent les rapports entre architecture et politique.
Kunysz Pavel, « Going postal - Concevoir des cartes postales pour enquêter. Potentiels et limites d’une pratique graphique pour penser les liens architecture-politique », dans revue ¿ Interrogations ?, N°34. Suivre l’image et ses multiples états dans les collaborations arts/sciences, juin 2022 [en ligne], https://www.revue-interrogations.org/Going-postal-Concevoir-des-cartes (Consulté le 5 décembre 2024).
ISSN électronique : 1778-3747