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Laigroz Louise, Machemehl Charly, Roult Romain

Pour une relecture historique des dynamiques d’institutionnalisation de sports « alternatifs » : l’exemple du skateboard

 




Résumé

Les sports « alternatifs » sont régulièrement présentés, tant dans la sphère publique qu’académique, comme des étendards d’une idéologie anticonformiste et radicale. D’un autre côté, les processus d’institutionnalisation sont perçus comme étant des entraves à l’authenticité de la discipline ‘contre-culturelle’ analysée ou pratiquée, qui apparaît comme ‘rachetée’ par des dynamiques marchandes qui lui sont extérieures. Contre cette lecture simplificatrice qui oppose marchandisation et pratique authentique, nous proposons dans cet article une relecture de la dynamique d’incorporation des pratiques sportives ‘alternatives’ en l’appliquant au cas du skateboard. L’objectif est de démontrer que l’institutionnalisation est un phénomène complexe où la pratique sportive n’est pas simple victime du processus de marchandisation. Dans le cas du skateboard, nous proposons une analyse chronologique renouvelée.

Mots clefs  : sports alternatifs – institutionnalisation – authenticité – skateboard – chronologie

Abstract

Alternative sports are often presented, in both academic and public spheres, as the embodiement of a non-conformist and radical ideology. On the other end, the process of formalization is perceived as an impediment to the ‘contercultural’ discipline’s authenticity, as it is analyzed or practiced. Alternative sports appeared as ‘redeemed’ by dynamics, presented as exterior to the sporting activity. Against this simplifying reading which set commodification against genuine practices, a re-reading of the integration dynamic of ‘alternative’ sporting activities is proposed in this paper, through the case of skateboard. The purpose is to demonstrate that institutionalization is a complex phenomenon in which sportive practice is not a simple victim of the commodification process. In the case of skateboard, a new time-based analysis is proposed.

Keywords  : alternative sports – institutionalization – authenticity – skateboard – time-based analysis

 Introduction

Lorsque l’on s’intéresse aux pratiques sportives contemporaines, il est courant d’utiliser le terme ’alternatif’ pour désigner un ensemble « d’engagements corporels […] anti-compétitifs, peu régulés, ludiques, transgressifs et pourvoyeurs de sensations » (Soulé, Walk, 2007 : 67). Depuis le travail précurseur de Gisèle Lacroix en 1984 (Falaix, 2012) qui analyse le ’fun’ comme nouvelle esthétique et éthique sportive des sports de glisse, les chercheur·euses se sont intéressé·es aux caractéristiques de ces pratiques en les opposant aux sports traditionnels (Lassalle et al., 2016) ou ’mainstream’ [1]. Nombre de travaux scientifiques ont fait de ces divers sports les étendards d’une idéologie homogène anticonformiste et radicale, reprise voire accentuée par les médias, généraux ou spécialisés (Aubel, 2000 ; Woermann, 2012). En retour, les processus d’institutionnalisation de ces pratiques sont présentés comme des entraves à l’authenticité de la discipline ’contre-culturelle’, qui serait ’rachetée’ par des dynamiques marchandes (Pedrazzini, 2001 ; Bourdeau, Lebreton, 2013). 

Avant même d’analyser les sports ’alternatifs’, c’est le mot sport qu’il s’agit de préciser. Des définitions comme celle de Parlebas en 1986, qualifiant le sport de « motricité ludique et compétitive, approuvée par l’institution » (1986 : 26), ont influencé une partie des angles d’approche du champ sportif par les sciences sociales. Les historiens (Hubscher, Durry, Jeu, 1992 ; Morrow, 1992), sociologues (Pearson, 1979 ; Dugas, 2007) ou encore géographes (Augustin, 2007 ; Lesné et al., 2019) ont contribué à produire d’autres critères permettant la démarcation des activités physiques entre celles qui peuvent être appelées sport et celles qui ne le peuvent pas (East, 2002) : situation motrice, aspect compétitif, amusement, enjeu, règles ou codes, etc. Cela a conduit à produire des catégories d’activités physiques permettant de couvrir un grand nombre de pratiques (’quasi-jeu’, rite physique, jeu traditionnel, hors compétition, sport, etc.). Alors que l’approche par singularisation a caractérisé le sport ’moderne’ selon des critères comme la codification, la réglementation des lieux ou encore l’idéal éthique (Falaix, 2012 : 20), il s’agit dans cet article d’analyser les sports ’alternatifs’ dont le discours veut qu’ils se soient construits en dehors (voire contre) ces sports traditionnels. De ’modernes’ (par opposition aux pratiques qui s’institutionnalisent à la fin du XIXe siècle), ces sports, comme le football ou le rugby, sont devenus ’mainstream’. Ce terme recouvre deux significations : un sport ’mainstream’ peut être considéré alternativement comme « dominant  » ou « grand-public », mais dans les deux cas représente « l’inverse de la contre-culture » (Martel, 2010 : 16). En qualifiant de ’mainstream’ les sports modernes, on met l’accent sur la dimension contre-culturelle des pratiques alternatives.

Nous pensons que désigner a priori une pratique sportive comme ’alternative’ ou ’instituée’ procède d’une simplification. Ainsi, souhaitant questionner l’institutionnalisation des sports ’alternatifs’ et donc leur cycle de vie, nous nous demandons : quel cadre conceptuel, entre ’instituant’ (dynamiques des acteurs) et ’institué’ (évolution des pratiques) peut être bâti afin de saisir l’institutionnalisation des sports ’alternatifs’ ? Comment appliquer ce cadre au cas du skateboard ? Cet article répond à deux objectifs, posant les premiers jalons d’un travail de thèse en cours. Premièrement un travail fondé sur un état de l’art consiste à bâtir un cadre démontrant l’intérêt heuristique d’une relecture historique de l’institutionnalisation des pratiques sportives ’alternatives’. Deuxièmement, ce cadre sera mis en relation avec une analyse documentaire de façon à montrer, à partir de revues spécialisées sur le skateboard, sa valeur heuristique pour la compréhension du processus d’institutionnalisation du skateboard. L’article propose ainsi une revue de littérature argumentée et appliquée au cas du skateboard.

