Souvent on aborde les questions liées à la précarité selon le rapport à l’emploi et à sa réorganisation du “fordisme” au “post-fordiste”. Depuis vingt ans, les analyses ont en effet privilégié la manière dont les statuts salariaux et les modes d’accès à l’emploi se sont peu à peu transformés sous l’impact des transformations organisationnelles et des stratégies managériales.
Parallèlement à cette approche, de nombreux travaux ont exploré les changements vécus par les salariés dans leur rapport au travail, mettant en lumière une dégradation contrastée des conditions de travail et une hausse de la pression productive.
Plus rares en revanche sont les approches ayant tenté de faire dialoguer les deux approches pour en montrer le caractère dynamique et interdépendant : rompant avec la dimension anthropologique de la précarité, une approche en termes de précarisation salariale cherche à remettre en perspective les transformations inédites réorganisant simultanément les rapports sociaux de l’emploi et du travail. Apparaît alors une nouvelle mise en forme de gouvernementalité des classes populaires, au sein de laquelle la souffrance sociale constitue un dispositif de réorganisation des rapports de pouvoir.
Mots-clés : classes populaires, genre, gouvernementalité, précarisation salariale, souffrance sociale.
How précarisation salariale and social sufferance has transformed governmentability of the working class
The question of precariousness is often addressed in terms of link to work and its reorganization following “fordism” and “post-fordism”. For the past 20 years, analyses have focused on how workers status and access to work evolved as a consequence of organizational transformations and managerial strategies.
In addition to this approach, other works explored the changes experienced by salaried workers in their relation to work, shedding light on the worsening of working conditions and the increase of productivity pressure.
However, approaches were rare that composed with these two angles to show how they happen to be dynamic and interdependent : breaking free from the anthropological dimension of precariousness, an approach in terms of précarisation salariale provides some perspective on new transformations that simultaneously reorganize employment and work social relations. A new governmentability of the working class thus appears in which social sufferance is used to reorganize power relations.
Keywords : gender, governmentability, précarisation salariale, social sufferance, working class.
Fréquemment, les questions de précarité sont abordées sous l’angle de la réorganisation du rapport à l’emploi “post-fordiste [1]”. Parallèlement à cette optique, des travaux ont exploré les changements vécus par les salariés dans leur rapport au travail, mettant notamment en lumière une dégradation contrastée des conditions de travail et une hausse de la pression productive [2].
De manière à tirer parti des acquis de ces approches, des recherches ont cherché à appréhender l’ensemble de ces processus, pour en souligner le caractère dynamique et interdépendant. L’approche en termes de précarisation sociale (dont nous n’envisagerons ici que la dimension salariale) s’attache ainsi à remettre en perspective les transformations inédites réorganisant simultanément rapports sociaux de l’emploi et du travail dans un sens particulièrement négatif pour de nombreux individus [3].
Cet article cherchera à développer l’hypothèse selon laquelle la souffrance sociale accompagnant les processus de précarisation salariale constitue un dispositif de réorganisation des rapports de pouvoir dans la configuration particulière ouverte au milieu des années 1970. En nous inspirant des réflexions de Foucault [4], nous montrerons que les modalités de déploiement et de reproduction de la souffrance sociale renseignent la gouvernementalité actuelle des classes populaires, définie dans un premier temps comme le mode étatique de régulation pratique et symbolique des conduites de la population – entendue ici dans sa dimension laborieuse.
Pour ce faire, nous verrons d’abord que la souffrance accompagne les processus de précarisation salariale dans un mouvement qui conduit à en accroître fortement la prégnance, bien que cette présence massive demeure diffuse : l’existence d’un déni important du phénomène et une prise en charge collective insuffisante de ses conditions de déploiement et de ses effets en facilitent la perpétuation. Dans un second temps, nous analyserons ce qui, dans la façon de prendre en compte la souffrance sociale, permet d’expliquer en quoi la gouvernementalité enregistre un retournement dans son principe organisateur antérieur.
Nous utilisons ici des données qualitatives issues de quatre terrains empiriques étudiés entre 2000 et 2005 pour notre thèse (chômeurs en formation professionnelle à l’AFPA, chômeurs dans une association d’insertion lorraine, salariés aux qualifications pas ou peu reconnues – salons de coiffure franciliens, PME picarde du secteur métallurgique), qui visait à analyser les effets paradoxaux des dispositifs collectifs destinés à lutter contre la précarisation salariale des classes populaires.
Parallèlement au travail de contextualisation destiné à préciser chaque configuration analysée, nous avons mené une quarantaine d’entretiens semi-directifs cherchant à rendre compte du rapport au travail et à l’emploi des personnes rencontrées, toutes confrontées à des dispositifs publics censés lutter contre les processus de précarisation.
