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Théval Zoé

« Se dire sorcière » : pratiques d’autodéfinition et de résistance

 




 Résumé

Dans cet article, nous proposons de regarder le fait de se dire sorcière comme une pratique politique relevant du DIY. Nous nous appuierons sur les récits obtenus au cours d’entretiens avec des enquêtées ayant une acception politique et révolutionnaire qu’implique le fait de se dire sorcière aujourd’hui. Ces neuf sorcières, âgées entre 27 et 40 ans, interrogées entre 2018 et 2023, ne se connaissent pas mais partagent des affinités politiques similaires et proches des milieux queer, anarchistes, féministes intersectionnelles. La dimension DIY du fait de se dire sorcière et de pratiquer la sorcellerie en féministe queer est un outil syncrétique qui leur permet de développer une façon de militer en accord avec leurs subjectivités singulières. Ainsi, nous proposons d’explorer le fait de se dire sorcière, entre provocation et affirmation de soi, comme un geste de désaliénation sociale et la réinvention des façons de faire de la sorcellerie comme une posture DIY permissive et empouvoirante.

Mots clés : auto-nomination, sorcière, féminismes, craft, empouvoirement

Abstract

This article proposes to look at the fact of calling oneself a witch as a DIY political practice. We will be basing our analysis on accounts obtained during interviews with respondents who have a political and revolutionary understanding of what it means to call oneself a witch today. These nine witches, aged between 27 and 40 and interviewed between 2018 and 2023, do not know each other but share similar political affinities with queer, anarchist and intersectional feminist circles. The DIY dimension of calling oneself a witch and practising witchcraft as a queer feminist is a syncretic tool that enables them to develop a way of activism in keeping with their singular subjectivities. We therefore propose to explore the act of calling oneself a witch, between provocation and self-affirmation, as a gesture of social desalination and the reinvention of ways of practicing witchcraft as a permissive and empowering DIY posture.

Key Words : self-nomination, witch, feminisms, craft, empowerment

 Introduction

Spécialiste de l’écoféminisme et de l’anthropocène, Émilie Hache (2018) s’intéresse aux mobilisations écoféministes des années 70 aux États-Unis et en Italie et plus particulièrement aux récits écoféministes de l’anthropocène. Selon l’autrice, se « revendiquer » (reclaim) sorcières comme le font les écoféministes peut se révéler un bon antidote « pour briser la sidération face au concept d’anthropocène » (Hache : 2018 : 120) :

Se nommer sorcières mobilise le pouvoir dérangeant d’une telle appellation contre des façons trop lisses et trop rapides de penser l’anthropocène,[…] Réactiver l’histoire des bûchers de l’Inquisition comme l’une des portes d’entrée dans l’anthropocène nous rappelle au contraire que le double dénigrement des femmes et de la nature est au cœur de ce changement de monde ; que le capitalisme n’aime pas les femmes ‐ libres, indépendantes, puissantes ; qu’il n’aime pas qu’on sacralise la terre ‐ toute la terre, pas quelques espaces soi‐disant ‘vierges’ et ‘sauvages’ ; pas plus qu’il n’aime les spiritualités non inféodées à une église ou un chef spirituel (Hache, 2018 : 121).

Sous la plume d’Émilie Hache, le geste de se nommer sorcière est d’abord un geste militant et politique où il est question de revendiquer un héritage, d’entrer dans l’action et enfin de proposer un récit autour d’une figure réinvestie de significations nouvelles. Si ces années marquent un renouveau pour la figure de la sorcière en occident, et notre époque un intérêt nouveau pour ces périodes de luttes écoféministes [1], il serait réducteur de penser que ce qui s’énonce aujourd’hui à travers la figure de la sorcière ou à travers le geste de se nommer sorcière relèverait seulement d’un récit collectif et militant au nom d’une idéologie homogène et partagée par toustes celleux se revendiquant sorcière. Depuis une dizaine d’années, nous pouvons observer la circulation d’un grand nombre d’énoncés relatifs aux sorcières dans différentes scènes médiatiques, culturelles, artistiques et militantes des milieux urbains. Il semblerait que cette circulation favorise des formes discursives et scénographiques, une nouvelle esthétique liée à la sorcellerie mais également l’adoption d’une identité sorcière au-delà d’un compagnonnage symbolique et militant avec cette figure.

Il est aujourd’hui devenu possible de s’affirmer ouvertement et publiquement sorcière : sur les réseaux sociaux numériques, auprès de proches ou dans certaines sphères de sociabilité. Loin de proposer une définition anthropologique ou sociologique de ce que seraient ou ne seraient pas les sorcières, ce travail propose de considérer « la sorcière » non comme un objet de croyance mais comme une figure discursive et communicationnelle, créée dans et par le discours, et incarnée par celles et ceux qui s’en revendiquent. Autrement dit, c’est l’auto-désignation et le phénomène de revendication, au sens de reclaim (Hache, 2016), de pratiques ou d’identités, qui prévalent et qui dessinent les contours du sujet de recherche. Tout en dialoguant avec les recherches qui se saisissent de « la sorcière » comme d’un objet culturel (Hache, 2018 ; Sullivan, 2011) et/ou historique (Ginzburg, 2022 [1992] ; Muchembled, 1994 ; Le Bras-Chopart, 2016 ; Gelly-Perbellini, 2021), qui étudient les pratiques de sorcellerie contemporaine occidentales avec un regard anthropologique (Favret-Saada, 1977 ; Salomonsen, 2001), il s’agit de rendre intelligible l’inscription de « la sorcière » dans les discours et dans nos imaginaires à partir de cette pratique de revendication. La particularité de cette approche depuis les sciences de l’information et de la communication nous permet d’interroger les manières de se dire sorcière, les lieux et les moments où il est possible et désirable de s’énoncer en tant que tel. Toutes les personnes pratiquant la magie, la sorcellerie, lisant le tarot ou observant des pratiques wiccanes, occultes ou druidiques ne se disent pas sorcière ou sorcier. Dire que ces personnes le sont même si iels ne se le disent pas est une posture intenable d’un point de vue éthique et ontologique. Premièrement parce que cela reviendrait à parler à leur place et, comme le souligne l’historienne Maryse Simon (2023), à adopter un point de vue partisan en tout point comparable à celui des inquisiteurs lors des périodes de chasse aux sorcières européennes. Deuxièmement parce que ce serait réduire la complexité d’une figure trivialisée (Jeanneret, 2008) depuis des siècles à des pratiques qui ne sont pas toujours observables ou homogènes. Les façons de se dire sorcière et d’être sorcière sont multiples et peuvent faire l’objet d’une typologie en fonction de différentes esthétiques observables sur les réseaux sociaux numériques comme le propose Lucie Pouclet (2022) qui parle de sous-culture juvénile.