 Déroulé et méthode

La première partie porte sur l’emploi de termes pour définir les ’nouveaux’ sports et leurs articulations à différents cadres théoriques. Nous analysons comment les termes ’alternatif’, ’extrême’ ou encore ’action’ sont mobilisés par différents champs disciplinaires et selon différents cadres théoriques et attributs. Face à l’utilisation de nombreux termes pour décrire les pratiques sportives contemporaines, il peut être difficile de sélectionner les bons outils. L’analyse de concepts, comme méthode dont le but est de fournir une synthèse de connaissances d’un phénomène (Tremblay et al., 2020), nous a conduit à réaliser une grille de lecture permettant la clarification des différents termes pour désigner ces pratiques. Cette grille a été élaborée à partir de la méthode proposée par Walker et Avant (2019), en recensant usages, attributs et référents empiriques des concepts selon les auteur·es et disciplines.

Ensuite, nous proposons un modèle d’institutionnalisation d’une pratique sportive identifiée, par ses pratiquant·es comme par les chercheur·es, comme ’contre-culturelle’. Nous avons voulu proposer un modèle qui ne soit pas dichotomique, opposant pratique alternative et pratique légitime, mais qui englobe les différents enjeux et stratégies d’acteurs, pratiquant·es amateur·trice·s ou professionnel·les, publics, associatifs ou commerciaux. Une revue systématique, dont la force tient dans l’exhaustivité, ne paraissait pas pertinente ici car elle n’est pas adaptée aux questions de recherche novatrices (Bertrand et al., 2020). Tout en reposant également sur une rigueur intellectuelle ayant pour but le développement d’une pensée critique, la revue littéraire (état de l’art) se base sur une démarche inductive, plus pertinente dans le cas présent d’une recherche exploratoire. Nous avons sélectionné 130 travaux en français, en anglais ou en portugais, en avons lu une centaine et mobilisé 70 pour cet article. Sans s’adjoindre à un processus systématique, nous avons néanmoins pu identifier les travaux les plus stimulants qui proposaient une analyse de l’institutionnalisation d’une pratique sportive particulière, des liens entretenus entre institutionnalisation et contre-culture ou encore de l’opposition entre sports ’alternatifs’ et sports ’traditionnels’.

Enfin, la dernière partie peut être considérée comme un terrain, non au sens ethnographique mais dans la mesure où la recherche d’archives et de documents historiques alimente un travail de recherche originale. Nous proposons de discuter de l’application du modèle à la pratique du skateboard en nous basant sur un travail de dépouillement d’archives dont l’objectif est de questionner la marginalité de la pratique du skateboard. Pour former cette base de données, nous avons travaillé en deux temps. D’abord, nous avons effectué une revue de la littérature basée sur des travaux académiques qui portaient sur le skateboard en général. Outre ces travaux scientifiques, nous nous sommes appuyés sur les archives en ligne des magazines Trasher, Skateboarding et TransWorldSkateboarding Magazine, ainsi que sur les ouvrages de quelques passionnés pour construire une histoire renouvelée de la diffusion de la pratique à l’échelle internationale. L’objectif était de produire une chronologie (figure 3) qui illustre les dynamiques historiques de l’institutionnalisation de la pratique du skateboard.

 Analyse terminologique et théorique des sports ’alternatifs’

De la lecture, codification et analyse des travaux selon la grille présentée en introduction, nous pouvons émettre plusieurs remarques. Il y a effectivement des dénominations nombreuses pour définir et caractériser des pratiques physiques contemporaines, et ce, quelles que soient les disciplines académiques. Ainsi, s’il a été tentant de faire une analyse par discipline (la psychologie qui s’intéresse à la prise de risque (Cohen et al., 2018), l’urbanisme à la traduction spatiale des reconfigurations dans la manière de faire du sport (Borden, 2015)), celle-ci s’est avérée non fructueuse : d’une part car une partie des travaux se réclame de sport studies (par essence pluridisciplinaire), d’autre part car au sein d’une même étude, de nombreux auteur·es utilisent alternativement différents termes : alternatif, contre-culture et lifestyle pour le skateboard par Dinces (2011) ; alternatif, déviant, lifestyle pour Humphreys et la planche à neige (1997). Nous avons donc choisi de développer deux approches : la première, par cadre théorique, la seconde par terminologie.

Approche théorique : quels cadres pour quelles analyses ?

En nous appuyant sur les travaux de Suchet et Tuppen sur l’évolution des dynamiques sportives de nature en France (2014) et de Courchesnes-O’Neill sur l’institutionnalisation de la planche à neige au Canada (2009), nous pouvons regrouper trois entrées théoriques et méthodologiques dans l’étude des sports ’alternatifs’.

La première est celle culturaliste. Concentrant des chercheur·es affilié·es plus ou moins directement à l’école anglaise du CCCS (Centre for Contemporary Cultural Studies), structurée dans les années 1970, cette approche regroupe les premiers travaux centrés sur le thème de la contre-culture. Dans le cas du sport, les travaux de Wheaton sur le windsurf ou de Rinehart et Syndnor sur les sports extrêmes ont permis de mettre en lumière le rapport entretenu entre les sous-cultures sportives alternatives et la culture ’dominante’. Beaucoup sont des ethnographies, méthode privilégiée pour dessiner les traits de communautés ’alternatives’ et de leurs valeurs. Parmi celles-ci, l’authenticité (et son incarnation dans la ’résistance’) se trouve au cœur de l’investigation scientifique, en témoignent les travaux de Heino (2000) sur les formes de résistances véhiculées par les planchistes, ou de Beal et Wheaton (2003) sur les valeurs et normes qui illustrent la légitimité et l’authenticité du skateboard ou plus récemment de Tuaillon Demésy (2018) sur l’imaginaire performatif du Quidditch. Les chercheur·es utilisent les termes ’lifestyle’ ou ’alternatif’ pour qualifier ces pratiques. Néanmoins, aussi éclairants et stimulants que sont ces travaux, cette approche occulte une partie des mécanismes en insistant sur l’intention contestataire. L’approche ethnographique a pour conséquence de privilégier l’étude de membres ’fondateurs’ et de valoriser leur discours en excluant une partie des pratiquant·es amateur·es (Donnelly, 2006). En outre, comme le note Snyder (2011), l’approche culturaliste ne peut analyser le processus de professionnalisation sans y voir une marchandisation puisque tout trait de la sous-culture doit être vu comme une résistance (et le contraire comme une ’trahison’). Le cas du skateboard est ici exemplaire avec le travail précurseur de Beck Beal dans les années 1990, qui a réalisé une ethnographie de skateurs dans le Colorado.