Durant nos différentes enquêtes, nous avons noté l’existence d’une souffrance importante parmi les membres des classes populaires engagés dans les processus de transformations sociales du régime salarial, comme l’avaient relevé, chacun dans son domaine et selon une approche spécifique, Bourdieu et Dejours par exemple [5]. Sans pouvoir détailler ici ces enquêtes, attachons-nous à montrer que la souffrance accompagne les processus de précarisation salariale de deux manières différentes [6].
En premier lieu, la souffrance découle directement des processus de précarisation. Du point de vue de l’emploi, les enquêtes qualitatives montrent ainsi depuis longtemps que le vécu du chômage constitue une « épreuve de milieu » difficile à affronter pour de nombreux individus, touchés à la fois dans leurs conditions de vie et dans leur dignité [7]. La multiplication des sous-statuts de l’emploi, dérivés de l’emploi ou de solidarité [8], a entraîné des processus de redéfinition des hiérarchisations au bas de l’échelle sociale produisant des effets similaires [9]. Ce remodelage de la structuration sociale, découlant de l’accentuation d’une lutte des places sur les “marchés” du travail et de sa gestion publique corollaire, a vu les femmes, les jeunes et les individus racisés particulièrement déstabilisés. Déni de reconnaissance, sentiment de relégation et d’inutilité, expérience du déclassement alimentent ainsi la souffrance en introduisant un hiatus important entre perception de soi et normes sociales de réussite attendues.
Sur le plan des rapports de production maintenant, les enquêtes montrent une tendance à la hausse de la pression productive sur les salariés (aggravant souvent la dégradation statutaire), conjointe à une dégradation sensible des conditions de travail [10]. Ainsi, entre 1994 et 2003 l’accentuation de la pression provient à la fois de la demande de la clientèle, de contrôles informatisés ou de la dépendance vis-à-vis des collègues. Cela est surtout marqué pour les ouvriers [11]. Par ailleurs, les données concernant les maladies professionnelles révèlent des tendances inquiétantes pour les classes populaires [12].
Si en matière d’accidents de travail, les évolutions semblent indiquer un léger mieux (en fréquence et en gravité), les données européennes indiquent qu’ils restent inversement proportionnels à la taille de l’entreprise, et que, si les contraintes au travail se sont accentuées entre 1990 et 1996 dans toutes les entreprises, les petites sont davantage concernées pour le travail en position pénible, le port de charges lourdes et les mouvements répétitifs [13]. Les PME, dont on connaît le poids numérique dans la sous-traitance en cascade (forme organisationnelle caractéristique de la précarisation productive depuis deux décennies), concentrent donc les risques physiques les plus importants [14].
Ainsi, que l’on envisage les rapports sociaux de production ou de l’emploi, les membres fragilisés des classes populaires affrontent des situations de pression physique et psychique découlant d’une modification substantielle de l’équilibre des tensions entre groupes sociaux, sans que les dispositifs mis en place n’offrent de réelles ressources à opposer à ces processus.
Mais la souffrance ne constitue pas qu’un effet des processus de précarisation salariale. Elle en devient un vecteur involontaire de perpétuation du fait des tactiques de défense mises en place par les individus pour s’en protéger.
La première de ces défenses renvoie au silence et au déni. Certes la souffrance peut se percevoir dans les mimiques, au détour d’une phrase (« le mardi, je revis » nous a dit Michèle, une participante à l’atelier d’écriture lorrain, pour souligner l’impact positif de sa participation hebdomadaire au travail collectif), ou encore dans le corps (les visages marqués, voire le corps “handicapé”). Mais elle ne s’exprime guère de manière directe, sous la forme d’une plainte systématique.
Une marque de cette indicible souffrance apparaît par exemple dans un questionnaire que nous avions fait remplir au cours d’un entretien semi-directif à des stagiaires de l’AFPA, et à qui nous demandions ce que représentait le travail (tableau 1). Si l’on en croit les réponses fournies, le travail ne représenterait pas de souffrance. Mais est-ce si simple ?
On peut en effet penser que pour des individus privés d’emploi le travail constitue un horizon positif dont est banni, dans un premier temps, ce qui peut y faire souffrir, d’autant plus lorsque l’on suit une formation qualifiante laissant présager une intégration dans un domaine “choisi”. La question se voit donc interprétée par les stagiaires sur un mode idéal [15].