La mise en visibilité et la démocratisation des pratiques sorcellaires favorisent l’observation empirique de différentes tendances ou manières de se dire et d’être sorcière. Le champ de la sorcellerie contemporaine française étant fortement imprégné des cultures DIY numériques, chacun et chacune peut choisir d’être la sorcière de son choix. Ces trajectoires ne sont pas systématiquement rattachables à un même horizon culturel : il peut s’agir d’amateurs de Fantasy, de romans gothiques ou de jeux de rôles, des personnes réceptives aux figures de sorcières présentes dans la pop-culture, de personnes proches des tendances bien-être et développement personnel. Les sorcières présentes sur les réseaux sociaux numériques ne forment donc pas un bloc idéologique ou culturel homogène. Certaines sorcières se déclarent ouvertement « anti-féministes », « apolitiques » ou partagent une vision essentialisante de la sorcière comme du « féminin sacré » et ne communiquent pas sur des sujets politiques ou d’actualité. Néanmoins, une politisation du fait de se revendiquer sorcière est quelque chose qui tend à s’affirmer et qui diffère des usages collectifs et militants de l’usage de la figure de la sorcière qu’on a pu observer avec le Witch Bloc [2] par exemple, le W.I.T.C.H [3] aux États-Unis dans les années 60 ou encore le groupe de militantes turc Kampus Cadilari [4] parce qu’il s’agit d’une identité individuelle et non pas collective. Cette politisation gagne en visibilité et certaines profitent même de leur notoriété médiatique pour faire valoir cette idée de la sorcière à l’instar de Tiffany Garrido, mentionnée comme référence (« LA sorcière d’Instagram ») par une enquêtée. Sur un post Instagram daté de février 2024, elle écrit :

Je ne m’identifie pas à une sorcière par mode, mais par positionnement. La sorcière est mon alter ego politique, militante, féministe, activiste qui plonge la tête la première dans des pratiques rituelles sororales […] Je n’utilise pas ce nom pour rien. Il est puissant et politique, il parle de persécution et d’opprimés. Il cache derrière lui des années de lutte et des personnes montrées du doigt comme des parias.

Cette divergence entre sorcières qui ont un regard politisé et réflexif sur « la sorcière » et celles qui incarnent cette figure sans lui prêter de convictions politiques me semble une clé d’entrée intéressante pour comprendre ce qui se joue dans cette partie du milieu ésotérique. Avec ses imaginaires divergents et sa dimension DIY, la figure de la sorcière - prise comme figure émancipatrice et appropriable - se heurte à des questions d’appropriation politique ou culturelle, à un conflit d’interprétation sur ce qu’a été la sorcière, ce qu’elle représente et ce qu’on a le droit ou non de dire à travers elle.

La façon de se dire sorcière que nous retenons pour nos recherches est celle qui s’inscrit dans une interprétation féministe de la sorcellerie (Salomonsen, 2002 : 6) et dans le sillage des écrits militants de Starhawk (2019, 2021), sorcière auto-proclamée, activiste altermondialiste et fondatrice du mouvement Reclaim aux États-Unis. Le choix de privilégier ce type d’énoncé se justifie par la nécessité d’établir un lien de confiance et d’échange avec les enquêté·e·s basé sur la reconnaissance mutuelle de la même appartenance politique. Ainsi, notre terrain d’enquête est le fruit d’un premier terrain dit « terrain de proximité » (Le Marec, Faury, 2023) dont la particularité est le lien tissé par les enquêté·e·s entre leur identité de sorcière, leurs pratiques sorcellaires [5] et le politique ; lien que nous explorons ici autour de la question du DIY. Le contact de cinq enquêté·e·s (Magi, Eva, Haïzea, Caroline et Claire) m’a été fourni par une tierce personne de mon entourage alors que je parlais de mon sujet de thèse. Les quatre autres enquêté·e·s (Marie L., Noël, Zoé et Djil) ont accepté de me rencontrer à la suite d’une sollicitation de ma part via un message posté sur le groupe Facebook « Sorciérologies ». Créé en 2018, « Sorciérologies » se distingue d’autres groupes Facebook qui prennent la sorcellerie pour thème par le nombre restreint de membres (845 alors que les autres groupes comportent plutôt autour de 7000 membres), mais surtout par son horizon politique ouvertement queer et féministe. Nous nous appuierons sur les récits obtenus au cours d’entretiens avec des enquêté·e·s ayant donc une acception proche de ce qu’implique le fait de se dire sorcière aujourd’hui : ces neuf sorcières interrogé·e·s entre 2018 et 2023 ne se connaissent pas mais partagent des affinités politiques proches des milieux queer, anarchistes, féministes intersectionnelles. Signalons dès à présent que cette rencontre affinitaire entre un milieu politisé queer et les pratiques magiques et/ou spirituelles n’est pas une spécificité de ce terrain mais une tendance [6] qui s’inscrit dans le cadre d’apparition de nouvelles religiosités lgbtqia+ (Moreno, 2020 ; Lepage, 2017, 2020 ; Becci, 2020). Toustes emploient un vocabulaire militant queer, se déclarent hostiles aux valeurs capitalistes, connaissent au moins de nom Starhawk ou bien celui de Mona Chollet grâce à son essai Sorcières, la puissance invaincue des femmes (2018). Pourtant, ces enquêté·e·s, âgé·e·s entre 27 et 40 ans, n’ont pas toustes le même niveau d’étude, ni le même capital politique ou culturel et ont des trajectoires de vie singulières.

Les échanges prennent la forme d’entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2016), ou libres au cours desquels je présente mes recherches et invite l’enquêté·e à me raconter comment iel/elle en est venu·e à se dire sorcière. Indirectement, je leur demande de me livrer une interprétation réflexive d’une certaine continuité biographique autour de leur identité de sorcière. Cette façon de laisser parler me permet d’accueillir des récits sensibles et parfois douloureux mais également de ne pas imposer une grille de lecture ou une problématique formulée en termes universitaires.

Ainsi, en écoutant les récits de leurs parcours (Santelli, 2019) et des processus qui les ont amené·e·s à se définir comme sorcière, la puissance imaginative autour du mot « sorcière » est apparue comme un levier d’émancipation mais également comme un acte politique et revendicatif. Se dire sorcière est un choix qui, pour les enquêté·e·s, implique de fabriquer de ses mains, façonner, questionner et inventer en vue de créer un futur désirable.

 Sorcière : une identité DIY ?

Le glissement d’une identité assignée à l’adoption d’une identité sorcière est un processus qui semble émerger d’un manque, d’une insuffisance lexicale ou d’une insatisfaction à l’égard des catégories identitaires. Dans ce qui s’apparente à une quête identitaire, le moment où l’on décide, pour de bon, de se dire sorcière tient une place importante dans les récits qui me sont faits. Djil, sorcière queer, non-binaire et anarchiste, raconte que sa rencontre avec le mot « sorcière », à travers sa lecture de Rêver l’Obscure de Starhawk (2015 [1982]), coïncide avec sa rencontre avec iel-même : « J’avais l’impression d’avoir enfin les mots, d’avoir enfin une dimension de réflexion […] c’est vraiment une manière aussi de dire ’Bah ah oui c’est un mot qui vous fait peur, c’est un mot que vous trouvez chelou, moi c’est ce que je suis’ ». Cette puissance affirmative de soi à travers le mot « sorcière » traverse tous les entretiens de façon frappante et particulièrement dans le récit de Claire, sorcière et docteure en théorie du cinéma, et vivant désormais dans un petit village des Pyrénées. Il est notable, à l’entendre parler, que l’adoption du mot sorcière est l’aboutissement d’un long déplacement, d’un cheminement réflexif qui l’a amenée à sortir de l’identité de femme hétérosexuelle pour « être dans le juste » et « agir à sa manière » : « Quand je me dis sorcière c’est très lié à ce truc où d’emblée tu sens que tu es dans le juste, cette justesse de soi, cet élan qui est bon. Où tu sais que tu es au bon endroit ».