La seconde approche peut être qualifiée de structuraliste critique. Dans la lignée des travaux de Bourdieu, les chercheur·es s’intéressent ici au volume de capital nécessaire pour pratiquer les sports, qualifiés d’abord de ’glisse’, ’fun’ et ’californien’ et plus récemment ’d’action’ (Thorpe, Dumont, 2019) ou ’extrême’. Dans son ouvrage La Distinction, Bourdieu a fait des sports californiens les symboles d’une « abolition des critères stylistiques stricts », incarnant un « non respect des contraintes sportives habituelles  » (1979 : 246). Les travaux de Lacroix sur les ’funs’ (1990) s’inscrivent dans cette perspective. Les auteur·es vont ensuite délaisser la célébration de la contre-culture pour s’intéresser aux dispositions sociales nécessaires pour pratiquer le sport. On trouve ainsi les travaux de Thorpe (2004) et Courchesnes O’Neill (2009) qui s’intéressent aux formes de capitaux symboliques acquises et véhiculées à travers la pratique de la planche à neige, de Borden sur l’institutionnalisation du skateboard à travers des lieux à Londres (2015) mettant en lumière le rôle du capital symbolique pour différencier les pratiques ou encore le travail plus récent de Thorpe et Dumont sur la professionnalisation des sports ’d’action’ (2019). Le capital social est également présent du côté des chercheur·es qui le mobilisent pour approcher les pratiquant·es et athlètes : Ocean Howell et Mikhaïl Batuev sont skateurs, Belinda Wheaton windsurfeuse, Holly Thorpe et Dorothée Fournier snowboardeuses, Guillaume Dumont grimpeur, Ludovic Falaix surfeur, etc.

La dernière approche est celle postmoderne. En s’appuyant sur les valeurs de la culture postmoderne, les chercheur·es analysent les sports ’alternatifs’ en opposition aux formes sportives traditionnelles. Les valeurs hédoniste et individuelle de la culture postmoderne se retrouvent dans la manière de faire du sport. Lebeau et Sides (2014) s’intéressent à la notion de risque dans les sports ’extrêmes’, incarnation des valeurs du postmodernisme (émotion et individualité). Lassalle et al. (2016) analysent la pénétration de l’éthique postmoderne en athlétisme, sport ’traditionnel’ qui s’oppose aux sports ’loisir’. Dans le cas du sujet du skateboard, des travaux récents prolongent cette perspective. Ainsi, Dinces (2011) analyse la contre-culture skate comme étant par définition un phénomène postmoderne, dont le destin est de passer d’une logique d’opposition à celle marchande d’entreprenariat.

Approche terminologique : qualifier les sports ‘alternatifs’

L’utilisation de nombreux qualificatifs pour définir les ’nouveaux’ sports a été mise en avant par différent·es auteur·es [2]. La diversité des dénominations pouvant être vue comme la persistance d’un flou ou bien le résultat de divergences de postures épistémologiques, nous nous sommes demandés quels mots peuvent être considérés comme des concepts, au regard de leur apport heuristique. En effet, le choix des termes en sciences humaines est à la fois fondamental et délicat. Fondamental, car en nommant on exclut ou on renforce certains aspects des sports que l’on cherche à analyser : si ces sports sont des sports ’d’action’, les autres sont-ils passifs ? Qu’est-ce qui est ’extrême’ dans la pratique de sports extrêmes ? Délicat car « les notions mobilisées ont presque toujours été préalablement utilisées, selon des acceptions fort diverses, y compris dans le langage courant » (Routier, Soulé, 2012 : 62). Les mots sont chargés de sens et une analyse sur le temps long leur confère une légitimité. Ainsi, on peut noter que le concept de « play sport » (par opposition aux « athletic sports ») qui devait incarner la complexité organisationnelle moindre et l’expérience qualitative supérieure introduit par Pearson en 1979 n’aura pas eu de résonance internationale.

À la suite de l’analyse des travaux, neuf catégories synthétiques ont été produites. Même si toute catégorisation est par nature artificielle, car simplificatrice, elle permet néanmoins de faire émerger des positionnements éclairants. L’objectif ici n’est pas de se positionner sur un terme mais de comprendre, dans une perspective pluridisciplinaire, comment ceux-ci sont mobilisés et quels sont leurs fondements (ou non). Le tableau 1 montre que les termes sont souvent plus des qualificatifs que des concepts dans la mesure où ils ne forment pas des abstractions qui peuvent être étudiées en soi. Les concepts étant la base des connaissances scientifiques, on voit ici que ’alternatif’ ou ’nouveau’ ne peuvent pas être mobilisés en tant que tels car ils ne peuvent expliquer des mécanismes sociaux généraux. Ainsi, comme le note Kusz (2004) à propos du terme ’extrême’, des activités éparses ont été artificiellement agrégées sous un vocable commun sans bénéfice pour éclairer la singularité des disciplines. Les sports ’d’action’, qui veulent se distancier de l’appellation ’extrême’ jugée trop médiatique, se situent pourtant dans la continuité en utilisant des attributs similaires (importance du spectacle et risque). En outre, la définition proposée par Breivik (2010) se base sur des qualifications limitées (réaliser une performance face à l’anxiété et au stress) ou encore un besoin de compétences (liées au corps et à l’esprit), qui ne permettent pas une singularisation par rapport à d’autres pratiques physiques.