Tableau 1 : Représentations du rapport au travail (14 stagiaires AFPA – plusieurs réponses possibles)
Dimension instrumentale |
---|
Moyen de subsistance : 5 (femmes)/7 (hommes) = 12 |
Dimension sociale |
Reconnaissance sociale : 3 (femmes)/3 (hommes) = 6 |
Dimension symbolique |
Développement de ses capacités personnelles : 3 (femmes)/5 (hommes) = 8 |
Vocation : 3 (femmes)/1 (homme) = 4 |
Devoir moral : 1 (femme)/1 (homme) = 2 |
Souffrance : 0 |
Ensuite, l’existence de l’expression d’une forte dimension symbolique du travail bloque vraisemblablement la reconnaissance, dans un même mouvement, d’une souffrance. Ainsi, dans son questionnaire Boris, jeune stagiaire en mécanique automobile, affirme que le travail représente un devoir moral ; consciemment, il peut donc être difficile d’émettre une plainte dans le même temps : la valeur travail, profondément intériorisée chez ce fils de petits indépendants, risquerait de s’en voir bousculée. Ici, les dispositions incorporées contribuent au blocage de l’émergence d’une plainte consciente, même si, dans un contexte différent les critiques existent : ce qui est alors critiqué n’est pas le travail mais un travail donné (comme cet autre jeune stagiaire qui décrit par le menu un poste de travail où il finit la main en sang à force d’efforts musculaires répétés) ; la souffrance découlant d’une configuration spécifique, les individus n’en montent pas ses principes agissants en généralité.
La dernière explication complète la précédente. Si l’on s’accorde avec le constat de Christophe Dejours – la souffrance comme dimension existentielle banale car largement répandue dans le monde social en même temps que déniée –, on peut dire que la souffrance s’incorpore de telle sorte qu’il devient problématique de la désigner comme telle, systématiquement (par exemple en la nommant dans le questionnaire), et il reste pour la percevoir de “simples” bribes de récits exemplifiant des choses difficiles que l’on se refuse de (re)connaître à nouveau [16]. La réflexion de Jacqueline, stagiaire assistante de vie quadragénaire, nous semble à cet égard particulièrement éclairante :
« Ça peut être aussi une souffrance, aussi quand on n’en a pas, on est en dehors de la société. On travaille quand même par obligation pour nourrir ses enfants, mais on peut souffrir aussi dans un travail qu’on aime bien… la personne aide-soignante qui fait pas son travail, qu’est en train de souffrir, elle a appris quelque chose et elle fait pas du tout ce qu’elle a appris, c’est une souffrance pour les personnes… »
Malgré la verbalisation de cette souffrance potentielle (et vécue par Jacqueline, lors de son retrait contraint du « marché » du travail, et de ses expériences dans le monde des maisons de retraite, où « on ne fait pas du tout ce qu’on a appris »), le questionnaire est restée vierge à ce niveau, pour n’enregistrer qu’un positionnement relatif au travail parfaitement connu parmi les membres des classes populaires : reconnaissance sociale, moyen de subsistance et développement des capacités personnelles. Le travail est potentiellement vecteur de souffrance, mais il doit surtout être porteur d’un sens positif, sinon à quoi bon continuer de le rechercher ? Et dans ce cas précis, il représente justement la porte de sortie à une souffrance trop longtemps tue (« quand on n’en a pas »).
Dejours a systématisé cela en mettant en relation la souffrance vécue au travail et celle vécue par les chômeurs, silencieuses et fortement déniées. Selon lui, la tolérance à la souffrance s’est construite en deux phases : d’abord, le refus délibéré d’une action collective pour l’affronter, au motif que s’occuper de la souffrance revenait à prendre la conséquence pour la cause, et à faire preuve de sensiblerie (la disposition masculine viriliste n’étant pas étrangère à cela). Si les forces syndicales ne peuvent pas être tenues pour seules comptables de cette situation, leur part de responsabilité dans la perpétuation de ce phénomène ne peut être éludée [17]. La fragmentation des classes populaires sous différents statuts, découlant des choix effectués par les pouvoirs publics et les politiques managériales, a débouché, comme nous le rappelions plus haut, sur une division des salariés en strates hiérarchiques plus ou moins déconsidérées. Le rejet des intérimaires par les structures syndicales ne constitue pas le moindre indice de cette division [18]. L’acceptation du chômage des femmes non plus [19]. Or, cette attitude a conduit à l’intériorisation d’une part importante des salariés précarisés d’une distance avec ces structures professionnelles.
La seconde phase explicative de cette tolérance a été la honte de rendre publique la souffrance provoquée par les techniques managériales modernes, alors qu’elle était jusqu’alors déniée, ce qui revenait à admettre ouvertement l’erreur du diagnostic initial [20]. De sorte qu’un retard a été pris à la fois en amont de la situation, en dépit des discussions menées dans certaines parties de l’espace social [21], mais également dans les formes alternatives possibles de prises en compte des effets les plus déstabilisants [22].
Précarisation salariale et souffrance physique et psychique voient donc leurs dynamiques renforcées en fonction des liens interdépendants qui les unissent. Reste à comprendre en quoi la gouvernementalité des classes populaires s’en trouve profondément modifiée. Pour cela, un retour préalable aux analyses de Foucault s’impose.