Chez Claire, comme chez mes autres enquêté·e·s, être au « bon endroit » signifie bien souvent être à plusieurs endroits en même temps. Se dire sorcière est une manière de raconter cette multiplicité en se fabriquant une identité qui puisse englober à la fois l’idée d’affirmation de soi et de multipositionnalité. Aucun·e des enquêté·e·s ne s’est défini·e par une activité dominante (comme un métier) mais toustes cumulent différentes activités en lien avec leur façon d’être sorcière, que ce soit l’écriture, la performance, le soin aux personnes âgées, la fabrication de talismans, l’exécution de rituels, les promenades dans les forêts, la musique. Dans le fait de se dire sorcière, il y a un désir d’identifier ou de nommer cette façon de vivre en dehors des sentiers battus, mais également de rendre communicables ou du moins identifiables ces choix de vie.

Marie L., artiste performeuse mais aussi hypnotiseuse professionnelle, se définit comme « sorcière queer ». Sur son site internet, fatiguée de devoir expliquer systématiquement les différents endroits où elle se trouvait ainsi que les différentes facettes de sa personne, elle a écrit un article dans lequel elle explique pourquoi elle se dit sorcière queer :

Je vis dans les interstices, dans le jeu, les entre/antres, les panels hors catégories fermées, en déjouant les frontières, selon mes règles internes singulières et fluctuantes. […] L’affirmation radicale de ce que je suis se dessine dans le spectre, le flottement, l’expérimentation hors recettes consacrées, le hors-piste, l’anormalité et les bizarreries. […] L’anormal, est une autre façon d’être au monde, d’être intensément soi, en résistance face à ce que la société désire faire de l’individu·e, si vite classé·e dans les marges, dans l’attraction-répulsion, dans le chelou, dans les cases de la psychopathologie….

Cette idée d’« affirmation radicale » de soi et sa façon de s’être épanouie pleinement au contact du mot « sorcière » constitue un « hors-piste », c’est-à-dire un choix qui ne s’inscrit pas dans les catégories identitaires classiques. Noël m’explique que « sorcière » raconte en un seul mot la pluralité de ce qu’iel est aux yeux des autres : nomade, franco-malgache, racisé·e, musicien·ne, sorcière, neuroatypique, autiste, queer. « Sorcière » permet alors de parler de qui iel est, sans nécessairement passer par ce cumul d’étiquettes qui peuvent être stigmatisantes :

‘Sorcière’ c’est comme tous les termes d’identité je dirais, ils sont nécessaires pour permettre aux personnes de se sentir légitimes, pour permettre à la compréhension peut-être, quand un mot - entendable par l’interlocutrice - sert de manière pédagogique à résumer un concept ou de dire ’Je ne suis ni ça ni ceci, je me sens plus sorcier·e’, si on peut se passer de l’explication du mot derrière quoi…

Pour Eva, sorcière queer de 26 ans et fondatrice de sa propre méthode de yoga, l’astroyoga, se dire sorcière a quelque chose de permissif qui vient bouleverser les « croyances limitantes » ou normatives hétérosexuelles et patriarcales : « Une sorcière, c’est quelqu’un qui s’affranchit un peu du patriarcat et qui arrive à utiliser la magie de l’intangible donc ça va être les huiles essentielles, les pierres, l’astrologie, le pouvoir de la manifestation, la loi de l’attraction… toutes ces choses-là qui vont faire qu’elles vont reprendre le contrôle de leur vie et qu’elles vont pouvoir se créer la vie dont elles rêvent. » (Eva)

Tout se passe comme si « se dire sorcière » permettait à celleux qui s’en saisissent de s’inventer un autre chemin pour être « intensément soi  » à la fois en s’inscrivant dans un endroit - « sorcière » - et à la fois en rejetant les catégories d’identification usuelles. Ces questions sont verbalisées par Starhawk (2021 : 195) quand elle explique son choix de se définir comme « sorcière » : « Afin d’échapper à nos catégories habituelles, nous avons besoin de mots qui heurtent, créent la confusion, ébranlent nos manières de penser. Comme tout système, un système de pensée a besoin d’une pression venue de l’extérieur, qui incite au changement. »

Un peu comme la désignation « queer », cette zone peut constituer un espace de résistance ou un refuge. Le parcours de Caroline, sorcière queer, performeuse et travailleuse du sexe illustre bien cette idée. C’est parce qu’elle ne s’autorisait pas à se dire prostituée, artiste ou performeuse que Caroline adopte le mot de « sorcière », à un moment charnière de sa vie. Il y avait pour elle à la fois un danger à se dire sorcière et un manque pour se nommer, se présenter, sachant qu’elle était à différents endroits en même temps :

Ce truc de la sorcière, comme j’étais pas out, c’était intéressant pour moi : je me suis dit sorcière parce que je pouvais pas me dire pute. […] J’ai commencé mes performances en mettant sorcière en premier au premier plan parce que je savais pas trop si j’avais le droit de me dire artiste à ce moment-là […]. [Le fait de se dire sorcière] était très proche de cette volonté de m’identifier qui me manquait… et qui était aussi liée à mon expérience de prostituée […] J’ai eu envie de nommer ça mais avec tous les dangers, les risques que ça représentait de dire à voix haute que je faisais ça. Et du coup, bizarrement, c’était plus safe pour moi de dire “je suis sorcière”.

Judith Butler (2017 [1997]) parle de « resignification discursive » des insultes comme « pédé » ou « gouine » ou encore de réappropriation de l’insulte. Avec le fait de se dire sorcière, il y a bien quelque chose de cet ordre-là, à la différence près que « sorcière » ne désigne pas quelque chose de consensuel, autant sur le plan métaphorique que sur la part de réel que ce mot peut recouvrir. Cette différence est de taille car se dire sorcière parle plutôt d’une atomisation des catégories usuelles, d’une proposition lexicale nouvelle pour se raconter, comme le suggère Starhawk (2021 : 195). Il ne s’agit pas nécessairement de resignifier positivement l’insulte que peut constituer le mot « sorcière » mais plutôt d’exploiter les potentialités, les imaginaires et les incertitudes que couvre ce mot. Plus encore, il s’agit d’habiter le trouble dans une logique antifondationnaliste [7] (Morin, 2016) et dans un geste de désidentification queer telles que les décrit Romain Emma-Rose Bigé [8] : « La désidentification fait partie de ces manières d’être en appositionalité par rapport à l’hétéropatriarcat : pas tellement contre, mais plutôt obliquement, de biais, autant que possible » (2021 : 169).