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Figure 1 : Catégorisation, usages et limites des termes employés dans la littérature scientifique pour caractériser les sports « alternatifs »
Source : Laigroz, Machemehl et Roult

Cette revue littéraire avait pour objectif d’exposer la structuration scientifique des recherches sur les sports ’alternatifs’. L’analyse terminologique et celle des cadres théoriques des sports ’alternatifs’ fournissent un travail liminaire à une réflexion sur l’institutionnalisation de ces pratiques physiques. Ainsi, la partie suivante s’inscrit dans cette logique de construction d’un cadre théorique en définissant, qualifiant et proposant une stratégie analytique afin de réfléchir à l’institutionnalisation des pratiques ’alternatives’.

 Les processus d’institutionnalisation d’une activité sportive

Il s’agit ici de mettre en lumière les mécanismes d’institutionnalisation des pratiques physiques et ludiques ’alternatives’ dans une perspective historique. Autrement dit, ce ne sont pas les critères de différenciation des pratiques qui nous intéressent (les sports ’alternatifs’ seraient définis par leur faible institutionnalisation), mais les processus qui font qu’une pratique sportive, proposant une alternative à l’existant, se trouve par la suite être considérée comme traditionnelle. Nous ne souhaitons pas tant proposer une définition de l’institutionnalisation qu’étudier l’usage de cette notion. Nous nous appuyons sur une quinzaine de travaux scientifiques qui reposent sur des études de cas pour proposer un état de l’art de l’institutionnalisation des pratiques sportives ’alternatives’. Nous avons volontairement choisi des travaux qui ne concernent pas uniquement le skateboard (surf, planche à neige, escalade, parapente…) afin d’analyser ce phénomène dans toute sa complexité.

Comprendre l’institutionnalisation

Parmi ces travaux, on trouve plusieurs définitions de l’institutionnalisation, chacune soulignant différents aspects et reflétant le positionnement de l’auteur·e. Lorsque Fournier (2018 : 344), pour le cas de la planche à neige et du VTT, définit le processus comme une « perte de la force transgressive au profit de sa légitimation  », on perçoit son regard critique où l’institutionnalisation forme une quasi-trahison à la pratique initiale. East (2002) et Pearson (1979) font ressortir l’aspect culturel du processus : «  Une forme de concrétisation des éléments culturels [motivée par le] besoin de reconnaissance et tous les avantages qui en découlent  » pour le premier (2002 : 33), l’aboutissement « par lequel des comportements non innés deviennent standardisés […] au sein d’une population donnée  » pour Pearson (1979 : 53 [3]). Ces deux définitions soulignent les interactions entre pratiques et population. Enfin, pour Morrow, l’institutionnalisation peut être définie comme l’acte qui fait qu’une manière de pratiquer devient LA manière, englobant les aspects organisationnels et techniques et la standardisation des règles.

Quand il s’agit d’analyser le processus d’institutionnalisation, deux positionnements sont possibles : une pensée par cycle et une linéaire. Dans le premier cas, les auteur·es font de l’institutionnalisation un processus constant et permanent d’établissement, contestation et renouveau dans la hiérarchie des sports (Rinehart, 1998 : 412). Lebeau et Sides (2014 : 632) illustrent le processus cyclique dans lequel un sport ’extrême’ devient ’mainstream’ : émergence d’un nouveau sport extrême, gain en popularité, accession au statut de mainstream entraînant de nouvelles marges dans lequel se développent d’autres pratiques. Jorand et Suchet synthétisent ce phénomène comme un cycle « d’innovations créatrices et destructrices » (2018 : 49), c’est-à-dire un cycle où l’innovation est à la fois la cause du développement et de la fin du fonctionnement d’une pratique. Ainsi, pour Heino (2000), si la planche à neige a pu proposer une alternative au ski, face la marchandisation qui en fait une icône rebelle des sports d’hiver, la marge se (re)situe désormais dans la pratique du ski.

D’autres auteur·es analysent l’institutionnalisation sous l’angle d’un processus linéaire, aux étapes prédéfinies. Pour Morrow (1992) ces étapes sont les suivantes : habitudes, familiarisation, cristallisation, légitimation et transmission. On peut noter ici l’absence de l’étape de commercialisation, sur laquelle s’appuient de nombreux·ses chercheur·es plus récemment. Pour Savre (2011), qui s’intéresse à l’institutionnalisation du vélo de montagne en France, la commercialisation est la dernière étape du processus après celles de sportification et de structuration associative. On retrouve ce même triptyque dans la thèse de Fournier (2018 : 330) avec une première étape ’aventureuse’ de bricolage, puis d’appropriation par un système sportif local et enfin de standardisation de la discipline tant au niveau de la pratique que des produits vendus.

Le mythe de l’authenticité anti-institutionnelle

Si « l’histoire du sport est […] l’histoire d’une institutionnalisation et bureaucratisation progressive » (Vieille Marchiset, 2003 : 12), force est de constater que dans les discours, l’institutionnalisation est vue comme une trahison, voire une compromission (Pedrazzini, 2001 : 77) à l’esprit ’authentique’ de la pratique. Parmi l’ensemble des qualificatifs qui caractérisent les pratiques sportives contemporaines, l’authenticité est probablement celui qui revient le plus. Outre le point de vue des participant·es, des travaux ont étudié l’impératif de l’authenticité par les consommateur·trice·s des sports ’d’action’ (Bennett, Lachowetz, 2004) ou au sein des stratégies managériales d’entreprises promouvant ces mêmes sports (Giannoulakis, 2016). Ces derniers travaux ont souligné la formation de nouveaux standards autour de l’authenticité, dépassant le champ sportif. Ils ont conduit à remettre en cause l’analyse binaire qui oppose authenticité et institutionnalisation : la commercialisation ne peut pas être vue uniquement comme perte d’authenticité dans la mesure où il existe des enjeux et intérêts de la part de l’ensemble des acteurs·rices. Ainsi, Thorpe et Wheaton (2011) ont montré qu’un grand nombre de participant·es acceptent la compétition et ne sont pas des victimes de l’incorporation mais se posent comme étant des agent·e·s actif·ve·s qui reconnaissent la valeur et la contribution des Jeux Olympiques pour le développement de leur discipline.