Pour le philosophe, l’art de gouverner a évolué à partir du 18 siècle quand l’appareil statistique d’État, s’organisant au sein de l’économie politique, « découvre et montre peu à peu que la population a ses régularité propres [23] », régularités qu’il convient de gérer le plus efficacement possible (prévoir, accompagner et diriger la conduite des individus dans un sens favorable aux appareils d’État possesseurs de ces savoirs spécifiques) à partir d’un triangle souveraineté-discipline-gestion gouvernementale. Et de fait, parmi les trois sens qu’il donne à la gouvernementalité, Foucault distingue « l’ensemble constitué par les institutions, les procédures, analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui permettent d’exercer cette forme bien spécifique, bien que complexe, de pouvoir, qui a pour cible principale la population, pour forme majeure de savoir, l’économie politique, pour instrument technique essentiel les dispositifs de sécurité [24]. »
On sait que le philosophe a traité bien souvent de la question du gouvernement des conduites des classes laborieuses potentiellement porteuses de danger pour les classes dominantes. Foucault montre ainsi que l’une des manières de résoudre les contradictions de la société libérale (la tension entre égalité juridique – individu abstrait – et inégalité réelle – individu social) a été de créer un espace de socialisation réglant ces conduites, de manière à ce que tous se pensent, par-delà ce qui les séparent, comme membres d’une entité commune [25]. Dans ce cadre, les dispositifs déployés entre les 18 et 20ee siècles par les institutions socialisatrices ont progressivement délaissé l’idée d’une responsabilité individuelle dans la “gestion des risques existentiels”, au profit d’une responsabilité sociale [26].
Si les populations populaires demeurent la cible privilégiée des dispositifs de l’État de gouvernement, de profonds changements ont modifié les dynamiques étudiées par Foucault sur deux points cruciaux : la question de la commune appartenance et le caractère social de la responsabilité dans la gestion des risques existentiels.
Si l’on suit les analyses de Castel, bien que la société salariale doive être envisagée comme une société de semblables différents (continuum de positions différenciées), du fait de l’autonomie ouverte par l’existence de supports collectifs développés [27], les processus de précarisation ont entraîné un hiatus dans la manière de percevoir ces différences et ses rapports à autrui : nos recherches ont ainsi montré qu’avaient émergés de façon durable parmi des individus précarisés des processus de mise à distance destinés à lutter contre la souffrance consécutive au déni de respect véhiculé par de nombreux dispositifs sociaux dont dépendent ces individus stigmatisés (parce que “dépassés”, “profiteurs”, “paresseux”, etc.) [28]. Ce mode individuel de lutte contre la souffrance conduit à effacer la nature sociale des dynamiques de stigmatisation et à renforcer en retour une perception atomisée de la société qui freine le déploiement de mouvements collectifs.
D’accord en cela avec Dejours, nous pensons que cette situation s’explique en grande partie par la peur alimentée par les mécanismes de réorganisation capitaliste [29]. Celle-ci provoque quatre effets interdépendants : une hausse de la souffrance ; une baisse de la mobilisation collective ; le chacun pour soi (accompagnée parfois de la critique récurrente d’une baisse de la solidarité entre individus) ; un déni de la souffrance d’autrui et un silence sur la sienne propre renforcés.
La prise en compte de la peur dans le schème analytique s’avère pertinente puisque la souffrance psychique est d’autant plus forte que l’on ne peut contester publiquement l’« ordre des choses » pour dénoncer la souffrance sociale, sauf à courir le risque d’être mis au ban des semblables, puis subir ce que Freud appelle la perte d’amour [30]. Cela revient à affronter sa propre conscience morale : dans la perspective freudienne, contester l’« ordre des choses » conduit en effet à opérer un retour transgressif vis-à-vis de l’obstacle principal à la prédisposition humaine à l’agression/agressivité, i.e. les œuvres humaines accumulées durant l’Histoire (la « culture »). Retour au conflit qui n’est pas sans inquiéter : plusieurs de nos interviewées ont ainsi insisté sur leur incompréhension et leur réticence face aux mouvements collectifs.
Là encore, les dispositifs de modelage des dispositions pratiques ne sont pas sans effets sur ce mouvement de retrait : le harcèlement contre les “éléments perturbateurs” que représentent souvent les salariés militants ou sympathisants syndicaux dans l’imaginaire patronal ne constitue qu’un exemple paradigmatique d’une tendance diffuse à la stigmatisation publique des comportements “irresponsables”. La civilité et la docilité sont non seulement valorisées dans certaines sphères (comme les emplois de service par exemple), mais parfois enseignées aux futurs salariés (c’est le cas dans la formation professionnelle de la coiffure).