Être « en appositionalité par rapport à  » est alors moins une pratique fugitive (Bigé, 2021) qu’une posture et une démarche de fabrication de soi. Se dire sorcière me semble alors une posture associable à une pratique DIY de résistance parce qu’il s’agit aussi d’une pratique d’autonomination (Chetcuti, 2013). Les propos de Magi sont à ce sujet particulièrement intéressants. « Magi » est le nom qu’iel s’est donné mais être associé à un magicien ne lui convenait pas : il s’agissait d’une magie « trop noble et élitiste » là où la sorcellerie, coïncidait avec ses origines plus modestes : « La sorcellerie c’est la magie du prolo ! ». Quand iel a commencé à se dire sorcière, en 2014, c’était un moyen pour de lier son mode d’existence queer à sa pratique politique et magique : « C’était aussi une manière de dire ’Vous me genrez comme un gars, mais moi je m’appelle une sorcière’. C’était un coup de pied dans le patriarcat, une façon de dire : ’Arrêtez de me nommer comme vous en avez envie et laissez-nous décider nous-mêmes de qui nous sommes’. »

De façon plus générale, se désigner comme sorcière est une double digression puisque ce ne sont pas seulement les normes cis-hétérosexuelles qui sont agitées mais également la frontière entre fiction et réalité, cartésianisme et ésotérisme, pratique sorcellaire et pratix politique.

La part de fictionnel prise dans les identités sorcières en général et chez les enquêté·e·s en particulier me semble un aspect inhérent au DIY. L’image ‘sur-mesure’ que l’on se forge de la sorcière est composite, elle mêle une certaine lecture de l’histoire mais puise également dans des œuvres de fiction. Elle semble être la somme d’un vécu singulier et de tout un bagage culturel. Dans les parcours des enquêté·e·s, il est commun d’entrer dans la sorcellerie avec des pratiques inventées ou reproduites après le visionnage d’un film ou de la lecture d’un livre de fiction. Cette démarche individuelle et solitaire d’apprentissage de la sorcellerie s’illustre dans les années 60 avec l’apparition de la figure de l’apprentie-sorcière puis avec sa popularisation dans la littérature de jeunesse dans les années 80 et 90 qui s’est accompagnée de la possibilité primordiale et inédite d’identification de la lectrice ou du lecteur à un personnage sorcier (Constanza, 2022). Toute une culture populaire et mainstream accompagne l’idée selon laquelle la pratique de la sorcellerie est à portée de main. Magi me confie que le film The Craft (1996) [9] de Andrew Fleming a été une influence décisive de sa période adolescente dans la découverte des pratiques sorcières. Eva, quant à elle s’identifie au personnage éponyme de la série Sabrina sur Netflix [10] Elle met en scène le personnage de Sabrina Spellman, adolescente mi-humaine mi-sorcière : « [Au sujet] du personnage et de l’archétype de la sorcière : je me sens comprise et je sais pas je me sens vraiment moi… ne serait-ce la série sur Sabrina sur Netflix, je m’identifie grave ».

La part d’influence des œuvres fictionnelles dans le fait de s’autoriser à se dire sorcière ou à pratiquer la sorcellerie me semble significative. Dans son ouvrage Fiction, Féminisme et post-modernité (2010), Anne Larue explore ce lien entre fiction et pratique sorcière en observant comment dans la nouvelle religion wiccane, cette « néosorcellerie féministe américaine » (Larue, 2010 : 21) est imprégnée de fictions issues des romans à large diffusion. Selon l’autrice, être wiccan·e c’est vouloir vivre comme dans un roman. Chez les enquêté·e·s, il n’y a pas quelque chose comme un fantasme de vivre dans un monde imaginaire pas plus que de se conforter dans une vision romancée de leur rapport au monde. Leurs conceptions de la sorcière s’inscrivent dans une réalité concrète et matérielle sur laquelle on souhaite agir même si cela implique un détour par les mondes invisibles ou métaphysiques : « Moi je pense que c’est magique d’écrire un monde qui n’existe pas encore… ça va avec prôner une parole que tu vois advenir. C’est magique parce que ça le fait exister dans le réel » (Caroline).

 Passer de menacé·e à menaçant·e : le pouvoir

L’épaisseur et la complexité du geste de se dire sorcière se saisit au contact des récits de parcours individuels mais également en prêtant attention au rapport au monde qu’entretient chacune des personnes interrogées. En effet, il émerge des différents récits qui me sont faits que se dire sorcière est une réponse à un certain nombre de facteurs extérieurs fragilisants, contraignants ou perçus comme violents par les enquêté·e·s. Très rapidement, il m’est apparu qu’interroger les personnes sur cette pratique de se dire sorcière amenait les interrogé·e·s sur des terrains sensibles, chargés affectivement. Magi me raconte que le recours à la sorcellerie lors de son adolescence a été une réponse à une situation de vulnérabilité émotionnelle intense où iel a senti sa mère menacée par un voisin. Les rituels qu’iel faisait plus quotidiennement mais « sans trop y croire » concernaient des demandes d’aide financière :

De l’argent de poche », me dit-iel en souriant. Le sort qu’iel a jeté à ce voisin pour l’éloigner et les effets qui ont suivi (le voisin s’est fait expulser de l’immeuble) l’ont convaincu·e de l’efficacité de son sort. Au milieu de notre entretien, iel me dit vouloir parler « du pourquoi on devient sorcière »⁠ : « Ce qui la plupart du temps nous met là-dedans c’est la précarité […] On veut s’en sortir, on a des blocages sur quelque chose et l’humain ne peut pas nous aider, la technologie humaine ne peut pas nous aider, la science humaine ne peut pas nous aider. Et donc en fait, on se dit : ’Je veux être acteur de ce pouvoir-là. Si je ne peux pas le trouver, si je ne peux pas acquérir quelque chose par ce que les humains ont déjà fait, de matériel, de terre à terre […] il faut que je trouve un autre moyen’.

« L’autre moyen » dont iel parle, le recours à la sorcellerie pour devenir acteur et non plus subir, revient systématiquement au cours des entretiens. Le recours à la sorcellerie et le fait de se dire sorcière sont deux choses différentes mais qui opèrent toutes deux un changement perçu par Magi comme un basculement de la passivité à la prise de pouvoir. Son témoignage fait fortement écho à celui d’Eva quand, avec beaucoup d’émotion, elle me raconte ce qui la fait « vibrer » dans le fait de se dire sorcière : « J’aime ce truc avec la définition de sorcière, que c’est quelque chose qu’avant on a banni et qui faisait peur aux hommes ou aux personnes qui … qui n’étaient pas forcément ouvertes d’esprit. J’aime avec le mot sorcière le côté de empowerment, tu sais empuissancement. En gros j’ai ma force, j’ai ma puissance et c’est pas toi qui vas me … qui vas ébranler ma spiritualité, mes fondements… Je pense qu’il y a, pour moi avec l’idée de sorcière, l’idée du phénix qui renaît de ses cendres et d’un moment où il y a des choses qui t’ont tirée vers les bas et où tu te dis ’Non, en fait, je vais faire face à mes blessures, à mes traumas, etc. et je vais les affronter, essayer de les guérir pour faire en sorte que tout ça ne contrôle plus ma vie et que j’arrive ensuite à vivre ma best life et retrouver toute ma puissance et limite en faire une force parce que je me connais mieux je sais que je suis résiliente’ ».