Pourtant, l’authenticité, non comme notion relative, contextuelle voire fabriquée mais comme fait, demeure une valeur centrale mobilisée pour alimenter le mythe d’une pratique initiale fondée sur l’amateurisme pur, la résistance ou encore l’absence de confrontation. Ainsi, Lewis (2004) oppose l’escalade comme un sport, donc dénaturé, à une pratique d’aventure et risquée, jugée authentique par les pratiquant·es mais aussi par le chercheur lui-même, démontrant une différence voire une hiérarchisation entre les manières de grimper. Pour Falaix, « la compétition, soit le classement sportif, ne peut avoir lieu puisque la confrontation directe entre les différents surfeurs n’existe pas » (2012 : 71) : un véritable surfeur se doit donc de refuser la confrontation aux autres. Enfin, pour Rinehart (1998), les sports alternatifs se différencient des sports mainstream par l’accueil enthousiaste de tout changement. On voit ici la contradiction puisque la référence continuelle à l’authenticité suppose le refus des évolutions de la pratique.

Ces différents positionnements académiques ont été questionnés par de récents travaux. Donnelly (2006) ainsi que Soulé et Walk (2007) notent qu’en se focalisant sur les membres fondateurs et leur propre définition de ce qu’est l’authenticité, les chercheur·es qui ont étudié ces sports ont tiré des conclusions concernant l’entièreté des participant·es. Jorand et Suchet (2018) vont dans la même direction en soulignant que le développement d’un nouveau sport résulte de l’appropriation et de la définition légitime de l’activité par les premiers pratiquant·es. La légitimation des formes d’engagement et des manières de pratiquer a tendance à marginaliser les membres qui ne sont pas situés au cœur de la culture sportive en question et la fait apparaître comme homogène. C’est ainsi que Dupont (2014) a souligné comment, parmi les skateurs, les « élites  » maintiennent une frontière sociale informelle (mais réelle dans les faits) avec les « nouveaux ». Les skateurs ont créé un espace hors des valeurs ’mainstream’ et ce faisant participent de la hiérarchisation de l’espace des sports. Enfin Dixon (2015) souligne que la mythologie du skateur authentique (homme, jeune et blanc) est devenue le symbole du ’cool’, accompagné par un fétichisme de l’image (mise en scène du corps à travers des images ’authentiques’). Les pratiques sportives sont donc influencées par ces hiérarchies qui définissent les meilleures façons de faire du skateboard. C’est précisément dans cette perspective que l’on propose une relecture du processus d’institutionnalisation qui ne soit pas compris comme un abandon de l’authenticité promue par quelques membres. Le cas de sports ’imaginaires’, comme le Quidditch, démontre de la diversité des types d’engagements qui peuvent être ludiques ou sportifs, renvoyant à des conceptions différentes de faire la pratique (Tuaillon Demésy, 2018).

Production d’un espace ludo-sportif hétérogène

En relativisant le rôle des pratiquant·es ’authentiques’, on peut renouveler les analyses de l’institutionnalisation. Ce changement de perspective permet de passer de la compromission et de l’uniformisation des pratiques sociales à une lecture plus nuancée grâce à la prise en compte du rôle des différents acteurs et de leurs stratégies respectives. Lorsque l’on dit d’une culture qu’elle est ’anti-commerciale’ ou ’underground’, on sous-entend que tou·tes les participant·es vivent de la même façon. Au contraire, nous pensons que l’institutionnalisation aboutit à la production d’un espace hétérogène composé d’acteurs aux motivations différentes et non plus des seul·es ’authentiques’. À côté des athlètes, certain·es ont fait usage des réseaux sociaux pour ’vivre du voyage’ à la recherche des meilleurs ’spots’ à pratiquer et à filmer comme c’est le cas de Storror, un professionnel du parkour (Thorpe, Dumont, 2019 : 1642). Le cas des participants-entrepreneurs, se revendiquant ’authentiques’ est particulièrement présent. On pense ici à Henri Brac de la Perrière, ’entrepreneur innovateur’ qui est à l’origine des Mondiaux de Snowboard dont l’objectif était de proposer des compétitions pour que la discipline gagne en visibilité (Fournier, 2018 : 228). Donnelly présente le cas de Jack Burton, qui, détenant 40% du marché mondial de la planche à neige promeut à la fois la culture et son entreprise, qu’il qualifie d’authentique. Outre la modification du statut d’athlète, l’espace ludo-sportif hétérogène s’incarne dans la diversité des lieux de pratique, de plus en plus multifonctionnels pour attirer un public diversifié (L’Aoustet, Griffet, 2001).

D’autre part, l’institutionnalisation des pratiques sportives alternatives peut être analysée selon trois modalités détaillées dans cette partie : il s’agit de la médiatisation (apparition dans des médias ’mainstream’), la sportification (codification, professionnalisation) et la marchandisation (émergence d’un secteur commercial). Nous pensons que ces trois concepts permettent d’illustrer sur le temps long trois facettes de l’institutionnalisation des pratiques sportives ’alternatives’. La marchandisation renvoie au processus de commercialisation (production de matériels essentiels à la pratique mais aussi rôle des sponsors, etc.) ; la sportification à la structuration de la pratique autour de compétitions, la formalisation ainsi qu’à l’émergence de professionnels dans et en dehors des structures formelles (centres de formations agrégés mais aussi via les réseaux sociaux) ; enfin la médiatisation fait référence au rôle des revues, réseaux sociaux, etc., dans la reconnaissance de la discipline.

Enfin, parler de pratiques physiques ’hétérogènes’ et ’renouvelées’ permet d’introduire l’idée d’une dynamique des pratiques qui se reconfigurent au gré des rapports de force entre les protagonistes qui font changer les institutions. Cela implique également la relativisation voire le questionnement de l’existence d’une communauté homogène qui, autour d’un engagement commun, œuvrerait pour changer l’ordre sportif (Bennett, 2012). Au contraire, postuler l’hétérogénéité de pratiquant·es pousse à entreprendre une réévaluation historique (en se focalisant sur d’autres périodes), méthodologique (en abandonnant l’ethnographie) et conceptuelle (en mettant de côté la ’résistance’).