Aussi, sans trancher sur la position anthropologique de Freud (dont on perçoit immédiatement le caractère normatif – puisque l’« ordre des choses », c’est-à-dire l’équilibre donné des rapports sociaux, se voit légitimé dans sa qualité de « digue civilisationnelle »), on peut cependant le suivre sur un point : la vie en collectivité requiert un refoulement pulsionnel nécessitant un apprentissage particulier (d’où sa variabilité socio-historique). Il faut toutefois lui opposer la critique d’Elias, selon laquelle structuration des pulsions et formation des fonctions de maîtrise de soi doivent être non pas simplement entendues comme subordonnées à la relation père/mère/enfant, mais envisagées dans le cadre plus large des processus collectifs de l’existence [31] : progressivement, l’intériorisation des contraintes, et sa part autocontrainte croissante, confère une maîtrise de soi compatible avec les attentes sociales, que les rapports sociaux viennent en permanence réactualiser. Dès lors, une transgression de l’« ordre des choses » revient à accepter d’exprimer des pulsions agressives envers autrui, dans un contexte sociopolitique où les idées de mérite et de réussite individuels véhiculent précisément l’image pacifiée d’une société ouverte et responsabilisante. Retourner contre les autres ses propres “faiblesses” conduit donc à s’infliger la souffrance psychique supplémentaire d’offrir au regard social sa part de souffrance sociale, dont les individus cherchent justement à éviter l’évocation, pour ne pas accroître leur souffrance psychique. La contestation étant difficile, reste ainsi une souffrance individuelle sur laquelle les dispositifs publics peuvent jouer dans un sens de renforcement ou de soulagement.
Bien évidemment, la peur n’explique pas à elle seule cette situation : la baisse de mobilisation trouve notamment l’une de ses explications dans le reflux de l’imaginaire politique, et la difficulté à imaginer et reconstruire des collectifs actifs autour d’une vision utopique de ce que pourrait être une société différente. Une explication mono-causale reviendrait à occulter les processus de socialisation politique encourageant ou restreignant l’incorporation de dispositions à la lutte collective [32]. Or, parmi les individus précarisés ces processus sont globalement de faible intensité, et l’on observe essentiellement ce que Schwartz a appelé une fermeture privative par insularité [33], forme de sociabilité défensive qui renoue, dans une configuration différente, avec la forme de repli sur soi repérée dans les années 1930 à Marienthal : dans les deux cas, on note une baisse importante de l’activité sociale et politique des chômeurs et des salariés précarisés, à mesure que diminuent leurs droits sociaux et la reconnaissance sociale qui les accompagne [34].
Cette perte de substance matérielle et symbolique atteint alors l’autonomie des individus dans ce qui la fonde, puisque celle-ci nécessite la reconnaissance collective réciproque d’une capacité à créer de la norme et du sens, qui se trouve le plus souvent niée de la part des pouvoirs publics lorsque les dispositifs sociaux ressemblent davantage à de la charité publique qu’à de véritables droits-créances [35].
De fait, ces tactiques individuelles qui permettent de résister à la souffrance, et qui pallient l’absence de prise en charge collective à la hauteur du phénomène, contribuent à l’intériorisation des nouvelles normes salariales en vigueur.
De nos développements précédents découle l’idée que la souffrance (indissociablement psychique et physique) se trouve interpénétrée de causes multiples, tandis que l’anthropologie attire l’attention sur le fait que son organisation et sa perception dépendent de chaque société, au sein de groupes sociaux différenciés [36].
De fait, nous nous inscrivons dans la continuité de Freud lorsqu’il examinait la genèse sociale de la souffrance psychique. Certes, à la différence du psychanalyste viennois nous insistons sur la configuration productive et ses implications incarnées pour des individus précarisés. Mais n’oublions pas que la période durant laquelle Freud mena ses réflexions était elle aussi marquée par de profondes déstabilisations socioéconomiques et politiques. Et s’il n’a guère travaillé cette question en étudiant la manière dont les groupes sociaux forment une médiation particulière dans le ressenti des phénomènes sociaux, des études comme celle de Marienthal ont tenté de prendre en compte cette dimension du problème.
En dépit de cette limite théorique, l’approche de Freud mérite attention, car elle éclaire de manière particulièrement fine les processus dont nous avons rendu compte. Selon le psychanalyste, la souffrance psychique provient de trois sources principales : d’abord du monde extérieur – sous sa forme naturelle. Ensuite, et ce point nous intéresse tout particulièrement, cette souffrance émane du corps, lorsqu’il est atteint d’une affliction ou du simple fait du vieillissement, autant de dimensions dépendant étroitement de la place occupée par les individus dans les rapports sociaux, et de la manière dont leurs groupes d’appartenance ont de vivre cette expérience. Enfin, la souffrance provient des relations à autrui et de leur mode de régulation collective (État, famille, école…) [37].