Cette réponse créative à l’hostilité se retrouve également dans le discours de Marie L. : « Face à cette violence quotidienne, l’attitude revendiquée de sorcière peut parfois être une façon de se protéger, que ce soit intérieurement ou dans des interactions quotidiennes malaisantes ou dans le militantisme ». Zoé M., explique alors que la sorcière a été, pour elle, le point de convergence entre militantisme, « quête de magie  » et de sens « pour survivre dans ce monde hostile ». Dans sa façon de se raconter autour de son identité de sorcière, Zoé parle d’un rapport au monde particulier et de la façon dont elle peut agir dessus en tant que sorcière :

J’ai trouvé deux mots mis ensemble qui, pour moi, illustrent bien ce que c’est pour moi, dans ma perception de l’histoire et dans mon expérience perso : c’est ‘menace nécessaire’. C’est ce truc où tu fais partie de la société mais pas complètement, tu es plutôt sur le bord. Et ce que tu représentes, ce que tu incarnes, ce que tu apportes, c’est quelque chose qui est menaçant, dangereux, mystérieux, effrayant, perturbant et en même temps nécessaire parce que ça vient appuyer à des endroits qui ont justement besoin…des lignes qui ont besoin d’être repoussées, des endroits qui ont besoin d’être éclairés et pour moi c’est indissociable du patriarcat parce qu’on vit dans une société qui a des contours qui ne sont pas souhaitables.

Ce qui ressort des différentes perceptions qu’ont ces sorcières du monde où elles vivent, c’est à la fois son aspect coercitif mais également l’affirmation selon laquelle elles auraient un rôle militant à jouer, une ligne éthique à observer en tant que sorcière.

 S’exposer et faire son ‘coming-out de sorcière’ : un geste politique ?

Se dire sorcière semble libérer de certaines normes identitaires, mais cela paraît également impliquer une contrepartie faite de responsabilités et d’engagements. Comme l’écrit Starhawk, il s’agit d’un travail où on s’expose : « Il n’est pas facile d’être une sorcière, quelqu’un qui infléchit, qui donne forme, pas facile de faire partie des Sages ; ce n’est pas sécurisant, confortable, aisé, moelleux, réconfortant, ni une garantie d’avoir la paix d’esprit. Cela demande de l’ouverture, de la vulnérabilité, du courage et du travail. » (Starhawk, 2021 [1979] : 462-463)

Rajoutons que, se dire sorcière, c’est aussi s’exposer au jugement ou au regard de l’autre, ou du moins s’y confronter quand cette information est partagée publiquement ou dans un cercle restreint. S’auto-désigner sorcière revient peut-être à fabriquer sa propre identité mais ne revient pas à créer sa propre réalité dans un relativisme cognitif qui serait incohérent avec la volonté de justice sociale à laquelle les enquêté·e·s disent être attaché·e·s. Exposer son identité sorcière est alors un moyen d’éprouver cette partie de son identité comme si elle constituait un cheval de Troie à même de venir déplacer les consciences et questionner les présupposés. C’est peut-être à cet endroit-là que nous pouvons appréhender le fait de se dire sorcière comme une pratique de résistance et pas seulement comme un outil d’empouvoirement individuel : si « se dire sorcière » restait quelque chose qu’on ne dit qu’à soi-même, il s’agirait d’une histoire que l’on se raconte sans jamais l’éprouver ou désirer la faire exister aux yeux d’autrui. Or, c’est précisément dans la relation à l’autre, et dans le geste expressif et communicationnel que « se dire sorcière » quitte la sphère du récit de soi pour entrer dans la confrontation. Dès lors, assumer son geste d’autodésignation comme sorcière auprès des autres constitue ce que Zoé appelle « menace nécessaire », une exposition de soi que Starhawk commente en ces termes sans plus développer : « Tout choix comporte des risques et des conséquences négatives. Me nommer publiquement sorcière n’a pas été la meilleure chose du point de vue de ma sécurité. » (2019 : 196)

Cette prise de risque s’illustre dans les entretiens avec l’expression « faire son coming-out de sorcière  », employée spontanément chez plusieurs des neuf sorcières. C’est en ces termes qu’en 2018, Ha­ïzea me parle d’elle : « Je viens tout juste de faire mon coming-out sorcier. Avant, je ne le disais jamais en public, car j’ai souffert beaucoup de moqueries et rejets depuis l’enfance à cause de ça. Aujourd’hui ça fait partie de mon travail et je ne peux plus le cacher. Dans le milieu intime, tout le monde était au courant, depuis toujours. » La présence de ce vocabulaire signifie à la fois une proximité de ces personnes avec les cultures et les luttes lgbtqia+ et à la fois la difficulté d’exister librement à travers cette identité marginalisée. Le geste de coming-out est décrit par Chetcuti (2013 : 106) comme un « outil de revendication collective pour la reconnaissance du statut de sujet, contre le secret et la honte ». Faire un « coming-out de sorcière » me semble alors raconter quelque chose de l’ordre de la résistance et situe le fait de se dire sorcière du côté de la revendication politique.

Pour Haïzea qui propose des services marchands de tirage de carte de tarot, il s’agit bel et bien d’une reconnaissance du statut de sujet et de protester contre la réappropriation mainstream dont la figure de la sorcière fait l’objet, notamment depuis la sortie du livre de Mona Chollet en 2018. Cet essai est vécu par elle comme un manque de respect à l’égard des praticiennes de sorcellerie puisqu’il n’est, à aucun moment dans le livre, question d’elles mais seulement de « la sorcière » comme d’un prisme interprétationnel du patriarcat contemporain. Noël raconte que le geste de s’auto-désigner comme sorcière est survenu précisément parce que la coïncidence entre sa personne et le mot sorcière relevait encore du bricolage :

Il y un an j’étais fier·e de pouvoir brandir le terme sorcier·e, aujourd’hui je préférerais qu’il ne fasse qu’un avec moi-même et qu’il n’y ai jamais besoin de l’employer. Question d’acceptation et de légitimité aussi. Une fois qu’on n’a plus besoin de dire ce qu’on est, on l’est. Je brandissais le terme quand il était encore en apprentissage, quand j’essayais de me le réapproprier et de lui donner du sens pour moi. Et aussi pour justifier un groupe social, d’une appartenance et en même temps d’une solidarité.

À plusieurs reprises dans ces entretiens apparaît l’idée que « se dire sorcière » est comme une « balise » ou un appel lancé à l’autre pour entrer en contact, une « perche tendue », selon les termes de Magi. Se dire sorcière, l’afficher dans sa biographie sur les réseaux sociaux par exemple, est une façon d’entrer dans une communauté virtuelle, numérique ou effective. On se signale à l’autre. Symboliquement, on s’inscrit dans une communauté de pratiques - mais aussi, nous l’avons vu, une communauté de lecture - qui est celle de se déclarer voir de se revendiquer sorcière. Zoé M. explique que, pour elle, se dire sorcière c’est afficher une dynamique, une direction, c’est en quelque sorte s’exposer. Magi raconte que le fait d’être allé à la rencontre d’autres sorcières était un pas de plus dans sa pratique et dans la confirmation de son identité sorcière : « C’est ce terme-là qui est un lien avec les autres. Quand je me définis en tant que sorcière, les autres qui se définissent en tant que sorcières autour de moi peuvent interagir avec moi et on peut se retrouver, on peut être ensemble. » Ainsi, se dire sorcière ne passe pas seulement par se raconter lors d’entretiens ou lors de conversations mais également par la façon dont on se montre, dont on laisse voir notre appartenance à une communauté tout en la faisant exister.