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Figure 2 : Proposition d’un modèle pour analyser l’institutionnalisation d’une pratique sportive alternative.

La figure 2 synthétise les travaux lus et cités dans cette partie et notre proposition de questionnement autour de l’institutionnalisation. S’il n’y a pas nécessairement d’intentions claires et d’actions tactiques et organisées dans ce processus, réfléchir aux stratégies d’acteurs permet de parler au moins en creux de ceux qui jouent la chaise vide. Le travail de revue de la littérature fait ressortir la nécessité d’une relecture historique de certaines pratiques alternatives, afin de saisir par exemple comment la compétition a pu être rejetée au point d’être considérée comme une remise en cause des valeurs originelles et donc fondamentales alors qu’elle est présente depuis longtemps. La même question peut être posée à propos de la commercialisation dont les critiques ignorent le rôle bénéfique du point de vue de l’accès aux équipements de pratique. Dans cette perspective, une entrée par l’histoire et non l’ethnographie permet de comprendre comment les protagonistes collectifs et individuels créent des ressources, qu’elles soient humaines, matérielles, sociales ou culturelles et s’inscrivent plus ou moins consciemment dans une histoire commune.

Nous souhaitons mobiliser le modèle pour expliquer le cas du skateboard. Si l’état de l’art des pratiques alternatives a fait ressortir la nécessité d’étudier l’institutionnalisation autrement que comme un processus qui contrevient à l’authenticité, nous souhaitons poursuivre cette réflexion en produisant une histoire du skateboard qui fasse de l’institutionnalisation une forme d’action collective résultante de stratégies d’acteurs. Pour cela, nous appliquons notre modèle en nous intéressant aux liens entre médiatisation, sportification et marchandisation pour le cas du skateboard.

 Apports de la réflexion conceptuelle et documentaire sur le skateboard

Pour une histoire globale du skateboard

Nous souhaitons en dernière partie appliquer le modèle proposé ci-dessus et débuter une relecture historique de l’institutionnalisation de la pratique du skateboard grâce à l’analyse des contenus de revues spécialisées. Ces médias sont les véhicules des représentations des acteurs qu’ils soient organisateurs, pratiquants et consommateurs. Une relecture historique de l’essor du skateboard permet d’avoir une approche plus nuancée et complexe des liens entre pratique et institutionnalisation.

On s’intéresse à la construction du discours qui a fait du skateboard une pratique de ’marginaux’, structurée médiatiquement et académiquement autour de la valeur de l’authenticité. On envisage donc l’institutionnalisation dans une perspective qui tient compte du temps et de l’espace simultanément (Pereira, 2019) et ce, selon les trois axes identifiés ci-dessus : sportification, médiatisation et marchandisation. Pour cela, nous nous sommes focalisés sur les premières années de la diffusion de la pratique (des années 1960 aux années 1980). Comme l’ont indiqué Machemehl et al. (2019), les discours sur l’authenticité apparaissent à la fin des années 1980, lors de la démocratisation de la pratique, c’est-à-dire quand elle commence à se pratiquer dans la rue et que la communauté prenant conscience d’elle-même, s’organise pour accéder à des équipements. C’est à ce moment-là que, parmi les skateurs, certains vont revendiquer une pratique ’authentique’ face à l’essor de la discipline. En effet, comme le note Donnelly, les années 1990 correspondent à une période où la vague de popularité du skateboard a atteint son paroxysme (2008 : 197). Or, les chercheur·es se sont focalisé·es sur l’histoire du skateboard à partir de cette décennie. Cela aboutit à une histoire partielle et partiale du système sportif, culturel et économique du skateboard, et microsociologique qui voit l’institutionnalisation comme l’opposé de la résistance, soit un processus négatif (Donnelly, 2008 ; Snyder, 2011).

Le skateboard et la recherche académique : structuration et impasses

Un des traits saillants de la recherche académique autour du skateboard se trouve dans la production de travaux entre culture sportive et urbaine. Dans le premier cas, on trouve des travaux qui le lient au mouvement ’alternatif’ sportif [4]. Dans le deuxième cas, les chercheur·es vont le lier aux sociabilités urbaines, à la jeunesse avec une perspective du ’droit à la ville’ (Borden, 2015 ; Pereira, 2019) ou encore à des mouvements culturels comme le punk (Humphreys, 1997). Les deux approches font néanmoins de l’institutionnalisation un sujet central, équivoque dans ses formes.

Le deuxième élément que l’on peut noter concernant la recherche sur le skateboard est que, comme l’a montré Donnelly (2008), celle-ci s’est largement appuyée sur les résultats d’une seule ethnographie, celle réalisée par Becky Beal dans les années 1990 dans le Colorado (auprès d’une quarantaine de jeunes skateurs blancs). Ce groupe de skateurs est devenu juge de l’authenticité du skateboard : seuls les anciens comprennent la culture skateboard, les « rats » (’conformistes’) sont dénigré·es autant par les skateurs ’authentiques’ que par la recherche scientifique. En effet, cette dernière, en investissant et donnant la parole aux ’authentiques’, a conduit à produire une image d’une culture homogène tant au niveau de ses pratiquant·es que de ses valeurs. À ce propos, Lombard (2010) parle de surinvestissement académique sur le thème de la résistance à la commercialisation : tout se passe comme si l’histoire du skateboard telle qu’elle est écrite, dite et diffusée par les skateur·euses, médias mais aussi les chercheur·es niait l’existence d’un fait plus massif de pratiquant·es dont témoigne l’absence d’intérêt pour le rôle des entreprises spécialisées, de la presse ou simplement les projets de comptabilisation des pratiquant·es. Une « histoire populaire » au sens de Noiriel ou Zancarini-Fournel permettrait probablement une meilleure compréhension du skateboard et des enjeux liés à son développement.