Or, le caractère social de la souffrance se voit actuellement contourné, pour lui opposer une explication compatible avec la nouvelle gouvernementalité des classes populaires. En effet, sous l’aiguillon de la responsabilisation des individus dans la prise en charge de leur “destin”, se dégage une tendance croissante à psychologiser [i] les faits sociaux et les modes d’intervention sur les “écarts à la norme”. Cela est particulièrement vrai pour la question de l’employabilité des chômeurs et des salariés [38], dont les difficultés d’intégration professionnelle peuvent être rabattues sur des traits de personnalité inadéquats avec le « marché » du travail (paresse, manque de motivation, etc.), et pour lesquels on mobilise des outils de redynamisation personnalisés (à l’exemple du PAP) [39].
Cette gestion publique fragmentée des individus précarisés en autant de dimensions administratives à prendre en compte conduit à l’incarnation individualisée de la souffrance plutôt qu’à l’émergence d’une plainte verbalisée permettant de lui donner un sens collectif, comme Marie Pezé l’analyse dans le cas de la prise en charge des troubles musculo-squelettiques par la médecine du travail [40]. Cet enfermement dans des relations éclatées et spécialisées renforce en retour les injonctions morales à la responsabilité individuelle déjà adressées aux individus précarisés.
La souffrance sociale constitue un dispositif de réorganisation des rapports de pouvoir, puisque ses modalités de déploiement et de reproduction agissent directement dans la gouvernementalité des classes populaires (obligeant y compris les membres de ces dernières à modifier leurs formes de luttes pour y faire face), en accompagnement le renversement du processus de responsabilisation engagé tout au long de la période 18/20ee siècle.
Si ce processus se révèle une tendance longue dans l’organisation des rapports sociaux, se pose la question de sa gestion pulsionnelle. Norbert Elias a en effet montré que le processus d’autocontrainte pulsionnelle (notamment la répression de l’agressivité) s’est accompagné d’une hausse de la sensibilité à la souffrance et à la violence, du fait de la reconnaissance progressive d’autrui comme un semblable différent, c’est-à-dire d’un accroissement du degré d’identification mutuelle intra et intergroupes [41]. Si la souffrance devait devenir habituelle, banale et envisagée sur un plan purement individuel, ne risque-t-on pas d’assister à l’intériorisation progressive d’une insensibilité croissante et, par voie de conséquence, à un relâchement des autocontraintes pulsionnelles ? Si tel était le cas, ne devrait-on pas alors s’attendre à un accroissement des situations de luttes violentes des groupes dominants envers les groupes dominés (dans un déni de reconnaissance d’une commune et égale humanité) et vraisemblablement parmi les groupes dominés (dans un regain de lutte pour les places) ? De ce point de vue, il est fort possible que l’on se trouve face à un hiatus entre la souffrance vécue comme une « épreuve de milieu » et la souffrance comme « enjeu collectif de structure sociale », pour reprendre la distinction opérée dans les années cinquante par Wright Mills [42].
[1] J.-C. Barbier, « La précarité, une catégorie française à l’épreuve de la comparaison internationale », Revue française de sociologie, 46-2, 2005, pp.351-371.
[2] C. Dejours, L’évaluation du travail à l’épreuve du réel. Critique des fondements de l’évaluation, Paris, INRA éditions, 2003 ; J. Bué, T. Coutrot et I. Puech (coord.), Conditions de travail : les enseignements de vingt ans d’enquêtes, Toulouse, Octares, 2004.
[3] B. Appay et A. Thébaud-Mony (dir.), Précarisation sociale, travail et santé, Paris, Institut de recherche sur les sociétés contemporaines (IRESCO), 1997 ; B. Appay, La dictature du succès : le paradoxe de l’autonomie contrôlée et de la précarisation, Paris, L’Harmattan, 2005.
[4] M. Foucault, « La “gouvernementalité” », in Dits et écrits II, 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001, pp.635-657.
[5] P. Bourdieu (dir.), La misère du monde, Paris, Seuil, 1993 ; C. Dejours, Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale, Paris, Seuil, 1998.
[6] S. Le Lay, Autonomie individuelle et précarisation. Dispositifs publics et souffrance sociale en classes populaires, Thèse de sociologie, Saint-Denis, Université Paris VIII, 2004 ; S. Le Lay, « Santé, sécurité et conditions de travail dans les PME. Le cas français », Rapport thématique in SMALL. Representation and Voice in Small and Medium Sized European Enterprises (contrat n° HPSE-CT-2002-00152), 2005.
[7] M. Jahoda, P. F. Lazarsfeld et H. Zeisel, Les chômeurs de Marienthal, Paris, Éditions de Minuit, 1981 ; D. Demazière, La sociologie du chômage, La Découverte & Syros, Paris, 1995.
[8] D. Schnapper, « Rapport à l’emploi, protection sociale et statuts sociaux », Revue française de sociologie, 30-1, 1989, pp.3-29.