Pour Caroline, Zoé, Eva ou Marie L., se dire sorcière auprès de non-initié·e·s est une façon de provoquer, de faire peur ou de refuser le dialogue et il y a un effet recherché tandis que pour Ts**** qui pratique la sorcellerie depuis une dizaine d’années, faire savoir son identité aux non-initié·e·s est secondaire :

J’avoue que j’en ai rien à faire que des gens comprennent qui je suis et pourquoi je fais ce que je fais. Je préfère m’adresser aux autres freakweers et qu’on construise des choses ensemble. […] ça me parait bien plus utile d’essayer de trouver des formes de résistance et de les essaimer partout  ». Aussi, elle ne souhaite pas échanger davantage avec moi car l’espace de résistance dont et depuis lequel elle parle se passe de « théorisation » : « La magie utilise, entre autres outils, la parole et l’écrit. Nous construisons déjà notre ’théorie’ de par notre pratique. »

La réaction de Ts**** est intéressante à différents niveaux. Premièrement, elle présume que se dire sorcière est une forme de résistance. Ensuite, son attitude traduit une posture de défi au regard scientifique et à toute forme d’institutionnalisation mais aussi la revendication d’une autonomie du milieu où elle se trouve. Les résistances à construire avec ses pairs - le « nous » depuis lequel elle parle - semblent avoir tout intérêt à rester opaques, mystérieuses aux yeux des non-initié·e·s pour être opérantes. L’opérativité symbolique (Davallon, 2000) du fait de se dire sorcière tient-elle donc à la part de mystère entretenue sur les pratiques ? Qu’advient-il de cette part de mystère quand avec internet, les pratiques sorcellaires tendent à se démocratiser ?

 Démocratisation et apprentissage de la sorcellerie

L’analyse qu’élabore Patrice Flichy (2010) est pertinente pour saisir cette démocratisation des pratiques sorcellaires grâce à Internet. En effet, ces activités étant devenues accessibles, de plus en plus de jeunes femmes s’initient d’elles-mêmes à la sorcellerie comme le montre le grand nombre de tutoriels vidéos autour de rituels, de fabrications de potions, ou encore la newsletter WitchPlease (« la newsletter des sorcières modernes »), l’organisation de « Sabbats 2.0 ­ » en ligne et la popularité de nouveaux hashtags autour de la sorcière. Le lien entre pratiques sorcellaires et DIY ne date pas d’internet mais plutôt, et comme le souligne Anne Larue (2010 : 45), des années 80 où se multiplient les « DIY witchcraft book » dans les milieux anglo-saxons d’abord, avec par exemple Wicca, A guide for the solitary practitioner en 1988 de Scott Cunningham. Ce qui est nouveau ce n’est pas cette démocratisation des pratiques sorcellaires mais plutôt cette visibilité questionnante pour les sorcières interrogées. Sur les plateformes TikTok ou Instagram, la diffusion massive d’une esthétique « witchy » participe à l’élaboration d’un répertoire symbolique commun et d’une construction sémiotique autour de la sorcière. Cette vague de visibilité inédite participe à ce que Lucie Pouclet (2023) analyse comme une sub-culture juvénile.

Par son hypercodage symbolique proche du cliché, cette façon mainstream de se représenter en sorcière ou de présenter des images de sorcière entre en contradiction avec les intentions politiques données par les sorcières que j’ai interrogées. L’aspect DIY lié à la démocratisation des pratiques sorcellaires via internet propose un imaginaire structurant avec, par exemple, le partage de rituels très protocolaires, l’incitation à la visibilité et à l’énonciation à travers des codes esthétiques communs (les bougies, l’incitation à créer des tutos, certaines mises en scènes dans la forêt, ou un maquillage, etc.). La démocratisation numérique de l’image de la sorcière s’accompagne d’une domestication de l’imaginaire DIY autour de la sorcière qui s’apparente à une consommation ludique. Cet aspect n’échappe pas à Marie L. qui porte un regard critique sur son blog :

Dans la culture mainstream, mais aussi dans des milieux plus restreints, comme l’art contemporain, les arts de la scène, etc., beaucoup récupèrent les codes de ce qu’iels considèrent comme tendance et les utilisent à leur profit, comme un simple capital symbolique. Queer, sorcière, Sx+ peuvent vite devenir des masques de coolitude cachant un amoncellement de privilèges et d’attitudes oppressives. Du cliché lisse, avec un zeste d’encanaillement, pour une pincée d’ensauvagement domestiqué entre deux siestes… l’oppression hétéropatriarcale rafle souvent les codes de celleux qu’elle violente.

Sur les neuf personnes interrogé·e·s, seules trois proposent des contenus de type formateur en lien avec des pratiques sorcellaires sur les réseaux sociaux numériques. Magi reprend à son compte la tradition des tutoriels alors qu’iel me disait, lors de notre entretien, qu’il ne fallait pas dévoiler ses rituels ou ses sorts. Quand je l’interroge sur ce paradoxe, iel me répond que montrer un peu permet de cacher beaucoup. 

Cette grande démocratisation de la sorcellerie via les réseaux sociaux numériques amène certains internautes à vouloir revenir à des pratiques traditionnelles de sorcellerie et regardent d’un mauvais œil cette nouvelle génération de sorcières sur TikTok (les « baby witch »). Dans un chapitre consacré à l’histoire de la sorcellerie, l’historienne Marie-Sylvie Dupont-Bouchat (1994) parle de l’éclatement et de la dispersion de la sorcellerie après sa décriminalisation et la fin des procès en sorcellerie. Dans sa tentative de repérer des continuités et des ruptures dans les discours et dans les pratiques sorcellaires, Marie-Sylvie Dupont-Bouchat analyse toute une littérature vernaculaire : mélange de recettes de cuisine, de remèdes populaires, formules de philtres magiques, ’trucs’ pratiques, formules d’incantations. Ces recettes constituent toute une littérature de colportage recopiée ensuite par les folkloristes du XIXe siècle. Ce que notre regard contemporain et plus tardif a considéré comme des « grimoires » emplis de rituels faisant acte d’autorité étaient déjà à l’époque le fruit de cultures vernaculaires qu’on appellerait aujourd’hui DIY. Il est intéressant de constater que parmi les sorcières rencontrées, cette dimension créative et appropriable des rituels perdure mais que face aux tendances DIY du milieu ésotérique certain·e·s revendiquent un retour aux pratiques dites traditionnelles.