Premiers résultats chronologiques

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Figure 3 : Chronologie de dates clés de l’institutionnalisation du skateboard.

Le premier élément déductible de cette chronologie est qu’une partie de la pratique du skateboard s’est certes institutionnalisée, puisqu’elle a connu une structuration fonctionnelle et normalisatrice, ainsi que la création d’institutions sportives. En outre, les Jeux Olympiques représentent le modèle sportif dominant par excellence, marquant le stade final de maturation d’une discipline sportive (Ellmer et Rynne, 2019), entraînant l’accès à des fonds monétaires offrant le développement. Pourtant, l’inscription du skateboard aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 en dit plus sur l’évolution des Jeux Olympiques (volonté de promouvoir une audience plus jeune) que sur la pratique du skateboard en elle-même. L’entrée aux Jeux Olympiques a nécessité que le skateboard se structure autour d’une institution internationale reconnue par le comité olympique (World Skate), mais la chronologie révèle que les logiques de compétition, de codification et de normalisation n’étaient pas complètement étrangères au skateboard. En ce sens, il n’est pas possible de considérer que la pratique est complètement à la marge, ni même qu’elle le fut. Au-delà des compétitions qui légitiment le skateboard comme activité qualifiée [5], et l’implication ancienne des sponsors comme Pepsi, l’existence de ressources dédiées à la promotion du skateboard comme activité sportive (Camp Woodward, Eurocana) va dans le sens d’un processus de sportification relativement ancien. Ainsi, comme le suggère Brandão (2008), le skateboard n’a pas seulement été coopté par l’univers sportif, la pratique s’est également construite une identité sportive avec un système de compétitions, de classements et d’entraînements que permet en France par exemple le ralliement à la fédération de surf en 1977. Il est d’autant plus paradoxal que les compétitions soient devenues anti-éthiques lorsque l’on voit les impacts de celles-ci non seulement sur l’accroissement de la pratique mais aussi sur la structuration du skateboard. Ainsi, la compétition qui se déroule en 1975 à Del Mar est connue pour avoir défini ce que pouvait être le skateboard (introduction de nouveaux ’tricks’ par les Z-boys [6], un des team [7] les plus célèbres de l’histoire du skateboard). Cependant, on peut noter un décalage entre le niveau local, où la pratique peut être rejetée voire interdite (car n’étant pas un sport ’moderne’) et le niveau international où le skateboard bénéficie d’une valorisation médiatique au sein du ’nouveau’ monde du sport, celui alternatif (car n’accédant pas à la légitimité au sein du mouvement sportif et des États qui subventionnent et soutiennent l’offre). Ainsi, le skateboard « pur » des années 1970 juxtapose déjà compétitions et « pseudo-résistance » (Rinehart, 2008 : 187) dont il est question dans l’image promue par les skateurs dans les médias de l’époque.

La médiatisation du skateboard débute avec l’émergence de la pratique. Dès 1965, le skateboard a trouvé une place dans la presse générale en faisant la une de Life Magazine ; l’année suivante Noël Black remporte à Cannes le Grand Prix du court métrage pour Skaterdater qui raconte les journées de sept skateurs. Life Magazine et le festival de Cannes pouvant être considérés comme des institutions culturelles dans leurs domaines respectifs, on voit que le skateboard y trouve dès le début une place de choix. La presse et la vidéo représentent en outre les deux principaux vecteurs de diffusion de la culture skate, comme pour d’autres sports alternatifs. La publication des magazines Trasher (1981) et Transworld magazine (1983) contribue à la renommée de certains noms du skate, alimentant un circuit de médiatisation-sponsoring-professionnalisation puisque certains skateurs, à l’image de ceux qui forment les Z-boys, commencent à vivre de leur activité. Dans les années 2000, la diffusion de vidéos via les réseaux sociaux renforce ce processus d’émergence de figures phares. La médiatisation prend également forme dans les liens que tissent déjà dans les années 1970 les acteurs de l’information avec le monde du skateboard, à l’image de la BBC qui organise en 1977 une compétition de skate à Londres.

Le mouvement de marchandisation prend également racine dès les années 1960 au début de la popularisation de la pratique avec l’ouverture des premiers magasins (Lombard, 2015 : 27) [8], et la production en série de planches, dont un brevet est déposé en 1963 par la marque Makaha Skateboard. C’est cette même marque qui organise la première compétition de skateboard tout en sponsorisant les skateurs en leur donnant des planches (Zarka, 2006 : 16). Celle-ci vend 20 000 planches par jour en 1965 (Zarka, 2006 : 18). Beal et Wheaton (2003) ont bien souligné que les sports ’alternatifs’ ont été produits au sein d’un contexte consumériste. Les processus de marchandisation font donc partie de la création de produit de consommation (vêtements, etc.). Ainsi, comme le note Dinces (2011), en même temps que fleurissent des « petits business », la frontière s’amenuise entre innovation et capitalisation de l’image rebelle du sport : la logique d’accumulation et celle de contre-culture fonctionnent en pair. La plupart des ’grands’ skateurs ont utilisé leurs noms pour fonder des marques de planches (Stacy Peralta ou Tony Alva), vêtements (Brad Dorfman avec la marque Vision Street Wear) ou pour promouvoir des biens culturels divers (jeu vidéo par Tony Hawk par exemple). Ces éléments vont dans le sens de la conclusion dressée par Edwards et Corte (2010) à propos de la commercialisation du BMX : celle-ci ne s’effectue pas en ’ruisselant’ des entreprises vers les pratiquant·es car ces dernier·es, en consommant, soutiennent le développement de leur pratique. Ils·elles jouent un rôle essentiel dans la production de matériels et permet des niveaux de production plus importants (jusqu’à atteindre le « mass market »). Les adeptes se situent ainsi à la croisée de plusieurs rôles sociaux entre consommateur·trice (y compris de médias) et pratiquant·e, et jouent donc un rôle actif dans la commercialisation.