[9] P. Cours-Salies et S. Le Lay (dir.), Le bas de l’échelle. Constructions sociales des situations subalternes, Ramonville Saint-Agne, Erès, 2006.
[10] L’exploitation de l’enquête Conditions de travail 2005 indique ainsi qu’après deux décennies d’intensification du travail les choses se sont globalement stabilisées depuis 1998, sauf en ce qui concerne les ouvriers. Cf. J. Bué, T. Coutrot, S. Hamon-Cholet et L. Vinck, « Conditions de travail : une pause dans l’intensification du travail », Premières synthèses, n°01.2, janvier 2007.
[11] B. Arnaudo, I. Magaud-Camus, N. Sandret, T. Coutrot, M.-C. Floury, N. Guignon, S. Hamon-Cholet, D. Waltisperger, « L’exposition aux risques et aux pénibilités du travail de 1994 à 2003. Premiers résultats de l’enquête SUMER 2003 », Premières Synthèses, n°52.1, décembre 2004. Notons qu’en contrepartie les salariés estiment avoir davantage de marges de manœuvre, notamment en matière de délais (41% déclarent pouvoir les faire fluctuer) et de règlements d’incidents (57% disent pouvoir régler seuls les incidents survenant au cours de leur travail).
[12] La mortalité différentielle existant entre groupes professionnels constitue la marque ultime de conditions de travail particulièrement défavorables aux classes populaires, notamment ouvrières. Lire A. Leclerc, D. Fassin, H. Grandjean, M. Kaminski et T. Lang (dir.), Les inégalités sociales de santé, Paris, INSERM/La Découverte, 2000.
[13] Inrs, « 2e Conférence européenne pour la promotion de la santé au travail », Documents pour le médecin du travail, n°88, 4e trimestre 2001, p.407. Cette enquête contredit directement la position de la Commission des communautés européennes, « Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil , au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à la mise en œuvre pratique des dispositions des directives de la santé et la sécurité au travail n°89/391 (directive-cadre), 89/654 (lieux de travail), 89/655 (équipements de travail), 89/656 (équipements de protection individuelle), 90/269 (manutention manuelle de charges) et 90/270 (équipements à écran de visualisation) », COM (2004) 62 final, Bruxelles.
[14] A. Thébaud-Mony, Travailler peut nuire gravement à votre santé, Paris, La Découverte, 2007, pp.83-123.
[15] Il n’est pas impossible qu’une confusion existe entre emploi (ce à quoi il permet d’aspirer) et travail (son déroulement).
[16] C. Dejours, Souffrance en France…, op. cit. Dans un registre plus restreint (la souffrance morale liée au harcèlement), lire M.-F. Hirigoyen, Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien, Paris, Éditions La Découverte & Syros, 1998.
[17] J.-M. Pernot, Syndicats : lendemains de crise ?, Paris, Gallimard, 2005.
[18] M. Pialoux et S. Beaud, « Permanents et temporaires », in P. Bourdieu (dir.), La misère…, op. cit., pp.317-329.
[19] T. Torns, « Chômage et tolérance sociale à l’exclusion : le cas de l’Espagne », in M. Maruani (dir.), Les nouvelles frontières de l’inégalité. Hommes et femmes sur le marché du travail, Paris, La Découverte et Syros, 1998, pp.213-224.
[20] C. Dejours, Souffrance en France…, op. cit. pp.45-51.
[21] Association Santé et médecine du travail, Des médecins du travail prennent la parole. Un métier en débat, Paris, La Découverte et Syros, 1998 ; S. Crouzet et N. Daucé (coord.), Des passeurs hors du commun. Souffrance et troubles chez les agents de l’ANPE, Paris, Syllepse, 2001.
[22] À cet égard, on peut considérer que Dejours fait un peu rapidement l’impasse sur l’action possible de mouvements collectifs aptes à mettre en avant la souffrance des individus pour en transformer le ressenti, voire les causes, et en politiser le contenu. Mais cette remarque, si elle réduit le caractère spectaculaire de la démonstration de l’auteur (en introduisant des aspérités dans le raisonnement général), n’invalide pas pour autant son cadre d’analyse. Dans le cadre productif, on note en effet une recrudescence de la conflictualité lorsque la situation socioéconomique s’améliore pour les salariés (J.-M. Pernot, « Les conflits sociaux en 2000 : confirmation d’une tendance », in R. Mouriaux (dir.), Année sociale 2001, Paris, Syllepse, 2001, pp.133-140), période de rapports de forces moins favorables au patronat, c’est-à-dire aux moments mêmes où la souffrance tend à se stabiliser (moins de pression, plus de reconnaissance donc plus de volonté de se défendre). Dès que la situation se tend à nouveau, et que les protections salariales collectives sont remises en cause au nom de la lutte pour la compétitivité, la conflictualité reflue, ainsi que l’expression de sa souffrance et la reconnaissance de celle d’autrui.