Si la culture DIY et vernaculaire est au cœur des pratiques, il n’y a en effet pas de « science exacte » mais plutôt des traditions et des codes communautaires du milieu de l’occultisme. Chaque sorcière doit faire son propre chemin parmi la quantité de livres et d’informations disponibles :

Quand j’étais gamine je faisais des rituels que j’inventais. Plus grande, en ayant étudié [le tarot, les livres de sorcellerie et des arts occultes, etc.], j’ai commencé à m’inspirer de ce que j’ai pu trouver dans les livres puis compris par moi-même. J’ai eu pas mal de réponses dans les rêves. Pour les bouquins, il y en a mille, ça dépend du type de magie qui t’intéresse, du type de tradition. (Haïzea)

Aussi, s’il n’y a pas un ouvrage de sorcellerie qui semble faire unanimement autorité parmi les sorcières interrogées jusqu’alors, c’est la figure de la sorcière féministe Starhawk qui est souvent citée. Son ouvrage, Spiral Dance (1979), réédité à de nombreuses reprises, propose une série de charmes, de sortilèges et d’exercices pratiques qui visent l’autonomisation et l’indépendance de la personne plutôt que son assujettissement à certaines pratiques inhibantes. Dans son chapitre, « On crée la religion : vision du futur », elle place la dimension DIY au cœur des pratiques, tout en gardant un recul critique sur les limites d’une telle pensée :

Au cours des toutes dernières années, toute une série de gourous laïcs a pas mal fait son commerce en rencontrant le fort désir de notre culture d’avoir des principes simples et structurés sur lesquels fonder nos vies. Le fondement de beaucoup des mouvements de ‘développement personnel’ ou ‘développement du potentiel humain’ est le concept absolutiste de ‘Je crée ma propre réalité’. D’une certaine façon, c’est réconfortant de le croire ; mais par ailleurs, c’est une pensée terrifiante (Starhawk, 2021 [1979] : 457).

La pratique DIY de la sorcellerie qu’exercent les sorcières interrogées ne relève donc pas d’une démarche fugitive à l’égard du réel mais plutôt de la création d’une façon d’être au monde, voire d’une façon nouvelle de militer. C’est en tout cas la lecture de Starhawk qui a permis à Djil de lier ouvertement ses questions autours de la spiritualité à ses convictions anarchistes :

Elle [Starhawk] dit qu’on peut apprendre [la sorcellerie], elle explique son cheminement à elle et il y a vraiment un truc un peu de… ‘’pourquoi pas toi ?’’. Et puis elle lie ça au féminisme, elle est vraiment dans une démarche politique et du coup moi ça m’a vraiment aidé·e parce que je pense que j’avais découvert un peu mon anarchie, j’avais découvert politiquement ce que ça voulait dire être féministe… le lien [qu’elle fait] avec la spiritualité était compliqué pour moi à faire.

 Inventer ses propres rituels : pratiques d’appropriation ou de détournement

Les pratiques sorcellaires sont plus communément nommées craft, « fabriquer de ses mains » en anglais. Si chacune des neuf sorcières interrogées a sa propre façon de pratiquer la sorcellerie, toutes et tous ont pour point commun de faire avec ce qu’iels « ont sous la main ». C’est-à-dire cueillir des plantes qui poussent à côté, « travailler » ou « cheminer » avec des entités ou des divinités locales ou encore fabriquer soi-même des objets magiques [11] par opposition aux logiques consuméristes qui font de la sorcellerie une esthétique attrayante. Dans mes entretiens, cette idée d’une fabrication de ses propres mains ou d’un travail manuel, est doublée d’un discours sur les classes sociales ou d’un désir de marquer son appartenance à un milieu social modeste et/ou politisé. Le spectre idéologique politique traditionnellement axé autour d’une polarisation droite/gauche se retrouve dans la perception qu’ont les enquêté·e·s des milieux ésotériques et occultes sur lesquels iels portent un regard critique : il y a des sorcières qui, dans leurs pratiques, font de l’appropriation culturelle, de l’essentialisation du « féminin sacré », qui inscrivent leurs pratiques dans des démarches capitalistes proches du développement personnel, tandis que les mages et les druides ont bien souvent une conception « bourgeoise et élitiste » de la magie. « Les magiciens sont érudits de la magie : la sorcellerie, nous on s’en sert, on travaille avec. Tu n’as pas besoin d’avoir de grandes connaissances, il te faut un besoin », me dit Magi, insistant sur la dimension « outil » de la sorcellerie. Une polarisation soulignée par les enquêté·e·s oppose également une lecture essentialiste qui rattache la sorcière au ‘féminin’ à une interprétation plus trouble et queer de la sorcière - comme nous l’avons vu en première partie - qui se traduit par des réappropriations de certaines pratiques. Magi et Caroline, qui font un usage des cartes de tarot dans leurs pratiques, m’expliquent par exemple « queeriser le tarot » au cours de leurs tirages en se détachant des interprétations classiques des figures des arcanes majeures. Ces dernières sont construites sur des modèles binaires et sur une construction de genre classique (Le Pape//La Papesse, L’Empereur//l’Impératrice). Il s’agit alors de proposer des interprétations plus inclusives et qui coïncident avec les corps qui les entourent.

Les sorcières interrogé·e·s jusqu’à présent pratiquent les rituels les plus connus à l’occasion de Yule (l’équivalent de Noël pour le calendrier chrétien), du changement de saison, de lune ou d’année mais inventent pour leur quotidien un certain nombre de pratiques ritualisées. Lors de notre entretien chez elle, Zoé me désigne un livre, Femmes qui courent avec les loups (2001) de Clarissa Pinkola Estés. Elle m’explique alors qu’elle ne le lit pas en raison de sa densité et du nombre de pages conséquent mais qu’elle s’en sert comme oracle :

Je ne l’ai pas lu mais je l’utilise un peu comme un oracle quand j’ai besoin d’un éclairage. Parce que c’est un bouquin qui est très dense, je veux dire, lire ce bouquin comme un bouquin je pense que c’est très bien pour les personnes à qui ça convient mais c’est très dense et ça prend probablement des années. Mais moi je l’ouvre et tu vois, il y a plein de petits papiers, de feuilles cornées, de marque-pages… parce que c’est des fois où c’était ouah. Comme un oracle, je l’ouvre comme ça et ça me parle de situations actuelles, d’une réflexion actuelle.

L’écriture des premiers rituels coïncide avec la rédaction de fictions chez Caroline où l’écriture du journal intime s’est muée en fiction puis en texte pour ses performances artistiques, qu’elle considère également comme des rituels : « Pour moi lire un texte à voix haute quand tu t’adresses à quelqu’un c’est quelque chose de super magique ». À plusieurs reprises, et malgré le caractère sérieux et puissant qu’elle confère à sa pratique, elle m’annonce en rigolant qu’elle fait « n’importe quoi » - trait d’autodérision que j’ai beaucoup retrouvé au cours de ces entretiens : « J’aime bien faire n’importe quoi. Moi, mon tarot, je lui fais raconter ce que je veux. Moi, ma sorcellerie telle que je la vis, elle repose vraiment sur : ’On fait ce qu’on veut tant que ça fait pas de mal aux autres’ et on raconte des histoires et les symboles sont là pour nous inspirer et donner des repères mais on peut complètement les transformer. »

La dimension personnelle, fabriquée et exploratoire des pratiques sorcellaires chez les enquêté·e·s touche à l’intime et non à une mise en scène démonstrative ou théâtralisée des rituels. Ce présupposé est mis à mal et son existence constitue une source d’inquiétude lors des entretiens. Certaines enquêtées soupirent de soulagement à la fin de notre entretien et me confient qu’elles appréhendaient que je les interroge sur leurs pratiques sorcellaires, craignant de décevoir des attentes que j’aurais eu à cet endroit. Cette appréhension ne parle pas tant de l’appréhension de l’entretien mais semble plutôt faire allusion à l’existence d’une certaine norme autour de pratiques ésotériques desquelles certain·e·s enquêté·e·s se sentent éloigné·e·s mais également au risque de se confronter aux fantasmes d’une chercheuse universitaire [12] comme si l’invention ou la part de fiction n’était pas un gage de sérieux.