Enfin, l’analyse chronologique révèle une convergence des processus de sportification, de marchandisation et de médiatisation. Phénomènes distincts au début de la diffusion de la pratique, à partir des années 1980 on assiste à un resserrement des liens entre les différents mouvements. À titre d’exemple, le fait que Trasher et Transworld magazine soient détenus par les principaux fabricants de trucks [9] du marché (Independant pour l’un et Tracker de l’autre ; Zarka, 2006) révèle les liens entre médiatisation et marchandisation. De même, l’analyse sémiotique telle qu’elle a été réalisée par Ryu (2005) révèle une ressemblance forte entre les publicités et les illustrations (syntaxe, photographies), faisant de la publicité un élément de central de la culture skate, véhiculant et marchandisant ce qui est ’cool’ : la publicité devient le diffuseur de la pratique et de la consommation du skateboard. D’autre part, la multiplication d’événements annuels qui mêlent compétitions et spectacles à l’image des X Games et du Vans Wraped Tour aux États-Unis (1995) ou du Festival International des Sports Extrêmes (1997) à Montpellier va dans le sens d’une imbrication des logiques sportives, marchandes et médiatiques. Ainsi, selon Rinehart (2008), la chaîne américaine ESPN qui supporte les X-Games a réussi un tour de force en créant une atmosphère ’authentique’ bien que commercialisée. Les X-Games, synthétisant les dynamiques de sportification, de médiatisation et de marchandisation du skateboard, peuvent apparaître néanmoins authentiques par les pratiquant·es et spectateurs·trices, illustrant la nature complexe et multi-acteurs des processus d’institutionnalisation.

 Conclusion et perspectives analytiques

L’objectif de cet article était de proposer un cadre conceptuel pour saisir le phénomène d’institutionnalisation des sports ’alternatifs’ (via une revue littéraire argumentée) et, dans un deuxième temps, d’illustrer son application par le biais du skateboard (via un premier travail de dépouillement d’archives). L’article peut être lu comme un propos introductif à un travail de thèse dans lequel il s’agissait de conceptualiser, sous forme d’un modèle explicatif, les dynamiques de l’institutionnalisation (c’est-à-dire ’l’instituant’) avant de saisir les formes prises dans le cas du skateboard (’l’institué’). Le cadre conceptuel produit, permettant d’investir le cycle de vie d’une pratique sportive ’alternative’, s’est accompagné d’une première exploration de sources documentaires, en nous invitant à étudier le phénomène dans toute sa complexité.

Grâce à une analyse de concepts, nous nous sommes d’abord intéressés à la structuration académique de la recherche des pratiques ’alternatives’. Cela nous a permis de définir les contours de l’objet de recherche mais aussi de montrer que les notions de pratique alternative ou d’institutionnalisation sont rarement interrogées, définies et mobilisées comme des concepts explicatifs. C’est pourquoi en seconde partie, nous avons proposé un modèle d’institutionnalisation qui vise à réinvestir l’hétérogénéité du champ sportif ’alternatif’, en tenant compte de la diversité de la pratique (acteurs, lieux, etc.). En nous basant sur une revue littéraire, nous proposons de nouvelles façons d’envisager de futurs travaux et justifions le projet de relecture historique de l’institutionnalisation de pratiques sportives alternatives focalisé sur les acteurs et leurs intentions, au travers de trois axes : la marchandisation, la médiatisation et la sportification. De futurs travaux pourraient questionner les effets de l’institutionnalisation sur la transformation de la discipline étudiée d’un point de vue social (les pratiquants), technique (de l’artisanat à l’industrie), culturel [10] ou encore géographique (offre spatiale). En dernière partie, nous avons montré que pour le cas du skateboard le concept d’institutionnalisation ne fait que ’révéler’ des phénomènes s’inscrivant dans le temps long de l’évolution de la pratique (présence dans les médias ’mainstream’, compétitions, etc.). La chronologie effectuée grâce au recueil de premières données a montré que l’espace ludo-sportif produit par l’institutionnalisation était bien hétérogène et complexe, et qu’il était nécessaire de questionner le fait de désigner le skateboard, dès le départ, comme pratique ’alternative’.

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Notes

[1] Rinehart, 1998 ; Wheaton, 2004 ; Honea, 2013 ; Lebeau, Sides, 2014.

[2] East, 2002 ; Rinehart, Sydnor, 2003 ; Wheaton, 2003.

[3] Traduit par les auteur·es : « the process wherby non-instinctual modes of behaviour become standardized […] whithin a given population ».

[4] Brandão, 2008 ; Batuev, Robinson, 2018 ; Book, Svanborg, 2020

[5] La première compétition a eu lieu en 1963 aux États-Unis et en 1965 en France.

[6] Zephyr Skate Team. Groupe légendaire de skateurs californiens sponsorisés par le magasin Zephyr et considérés comme les précurseurs de la discipline de la vert’ (verticale) en skateboard.

[7] Le mot team, au masculin, renvoie au regroupement de plusieurs skateurs sponsorisés par la même marque, et non à une équipe comme le voudrait la traduction.

[8] Val Surf à Los Angeles est le premier à ouvrir en 1962

[9] Les trucks sont les essieux métalliques pivotants qui servent de liaison entre la planche et les roues.

[10] Voir par exemple la pratique de l’escalade à Téhéran (Boutroy, 2009).

Articles connexes :



-Poles alternatifs. Faire de la pole dance un sport sans effacer son identité ; une institutionnalisation en tension, par Potvain Marie

-Vin et terroir(s) : une identité entre mythe et réalité, par Collet-Parizot Anne

-« Retrouver le soleil des vacances ». Valoriser l’authenticité dans la vente de vin italien en vrac, par Giordano Denis

Pour citer l'article


Laigroz Louise, Machemehl Charly, Roult Romain, « Pour une relecture historique des dynamiques d’institutionnalisation de sports « alternatifs » : l’exemple du skateboard », dans revue ¿ Interrogations ?, N° 35 - De la création à la contestation : délimiter les sports alternatifs, décembre 2022 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/Pour-une-relecture-historique-des (Consulté le 23 avril 2024).



ISSN électronique : 1778-3747

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