[23] M. Foucault, « La “gouvernementalité” », art. cit., p.651.
[24] Idem, p.655.
[25] C. Gauthier, « À propos du “gouvernement des conduites” chez Foucault : quelques pistes de lecture », in Curapp, La gouvernabilité, Paris, PUF, 1996.
[26] F. Ewald, Histoire de l’État-providence, Paris, Grasset, 1996 ; R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995.
[27] R. Castel et C. Haroche, Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi. Entretiens sur la construction de l’individu moderne, Paris, Fayard, 2001.
[28] S. Le Lay, Autonomie individuelle…, op. cit., chapitre 8.
[29] Nous envisageons la peur comme phénomène sociopsychique, c’est-à-dire comme sentiment ressenti et mis en forme individuellement, dans une configuration et selon des procédures éminemment sociales. Lire J. Delumeau, La Peur en Occident. XIVe-XVIIIe siècles, une citée assiégée, Paris, Fayard, 1978.
[30] S. Freud, Le malaise dans la culture, Paris, PUF, 1998.
[31] N. Elias et J. L. Scotson, Logiques de l’exclusion. Enquête sociologique au cœur des problèmes d’une communauté, Paris, Fayard, 1997, pp.72-74.
[32] A. Percheron, La socialisation politique, Paris, Armand Colin, 1993.
[33] O. Schwartz, Le monde privé des ouvriers. Hommes et femmes du Nord, Paris, PUF, 1990.
[34] Dans son étude longitudinale avec une famille populaire, Annick Madec nous dresse un portrait très précis des implications matérielles et symboliques d’une telle situation, où les femmes prennent à bras-le-corps la gestion quotidienne de la précarisation, tout en réussissant à mettre en place des tactiques susceptibles de dépasser les limites objectives les plus insupportables, en mobilisant par exemple les possibilités offertes par les pouvoirs publics de s’investir dans des formes associatives de quartier, avec les désillusions et aléas inhérents à ces activités sociales. A. Madec, Chronique familiale en quartier impopulaire, Paris, La Découverte et Syros, 2002. Dans ces cadres collectifs préservés, la dignité des individus est indéniablement sauvegardée. Toutefois, la souffrance subsiste, ne serait-ce que dans les efforts sans cesse recommencés pour apporter la contradiction aux préjugés communément admis (les « pauvres » incapables de s’occuper d’eux-mêmes, les parents résignés face à leurs enfants, etc.).
[35] R. Sennett, Respect. De la dignité de l’homme dans un monde d’inégalité, Paris, Albin Michel, 2003.
[36] M. Douglas, Comment pensent les institutions, Paris, La Découverte/MAUSS, 1999.
[37] S. Freud, Le malaise…, op. cit., p.19.
[i] « Quand les sociologues parlent de “psychologisation”, que veulent-ils désigner ? […] Soit c’est la réalité sociale elle-même qui changerait, notamment le rapport de l’individu aux grands déterminismes sociaux, et, dans ce cas, il faudrait adapter nos concepts à ce changement de texture que connaîtrait le social. Soit c’est la manière de traiter la réalité qui changerait, car on aurait (trop) tendance à prendre, conceptuellement et/ou pratiquement, comme des questions psychologiques, des situations qui, au fond, resteraient fondamentalement des problèmes sociaux “classiques”, socio-historiques », L. Demailly, « La “psychologisation” des rapports sociaux comme thématique sociologique », Acte des journées d’études Y a-t-il psychologisation de l’intervention sociale ?, GRACC-Université Lille 3, 14-15 octobre 2005. Ici, c’est bien sur le second aspect de la question que nous voulons insister.
[38] Y. Benarrosh, « Tri des chômeurs : le nécessaire consensus des acteurs de l’emploi », Travail et emploi, n°81, janvier 2000, pp.9-26
[39] Rappelons que les chômeurs appartiennent massivement aux classes populaires, dont les membres furent les premiers concernés (au profit des cadres) par les arbitrages financiers de ces dernières années en matière d’indemnisation et de formation. C. Daniel, « L’indemnisation du chômage depuis 1979, différenciation des droits, éclatement des statuts », Revue de l’IRES, n°29, hiver 1998-1999, pp.5-28.
[40] M. Pezé, « Le geste de travail, entre sublimation et somatisation », Document de travail, 2002.
[41] N. Elias, La civilisation des mœurs, Paris, Fayard, 1973.
[42] C. Wright Mills, L’imagination sociologique, Paris, La Découverte, 2006 (1ère édition 1959).
Le Lay Stéphane, « Précarisation salariale et souffrance sociale : une transformation de la gouvernementalité des classes populaires », dans revue ¿ Interrogations ?, N°4. Formes et figures de la précarité, juin 2007 [en ligne], https://www.revue-interrogations.org/Precarisation-salariale-et (Consulté le 6 décembre 2024).