La part de sérieux et d’invention ne sont pourtant pas exclusif si on considère l’importance que prennent les rassemblements collectifs de sorcières où il est parfois question d’inventer ensemble des rituels. Lors de notre entretien, Magi me raconte la création d’un grand rassemblement de sorcières sur Zoom au moment des manifestations des Gilets Jaunes pour célébrer un « rituel de justice sociale » :

On voulait protéger les gens de la flicaille. On était plus de 10 000 à faire ce rituel, on s’était rejoints sur internet, on avait fait signer une charte. On s’était retrouvés mais on ne pouvait être que 100 pour le rituel. Parce que 100 c’est le nombre qu’il pouvait y avoir sur Zoom. Toutes les autres personnes pouvaient participer dans leur coin, de leur côté. On avait fait un énorme rituel pour les personnes queer, pour les manifestants et les manifestantes et pour protéger les personnes trans qui étaient beaucoup attaquées […] on voulait les rendre invisibles aux agresseurs. […] Il y a eu deux semaines de préparation en amont pour créer des sigils [13] […]le rituel a duré 30 à 40 min, avec un top départ et au fur et à mesure on rallumait les caméras, ça nous permet de voir qui a fini ou pas.

Si chacun·e éteint sa caméra à un moment, le rituel collectif est partitionné par un scénario commun avec des gestes à faire dans un ordre précis : respiration, fermeture du cercle et mise en condition en entonnant le rythme de We Will Rock You de Queen. Cette chanson apporte une énergie par son rythme et ses paroles, m’explique Magi. Le détournement opéré lors de ce rituel reprend des sensations générées par la composition musicale du morceau mais dit quelque chose de la dimension DIY qu’on peut retrouver dans certains rituels. De façon plus générale, ce « rituel de justice sociale  » me semble intéressant parce qu’il invente une façon d’être ensemble et de militer dans une logique DIO (do it ourselves).

 Conclusion

Cette enquête sur une certaine manière de se dire sorcière nous amène à mieux cerner les dynamiques d’autonomination et d’émancipation à l’œuvre dans les parcours de vie atypiques des enquêté·e·s. Le fait de se dire sorcière recouvre dans un même énoncé plusieurs gestes : celui de fabriquer sa propre identité, revendiquer ou suggérer une vision du monde, mais aussi se permettre d’agir et intensifier les possibles.

En lien avec la question du faire soi-même, cette pratique de « se dire sorcière pose » la question de l’appropriation d’une figure culturelle et de son éloignement avec le référent historique initial. Comme le souligne Maryse Simon, les personnes brûlées vives mourraient en clamant qu’elles n’étaient justement pas sorcières. Il est intéressant d’observer que cette déformation militante de la figure de la sorcière peut constituer un « danger intellectuel » (Simon, 2023) - aussi bien dans la littérature scientifique que du côté des essayistes militant·e·s qui bénéficient d’une large diffusion - et être à la fois porteuse d’émancipation et de créativité chez les personnes enquêtées. Il n’y a pas de leur part une consommation passive de la figure de la sorcière qui serait alors comme un prêt-à-penser mais plutôt un travail de l’intérieur qui rend la sorcière opérante et efficace d’un point de vue symbolique et créatif. La prise en compte des différentes façons de se dire sorcière amène à réfléchir en termes d’imaginaires socio-discursifs (Charaudeau, 2006), d’articulation entre figure, identité discursive et acte de symbolisation. Plus encore, ces questionnements permettent de penser l’articulation complexe entre acte et parole - sujet important pour les anthropologues qui étudient la sorcellerie depuis Jeanne Favret-Saada (1985) - en la situant cette fois depuis le geste d’auto-désignation.

 Bibliographie

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Notes

[1] Je pense aux nouvelles traductions des textes de Starhawk et à la re-publication de textes écoféministes aux éditions cambourakis dans la collection « sorcière ».

[2] Le Witch Bloc est un collectif anonyme féministe et queer qui se revendique anarchiste, anti-raciste et anti-capitaliste en activité entre 2017 et 2020.

[3] W.I.T.C.H, acronyme de « Women International Terrorist Conspiracy From Hell », est le nom donné à un groupe de féministes radicales aux États-Unis, parmi lesquelles figurait Robin Morgan.

[4] Campus Cadilari (sorcière en turc) se définit comme « une communauté indépendante organisée pour lutter contre les problèmes rencontrés par les jeunes femmes dans les universités du fait qu’elles sont des femmes ». source : https://docs.google.com/forms/d/e/1…

[5] L’adjectif « sorcellaire » désigne ce qui est relatif à la sorcellerie. Il est notamment employé dans la littérature scientifique pour parler de « récits sorcellaires » (Piniès, 1986), d’« emprise sorcellaire » (Kamdem, Tedongmo Teko, 2015), de « parole sorcellaire » (Kouvouama, Prignitz, Maupeu, 2018) ou encore de « fait sorcellaire », de « crise sorcellaire » (Yengo, 2017).

[6] Prenons en exemple l’organisation d’une journée et soirée sur le thème de la sorcellerie nommée « Sabbat queer » à l’occasion de la Queer Week, association d’étudiant·e·s organisant des semaines de réflexions autour du genre et des sexualités, de 2017 en Île de France.

[7] C’est à dire des pratiques qui s’opposent aux « logiques fondationnalistes et essentialistes au travers desquelles les corps sont spéciés, genrés et racisés » (Morin, 2016)

[8] Romain Emma-Rose Bigé est philosophe, danseuse et enseignante-chercheuse travaillant sur les questions queer et transféministes.

[9] The Craft raconte l’histoire d’une adolescente dans un lycée américain qui rejoint un groupe de sorcière et s’initie à la sorcellerie à leurs côtés.

[10] Diffusée entre 2018 et 2020 sur la plateforme Netflix, cette série réalisée par Roberto Aguirre-Sacasa se nomme Les Nouvelles Aventures de Sabrina.

[11] Noël et Magi fabriquent respectivement des amulettes de protection, et des « gris-gris ». Claire brode des tissus avec des intentions magiques. Comme me l’explique Claire, Magi ou Noël, fabriquer un objet magique c’est le charger d’intentions, prendre le temps de le fabriquer et parfois réaliser des rituels qui accompagnent la fabrication.

[12] Cette posture que j’occupe fait l’objet d’un travail réflexif dans lequel j’interroge la place que prennent ces entretiens dans le parcours des enquêté·e·s en tant que sorcière.

[13] Un sigil est un signe graphique qui symbolise une intention magique.

Pour citer l'article


Théval Zoé, « « Se dire sorcière » : pratiques d’autodéfinition et de résistance », dans revue ¿ Interrogations ?, N°39 - Créer, résister et faire soi-même : le DIY et ses imaginaires [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/Se-dire-sorciere-pratiques-d (Consulté le 20 janvier 2025).



ISSN électronique : 1778-3747

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